La Chine et l’Occident: ennemis jurés ou alliés prospères?

 Une confrontation directe entre les États-Unis et la Chine serait apocalyptique (AFP).
Une confrontation directe entre les États-Unis et la Chine serait apocalyptique (AFP).
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Publié le Mardi 30 mai 2023

La Chine et l’Occident: ennemis jurés ou alliés prospères?

La Chine et l’Occident: ennemis jurés ou alliés prospères?
  • Si Pékin a l’intention de mener une invasion armée pour réintégrer Taïwan dans la Chine et si Washington envisage sérieusement une action militaire pour empêcher cela, la confrontation ne sera plus qu’une question de temps
  • Le récent sommet du G7 a cherché à adopter une approche intermédiaire de «réduction des risques», selon laquelle les entreprises occidentales ne se désengageraient pas complètement de la Chine

L’accord négocié par la Chine en mars pour rétablir les relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran a pris la planète entière au dépourvu – non seulement en raison des répercussions sur les réalignements au Moyen-Orient mais aussi du fait du rôle de médiateur évident de Pékin. Des pays comme les États-Unis étaient à peine conscients de l’ampleur de ce qui se jouait. C’était un signal sans équivoque que la Chine avait définitivement émergé comme une puissance mondiale diplomatique, avec des ambitions claires de réaliser des avancées bien plus décisives.

Il fut un temps où la Chine semblait à peine avoir une politique étrangère allant au-delà des vagues déclarations sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres. L’initiative «La ceinture et la route» a profondément changé la stratégie chinoise, grâce à des investissements considérables dans les infrastructures au sein de multiples États asiatiques et africains. Alors que de nombreux pays en développement ont énormément bénéficié des routes, des ports, des ponts et des voies ferrées conçus par la Chine, le revers de la médaille est que des États lourdement endettés comme le Pakistan, le Sri Lanka et l’Angola se sont retrouvés enfermés dans le carcan de la domination chinoise.

En Afghanistan, les diplomates chinois ont exploité le retrait de l’Occident pour devenir l’un des rares États à s’engager systématiquement auprès des talibans. La Chine a également accepté d’investir 400 milliards de dollars (1 dollar = 0,93 euro) dans l’économie iranienne en échange de pétrole iranien à prix fortement réduit – l’un des nombreux facteurs qui ont poussé les intérêts de Téhéran, Moscou et Pékin à s’entremêler de plus en plus étroitement. La coopération économique et politique entre Pékin et les États arabes du Golfe a prospéré, la Chine devenant désormais le plus grand marché d’exportation de l’Arabie saoudite.

La Chine, une puissance économique

La Chine est une puissance économique inégalée. Au cours des dernières décennies, les dirigeants chinois ont impitoyablement eu tendance à donner la priorité à une expansion économique rapide par-dessus tout, créant chaque année des millions d’emplois pour de très nombreux jeunes diplômés des écoles et des universités. En une décennie seulement, le revenu moyen des ménages chinois a augmenté de 400%.

Mais avec la suppression des limites constitutionnelles des mandats présidentiels et le début du troisième mandat, les prédilections autoritaires de Xi Jinping pour la sécurité sont incontestablement passées au premier plan. Avec des politiques qui ont eu un effet dissuasif sur les relations commerciales internationales, comme les mesures punitives contre certaines entreprises étrangères, le risque pour les dirigeants chinois est que le ralentissement économique qui en résulte puisse alimenter un mécontentement important au sein de sa population.

Le conflit en Ukraine a tiré la sonnette d’alarme, indiquant que les invasions étrangères majeures ou les affrontements mondiaux entre superpuissances n’étaient pas seulement une relique du XXe siècle. Cette prise de conscience a dramatiquement incité les États de l’Otan à réévaluer leur sécurité collective – mettant particulièrement en lumière les défis auxquels fait face la Chine, qui a un PIB dix fois plus élevé et une population dix fois plus importante que la Russie.

