Un dimanche sans JDD qui préoccupe la gauche et la majorité

Le journaliste français Geoffroy Lejeune pose lors d'une séance photo à Paris le 28 septembre 2020 (Photo, AFP).
Le journaliste français Geoffroy Lejeune pose lors d'une séance photo à Paris le 28 septembre 2020 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 28 juin 2023

Un dimanche sans JDD qui préoccupe la gauche et la majorité

  • «Mon rituel du dimanche, c'était de me réveiller avec le JDD. Aujourd'hui il ne paraît pas», a écrit Rima Abdul-Malak sur les réseaux sociaux
  • La cheffe de file de la CGT Sophie Binet a estimé que «l'extension de l'empire médiatique de Bolloré est un grave danger pour la démocratie»

PARIS: Un dimanche sans son Journal du dimanche: plusieurs responsables politiques de gauche ainsi que la ministre de la Culture ont fait part de leur vive préoccupation autour de la situation au JDD, en grève contre l'arrivée d'un directeur marqué à l'extrême droite.

La rédaction a reconduit à la quasi-unanimité sa grève jusqu'à mercredi prochain, pour tenter d'empêcher l'arrivée à la tête du JDD, désormais contrôlé par Vincent Bolloré, de Geoffroy Lejeune, tout juste licencié de Valeurs actuelles.

Le mouvement a paralysé le site internet, avant d'empêcher dimanche la sortie de l'édition papier, un évènement rarissime dans l'histoire de l'influent hebdomadaire, scruté dans le monde politique pour ses interviews dominicales.

"Mon rituel du dimanche, c'était de me réveiller avec le JDD", a fait savoir la ministre Rima Abdul-Malak sur les réseaux sociaux. "Je comprends les inquiétudes de sa rédaction. En droit, le JDD peut devenir ce qu'il veut, tant qu'il respecte la loi. Mais pour nos valeurs républicaines comment ne pas s'alarmer ?", a-t-elle poursuivi.

Une formulation regrettée par le patron de Mediapart, Edwy Plenel: "Un capitaliste qui possède un média ne doit pas pouvoir en faire +ce qu'il veut+. En ne respectant pas l'indépendance des rédactions, il s'attaque à un droit fondamental, la liberté de l'information. De plus le JDD touche des aides publiques de l'Etat", a-t-il rétorqué.

Des déclarations qui rejoignent la principale revendication des salariés en grève: que la direction renonce à nommer M. Lejeune directeur de la rédaction.

"La rédaction du JDD refuse d'être dirigée par un homme dont les idées sont en contradiction totale avec les valeurs du journal", a fait savoir la Société des journalistes (SDJ).

Ils redoutent de voir se répéter une méthode déjà dénoncée ailleurs dans les médias contrôlés par Vincent Bolloré: valse des dirigeants et interventions sur la ligne éditoriale, peur qu'elle ne bascule à l'extrême droite, au prix d'une éventuelle hémorragie de journalistes.

Appui de la profession
Ils ont reçu un vaste appui de la profession dimanche: dans un communiqué, deux syndicats, la CGT et le SNJ-CGT, leur ont apporté "tout leur soutien", ainsi qu'une trentaine de sociétés des journalistes de grands médias, dont France Télévisions, Le Figaro, Le Monde, Le Parisien, Libération, Radio France ou encore Paris Match dans une tribune publiée sur Mediapart.

La cheffe de file de la CGT Sophie Binet a estimé que "l'extension de l'empire médiatique de Bolloré (était) un grave danger pour la démocratie".

Avant le JDD, d'autres médias face au «rouleau compresseur» Bolloré

Un "rouleau compresseur" qui "se fout" des grèves et pousse les opposants dehors: c'est ainsi que le milliardaire Vincent Bolloré est décrit par des anciens de médias dont il a pris le contrôle, selon qui il applique de nouveau cette méthode au JDD.

Le journal est en grève pour protester contre l'arrivée à sa tête de Geoffroy Lejeune, marqué à l'extrême droite.

