Transition écologique: à Aix, les économistes cherchent à rouvrir le débat sur le financement

L'ancien Premier ministre français Manuel Valls (2e à droite) et la ministre française du Travail Myriam El Khomri (2e à gauche) présentent un rapport sur le Compte Personnel d'Activité (CPA) aux côtés du commissaire général du think tank France Strategie Jean Pisani-Ferry (à gauche), et de la commissaire générale adjointe de France Strategie, Selma Mahfouz (à droite), le 9 octobre 2015 à Paris. (Photo Eric Feferberg / AFP)
L'ancien Premier ministre français Manuel Valls (2e à droite) et la ministre française du Travail Myriam El Khomri (2e à gauche) présentent un rapport sur le Compte Personnel d'Activité (CPA) aux côtés du commissaire général du think tank France Strategie Jean Pisani-Ferry (à gauche), et de la commissaire générale adjointe de France Strategie, Selma Mahfouz (à droite), le 9 octobre 2015 à Paris. (Photo Eric Feferberg / AFP)
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Publié le Dimanche 09 juillet 2023

Transition écologique: à Aix, les économistes cherchent à rouvrir le débat sur le financement

  • L'économiste Jean Pisani-Ferry et l'inspectrice générale des finances Selma Mahfouz remettent au gouvernement un rapport très attendu sur le coût de la transition écologique et sur les moyens de la financer
  • Outre un possible prélèvement temporaire sur le patrimoine des Français les plus aisés, abondamment commenté, les deux auteurs du rapport soulignent qu'«il ne faut pas exclure un financement par l'endettement»

AIX-EN-PROVENCE, France : «Si on exclut les impôts et la dette, comment on fait?» Comme Katheline Schubert, plusieurs économistes ont profité des Rencontres d'Aix-en-Provence pour relancer la réflexion autour du financement de la transition écologique, un débat clos à leur sens trop vite par le gouvernement.

C'était à la fin du mois de mai. L'économiste Jean Pisani-Ferry et l'inspectrice générale des finances Selma Mahfouz remettent au gouvernement un rapport très attendu sur le coût de la transition écologique et sur les moyens de la financer.

Leur conclusion: environ 66 milliards d'euros d'investissements supplémentaires sont nécessaires chaque année jusqu'en 2030, dont 34 milliards d'argent public.

Outre un possible prélèvement temporaire sur le patrimoine des Français les plus aisés, abondamment commenté, les deux auteurs du rapport soulignent qu'«il ne faut pas exclure un financement par l'endettement».

Quelques heures plus tard, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire ferme le ban. «Les deux options qui ne sont pas de bonnes options à mon sens, c'est l'augmentation des impôts ou de notre dette, déjà trop élevée», martèle-t-il.

«C’était au moment des discussions avec l'agence S&P sur la notation financière de la France», rappelle à l'AFP Patrice Geoffron, membre du Cercle des économistes.

Si la France a finalement échappé à la dégradation de sa note de crédit, son endettement a entre-temps franchi les 3.000 milliards d'euros, d'où la réticence persistante du gouvernement à contracter des dizaines de milliards de nouveaux emprunts.

«N’ayons pas cette paresse intellectuelle de l’augmentation systématique des impôts et des taxes, ça n’est pas la solution», a redit Bruno Le Maire samedi à Aix.

Sauf qu'«il n’y a pas de miracle» pour trouver les 34 milliards d'argent public, avertit Katheline Schubert, membre du Cercle des économistes et du Haut Conseil pour le climat.

«Si on exclut les impôts et la dette, comment on fait?» s'interroge-t-elle auprès de l'AFP.

L'économiste plaide pour «rendre les énergies fossiles plus chères par la taxe». Mais la piste est «impopulaire» en France depuis le traumatisme des «gilets jaunes», ce mouvement de révolte qui avait démarré en 2018 en réaction à l'augmentation de la taxe carbone par le gouvernement.

- Problème de bouclage -

«On est à un moment pivot sur la question climatique», juge Philippe Martin, doyen de l'école d'affaires publiques de Sciences Po.

«Il y a quelques mois, on disait que le gouvernement en France n’en faisait pas assez sur le climat. Aujourd'hui, dans une certaine mesure il y a un changement de ton, où on dit qu’on en fait trop, qu'on va trop vite, à un moment où les taxes et réglementations sont plus mal vécues d’un point de vue social», analyse cet ancien conseiller d'Emmanuel Macron.

