En France, des «chambres de cultures» dédiées à la recherche des blés du futur

Cette photographie montre un champ de blé à Ossas-Suhare, dans le sud-ouest de la France, le 27 mai 2021. (Photo GAIZKA IROZ / AFP)
Cette photographie montre un champ de blé à Ossas-Suhare, dans le sud-ouest de la France, le 27 mai 2021. (Photo GAIZKA IROZ / AFP)
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Publié le Lundi 12 juin 2023

En France, des «chambres de cultures» dédiées à la recherche des blés du futur

  • Dans les champs d'essais avoisinant les serres, Bernard Duperrier teste la résistance des derniers descendants à des maladies comme la fusariose, causée par un champignon qui flétrit les tiges jusqu'aux épis
  • L'enjeu est important pour Limagrain, présent sur tous les maillons de la filière blé, de la production de semences jusqu'à la fabrication du pain (usines Jacquet)

CHAPPES: L'épi qu'il tient dans la main "a près de 10.000 ans": c'est l'ancêtre de notre blé tendre, encore cultivé dans les serres du groupe Limagrain, 4e semencier mondial, dans le centre de la France, où des chercheurs travaillent à la fabrication du champion qui résistera au changement climatique.

Bernard Duperrier tient délicatement la tige encore verte. Le sélectionneur, spécialiste du blé depuis 40 ans dont 20 passés chez le géant international, puise régulièrement dans les coffres-forts de graines du groupe, né au pied des volcans d'Auvergne.

Il cherche la bonne recette: celle qui donnera un blé résistant aux maladies et ravageurs, favorisés par des hivers de plus en plus doux, robuste face au manque d'eau et qui conservera ses qualités gustatives et nutritionnelles.

Il décrit la manoeuvre délicate du croisement qui consiste à d'abord "castrer les épis qui ont des organes mâle et femelle", puis à "attraper les étamines" d'une autre variété et "faire tomber le pollen" qu'elles contiennent sur l'épi à croiser.

Un blé venu du fond du néolithique

Il faut des centaines d'essais pour espérer une piste prometteuse.

Dans la serre dite du "tunnel" où sont cultivées des dizaines de variétés, au centre de recherche de Chappes (centre), Bernard Duperrier travaille sa collection de blés: il en existe des barbus, nains, verts ou tirant sur le bleu, durs pour faire de la semoule ou des pâtes, tendres pour le pain.

Comme dans une bibliothèque, y figurent de jeune essais à la destinée incertaine, des valeurs sûres entrées au patrimoine mondial agricole, comme les variétés Apache, Rouge barbu ou Poulard d'Australie, et des trésors vieux de 10.000 ans.

Au fond de la serre, s'épanouit un blé venu du fond du néolithique. "C'est l'un des ancêtres de notre blé", un petit épeautre ("triticum monococcum") né en Mésopotamie et qui par croisement avec d'autres graminées a donné le blé tendre, la céréale aujourd'hui la plus consommée au monde avec le riz, raconte le sélectionneur.

A Chappes, quelque 400 croisements sont réalisés chaque année. Elisabeth Chanliaud, directrice de la recherche chez Limagrain, explique ce processus de sélection, qui met "dix ans pour arriver au sacre du champion".

«Adapté au nord»

"On va rechercher un ancêtre du blé, le croiser avec une autre variété, générer environ 80.000 descendants. Le jeu consiste à éliminer 80% des descendants pour sélectionner les plus performants en matière de panification et les plus résilients. Puis on multiplie les descendants et on les évalue", poursuit-elle.

Pour aller plus vite, Limagrain a développé des "chambres de cultures", des serres où l'on accélère le processus en jouant sur les températures, les alternances de jour et nuit ou l'apport en eau. Les chercheurs ont aussi gagné du temps grâce au "marquage moléculaire", un étiquetage des gènes qui permet d'identifier les plus résistants et d'accélérer le tri.

"On obtient ainsi six générations de variétés en deux ans au lieu d'une par an", souligne Mme Chanliaud.

Dans les champs d'essais avoisinant les serres, Bernard Duperrier teste la résistance des derniers descendants à des maladies comme la fusariose, causée par un champignon qui flétrit les tiges jusqu'aux épis.

