«Guerre» de Céline, une première sur les planches à Avignon

Une photo prise le 3 mai 2022 montre des feuillets encadrés d'un manuscrit original du roman «Guerre» de l'écrivain français Louis-Ferdinand Céline présentés à la galerie Gallimard lors de l'exposition intitulée «Céline, manuscrits retrouvés» à Paris. (Photo Christophe Archambault / AFP)
Une photo prise le 3 mai 2022 montre des feuillets encadrés d'un manuscrit original du roman «Guerre» de l'écrivain français Louis-Ferdinand Céline présentés à la galerie Gallimard lors de l'exposition intitulée «Céline, manuscrits retrouvés» à Paris. (Photo Christophe Archambault / AFP)
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Publié le Mardi 18 juillet 2023

«Guerre» de Céline, une première sur les planches à Avignon

  • «J'ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête», lance Ferdinand, interprété dans ce seul en scène par Benjamin Voisin
  • Cette création du «off» du festival d’Avignon, qui a reçu une ovation debout dimanche, sera notamment donnée à l'automne durant plusieurs semaines à Paris

AVIGNON, France : C'est l'un des manuscrits de Louis-Ferdinand Céline récemment retrouvés: «Guerre», qui dénonce l'absurdité du conflit de 1914-1918, est adapté pour la première fois au théâtre et présenté au Festival d'Avignon, un an après sa publication.

Le monologue s'ouvre par le réveil du brigadier Ferdinand, 20 ans, grièvement blessé mais en vie, sur un tapis de cendres - un champ de bataille dans les Flandres - une nuit de 1915: immédiatement, ce sont le sang, les obus, les rats, les fossés plein d'eau, et cette douleur...

«J'ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête», lance Ferdinand, interprété dans ce seul en scène par Benjamin Voisin («Eté 85» de François Ozon, «Illusions perdues» de Xavier Giannoli).

S'ensuit le récit - vraisemblablement écrit en 1934 - de son sauvetage par un soldat anglais, puis de sa convalescence non loin du front dans le nord de la France, l'hôpital, sa médaille militaire, les sorties au café, puis son départ en Angleterre.

L'acteur français Benjamin Voisin réagit après avoir remporté le prix du meilleur espoir masculin pour le film Illusions Perdues lors de la 47e édition de la cérémonie des César du cinéma à l'Olympia, à Paris, le 25 février 2022. (Photo BERTRAND GUAY / AFP)
L'acteur français Benjamin Voisin réagit après avoir remporté le prix du meilleur espoir masculin pour le film Illusions Perdues lors de la 47e édition de la cérémonie des César du cinéma à l'Olympia, à Paris, le 25 février 2022. (Photo BERTRAND GUAY / AFP)

«J'ai aimé la puissance de la langue de Céline, d'une grande oralité. Une langue argotique, poétique, drolatique», raconte à l'AFP le metteur en scène, Benoît Lavigne.

Malgré la noirceur du récit, le narrateur campe, avec la gouaille de Céline, une galerie de personnages parfois drôles: muni simplement d'un tabouret déplacé sur un plateau au décor très épuré, il incarne à tour de rôle ce jeune brigadier, touchant de naïveté, la prostituée Angèle, l'infirmière Mademoiselle L'Espinasse ou encore Cascade, au parler crû; là, le jeu de l'acteur n'est pas sans rappeler Jean-Paul Belmondo, en effet voulu.

- «Violenté par l'actualité» -

«J'ai une sorte de culte pour l'écriture de Céline», explique Benjamin Voisin, qui confie que ses livres figurent, «avec Dostoïevski ou Molière, sur (sa) table de chevet».

Elle comporte un «paradoxe: dès qu'on essaie de la prononcer, elle devient très écrite. Et, à la lecture, elle est oratoire».

«Pour un acteur de théâtre, c'est un des meilleurs exercices. Comment faire pour ne pas alourdir la phrase, pour qu'elle puisse être entendue telle que l'auteur l'a souhaité? C'est ce qui m'amuse», ajoute-t-il.

«Jouer un inédit de Céline (...) qu'on a découvert là, récemment, c'est dingue! J'adore», déroule l'acteur de 26 ans.

Le metteur en scène dit aussi avoir été «très violenté par l'actualité du livre de Céline». «C'était en 2022, la guerre en Ukraine venait de démarrer. Le parcours de ce jeune soldat qui est précipité sur le front de la boucherie de la Guerre de (19)14, à qui on avait promis que cela durerait 15 jours, cela m'a fait penser à ces jeunes soldats, ukrainiens ou russes, qui étaient sur des champs de bataille», poursuit-il.