En annonçant samedi consacrer 7 milliards de plus en 2024 qu'en 2023 à la transition écologique, soit environ 32 milliards au total, le gouvernement a d'ailleurs immédiatement pris soin de préciser que ces ressources ne proviendraient pas de l'impôt mais des économies réalisées sur d'autres postes de dépenses de l'Etat.

Avec «la politique menée actuellement de chercher dans les économies budgétaires les fonds dont on a besoin (...) on risque d’avoir un problème de bouclage» financier, s'alarmait quelques jours avant les Rencontres d'Aix Léa Falco, membre du collectif d'étudiants et jeunes diplômés Pour un réveil écologique.

En d'autres termes, la politique du rabot ne suffira pas à trouver les fonds nécessaires.

Petite consolation, la France n'est pas la seule à chercher la formule magique, concède Katheline Schubert.

En dehors des Etats-Unis qui ont résolument opté pour des subventions massives, en partie financées par des hausses d'impôts, «les autres pays sont assez tâtonnants», assure-t-elle.

Exception dans le paysage, la Suède a choisi la fiscalité et a «très nettement décidé de financer par la taxe carbone» ses investissements dans la transition.

Entre dette, impôt voire mobilisation de l'abondante épargne des ménages, la France devra vite trancher. Car le rapport Pisani-Ferry/Mahfouz le rappelait sans équivoque: en matière de transition écologique, «le coût économique de l'inaction excède de loin celui de l'action.»


Espagne: amende de 64 millions d'euros contre Airbnb pour avoir publié des annonces de logements interdits

Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays. (AFP)
Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays. (AFP)
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  • L'amende qui vise Airbnb et atteint précisément 64.055.311 euros est "définitive", a précisé dans un communiqué le ministère de la Consommation
  • "Des milliers de familles vivent dans la précarité à cause de la crise du logement, tandis que quelques-uns s'enrichissent grâce à des modèles économiques qui expulsent les gens de chez eux"

MADRID: Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays.

En Espagne, les plateformes de location de courte durée suscitent un vif débat, surtout dans les grandes villes touristiques, où de nombreux habitants leur reprochent de contribuer à la flambée des loyers.

L'amende qui vise Airbnb et atteint précisément 64.055.311 euros est "définitive", a précisé dans un communiqué le ministère de la Consommation, ajoutant que la plateforme basée aux Etats-Unis devait désormais "corriger les manquements constatés en supprimant les contenus illégaux".

"Des milliers de familles vivent dans la précarité à cause de la crise du logement, tandis que quelques-uns s'enrichissent grâce à des modèles économiques qui expulsent les gens de chez eux", a critiqué le ministre de la Consommation, Pablo Bustinduy, cité dans le communiqué.

"Aucune entreprise en Espagne, aussi grande ou puissante soit-elle, n'est au-dessus des lois", a-t-il poursuivi.

L'Espagne a accueilli en 2024 un nombre record de 94 millions de visiteurs, ce qui en fait la deuxième destination touristique dans le monde derrière la France. Ce chiffre pourrait être battu cette année.

Mais si le tourisme est un moteur de l'économie, de nombreux Espagnols dénoncent la congestion des infrastructures, la disparition des commerces traditionnels, remplacés par des boutiques touristiques, et surtout la flambée des loyers, les propriétaires de logements se tournant vers la location touristique, y compris sur Airbnb, nettement plus rentable.

Face à cette poussée de colère, plusieurs régions et municipalités ont annoncé des mesures ces derniers mois, à l'image de la mairie de Barcelone (nord-est), qui a promis de ne pas renouveler les licences de quelque 10.000 appartements touristiques, qui expireront en novembre 2028.

 


La RATP se cherche un ou une présidente

Cette photographie montre le logo de la société française de transports publics RATP, sur un bâtiment à Paris, le 3 mars 2025. (AFP)
Cette photographie montre le logo de la société française de transports publics RATP, sur un bâtiment à Paris, le 3 mars 2025. (AFP)
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  • Après le départ de Jean Castex à la SNCF, l’Élysée s’apprête à nommer rapidement le nouveau président ou la nouvelle présidente de la RATP
  • Plusieurs profils circulent, tandis que la régie fait face à d’importants défis

PARIS: Après le départ de Jean Castex à la SNCF, la RATP se cherche un ou une présidente, dont la nomination pourrait intervenir "rapidement", selon des sources concordantes.

L'annonce se fera par communiqué de l'Elysée en vertu de l'article 13 de la Constitution qui prévoit que le président de la République nomme aux emplois civils et militaires de l'Etat.

