Soudan: Les Frères musulmans pourraient profiter de la crise pour revenir sur le devant de la scène

Les experts avertissent que le chaos et l'anarchie qui règnent au Soudan ont donné aux Frères musulmans l'occasion de préparer leur retour (Photo, AFP).
Les experts avertissent que le chaos et l'anarchie qui règnent au Soudan ont donné aux Frères musulmans l'occasion de préparer leur retour (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 15 juin 2023

Soudan: Les Frères musulmans pourraient profiter de la crise pour revenir sur le devant de la scène

  • Le groupe a joué un rôle essentiel dans la mise en place du gouvernement islamiste déchu d'Omar el-Bachir en 1989
  • Les experts estiment que les Frères musulmans pourraient aggraver les divisions existantes au sein de l'armée et amplifier les querelles en cours

JUBA, Sud-Soudan: Le rôle des Frères musulmans dans la poursuite du conflit au Soudan est une source d'inquiétude pour les experts, qui avertissent que le groupe pourrait influencer les chefs militaires du pays et même déterminer l'orientation politique de la nation.

En tant qu'organisation islamiste transnationale profondément enracinée dans la politique soudanaise, les Frères musulmans ont joué un rôle essentiel dans la mise en place de l'ancien gouvernement islamiste d'Omar el-Bachir en 1989.

L'homme fort du Soudan Omar el-Bachir (à droite) et le dissident islamiste Hassan al-Turabi se sont rencontrés le 14 mars 2014 pour la première fois en quatorze ans, alors que le gouvernement a tendu la main aux opposants après des appels à la réforme (Photo, AFP).

Même après le renversement de ce gouvernement en 2019, le groupe des Frères musulmans s’est montré résistant et influent. Aujourd'hui, dans le contexte des combats entre les Forces armées soudanaises et les Forces paramilitaires de soutien rapide (FSR), certains analystes craignent que le groupe ne tente de faire son retour.

Pendant plusieurs décennies, le groupe des Frères musulmans a réussi à gagner le soutien de divers segments de la société soudanaise en prônant l'islam politique et la justice sociale. Durant leur règne, les islamistes ont appliqué la charia, une mesure rejetée par des couches entières de la population qui adhéraient au christianisme et à d'autres religions locales, ce qui a déclenché une guerre civile brutale.

La chute du gouvernement islamiste en 2019 a marqué un tournant important. Cependant, les inquiétudes concernant son influence prolongée sur le leadership militaire du Soudan ont persisté.

Des membres des Frères musulmans se rassemblent devant l'ambassade d'Égypte à Khartoum (Photo, AFP).

L'influence du groupe s'est poursuivie par l'intermédiaire d'unités paramilitaires affiliées à l'ancien régime – unités qui ont été accusées de cibler les femmes en réaction à leur rôle croissant dans la vie publique.

Des visions divergentes du rôle de l'islam dans l'avenir démocratique du Soudan ont contribué à diviser les principaux partis politiques du pays, offrant à la confrérie de nouvelles circonscriptions potentielles à exploiter.

À la suite d'un accord conclu en 2021 entre Abdel Fattah al-Burhane, chef des forces armées et actuel dirigeant de facto du Soudan, et Abdelaziz al-Hilu, président de l'Armée populaire de libération du Soudan-Nord (SPLM-N), visant à séparer la religion et l'État, un schisme est apparu au sein du parti national de l'Umma.

Le chef de l'armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, en visite sur la ligne de front à Khartoum lors de combats avec des rivaux paramilitaires en mai (Photo, AFP).

La direction du parti a suggéré de reporter le débat jusqu'à la fin de la période de transition, lorsqu'un gouvernement dirigé par des civils devrait prendre la relève des dirigeants militaires du Soudan. Cependant, au même moment, le ministre des Affaires religieuses, Nasr al-Din Mufreh, lui-même membre du parti national de l'Umma, a commencé à rédiger un projet de loi visant à interdire les partis politiques à base religieuse.

À la suite de ces événements, les responsables de l'Umma ont fait des déclarations contradictoires sur la question.

Al-Wathiq al-Berair, secrétaire général du parti, a nié que son parti ait été fondé sur une base religieuse. Cependant, un autre responsable du parti a déclaré plus tard que celui-ci suivait les principes de la révolution mahdiste de 1881, qui comportait à la fois des aspects religieux et nationaux.

Au fil des ans, de nombreux islamistes ont changé d'approche, ayant décidé de se concentrer sur le soutien aux partis «sectaires» comme rempart contre la gauche politique.

Cette photo prise le 5 décembre 2022 montre les forces de sécurité gouvernementales dispersant des activistes soudanais manifestant à Khartoum contre un accord visant à mettre fin à la crise causée par le coup d'État militaire de 2021 (Photo, AFP).

Cette nouvelle approche reflète une reconnaissance apparente de leur position affaiblie et de leur incapacité à atteindre leurs objectifs antérieurs. La demande persistante des islamistes pour des élections anticipées souligne encore ce changement de stratégie.