«Quand je dis la phrase +Faudra pouvoir passer dans un pays où qu'on s'tue pas+, c'est évident, c'est comme un écho», abonde Benjamin Voisin.

A noter que les mots d'argot «bicot» et «sidi», à connotation raciste, présents dans le texte de Louis-Ferdinand Céline, n'apparaissent pas dans l'adaptation théâtrale. «Ce n'est pas une censure du texte» mais «il n'y avait pas d'intérêt dramaturgique à garder ce moment», précise M. Lavigne.

Cette création du «off» du festival d’Avigon, qui a reçu une ovation debout dimanche, sera notamment donnée à l'automne durant plusieurs semaines à Paris.


Villa Hegra, où le patrimoine devient moteur d’innovation et de diplomatie culturelle

De gauche à droite, Ingrid Périsset, Hervé Lemoine et Fériel Fodil. (Photo Arlette Khouri)
De gauche à droite, Ingrid Périsset, Hervé Lemoine et Fériel Fodil. (Photo Arlette Khouri)
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  • La Villa Hegra n’est pas seulement un lieu d’exposition ou de résidence : elle s’affirme comme un outil de diplomatie culturelle
  • En réunissant artistes, chercheurs et institutions, elle favorise la circulation des idées et des pratiques entre la France, l’Arabie saoudite et au-delà

PARIS: Dans le cadre de la dixième édition de « Think Culture », un rendez-vous incontournable qui interroge les liens entre culture, innovation et société, une table ronde posait une question centrale : comment préserver l’identité d’un site patrimonial exceptionnel tout en l’inscrivant dans le présent et l’avenir ?

Pour y répondre, les organisateurs ont choisi un exemple emblématique : la Villa Hegra, première institution franco-saoudienne dédiée à la coopération culturelle, implantée au cœur du site d’AlUla, au nord-est de l’Arabie saoudite.

Trois voix se sont relayées pour éclairer les enjeux de ce projet : Ingrid Périsset, directrice de la recherche archéologique et du patrimoine pour l’Agence française de développement d’AlUla (AFALULA) ; Fériel Fodil, directrice générale de la Villa Hegra ; et Hervé Lemoine, président de l’Établissement public des manufactures nationales et du Mobilier national.

En introduction, Ingrid Périsset a rappelé les racines profondes de la coopération franco-saoudienne dans le domaine archéologique, soulignant que, depuis près d’un quart de siècle, des chercheurs français travaillent sur le site d’Hegra, « petite sœur de Pétra », joyau nabatéen classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette présence pionnière, amorcée au début des années 2000, a contribué à révéler la richesse exceptionnelle d’AlUla et à établir un climat de confiance entre les deux pays.

Pour l’archéologue, il n’existe pas de rupture entre passé et présent : « L’histoire de l’art est un continuum, une transmission permanente. Les artistes contemporains se retrouvent souvent bouleversés en découvrant des objets millénaires, comme s’ils partageaient une même mémoire créative avec ceux qui les ont façonnés. »

Cette vision inscrit la Villa Hegra dans une logique de dialogue entre héritage et création, où la préservation patrimoniale nourrit l’innovation culturelle.

Prenant la parole, Fériel Fodil a présenté la genèse et les spécificités de la Villa Hegra. Créée à la suite d’un accord intergouvernemental signé en 2021 et renforcée par un décret royal en 2024, lors de la visite du président Emmanuel Macron en Arabie saoudite, l’institution s’affirme comme un pilier de la diplomatie culturelle.

Sa singularité tient à sa gouvernance bicéphale, à la fois française et saoudienne, qui se traduit par une double direction curatoriale, des équipes mixtes et une programmation ouverte aux artistes francophones et arabophones. « C’est la première villa véritablement binationale du réseau français, souligne-t-elle. Elle incarne une volonté de coopération équilibrée et réciproque. »

La Villa Hegra rejoint ainsi les grandes villas françaises à l’étranger – de la Villa Médicis à Rome à la Casa de Velázquez à Madrid, en passant par la Villa Kujoyama à Kyoto et la Villa Albertine aux États-Unis. Mais, contrairement à ses sœurs, elle s’implante dans un territoire encore en devenir culturel, avec l’ambition d’être ancrée localement tout en restant ouverte sur le monde.

