Soudan: Face au conflit, le patrimoine culturel du pays en péril

Le riche patrimoine culturel du Soudan risque de subir des dommages irréparables (Photo fournie).
Le riche patrimoine culturel du Soudan risque de subir des dommages irréparables (Photo fournie).
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Publié le Mardi 06 juin 2023

Soudan: Face au conflit, le patrimoine culturel du pays en péril

  • Des archives d'une valeur inestimable ont déjà été ravagées par le feu et le pillage depuis le début du conflit, le 15 avril
  • Les experts craignent que des objets couvrant les six mille ans d'histoire du Soudan ne subissent le même sort que les antiquités syriennes

JUBA, Sud Soudan : Le riche patrimoine culturel du Soudan risque de subir des dommages irréparables en raison du conflit qui fait rage depuis plus d'un mois, les musées n'étant pas suffisamment protégés contre les pillards et les actes de vandalisme.

Les affrontements ont provoqué des souffrances et une misère généralisées, détruit les infrastructures et les biens, et déclenché une situation d'urgence humanitaire. Cependant, les deux factions en conflit, les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces paramilitaires de soutien rapide (FSR), continuent d'ignorer les appels au dialogue lancés par la communauté internationale.

Dernier fait inquiétant en date, des combattants des FSR ont pris le contrôle du musée national du Soudan dans la capitale, Khartoum, vendredi. Bien qu'ils aient assuré qu'aucun mal n'avait été fait et que des mesures avaient été prises pour protéger les objets, y compris des momies anciennes, il n'y a aucun moyen de vérifier ces affirmations.

Le musée abrite une collection variée de statues, de poteries, de peintures murales anciennes et d'objets datant de l'âge de pierre ainsi que des périodes chrétienne et islamique.

Un crâne d'éléphant exposé au Musée national d'histoire du Soudan (Photo fournie).

Le conflit a d'abord éclaté à Khartoum, mais s'est rapidement étendu à d'autres provinces et villes, faisant de nombreuses victimes. De nombreux accords de cessez-le-feu ont été annoncés et rapidement rompus. Près d'un million de personnes ont été déplacées.

Alors que les diplomates s'efforcent de ramener les belligérants à la table des négociations et que les agences d'aide déploient des moyens pour venir en aide aux personnes dans le besoin, les sites patrimoniaux et les collections anciennes du Soudan ne sont guère protégés contre le vol et la destruction.

«Le musée national du Soudan est devenu un champ de bataille», a déclaré à Arab News Khaled Albaih, caricaturiste politique soudanais et militant des droits civiques.

De la fumée s'élève dans le sud de Khartoum le 29 mai 2023, alors que les combats se poursuivent entre deux généraux rivaux au Soudan (Photo, AFP).

L'emplacement du musée – à proximité du siège des FAS à Khartoum – le rendait à la fois vulnérable aux dommages accidentels et difficile pour les responsables de garder ses collections.

«Le danger est d'autant plus grand que toute personne se trouvant à proximité des locaux est exposé à un danger immédiat, comme l'a tragiquement montré la mort par balle d'un étudiant universitaire», a déclaré Albaih

«Vandalisme»

Fondé en 1971, le musée est le plus grand du Soudan. Il abrite une vaste collection d'objets nubiens datant de plusieurs milliers d'années. Il offre un compte rendu complet de l'histoire captivante du Soudan, du paléolithique au néolithique, en passant par la culture Kerma et la Makourie médiévale.

Outre le musée national, le musée du palais présidentiel, qui retrace l'histoire moderne du Soudan, le musée ethnographique, créé en 1956 pour célébrer la diversité ethnique du pays, et le musée d'histoire naturelle du Soudan sont également menacés.

Sara A. K. Said, directrice du musée d'histoire naturelle, a récemment attiré l'attention du monde entier, via Twitter, sur le fait que les «musées soudanais sont désormais dépourvus de gardiens pour les protéger du pillage et du vandalisme».

Elle s'est particulièrement inquiétée du bien-être des animaux vivants conservés dans les collections du musée, qui comprennent plusieurs espèces de reptiles, d'oiseaux, de mammifères, de serpents et de scorpions à des fins de recherche, et qui sont maintenant confrontés à la négligence et à la famine.

L'entrée des combattants des FAS dans le musée national du Soudan a eu lieu quelques jours seulement après qu'un bâtiment situé à Omdurman, au nord-ouest de Khartoum, et abritant des archives comprenant des documents inestimables sur le passé colonial du Soudan, a été ravagé par le feu et les pillards.

Abritant quelque 200 pyramides – presque deux fois plus qu'en Égypte – et le légendaire royaume de Kush, le Soudan est l'un des réservoirs les plus précieux de la culture et de la civilisation humaines.