275 millions d'investissement dans la recherche

L'enjeu est important pour Limagrain, présent sur tous les maillons de la filière blé, de la production de semences jusqu'à la fabrication du pain (usines Jacquet).

En 2022, le groupe (2,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires) a réinvesti 275 millions dans la recherche et multiplie les partenariats avec des centres de recherche et instituts, dont l'Inrae en France, Embrapa au Brésil ou, récemment, la Banque de gènes du Ghana.

"Cette recherche est inscrite dans notre histoire", affirme le président du groupe Sébastien Vidal, lui-même agriculteur. "Ici on est coincés entre deux chaînes de montagnes, loin des ports céréaliers. Sortir nos grains coûtait plus cher alors on a misé sur la création de valeur".

Pour évaluer les différents systèmes d'exploitation (selon les rotations de culture, le travail du sol, l'apport en eau, engrais...) face au changement climatique, Limagrain vient de lancer "la matrice": 49 hectares où vont être testées pendant douze ans des grandes cultures. Parmi elles, dix variétés d'un blé qui aura "grandi dans le sud" et que le groupe espère voir demain "adapté au nord".


Après «Bloquons tout» et les promesses de «rupture», les syndicats dans la rue jeudi

"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
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  • Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi
  • Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme"

PARIS: "Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées.

Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi. "(Il) ne s'est engagé à rien du tout. Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", a-t-elle lancé.

Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme". Depuis vendredi, il reçoit les syndicats représentatifs - à l'exception de Frédéric Souillot (FO) qui souhaite le rencontrer après le 18. Mais ces derniers maintiennent leur appel à la mobilisation du 18, espérant peser de tout leur poids sur les futures orientations budgétaires.

CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires seront ainsi unis jeudi dans la rue, pour la première fois depuis le 6 juin 2023 - date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites.

Les mesures avancées cet été sont "d'une brutalité sans précédent", dénonçaient-ils fin août dans un communiqué commun, regrettant que l'ancien gouvernement choisisse "encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraité·es, les malades".

Ils pointent "des coupes dans les services publics, (...), une énième réforme de l'assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuel·les, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5ème semaine de congés payés…".

L'abandon de la suppression de deux jours fériés, unanimement décriée par le monde syndical, constitue "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a estimé Sophie Binet.

Même la CFDT, pourtant peu rompue aux cortèges syndicaux, maintient sa participation: vendredi, Marylise Léon a réaffirmé que son syndicat était "plus que jamais motivé pour aller dans la rue", à l'issue de son entrevue avec Sébastien Lecornu.

"Le budget tel qu'il a commencé à être construit n'est pas compatible avec la justice sociale, fiscale et environnementale donc il y a vraiment besoin de le revoir de fond en comble", a-t-elle estimé lundi sur France Inter.

Sur la durée ? 

Sur la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat, Mme Léon a pourtant apprécié que le Premier ministre dise être conscient de la nécessité de "faire quelque chose".

"Le budget, il va se décider dans la rue", insiste Mme Binet. Ainsi, "il faut faire une démonstration de force jeudi prochain et après", laissant entrevoir une mobilisation dans la durée.

Lundi, la CGT annonçait déjà plus de 220 manifestations, un chiffre encore amené à évoluer.

Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l'affluence du mouvement citoyen "Bloquons tout" - qui a rassemblé près de 200.000 personnes le 10 septembre selon le ministère de l'Intérieur, sans toutefois parvenir à paralyser le pays ? Les manifestants du 10, parfois méfiants vis-à-vis des syndicats, participeront-ils à cette nouvelle journée ?

Aucune inquiétude côté syndical: "Nous avons déjà d'excellents retours sur la mobilisation de jeudi", assure Frédéric Souillot (FO).

"Nous avons l'objectif d'avoir un million de personnes avec nous", avance de son côté Cyril Chabanier (CFTC).

"La colère sociale est toujours là", abonde Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

De leur côté, les autorités s'attendent à une mobilisation plus importante que le 10 septembre et craignent la présence de plusieurs centaines de manifestants radicaux dans des cortèges. Une cellule de crise sera ouverte dès mardi au ministère de l'Intérieur.

Après le 18, ce sera le tour des agriculteurs de la FNSEA, le 26 septembre, de mener "une grande journée d'actions" autour des échanges internationaux de produits agricoles.