Suivront, deux semaines plus tard, deux auditions de l'impétrant devant les sénateurs, puis devant les députés. Les parlementaires ont la possibilité de s'opposer au candidat d'Emmanuel Macron s'ils réunissent trois cinquième de leurs votes cumulés contre le nom choisi par l'Elysée.

En revanche, si le candidat est adoubé par le Parlement, son nom est proposé en conseil d'administration comme nouvel administrateur, puis confirmé dans la foulée par un décret suivant le conseil des ministres.

Depuis l'arrivée de l'ancien Premier ministre Jean Castex à la tête de la SNCF début novembre, les rumeurs se multiplient sur le nom de celui ou celle qui sera chargé de lui succéder aux commandes de la Régie autonome des transports parisiens, vieille dame créée le 21 mars 1948 et désormais plongée dans le grand bain de l'ouverture à la concurrence.

Les articles de presse pèsent les différents "profils" pressentis, politiques ou techniques qui pourraient "faire le job".

Les noms qui reviennent le plus souvent sont ceux de Xavier Piechaczyk, président du directoire du distributeur d'électricité RTE et ex-conseiller énergie-transport de Jean-Marc Ayrault et François Hollande, Alain Krakovitch, actuel directeur des TGV et Intercités à SNCF Voyageurs, Jean-François Monteils, président du directoire de la Société des grands projets (SGP) et selon la Tribune, Valérie Vesque-Jeancard, présidente de Vinci Airways et directrice déléguée de Vinci Airports.

"Si le nom sort de l'Elysée avant la fin de l'année, cela permettrait au PDG de prendre ses fonctions fin janvier-début février" souligne un fin connaisseur des milieux ferroviaires qui requiert l'anonymat.

- "Aller vite" -

"Une entreprise industrielle comme la RATP ne peut pas rester sans pilote très longtemps" souligne une autre source, proche du dossier, qui requiert aussi l'anonymat, avant d'ajouter "il faut aller vite, car c'est aussi une boite politique, la RATP".

Une entreprise aux enjeux d'autant plus complexes, que malgré son ancrage initial parisien, la RATP dépend du financement de la région Ile-de-France pour ses matériels, s'étend de plus en plus loin dans la banlieue, voire en métropole, et gère des réseaux de transports dans 16 pays sur les cinq continents.

En France, elle est notamment pressentie pour gérer les transports ferroviaires régionaux autour de Caen en Normandie à partir de 2027 après avoir répondu - via sa filiale RATP Dev - à des appels d'offre d'ouverture à la concurrence.

A Paris, la RATP est en train d'introduire progressivement de nouveaux matériels sur son réseau. Le nouveau métro MF19 construit par Alstom, ira d'abord sur la ligne 10 puis sept autres lignes (7 bis, 3 bis, 13 d'ici 2027, puis 12, 8, 3 et 7 d'ici 2034).

L'ensemble du processus prendra une dizaine d'années environ de travaux de modernisation sur les lignes concernées: beaucoup d'ingénierie fine à organiser pour réaliser les travaux pendant la nuit sans interrompre le trafic diurne et de désagréments pour les voyageurs.

A échéance plus lointaine, le ou la future patronne devra déterminer la stratégie du groupe dans les nouvelles ouvertures à la concurrence qui se dessinent: les tramway en 2030 puis le métro en 2040.

Sur le réseau de bus francilien, où la RATP a d'ores et déjà perdu son monopole, elle est parvenue à conserver l'exploitation de 70% des lignes d'autobus qu'elle gérait à l'issue des dernières vagues d'appels d'offre de mise en concurrence qui se sont achevées cet automne.

En particulier, elle continue d'exploiter via RATP Dev tous les bus de Paris intra-muros et a engagé un processus de verdissement de sa flotte de bus, financé par Ile-de-France Mobilités (IDFM), l'autorité organisatrice des transports.

Ses concurrents Keolis (filiale de la SNCF), Transdev et l'italien ATM ont pris les rênes le 1er novembre des lignes remportées.


Pourquoi le chocolat reste cher avant Noël malgré la baisse du prix du cacao

Des producteurs récoltent du cacao dans une plantation à Agboville, dans la région d'Agneby-Tiassa, le 4 décembre 2025. (AFP)
Des producteurs récoltent du cacao dans une plantation à Agboville, dans la région d'Agneby-Tiassa, le 4 décembre 2025. (AFP)
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  • Après des récoltes déficitaires ayant fait exploser les prix du cacao en 2024, la production repart en Côte d’Ivoire et au Ghana grâce à la hausse du prix payé aux producteurs, entraînant une baisse des cours mondiaux
  • Malgré cette accalmie, les consommateurs ne verront pas les prix du chocolat baisser pour Noël, car les coûts élevés ont déjà conduit à des hausses tarifaires, des réductions de portions et une baisse de la teneur en cacao

LONDRES: Après être montés en flèche pendant deux ans, les cours du cacao sont largement retombés cette année, mais sans répercussion sur les prix du chocolat à quelques jours des fêtes de fin d'année. Explications.