Beaucoup y voient la main de M. Bolloré, aux opinions réputées ultra-conservatrices. "J'ai pris cette décision seul. Ni Vincent Bolloré, ni quiconque de Vivendi, n'a été impliqué", a nié dans Le Figaro Arnaud Lagardère, dirigeant du groupe du même nom, qui détient le Journal du dimanche.

Reste que cette nomination intervient juste après le feu vert donné sous conditions par la Commission européenne à Vivendi, le groupe de M. Bolloré, pour avaler Lagardère.

La grève au JDD a démarré jeudi. A la chaîne info iTélé, elle avait duré 31 jours en 2016. En pure perte.

"On espérait sincèrement avoir des garanties sur notre indépendance éditoriale", se souvient pour l'AFP un ancien de la chaîne, qui demande l'anonymat.

Mais "plus le temps passait, plus on réalisait que c'était impossible", poursuit-il, en décrivant des équipes Bolloré "extrêmement polies mais sans pitié".

Une inquiétude largement partagée à gauche, où plusieurs responsables politiques ont dénoncé l'ambition supposée du milliardaire, qui contrôle désormais plusieurs grands médias (comme Canal+, Paris Match, Europe 1 et CNews) de préparer le terrain à une prise de pouvoir de l'extrême droite dans la perspective de la présidentielle de 2027.

La députée écologiste Sandrine Rousseau a apporté son soutien aux salariés et le chef du Parti socialiste Olivier Faure s'est dit "très inquiet pour le pluralisme".

"On a aujourd'hui un problème de concentration dans les mains (...) de Vincent Bolloré, c'est tout une galaxie qui se met au service d'un homme et au service d'une ambition, d'une idéologie", a-t-il poursuivi sur Radio J. "L'ambition, c'est de conquérir le pouvoir, je rappelle que Vincent Bolloré était derrière la candidature d'Eric Zemmour à la dernière présidentielle".

Il a appelé à une nouvelle législation pour garantir la liberté de la presse et l'indépendance des rédactions, les socialistes travaillant au Parlement à une proposition de loi sur le sujet.

Une perspective à laquelle la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, n'a pas fermé la porte. "Compte tenu des évolutions technologiques, du paysage également de la presse, il faudrait revoir tout cela", a-t-elle déclaré à propos de la concentration dans les médias, interrogée dans Un dimanche en politique, sur France 3.

Au RN, le député Jean-Philippe Tanguy a regretté dans Questions politiques (France Inter/Le Monde/France Télévisions) que la ministre de la Culture "donne son opinion sur une ligne éditoriale" d'un journal, mais dit n'être pas "du tout opposé au fait qu'il y ait une réflexion démocratique sur qui peut posséder des médias en France".


La "loi spéciale" au Parlement, rendez-vous en janvier pour reparler budget

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu et le ministre français de l'Économie et des Finances Roland Lescure quittent l'Élysée après la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu et le ministre français de l'Économie et des Finances Roland Lescure quittent l'Élysée après la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Faute d’accord sur le budget de l’État, le Parlement vote une loi spéciale pour reconduire provisoirement le budget 2025 et assurer le fonctionnement de l’État
  • Les débats budgétaires reprendront en janvier, sur fond de déficit élevé, de tensions politiques et de discussions autour d’un possible recours au 49.3

PARIS: Le Parlement pose une rustine sur ses désaccords budgétaires. L'Assemblée nationale et le Sénat devraient voter tour à tour mardi la "loi spéciale" présentée par le gouvernement pour continuer de financer provisoirement l'État et les administrations.

Les votes des deux assemblées ponctuent deux mois et demi de débats budgétaires qui se soldent par un échec partiel pour le Premier ministre Sébastien Lecornu.

Le dialogue privilégié engagé par le Premier ministre avec le Parti socialiste a permis l'adoption du budget de la Sécurité sociale pour 2026, au prix de concessions sur les retraites et le financement de la Sécurité sociale.

Mais les profondes divergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat, tenu par des partis de droite et du centre hostiles à tout prélèvement supplémentaire, ont empêché l'approbation du second texte budgétaire, celui sur le financement de l'État.