Si la communauté internationale ne fait pas pression sur les parties belligérantes pour qu'elles garantissent la préservation des artefacts historiques, les experts craignent que le conflit non maîtrisé n'efface six mille ans d'histoire soudanaise, en écho aux destructions subies par la Syrie au cours de la dernière décennie.

La guerre civile et l'insurrection concomitante de Daech ont dévasté des sites du patrimoine antique dans toute la Syrie, notamment les ruines monumentales de Palmyre et une grande partie du centre historique d'Alep. De nombreux objets pillés par les militants se sont retrouvés sur le marché noir.

Un photographe tenant sa photo du Temple de Bel prise le 14 mars 2014 devant les vestiges du temple historique après sa destruction par le groupe Daech en septembre 2015 dans la ville antique syrienne de Palmyre (Photo, AFP).

Christopher A. Marinello, avocat renommé pour son travail inlassable de récupération d'œuvres d'art pillées, a déclaré à Arab News que «les pilleurs déterrent des objets pour les vendre rapidement afin de survivre, souvent à une fraction de leur valeur réelle».

«Ces objets sont acheminés vers des pays tels que la Libye et la Turquie avant d'atteindre l'Occident», a-t-il déclaré, ajoutant que ce commerce illicite pourrait exacerber les problèmes de sécurité, car le produit de ces ventes pourrait finir par financer le terrorisme international.

Les agences internationales ont mis en place plusieurs mécanismes destinés à prévenir la destruction du patrimoine en temps de guerre.

«Avant tout conflit, il est essentiel de procéder à la documentation et au catalogage des sites culturels, en veillant à ce que des registres appropriés soient tenus», a déclaré à Arab News Bastien Varoutsikos, directeur du développement stratégique à la Fondation Aliph, un réseau qui se consacre à la protection du patrimoine culturel dans les zones de conflit.

La Fondation Aliph participe activement à divers projets au Soudan depuis 2020, protégeant notamment le site de Méroé, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, contre la menace des crues du Nil et des activités humaines.

FAITS RAPIDES

  • Les musées du Soudan risquent de subit des dommages irréparables, avertissent les autorités.
  • Les archives d’Omdurman ont déjà été ravagées par le feu et le pillage.
  • Les experts affirment que la mémoire collective, l’identité et l’histoire doivent être sauvegardées.

Le projet de musées communautaires du Soudan occidental, financé par Aliph, se concentre quant à lui sur l'engagement des communautés et la création de musées célébrant le patrimoine unique de la région.

L'agence a également mis en œuvre des programmes de renforcement des capacités dans tout le Soudan afin d'offrir une formation professionnelle en matière de protection du patrimoine, y compris l'utilisation de méthodes de préservation numérique pour aider à sauvegarder les sites.

Anwar Sabik, responsable des projets sur le terrain au Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels, a souligné la nécessité «de maintenir les professionnels expérimentés travaillant sur le patrimoine culturel à proximité de ces trésors inestimables, non seulement pour prévenir les dommages matériels, mais aussi pour préserver les connaissances et l'expertise du Soudan».

Histoire en péril

Depuis 2018, l'agence va au-delà du rôle traditionnel des musées en apportant une dimension communautaire.

«L'objectif a été de transformer les musées en pôles dynamiques où les gens peuvent se rassembler, célébrer leur patrimoine culturel immatériel et favoriser le sens de la communauté», a déclaré Sabik à Arab News.

Aujourd'hui, alors que la violence au Soudan ne montre aucun signe d'apaisement, tout ce travail pourrait être menacé.

Un homme visite le musée ethnographique Khalifa House à Omdurman, la ville jumelle de la capitale du Soudan, le 18 janvier 2022 (Photo, AFP).

Sans une protection et une préservation adéquates, le conflit menace d'effacer non seulement les artefacts matériels, mais aussi le tissu immatériel de la société soudanaise. Les pratiques traditionnelles, les coutumes et les histoires orales transmises de génération en génération pourraient disparaître à jamais.

«La disparition de ces ressources inestimables infligerait une perte irréparable au Soudan et au monde entier», a déclaré Sabik. «Le Soudan en a peut-être déjà perdu une partie en raison des déplacements massifs de population.»

Selon Varoutsikos, bien que des rapports sur des musées et des sites archéologiques non protégés aient fait surface, les cas documentés de pillage restent, heureusement, limités.

«En période de conflit, il est difficile de confirmer les pillages sans preuves concrètes», a-t-il déclaré à Arab News.

Selon Varoutsikos, pour lutter contre le marché illicite des biens culturels, les gouvernements doivent mettre en œuvre des mesures strictes qui empêchent ces objets acquis illégalement de trouver des débouchés.