«Les États-Unis et leurs alliés doivent améliorer leur jeu diplomatique pour relever tous les défis entre l’Orient et l’Occident, d’autant plus que, contrairement à l’Iran, à la Corée du Nord et peut-être même à la Russie, la Chine est trop grande et trop importante pour être simplement contenue ou mise à l’écart» 

Baria Alamuddin

En effet, compte tenu de la relation unique qu’entretient Pékin avec Vladimir Poutine, nous pourrions voir la Chine jouer à nouveau le rôle de pacificateur sans trop tarder. La balle est dans le camp de Xi Jinping. Voudra-t-il être perçu comme un belliciste et un autocrate, ou plutôt comme un champion de la paix, de la stabilité et de la prospérité à l’échelle mondiale?

Alors que la politique étrangère américaine sous Donald Trump puis Joe Biden est devenue inexorablement plus hostile envers la Chine, les États européens se sont montrés plus contradictoires – souhaitant donner la priorité au commerce sans pour autant faire entièrement fi des violations flagrantes des droits de l’homme et des défis stratégiques. Les États musulmans cherchant à s’aligner davantage sur Pékin ont également eu du mal à contrer les abus systématiques contre des millions d’Ouïghours.

La confrontation armée entre l’Occident et la Chine est-elle inévitable? Tout le monde espère que non, mais un nombre extraordinaire de situations litigieuses opposent les deux blocs, dont la plus incendiaire est Taïwan. Si Pékin a l’intention de mener une invasion armée pour réintégrer Taïwan dans la Chine, comme l’indiquent nombre de ses déclarations publiques, et si Washington envisage sérieusement une action militaire pour empêcher cela, alors il s’agit simplement de savoir quand la confrontation se produira et quelle sera sa portée.

Le récent sommet du G7 a cherché à adopter une approche intermédiaire de «réduction des risques», selon laquelle les entreprises occidentales ne se désengageraient pas complètement de la Chine, mais réduiraient le risque d’être prises entre les feux croisés de futurs scénarios d’escalade et limiteraient la vente d’équipements sensibles.

L’une des raisons pour lesquelles la Russie doit être définitivement vaincue en Ukraine est que des dirigeants comme Xi devraient finalement examiner les décisions prises par Poutine et se dire: «Je ne veux pas que cela m’arrive.» Tout comme l’invasion de l’Irak en 2003 a été un désastre absolu, l’invasion de l’Ukraine devrait laisser une blessure suffisamment grande dans la psyché mondiale pour qu’aucun dirigeant n’envisage une autre guerre d’agression de ce type avant au moins un autre siècle. Une confrontation directe entre les États-Unis et la Chine serait apocalyptique.

La Chine, John Kerry et la dépendance au charbon

De tels scénarios devraient être un signal d’alarme pour les dirigeants en Chine, aux États-Unis et ailleurs. Nous sommes tous mieux lotis lorsque ce nouvel environnement international multilatéral est régi par un système strict de règles contraignantes, dans lequel les dirigeants sont tenus de se comporter de manière responsable et où tous ceux qui violent leurs obligations seront sévèrement sanctionnés.

La Chine et les États-Unis ont été enfermés dans une mentalité de jeu à somme nulle, alors qu’en réalité, il s’agit du contraire: le commerce entre eux a explosé ces deux dernières décennies depuis que la Chine a rejoint l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La Chine est désormais le troisième marché d’exportation des États-Unis et le commerce total de marchandises entre les deux pays grimpe à près de 700 milliards de dollars en 2022  malgré toute les intimidations économiques!

Si les deux parties peuvent mettre de côté la surenchère et les petites différences, alors la planète entière prospérera. L’envoyé américain pour le climat, John Kerry, doit s’entretenir avec la Chine sur des questions comme la réduction de la dépendance mondiale au charbon et la réduction du méthane. C’est un rappel essentiel de la nécessité pour les superpuissances de coopérer afin de garantir la survie même de la planète.

Cependant, Pékin doit aussi comprendre que pour être une puissance de classe mondiale, il faudrait donner l’exemple et accorder aux peuples de Hong Kong, du Tibet, du Xinjiang et de Taïwan la dignité et les droits qui permettront à la Chine de prendre la place qui lui revient comme force mondiale qu’on pourrait admirer et prendre pour exemple.

Baria Alamuddin est une journaliste primée et une présentatrice au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. C’est la rédactrice en chef du syndicat des services de médias. Elle a déjà interviewé un grand nombre de chefs d’État.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com