Pour Hervé Lemoine, l’intérêt de la Villa Hegra tient aussi à sa capacité à accueillir les métiers d’art et du design, trop souvent relégués au second plan derrière les arts visuels ou les arts vivants. Ces savoir-faire, estime-t-il, constituent pourtant un patrimoine matériel essentiel.

Le partenariat entre la Villa Hegra et les Manufactures nationales vise à valoriser cette dimension. Dès les premiers échanges, des pièces de mobilier français ont été installées sur place, non pas uniquement pour leur confort ou leur esthétique, mais pour témoigner de la richesse des traditions artisanales. « C’est une autre manière de créer des ponts, explique-t-il. En montrant le travail du bois ou des arts décoratifs, nous favorisons un échange culturel fondé sur la main, le geste et la matière. »

Ce dialogue se concrétise également par des résidences croisées : une jeune artiste saoudienne rejoindra bientôt les ateliers français pour découvrir la diversité des métiers représentés. Il s’agit là d’une transmission tangible des savoir-faire, vecteur d’innovation et de coopération durable.

La Villa Hegra n’est pas seulement un lieu d’exposition ou de résidence : elle s’affirme comme un outil de diplomatie culturelle. En réunissant artistes, chercheurs et institutions, elle favorise la circulation des idées et des pratiques entre la France, l’Arabie saoudite et au-delà.

Son inscription officielle dans le réseau des villas françaises, prévue à Paris en octobre prochain, ouvrira la voie à de nouveaux échanges artistiques entre les différents sites — qu’il s’agisse de l’Opéra de Paris invité à AlUla ou de collaborations entre designers, musiciens et écrivains.

À travers cette initiative, la France et l’Arabie saoudite affirment une ambition commune : relier le passé au présent et faire du dialogue interculturel un moteur de rayonnement international.


Le pavillon de l’Arabie saoudite remporte le prix de l’innovation technologique pour la durabilité à l’Expo d’Osaka

Le projet a démontré sa capacité à favoriser la croissance à long terme des coraux, illustrant la manière dont une technologie de pointe et durable, grâce à l'impression 3D, peut remédier à la perte de biodiversité et contribuer à renforcer la résilience face au changement climatique. (Photo: fournie)
Le projet a démontré sa capacité à favoriser la croissance à long terme des coraux, illustrant la manière dont une technologie de pointe et durable, grâce à l'impression 3D, peut remédier à la perte de biodiversité et contribuer à renforcer la résilience face au changement climatique. (Photo: fournie)
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  • Le pavillon d’Arabie saoudite a reçu le tout premier prix de l’innovation technologique à l’Expo 2025 d’Osaka, grâce à son projet de récifs coralliens imprimés en 3D, présenté dans l’espace "Sustainable Seas"
  • Ce projet pionnier allie technologie de pointe et durabilité environnementale, en démontrant comment l’impression 3D peut favoriser la régénération des coraux et lutter efficacement contre la perte de biodiversité

OSAKA: Le pavillon de l’Arabie saoudite a annoncé avoir remporté le premier prix de l’innovation technologique lors de l’Expo 2025 d’Osaka, pour son projet de récifs coralliens en 3D, présenté dans sa salle immersive "Sustainable Seas".

Le Prix de l’Innovation Technologique de l’Expo a été attribué conjointement par le Bureau International des Expositions (BIE) et le Global Industrial and Social Progress Research Institute (GISPRI). Il sera officiellement remis au pavillon saoudien dimanche, par le secrétaire général du BIE et le président du GISPRI.

Le projet de récifs coralliens en 3D illustre avec succès comment les technologies de pointe, durables et basées sur l’impression 3D peuvent répondre à la perte de biodiversité et encourager la régénération naturelle des coraux à long terme.

L’ambassadeur d’Arabie saoudite au Japon, le Dr Ghazi Faisal Binzagr, a déclaré : « Nous sommes honorés de recevoir cette reconnaissance internationale à l’Expo 2025 d’Osaka. Au-delà d’un prix, c’est la confirmation de notre responsabilité à mobiliser l’innovation et le savoir-faire du Royaume pour construire un avenir plus durable, pour les générations à venir. »

« Depuis le début, la collaboration et les partenariats ont été au cœur de la démarche du pavillon saoudien, guidant notre progression et nos réussites. Nous sommes fiers de cette reconnaissance et reconnaissants envers nos partenaires et collègues qui l’ont rendue possible. »