- L'Afrique de l'Ouest est le coeur de la production -

La Côte d'Ivoire et le Ghana sont les principaux fournisseurs de cabosses, les fruits du cacaoyer, desquels sont extraits les fèves de cacao utilisées pour le chocolat.

Ces deux pays d'Afrique de l'Ouest concentrent plus de la moitié de la production mondiale, le reste étant principalement réparti entre le Nigeria, le Cameroun, ainsi que l'Equateur, l'Indonésie et le Brésil.

Cette concentration de la production mondiale dans quelques zones géographiques rend le marché très vulnérable aux aléas climatiques de l'Afrique de l'Ouest et aux maladies des cacaoyers.

- Les prix ont battu des records en 2024 -

Les récoltes des "saisons 2021-2022, 2022-2023, et 2023-2024 ont été déficitaires" par rapport à la demande, entraînant une hausse mécanique des prix, explique à l'AFP Oran Van Dort, de Rabobank.

Ce déficit s'explique selon lui par les mauvaises conditions météorologiques, mais aussi des problèmes systémiques dans les plantations ghanéennes et ivoiriennes, comme "le vieillissement des arbres, la propagation du "swollen shoot virus" (oedème des pousses du cacaoyer) ou la faible utilisation d'engrais et de pesticides", faute de revenus suffisants.

Résultat, en décembre 2024, le prix du cacao a atteint le niveau inédit de 12.000 dollars la tonne à la Bourse de New York, lui qui s'échangeait entre 1.000 et 4.000 dollars depuis les années 80.

- La récolte de fèves a redécollé ces derniers mois -

Au Ghana et en Côte d’Ivoire, le prix payé aux producteurs est fixé par l'État, qui l'a largement augmenté pendant l'année 2025, après l'avoir longtemps maintenu inchangé malgré la hausse des cours.

"Pour la première fois depuis des années, j'ai l'impression que nous cultivons avec le soutien du gouvernement", témoigne auprès de l'AFP, Kwame Adu, de la région d'Ahafo au Ghana.

La hausse des revenus a permis aux producteurs d'acheter des engrais et des machines pour améliorer la récolte, ainsi que de planter de nouveaux arbres, favorisant leurs perspectives.

"L'année passée (saison 2024/2025, ndlr), ça s'est bien passé parce qu'au moment où le cacao a donné les fruits, il y avait la pluie", explique aussi à l'AFP Jean Kouassi, agriculteur ivoirien de 50 ans, qui possède 4 hectares de plantation.

- Il y a moins de cacao dans les produits -

"Le coût record des matières premières a contraint les fabricants de chocolat à prendre une série de décisions impopulaires: réduction des quantités, augmentation des prix", mais aussi la "dilution discrète de la teneur en cacao" dans les produits, souligne Ole Hansen, analyste chez Saxo Bank.

La pratique peut même coûter l'appellation "barre au chocolat" à certains produits, comme c'est arrivé aux biscuits Penguin et Club de la marque McVitie's cette année au Royaume-Uni, qui impose un minimum de teneur en cacao.

La demande des géants comme Mondelez, Mars, Ferrero ou Nestlé s'est affaiblie, ce qui, ajouté à la bonne récolte 2024-2025, a entraîné une baisse des cours. La tonne de cacao évolue désormais à New York aux alentours de 6.000 dollars.

- Le chocolat reste cher -

La baisse des prix du cacao ne profitera pas aux amateurs de chocolat durant les fêtes, celle-ci arrivant "bien trop tard pour affecter les assortiments de Noël déjà produits et dont les prix ont été fixés il y a plusieurs mois", tranche Ole Hansen

"Les récentes fluctuations des prix du cacao sont encourageantes, mais le marché reste volatil (...) il est encore trop tôt pour se prononcer sur des changements spécifiques concernant les prix", reconnaît Nestlé, interrogé par l'AFP.

L'espoir demeure pour les oeufs et les lapins de Pâques, selon M. Hansen, à condition que le marché se stabilise autour des niveaux actuels.