Emeutes: «ostracisation» accrue et violence banalisée depuis 2005 selon un sociologue

Des manifestants fuient la fumée dans une rue de Nice, dans le sud-est de la France, tôt le 2 juillet 2023, lors de la cinquième nuit d'émeutes après la mort de Nahel à Nanterre, le 27 juin. (Photo Valery HACHE / AFP)
Des manifestants fuient la fumée dans une rue de Nice, dans le sud-est de la France, tôt le 2 juillet 2023, lors de la cinquième nuit d'émeutes après la mort de Nahel à Nanterre, le 27 juin. (Photo Valery HACHE / AFP)
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Publié le Mardi 04 juillet 2023

Emeutes: «ostracisation» accrue et violence banalisée depuis 2005 selon un sociologue

  • Il y a une détestation de la police, très répandue parmi ces jeunes dans les cités et qui se transforme en haine lorsqu'il y a un incident tragique
  • Les jeunes d'origine étrangère et notamment de confession musulmane sont très largement convaincus d'être face à une société hostile en fonction de leur origine ou de leur religion, société hostile dont le bras armé est la police

PARIS: Comme en 2005, les émeutiers actuels expriment une "haine" de la police avec une violence désormais "banalisée" et un sentiment renforcé "d'ostracisation", souligne le sociologue du CNRS Olivier Galland.

Ce spécialiste de la jeunesse a participé à une étude à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) après les émeutes de 2005 et, plus récemment, à une enquête auprès des 18-24 ans pour l'Institut Montaigne ("Une jeunesse plurielle", 2022).

Quels sont les principaux points communs entre les émeutes actuelles et celles de 2005?

Il y a une détestation de la police, très répandue parmi ces jeunes dans les cités et qui se transforme en haine lorsqu'il y a un incident tragique. Il y a une économie parallèle dans beaucoup de ces quartiers, des activités délinquantes et de trafic auxquelles un certain nombre de ces jeunes participent. Cela occasionne des contrôles beaucoup plus fréquents et des tensions avec la police. Et occasionne aussi ce que l'on appelle une discrimination statistique qui fait que chaque jeune est un suspect aux yeux des forces de l'ordre. Ce contexte de quartier où des activités de délinquance font partie de la vie quotidienne favorise la formation d'une sorte de culture déviante, acceptée comme normale et qui permet de survivre en bravant la loi.

Autre point commun : il y a un sentiment d'ostracisation collective, qui existait déjà en 2005 mais qui s'est sans doute renforcé. Dans notre enquête de 2021 auprès d'un gros échantillon de 18-24 ans, on a constaté que les jeunes d'origine étrangère et notamment de confession musulmane sont très largement convaincus d'être face à une société hostile en fonction de leur origine ou de leur religion, société hostile dont le bras armé est la police. Tout cela ne favorise pas une bonne intégration et crée une rancoeur. Depuis 2005, cela a été renforcé par la remontée de l'adhésion à l'islam dans cette jeunesse, documentée dans beaucoup d'enquêtes. Il y a une grande coupure entre ces jeunes, repliés dans leur cité au sein de zones de plus en plus pauvres et ségréguées, et le reste de la société.

Qu'a changé l'émergence des réseaux sociaux sur la géographie et l'âge des émeutiers ?

Les réseaux sociaux ne sont pas à l'origine des émeutes mais ils contribuent à les propager, à les diffuser et à faire qu'un nombre grandissant de jeunes puissent adhérer à ces mouvements. Cela explique peut-être que des zones qui n'avaient pas été touchées en 2005 le sont aujourd'hui. Quant au jeune âge des émeutiers, c'était le cas déjà en 2005, où il y avait beaucoup de mineurs. Cela prouve quand même qu'il y a un échec de l'éducation. On met beaucoup en cause les familles. Les incriminer ne sert pas à grand chose à mon avis. Les familles, souvent, sont impuissantes face à ces groupes de jeunes très soudés. Je mettrais en avant l'école qui n'a pas joué son rôle de formation des citoyens.

Peut-on parler d'une violence accrue, notamment contre les institutions (élus, bâtiments publics) ?

La banalisation de la violence s'est aggravée. Dans notre enquête de 2021, la moitié des jeunes interrogés considéraient soit comme acceptable soit compréhensible de s'affronter à des élus pour contester. De la même manière, 40% trouvaient acceptable ou compréhensible de s'affronter à la police. 16% trouvaient acceptable ou compréhensible de provoquer des dégâts dans l'espace public, 14% trouvant acceptable ou compréhensible de dégrader des établissements publics. Il y a un haut niveau d'acceptation de la violence. Le mouvement des Gilets jaunes a pu désinhiber la population pour accepter plus facilement ces comportements violents, considérant que cela paie d'utiliser la violence pour se faire entendre.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.