Turquie: Hafize Gaye Erkan, la prudente nouvelle gouverneure de la banque centrale

La nouvelle gouverneure de la banque centrale turque Hafize Gaye Erkan a porté le taux directeur de 8,5% à 15% (Photo, AFP).
La nouvelle gouverneure de la banque centrale turque Hafize Gaye Erkan a porté le taux directeur de 8,5% à 15% (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 23 juin 2023

Turquie: Hafize Gaye Erkan, la prudente nouvelle gouverneure de la banque centrale

  • Lors de sa première réunion de politique monétaire jeudi, Mme Erkan a porté le taux directeur de 8,5% à 15%
  • Sa thèse en poche, elle intègre Goldman Sachs au milieu des années 2000. Elle y reste neuf ans puis rejoint la banque First Republic, où elle terminera n°2

ANKARA: La nouvelle gouverneure de la banque centrale turque Hafize Gaye Erkan a toutes les raisons pour adopter une approche prudente face au président turc qui a renvoyé plusieurs de ses prédécesseurs et des ministres qui ont osé le contredire.

Le chef de l'Etat turc Recep Tayyip Erdogan a été, au cours des deux dernières années, particulièrement sensible au sujet de la hausse des taux d'intérêt à la quelle il est farouchement opposé.

Lors de sa première réunion de politique monétaire jeudi, Mme Erkan a porté le taux directeur de 8,5% à 15%, abandonnant ainsi pour la première fois depuis deux ans les mesures économiques non conventionnelles promues par le président turc.

Mais cette décision est loin de satisfaire les marchés qui auraient souhaité une hausse importante au lieu d'une approche progressive, soulignent des observateurs.

La livre turque a chuté de 2,5% par rapport au dollar jeudi après-midi, indiquant la déception des investisseurs.

Mme Erkan a cependant promis dans un communiqué d'éventuelles nouvelles hausses "autant que nécessaire, de manière opportune et progressive jusqu'à ce qu'une amélioration significative des perspectives d'inflation soit obtenue".

"C'est un signe que la nouvelle gouverneure cherche à faire preuve de prudence pour éviter un affrontement avec le président Erdogan", affirme Hamish Kinnear, analyste du cabinet de conseil en risques Verisk Maplecroft.

Pourtant, à la suite de sa nomination début juin, la presse progouvernementale turque l'avait surnommée "la fabuleuse turque" et "la génie".

Première femme à prendre les rênes de l'institution, Mme Erkan a combiné brillantes études et responsabilités dans de grandes banques américaines dont Goldman Sachs.

Sa nomination à la tête de la banque centrale turque est interprétée comme le signe d'un possible retour à des politiques économiques plus conventionnelles en Turquie.

Mais de nombreux observateurs doutent que la gouverneure, nommée par décret présidentiel, puisse jouir d'une totale indépendance vis-à-vis du président turc.

A rebours des théories économiques classiques, le chef de l'Etat turc estime que les taux d'intérêt élevés favorisent l'inflation, qui atteignait toujours près de 40% sur un an en Turquie en mai selon les chiffres officiels - plus de 100% selon des économistes indépendants.

Le président Erdogan a ainsi contraint ces dernières années la banque centrale à abaisser son taux directeur, favorisant l'inflation et contribuant à la chute de la livre turque, qui a perdu près de 80% de sa valeur par rapport au dollar en cinq ans.

Champ d'action limité en Turquie

La nomination de son prédécesseur, Sahap Kavcioglu, qui avait suivi à la lettre les desiderata du président turc, à la tête de l'Autorité de régulation bancaire, peut laisser penser que le champ d'action de la banquière centrale sera limité.

Revenir un jour en Turquie pour "servir son pays" était cependant un rêve pour elle, affirment plusieurs quotidiens turcs.

Major de sa promotion en génie industrielle à l'université de Bogaziçi à Istanbul, elle reçoit une bourse de doctorat à la prestigieuse université américaine de Princeton.

Fille unique d'une mère enseignante en mathématiques et d'un père ingénieur, elle se plaint alors, lors d'une discussion relatée plus tard par une éditorialiste turque, de n'avoir pu trouver de stage en Turquie sans avoir un piston à cause d'un favoritisme répandu.

Hafize Gaye Erkan

«Éloges infondés»
Sa thèse en poche, elle intègre Goldman Sachs au milieu des années 2000. Elle y reste neuf ans puis rejoint la banque First Republic, où elle terminera n°2.

Elle est alors citée en 2018 comme l'une des "rares femmes au sommet d'une grande banque" dans un classement de 40 dirigeants et acteurs économiques de moins de 40 ans publié par la revue spécialisée Crain's.

Mais la fin de sa carrière chez First Republic, début 2022, intervient peu avant la crise rencontrée par la banque américaine, la deuxième plus grosse faillite de banque de l'histoire des États-Unis.

"Certains éloges infondés sur elle dans la presse turque laissent penser qu'ils visent à cacher son expérience de faillite chez First Republic", a estimé l'économiste Selva Demiralp dans un article publié par BBC Turkçe.

La "fabuleuse turque" pourrait aussi avoir du mal, à l'approche des élections municipales de 2024, à faire avaler la pilule amère d'éventuelles hausses des taux successives qui risquent de faire ralentir la croissance économique turque tant vantée par le président Erdogan.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.