«Lorsque le coup d'État a eu lieu en octobre 2021 et par la suite, les Frères musulmans sont restés silencieux», a révélé à Arab News Peter Schuman, ancien Représentant spécial adjoint par intérim de la Mission de paix conjointe des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour (MINUAD).

«Il y a cependant des personnes qui ont poursuivi un certain intérêt, en particulier Ali Ahmad Karti», a-t-il ajouté, en référence à l'ancien ministre des Affaires étrangères du Soudan, qui a occupé ce poste sous le régime d’El-Bachir de 2010 à 2015.

Dans ce contexte, certains généraux soudanais pourraient considérer le groupe des Frères musulmans comme un allié potentiel dans leur quête de pouvoir et de contrôle. En effet, la base politique du groupe et sa capacité à mobiliser le soutien des groupes islamistes de la région en font un partenaire attrayant.

Les analystes craignent que l'interprétation excluante de l'islam par les Frères musulmans ne mette en péril la gouvernance inclusive nécessaire à une démocratie durable au Soudan (Photo, AFP).

Cameron Hudson, analyste et consultant en matière de paix et de sécurité en Afrique, a signalé à Arab News que «l'implication des Frères musulmans pourrait aggraver les divisions existantes au sein de l'armée, entraînant des factions et des luttes de pouvoir».

Depuis que le conflit au Soudan a éclaté le 15 avril, les FSR ont adopté un ton farouchement anti-islamiste, accusant des groupes tels que les Frères musulmans d'infiltrer les Forces armées soudanaises pour servir leur agenda politique.

«Nous combattons les islamistes, pas les Forces armées soudanaises. C'est la question politique», a déclaré à Arab News Youssef Ezzat, conseiller politique des FSR rejetant les allégations selon lesquelles le groupe paramilitaire était responsable du déclenchement de la guerre.

«Les islamistes ont détourné les Forces armées soudanaises et veulent contrôler le pays. C'est la cause première de la guerre... Les islamistes ont promis à Al-Burhan d'être président possédant les pleins pouvoirs sans les FSR», a-t-il ajouté.

Si la réalité politique est probablement plus compliquée que la manière dont les FSR cherchent à la dépeindre, l'influence des Frères musulmans remet en question la pérennité des fondements laïques du Soudan.

Les islamistes auraient promis de soutenir les forces armées soudanaises si elles se débarrassaient des FSR dirigées par Mohammed Dagalo (Photo, AFP).

«On craint que le soutien du groupe des Frères musulmans à l'islam politique ne sape les institutions laïques du pays et ne conduise à une société plus conservatrice et restrictive», a déclaré à Arab News Brian Adeba, directeur adjoint de la politique chez The Sentry, une organisation d'enquête à but non lucratif basée à Washington.

L'impact de l'engagement du groupe des Frères musulmans au Soudan pourrait bien se faire sentir au-delà des frontières du pays. Khaled Mustafa Medani, auteur de «Black Markets and Militants» (Marchés noirs et militants), attire l'attention sur le réseau régional plus vaste du groupe.

«Ses actions au Soudan pourraient avoir des répercussions sur les pays voisins et la stabilité régionale», a-t-il indiqué à Arab News. La situation géographique du Soudan et la porosité de ses frontières créent un environnement que des organisations terroristes telles que Daech pourraient exploiter à leur profit.

Un soldat attend que des femmes soudanaises ayant fui la violence dans leur pays reçoivent des vivres d'un groupe d'aide turc IHH près de la frontière entre le Soudan et le Tchad à Koufroun, au Tchad, le 7 mai 2023 (Photo, Reuters).

Pour préserver les valeurs démocratiques du Soudan et favoriser le pluralisme politique, des experts tels que Sargis Sangari, directeur général du Centre d'engagement stratégique du Proche-Orient, estiment qu'un futur gouvernement de transition doit faire face à l'influence des Frères musulmans et contrer leur discours, tout en soulignant l'importance de canaux alternatifs pour la participation politique.

«La présence dominante des Frères musulmans a marginalisé les autres groupes ethniques et conduit à la persécution des minorités religieuses», a alerté Sangari.

Pour sa part, Adeba souligne l'étendue du réseau des Frères musulmans et ses capacités de mobilisation dans le pays, en indiquant comment le groupe a réussi à infiltrer les partis politiques et les organisations de la société civile, ce qui lui a permis d'influencer le paysage politique soudanais.

De tels succès ont suscité l'inquiétude des experts quant à la capacité du groupe à façonner le discours politique soudanais et à limiter le pluralisme.

Les experts avertissent que le chaos et l'anarchie qui règnent au Soudan ont donné aux Frères musulmans l'occasion de préparer leur retour (Photo, AFP).

Les experts estiment que le conflit a donné au groupe des Frères musulmans l'occasion de tirer parti de la vacance du pouvoir créée par l'éviction d’El-Bachir.