Le projet de récifs coralliens en 3D démontre une réussite concrète dans la promotion de la croissance corallienne à long terme, tout en mettant en lumière le rôle des technologies innovantes dans la lutte contre la perte de biodiversité et dans la résilience climatique.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.jp


Retour sur les liens de Giorgio Armani avec le Moyen-Orient

Giorgio Armani est décédé, a confirmé la maison de couture Armani le 4 septembre. (AFP)
Giorgio Armani est décédé, a confirmé la maison de couture Armani le 4 septembre. (AFP)
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  • Giorgio Armani, figure emblématique de la mode mondiale, entretenait des liens forts avec le Moyen-Orient, incarnés par l’hôtel Armani à Dubaï, le Golden Visa émirati et des projets récents en Arabie saoudite
  • Fondateur d’un empire dépassant les 10 milliards de dollars, Armani a imposé une esthétique unique — élégante, sobre et intemporelle — qui a influencé la mode, le design et l’hôtellerie de luxe à l’échelle mondiale

DUBAÏ – Giorgio Armani, le créateur italien qui a transformé le concept d’élégance discrète en un empire de la mode pesant plusieurs milliards de dollars, est décédé, a confirmé sa maison de couture. Il avait 91 ans.

Armani est mort chez lui, a indiqué la maison Giorgio Armani. Figure emblématique de l’industrie mondiale de la mode, il avait manqué pour la première fois la Fashion Week de Milan en juin 2025, lors des présentations de la collection printemps-été 2026 homme, en raison d’un problème de santé non précisé. Il préparait un événement majeur pour célébrer les 50 ans de sa maison Giorgio Armani pendant la Fashion Week de Milan ce mois-ci.

Armani était reconnu pour ses liens étroits avec le Moyen-Orient, et avait reçu en 2021 le Golden Visa des Émirats arabes unis, lui offrant un droit de résidence de 10 ans en reconnaissance de sa contribution à la scène de la mode internationale.

Le visa lui avait été remis par le Major Général Mohamed Ahmed Al-Marri, directeur général de la Direction générale de la résidence et des affaires des étrangers.

Dubaï abrite également l’hôtel Armani, situé dans la Burj Khalifa, le plus haut gratte-ciel du monde.

En 2021, le créateur avait également organisé un défilé exclusif à l’hôtel Armani, marquant le 10e anniversaire de l’établissement et les 40 ans de la marque Armani — une autre preuve de son lien privilégié avec la ville.

En mars dernier, Diriyah Company avait annoncé le lancement des Armani Residences Diriyah, marquant la première incursion de la maison italienne en Arabie saoudite.

L’actrice libano-jordanienne Andria Tayeh est, quant à elle, ambassadrice beauté de la marque pour la région.

Partant d’une veste non doublée, d’un pantalon simple et d’une palette urbaine, Armani a imposé le style prêt-à-porter italien sur la scène internationale à la fin des années 1970, créant une silhouette décontractée immédiatement reconnaissable, qui a porté sa maison durant un demi-siècle.

Du bureau exécutif aux tapis rouges d’Hollywood, Armani a habillé les riches et célèbres avec des tenues classiques et structurées, dans des tissus ultra doux aux tons sobres. Ses costumes de gala et robes de soirée scintillantes ont souvent volé la vedette lors des cérémonies de remise de prix.

Au moment de sa mort, Giorgio Armani avait bâti un empire évalué à plus de 10 milliards de dollars, comprenant non seulement les vêtements, mais aussi des accessoires, du mobilier, des parfums, des cosmétiques, des livres, des fleurs et même des chocolats — le plaçant selon Forbes parmi les 200 plus grandes fortunes mondiales.

Le créateur possédait également plusieurs bars, clubs, restaurants, ainsi que son équipe de basket, EA7 Emporio Armani Milan, plus connue sous le nom d’Olimpia Milano. Depuis 1998, il avait ouvert plus de 20 restaurants, de Milan à Tokyo, ainsi que deux hôtels : l’un à Dubaï en 2009, l’autre à Milan en 2010.

Armani lui-même était le socle de son style.

Le style Armani, c’était avant tout Giorgio Armani lui-même : des yeux bleus perçants encadrés d’un bronzage permanent, une chevelure argentée précoce, les jeans et t-shirts devenus son uniforme de travail, et une décoration minimaliste dans ses résidences privées. Un style à l’image de l’homme : épuré, intemporel, inimitable.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com