Lecornu va mettre fin aux "avantages à vie" des ex-ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu concrétise une promesse phare pour réduire le « décalage » entre les élites politiques et la réalité des Français, dans un contexte de forte défiance envers sa nomination

PARIS: Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens de Matignon: les avantages octroyés aux ex-Premiers ministres seront "supprimés" dès 2026, a annoncé lundi Sébastien Lecornu, concrétisant l'une de ses premières promesses, très symbolique pour l'opinion.

Il n'est "pas concevable" que les anciens ministres "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a écrit le locataire de Matignon sur X, confirmant la mise en place de cette réforme dès le 1er janvier 2026.

"La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque. Tous les autres moyens mis à disposition des anciens Premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée", a expliqué M. Lecornu sur ce réseau social.

Sollicité par l'AFP, Matignon a expliqué que le gouvernement avait préparé une "instruction" à destination du Secrétariat général du gouvernement, en vue de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui avait déjà restreint les privilèges accordés aux anciens Premiers ministres.

Ces derniers peuvent actuellement se voir octroyer "sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile", à la charge de l'Etat. Ils peuvent aussi bénéficier d'un "agent pour leur secrétariat particulier" pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans.

Des avantages qui ne s'appliquent pas pour les "ex" de Matignon lorsque ces derniers disposent déjà de ces privilèges via leur mandat (parlementaire ou local) ou leur fonction publique.

- "Mettre fin aux derniers privilèges" -

Une autre instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

"On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l'État n'en font pas. La réforme, ce n'est pas toujours +pour les autres+, cela crée la suspicion", avait lancé Sébastien Lecornu dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale durant le week-end.

"Beaucoup de choses ont été réglées pour les anciens présidents de la République. Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges", avait-il encore promis, quelques jours seulement après sa prise de fonctions à Matignon, durant laquelle il s'était inquiété du "décalage" observé entre la vie politique et la vie "réelle" des Français.

Le Premier ministre, nommé mardi par Emmanuel Macron après la chute de François Bayrou, met ainsi en musique l'une de ses premières promesses, alors qu'il consulte en parallèle les forces politiques, syndicales et patronales en vue de former un gouvernement susceptible de survivre aux menaces de censure des oppositions.

Il doit aussi batailler contre une opinion publique très défiante vis-à-vis de sa nomination, même si les chiffres de confiance des Français à son égard varient selon les instituts de sondage.

Son prédécesseur, François Bayrou, avait déjà annoncé vouloir passer au crible ces privilèges ministériels: il avait confié fin août une mission à l'ex-député socialiste René Dosière pour identifier les "avantages indus, excessifs, inacceptables" dans un contexte de dérapage des finances publiques.

En réalité, l'économie à espérer de ces annonces est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards d'euros recherchées par les gouvernements successifs. Les privilèges accordés au titre du décret de 2019 (chauffeur, secrétariat, véhicule) ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat en 2024, selon le gouvernement.

Un montant auquel il faut ajouter les dépenses de protection policière, évaluées à 2,8 millions d'euros par an dans un rapport parlementaire de 2019.


L’histoire de Donia, arrivée de Gaza à Paris, le quotidien morbide des Gazaouis qui ne veulent que vivre

Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
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  • Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
  • Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable.

PARIS: Depuis le début de la guerre à Gaza, les récits qui parviennent à franchir les ruines et le silence imposé sont rares.
Derrière les chiffres et les bilans atones relayés par les médias, il y a des voix : celles de civils qui ont vu leur existence basculer en quelques heures.
Parmi elles, Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable. Donia témoigne de ce que signifie vivre la guerre : vivre avec la peur, la faim, fuir sous les bombes, errer d’un abri de fortune à un autre.
Marcher pour ne pas crever, marcher avec le seul souci de garder en vie ses deux enfants (une fille et un garçon) restés avec elle, les deux autres étant en Égypte.
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous.
Son récit, émouvant par-dessus tout, saccadé par de longs silences et des larmes qui coulent spontanément sur les joues, n’en est pas moins ferme : pour elle, indéniablement, Gaza est le foyer des Gazaouis qui feront tout pour reconstruire.