«Les décideurs de chaque pays jouent un rôle crucial dans l'adoption et l'application de ces mesures», a-t-il déclaré. Une vigilance accrue de la part des douanes et des services répressifs du monde entier est l'une de ces mesures.

Toutefois, «il est difficile de déterminer la demande sur le marché noir, en particulier au Moyen-Orient, en raison de l'abondance d'objets de valeur qui suscitent l'intérêt», a déclaré Varoutsikos.

Musée national d'histoire du Soudan (Photo fournie).

La situation est d'autant plus complexe que les objets pillés sont souvent stockés pendant de longues périodes avant d'être vendus afin d'éviter d'attirer l'attention. La prudence est également de mise sur le marché en raison de la prévalence des contrefaçons, qui touchent aussi bien les vendeurs que les acheteurs.

La façon dont les belligérants et la communauté internationale choisissent de répondre à ces appels à l'action pourrait déterminer le type de société qui émergera lorsque la paix reviendra enfin : une société unie par son patrimoine commun ou une société déchirée.

«Les musées du Soudan et les objets inestimables qu'ils abritent ne sont pas seulement le reflet du passé», a précisé Varoutsikos. «Ils ont le pouvoir de façonner l'avenir.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: quatre accusés condamnés à mort pour l'assassinat de l'opposant Belaïd en 2013

L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
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  • Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha
  • Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité

TUNIS: Quatre accusés jugés en Tunisie pour l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd en 2013 ont été condamnés à mort, dans le tout premier verdict prononcé mercredi dans cette affaire qui avait secoué le pays et provoqué une grave crise politique.

Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha, à l'époque au pouvoir en Tunisie.

Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité, a annoncé à l'aube sur la télévision nationale Aymen Chtiba, procureur général adjoint du pôle judiciaire antiterroriste.

"Justice a été rendue", a estimé le procureur, expliquant la longueur des délibérés, qui ont duré pendant près de 15 heures, par "la nature et le volume" du dossier.

Entouré de manifestants de gauche réunis comme chaque mercredi au centre de Tunis pour réclamer la vérité sur cette affaire, le frère de Chokri Belaïd, Abdelmajid, a salué auprès de l'AFP "une première bataille gagnée dans cette guerre", tout en promettant de poursuivre "sa lutte", notamment contre "la manipulation du dossier".

Les proches de Chokri Belaïd ont à de nombreuses reprises pointé du doigt Ennahdha, accusant notamment le mouvement de s'être montré "indulgent" envers le discours des islamistes extrémistes qui s'était développé à l'époque.

Quelques heures après le verdict, Zouhaier Ben Abdallah, procureur de la République près du tribunal de première instance de Tunis et responsable à ce titre du pôle judiciaire anti-terroriste, a été démis de ses fonctions, sans qu'aucune explication ne soit donnée, ont rapporté les médias.

Ennahdha a estimé dans un communiqué que les condamnations prononcées mercredi "prouvent (son) innocence". Le parti a dénoncé "une volonté de certains courants idéologiques et partis politiques de l'accuser à tort".

"Dans leur communiqué, ils affirment que les coupables ont été trouvés et que le dossier est clos mais ce n'est pas vrai", a rétorqué Abdelmajid Belaïd, assurant qu'il y aurait "bientôt un autre procès d'autres accusés qui étaient en relation directe avec Rached Ghannouchi", chef d'Ennahdha et principale figure de l'opposition, emprisonné depuis plus d'un an.

Moratoire 

Des peines de 2 à 120 ans d'emprisonnement ont aussi été prononcées contre d'autres inculpés tandis que cinq individus ont bénéficié d'un non-lieu.

Si la justice tunisienne prononce régulièrement des condamnations à la peine capitale, notamment dans des affaires de terrorisme, un moratoire est appliqué de facto depuis les dernières exécutions menées en octobre 1991 lorsque trois membres d'Ennahdha avaient été pendus sous le régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.

Des jihadistes ralliés au groupe Etat islamique (EI) avaient revendiqué l'assassinat de Chokri Belaïd ainsi que celui, six mois plus tard, du député Mohamed Brahmi, une autre figure de l'opposition de gauche.

Les autorités tunisiennes avaient annoncé en février 2014 la mort de Kamel Gadhgadhi, considéré comme le principal auteur de l'assassinat de Chokri Belaïd, pendant une opération antiterroriste.

Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi s'opposaient à la politique d'Ennahdha, qui a dominé le Parlement et le gouvernement après la révolution tunisienne de 2011 jusqu'à un coup de force de l'actuel président Kais Saied qui s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.