Les parlementaires se retrouveront donc en début d'année pour de nouvelles joutes sur ce texte, alors que la France est confrontée à un endettement croissant et que les discussions budgétaires n'ont pas permis de dessiner une trajectoire de réduction des déficits.

"Nous devrons au plus vite, en janvier, donner un budget à la nation" qui "devra tenir l'objectif de 5% de déficit et financer nos priorités", a déclaré Emmanuel Macron lundi soir lors du Conseil des ministres, selon la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

"L'Élysée commence à s'impatienter", glissait lundi un cadre du camp gouvernemental.

Rentré d'Abou Dhabi où il était allé célébrer Noël avec les troupes françaises, Emmanuel Macron a présidé lundi soir un Conseil des ministres de crise pour la présentation de la loi spéciale.

- Pas de dépense nouvelle -

Le texte reconduit temporairement le budget de 2025, il permet de lever l'impôt et de payer les fonctionnaires. Mais il ne comprend pas de dépenses nouvelles, y compris sur la défense, érigée en priorité face à la menace russe.

Ce projet de loi spéciale devrait être voté mardi en toute fin d'après-midi par l'Assemblée nationale, puis dans la soirée par le Sénat. A l'unanimité ou presque. Avant d'être promulgué dans les jours suivants par le chef de l'État.

Déjà l'an dernier, l'exécutif avait dû y avoir recours après la chute du gouvernement de Michel Barnier, renversé par une motion de censure sur le budget de la Sécurité sociale. Les deux textes budgétaires 2025 avaient finalement été approuvés au mois de février, quelques semaines après l'arrivée de François Bayrou à Matignon.

Anticipant la reprise des débats en janvier, Sébastien Lecornu a reçu dimanche et lundi les forces politiques, à l'exception de la France insoumise et du Rassemblement national. Un ballet devenu habituel de responsables politiques exprimant leurs exigences et lignes rouges rue de Varenne, à l'issue de ces entretiens.

Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a appelé à un budget qui ne fasse pas "peser les efforts sur les plus modestes" et préserve les investissements en matière d'écologie.

Quant à la cheffe des députés écologistes Cyrielle Châtelain, elle s'est inquiétée d'une copie budgétaire trop calquée sur les positions du Sénat. En cas de 49.3, les Ecologistes choisiront "la censure", a-t-elle prévenu.

Car on reparle de plus en plus de cet outil constitutionnel permettant de faire adopter un texte sans vote, sauf motion de censure.

Écarté par le Premier ministre à la demande des socialistes, qui le jugent brutal, il est évoqué avec insistance par des responsables de droite et du bloc central qui lui demandent de revenir sur son engagement.

Il faudrait alors pour le gouvernement trouver avec les socialistes des conditions de non-censure. Pour espérer enfin tourner la page du débat budgétaire.

Mais pour l'heure, Sébastien Lecornu s'y refuse, jugeant le projet de budget "encore votable sans intervention du gouvernement", selon Mme Bregeon.


France: Conseil des ministres spécial pour tenter de sortir de l'impasse budgétaire

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu (au centre) s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu (au centre) s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron convoque un conseil des ministres extraordinaire pour présenter une loi spéciale afin d’assurer le financement de l’État face à l’impasse budgétaire
  • Les discussions sur un budget 2026 reprendront rapidement : le gouvernement vise une adoption d’ici fin janvier, dans un contexte de fortes divergences

PARIS: Le président français Emmanuel Macron préside lundi un conseil des ministres extraordinaire qui devrait conduire à l'adoption rapide par le Parlement d'une loi spéciale, destinée à financer l'Etat et ses administrations malgré l'impasse budgétaire.

Le Premier ministre Sébastien Lecornu doit poursuivre dans la journée de lundi ses consultations des différentes formations politiques "pour trouver les conditions d'une solution".

Une commission de sénateurs et députés a échoué vendredi à trouver un accord sur le projet de loi de finances pour l'année à venir.

A l'issue de ces discussions, un conseil des ministres de crise destiné à présenter le projet de loi spéciale est prévu en fin de journée, au retour du président Emmanuel Macron d'Abou Dhabi, où le chef d'État a annoncé devant des militaires français le coup d'envoi de la construction du futur porte-avions destiné à remplacer le Charles De Gaulle.