Gordon Kachola, expert en affaires internationales, explique que le groupe a su tirer parti de la période de transition, en utilisant ses réseaux pour alimenter les tensions sectaires et amplifier la crise. Cela a encore compliqué les efforts visant à établir la stabilité et à renforcer le pouvoir au Soudan.

Peter Schuman, expert en sécurité régionale, estime que le groupe représente un défi pour les aspirations démocratiques à long terme du Soudan. Selon lui, sa présence compromet la mise en place d'institutions démocratiques, entravant ainsi le chemin du pays vers la stabilité.

Schuman estime également que l'interprétation excluante de l'islam par le groupe des Frères musulmans pourrait compromettre la gouvernance inclusive nécessaire à l'instauration d'une démocratie durable au Soudan.

Hudson, l'analyste et consultant, s'inquiète par ailleurs du rôle des Frères musulmans dans la transition du Soudan, estimant que l'influence du groupe pourrait entraver le développement d'institutions démocratiques et étouffer les voix dissidentes.

La recrudescence des Frères musulmans au Soudan pourrait entraver le développement des institutions démocratiques et étouffer les voix dissidentes, avertissent les experts (Photo, AFP).

Hudson estime que le gouvernement de transition du Soudan devrait s'attaquer à l'influence des Frères musulmans pour garantir la préservation des valeurs démocratiques. Alors que la communauté internationale, les acteurs régionaux et la société soudanaise dans son ensemble exigent la fin des combats, Hudson juge que «des négociations sans la participation et le suivi des civils sont difficilement compréhensibles».

Le contrôle exercé par les Frères musulmans sur divers secteurs, notamment l'agriculture, a également mis en évidence leur impact sur l'économie et la société soudanaises.

Selon Medani, le contrôle exercé par le groupe sur le marché noir, en particulier, lui a permis de maintenir son pouvoir tout en contribuant à l'appauvrissement de la société soudanaise.

La crise économique du Soudan, aggravée par les sanctions internationales et les politiques gouvernementales, a alimenté le mécontentement et les protestations de la population, que les politiciens alignés sur les Frères musulmans ont eu du mal à contenir par le passé.

Lorsque le Soudan parviendra à sa destination post-conflit, l'influence des Frères musulmans restera une question litigieuse. Trouver un équilibre entre le désir de stabilité et la préservation des valeurs démocratiques sera une tâche délicate.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël rejette une enquête de l'ONU l'accusant de «génocide» à Gaza

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien. (AFP)
Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien. (AFP)
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  • "Israël rejette catégoriquement ce rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate de cette commission d'enquête", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué
  • Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens

JERUSALEM: Israël a "rejeté catégoriquement" mardi le rapport d'une commission d'enquête internationale indépendante des Nations unies qui l'accuse de commettre un "génocide" dans la bande de Gaza depuis octobre 2023.

"Israël rejette catégoriquement ce rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate de cette commission d'enquête", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens, mettant en cause le Premier ministre Benjamin Netanyahu et d'autres responsables israéliens.

En riposte à une attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, Israël a lancé une offensive dans la bande de Gaza qui a fait des dizaines de milliers de morts et détruit une grande partie du territoire palestinien, où le mouvement islamiste palestinien a pris le pouvoir en 2007.

La commission, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU et est vivement critiquée par Israël, est arrivée "à la conclusion qu'un génocide se produit à Gaza et continue de (s'y) produire", a déclaré à l'AFP sa présidente, Navi Pillay.

Elle a conclu que les autorités et les forces de sécurité israéliennes avaient commis "quatre des cinq actes génocidaires" définis par la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime du génocide.

A savoir: "meurtre de membres du groupe; atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; et mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe".

Cette commission a conclu que le président israélien, Isaac Herzog, Benjamin Netanyahu et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, avaient "incité à commettre un génocide et que les autorités israéliennes (n'avaient) pas pris de mesures" pour les en empêcher.

Le ministère des Affaires étrangères israélien a accusé les auteurs du rapport de "servir de relais au Hamas", affirmant qu'ils étaient "connus pour leurs positions ouvertement antisémites — et dont les déclarations horribles à l'égard des Juifs ont été condamnées dans le monde entier."

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien.

L'ONU y a déclaré la famine, ce qu'Israël dément.


«Gaza brûle», déclare le ministre israélien de la Défense après des frappes intenses

Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
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  • "Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas"
  • "Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée"

JERUSALEM: Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza.

"Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas", a déclaré M. Katz sur X.

"Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée", a-t-il ajouté.

 


Le Qatar est le seul pays capable d'être un médiateur concernant Gaza, souligne Rubio

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  • Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza
  • "Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar"

TEL-AVIV: Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza, malgré une frappe israélienne ciblant des dirigeants du Hamas dans l'émirat.

"Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar," a déclaré M. Rubio aux journalistes alors qu'il se rendait à Doha depuis Israël.