Les deux assassinats avaient constitué un tournant pour la Tunisie, berceau du Printemps arabe alors en pleine transition démocratique, en provoquant des manifestations et une crise politique au terme de laquelle Ennahdha avait dû céder le pouvoir à un gouvernement de technocrates en 2014.

En juin 2022, le président Kais Saied, qui considère l'assassinat des deux "martyrs" comme une cause nationale, avait ordonné la révocation de dizaines de magistrats soupçonnant certains d'avoir entravé l'enquête, faisant écho aux récriminations des familles et de la défense des deux opposants.

Ennahdha a toujours nié toute implication et après les assassinats, avait classé comme organisation terroriste le mouvement salafiste jihadiste Ansar al-Charia, toléré dans le pays depuis la chute de Ben Ali.

A l'époque, la Tunisie avait également connu un essor des groupes jihadistes avec des milliers d'islamistes partis combattre en Syrie, Irak et Libye.

Des attentats avaient également fait des dizaines de morts, dont près de 60 touristes tués en 2015 au musée du Bardo à Tunis et dans la station balnéaire de Sousse.


Israël: la conscription des ultra-orthodoxes secoue le gouvernement Netanyahu

Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
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  • Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord
  • La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes

JÉRUSALEM: Le gouvernement israélien est engagé jeudi dans une course contre la montre pour trouver un compromis et répondre à la Cour suprême sur la conscription des ultra-orthodoxes, un dossier épineux pour la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes, afin de respecter les lois sur l'égalité entre les citoyens, avait donné jusqu'à mercredi au gouvernement pour formuler une proposition détaillée de projet de loi.

En Israël, le service militaire est obligatoire, mais les juifs ultra-orthodoxes ("haredim" en hébreu) peuvent échapper à la conscription s'ils consacrent leur temps à étudier les textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée à la création de l'Etat d'Israël en 1948 et qui n'a jamais été changée depuis.

Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord en raison de l'opposition des partis ultra-orthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de conscription.

La demande du gouvernement de bénéficier de quelques heures supplémentaires, jusqu'à 12H00 GMT jeudi, pour remettre sa réponse à la Cour suprême, semble indiquer que les différentes parties cherchent à trouver un compromis.

La procureure générale Gali Baharav-Miara, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques et de le représenter devant les juridictions judiciaires, a jeté un pavé dans la mare mercredi soir en annonçant que le gouvernement aurait l'obligation de procéder à la conscription des ultra-orthodoxes à partir du 1er avril en raison d'un vide juridique.

Au moment où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza depuis bientôt six mois, cette exemption est de plus en plus critiquée au sein de la société, dont une partie estime que les juifs ultra-orthodoxes devraient comme les autres apporter leur contribution à la sécurité du pays et faire leur service militaire.

La coalition gouvernementale de M. Netanyahu repose largement sur l'alliance avec les deux grands partis ultra-orthodoxes, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, farouchement opposés à la conscription des haredim. Leur défection ferait tomber la coalition.

Défi d'un ministre 

En mai 2023, le gouvernement a voté pour les écoles talmudiques (yeshivot) un budget sans précédent de près d'un milliard d'euros (3,7 milliards de shekels).

Ces derniers avaient soutenu le projet controversé de réforme judiciaire de Benjamin Netanyahu en échange de son soutien à un projet de loi qui devait être discuté au Parlement avant la guerre sur la poursuite du report de la conscription pour les ultra-orthodoxes.

Mais fin février, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait défié son Premier ministre en annonçant une réforme du service militaire visant à inclure les haredim, et exigé que l'ensemble du gouvernement la soutienne.

Le service militaire (32 mois pour les hommes et deux ans pour les femmes) est obligatoire pour les jeunes israéliens mais la quasi-totalité des ultra-orthodoxes y échappe, grâce à un accord offrant aux jeunes hommes étudiant à plein temps dans des écoles talmudiques de reporter chaque année leur service militaire. Les jeunes femmes religieuses en sont elles automatiquement exemptées.

Depuis l'invalidation par la Cour suprême israélienne en 2012 de la loi Tal, permettant la tenue de cet accord, les exonérations se sont poursuivies, régies par des accords entre les gouvernements successifs et les partis ultra-orthodoxes.

Les ultra-orthodoxes représentent environ 14% de la population juive d'Israël, selon l'Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes.

Environ 66.000 hommes ultra-orthodoxes en âge de servir bénéficient de ce report, selon un chiffre de l'armée.

En 1948, ce report permettait à une élite de 400 jeunes de préserver le monde des études des textes sacrés en grande partie décimé pendant la Shoah.

La plupart des haredim réclament le maintien de cette exemption pour tous les étudiants, jugeant l'armée incompatible avec leurs valeurs.