Dans la foulée, les commissions des Finances de l'Assemblée nationale et du Sénat auditionneront lundi soir et mardi le ministre de l'Économie Roland Lescure et la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, sur ce projet de loi. L'objectif est que ce texte spécial puisse être voté mardi par les deux chambres.

Mais il faudra dès la rentrée reprendre les discussions pour tenter de trouver un budget 2026, car la loi spéciale "c'est un service minimum", a martelé Amélie de Montchalin.

La ministre a indiqué dimanche soir sur la chaîne BFMTV que l'objectif est d'adopter une véritable loi de finance 2026 avant "la fin janvier", y compris avec "quelques hausses d'impôts", une des demandes notamment du Parti socialiste - partenaire privilégié de Sébastien Lecornu lors de l'examen du budget de la Sécurité sociale, et à qui il a concédé notamment la suspension de la réforme des retraites.

Reste qu'après deux mois de discussions qui n'ont pas permis d'aboutir, le doute subsiste sur la capacité du Premier ministre à obtenir ce compromis, entre une droite sénatoriale attachée aux économies et aux baisses d'impôts et une Assemblée où la gauche réclame plus de recettes et moins de coupes budgétaires.


Macron donne le coup d'envoi du futur porte-avions lors du Noël avec les troupes

Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
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  • Plus grand et plus puissant, ce bâtiment symbolise l’ambition stratégique et industrielle de la France, malgré les contraintes budgétaires et les débats sur l’évolution des menaces

ABOU DHABI: Emmanuel Macron a donné dimanche le coup d'envoi de la construction du futur porte-avions français destiné à remplacer le Charles De Gaulle et qui doit entrer en service en 2038.

"Ce nouveau porte-avions sera l'illustration de la puissance de notre nation, puissance de l'industrie, de la technique, puissance au service de la liberté sur les mers et dans les remous du temps", a-t-il assuré.

L'annonce du lancement officiel de la construction était très attendue malgré l'impasse budgétaire dans laquelle se trouve le gouvernement, alors que le mur d'investissements nécessaires et l'évolution des menaces mettent le projet sous pression.

"Conformément aux deux dernières lois de programmation militaire, et après un examen complet et minutieux, j'ai décidé de doter la France d'un nouveau porte-avions", a annoncé le chef de l'Etat français lors du Noël avec les troupes à Abou Dhabi.

"La décision de lancer en réalisation ce très grand programme a été prise cette semaine", a-t-il ajouté.

Lui aussi à propulsion nucléaire, le nouveau porte-avions sera beaucoup plus massif que l'actuel. Il fera près de 80.000 tonnes pour environ 310 mètres de long, contre 42.000 tonnes pour 261 mètres pour le Charles De Gaulle. Avec un équipage de 2.000 marins, il pourra embarquer 30 avions de combat.

Le risque d'un "choc dans trois, quatre ans" face à la Russie évoqué par les armées fait craindre que les budgets ne filent vers des priorités plus pressantes.

De récents propos du chef d'état-major des armées, le général Fabien Mandon, jugeant qu'on "ne peut pas se contenter de reproduire un outil qui a été conçu à la moitié du siècle dernier", semblent mettre aussi en question le concept du porte-avions.

Le général a notamment souligné le "besoin de permanence à la mer" du bâtiment et sa capacité d'emport de "drones de tous types".

Un seul bâtiment, en l'occurence le Charles De Gaulle, est disponible 65% du temps, selon la Marine. Un décalage de la construction et donc de l'entrée en service de son successeur laisserait la Marine sans porte-avions.

Une étude menée à l'occasion du prochain arrêt technique majeur du Charles De Gaulle permettra de dire en 2029 si le bâtiment peut être prolongé de quelques années au-delà de 2038, en fonction de l'état de ses chaufferies nucléaires et de sa structure.

Le président français Emmanuel Macron a fait cette annonce lors d'une visite aux Emirats arabes unis, allié militaire avec lequel Paris souhaite renforcer son "partenariat stratégique" et dont il espère plus de coopération dans sa lutte contre le narcotrafic.