Le sermon du chef de la Ligue islamique mondiale écrit une nouvelle page de l'histoire de Jama Masjid en Inde

«Le message d'harmonie religieuse et de paix du Dr Al-Issa a été très bien accueilli», a indiqué Rasheed à Arab News (Photo, Fournie).
«Le message d'harmonie religieuse et de paix du Dr Al-Issa a été très bien accueilli», a indiqué Rasheed à Arab News (Photo, Fournie).
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Publié le Mercredi 19 juillet 2023

Le sermon du chef de la Ligue islamique mondiale écrit une nouvelle page de l'histoire de Jama Masjid en Inde

  • Depuis son achèvement en 1656, la mosquée a façonné la mémoire populaire des habitants de Delhi
  • Le discours du cheikh Al-Issa à Jama Masjid a été le premier prononcé en quatre cent ans par une personnalité religieuse extérieure à l'Inde

NEW DELHI: Construite sous l'empire moghol il y a quelque quatre cents ans, la mosquée Masjid-e-Jahan Numa de la ville de Delhi, dans le nord de l'Inde, communément appelée Jama Masjid, compte parmi les lieux de culte les plus grands, les plus beaux et les plus appréciés du sous-continent indien.

Bien que le complexe puisse accueillir 85 000 fidèles, il n'y avait que des places debout lorsque le cheikh Mohammed ben Abdelkarim al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale et président de l'Organisation des savants musulmans, a prononcé le sermon du vendredi la semaine dernière.

Selon le site web de la Ligue islamique mondiale, c'était la première fois en quatre cents ans qu'une personnalité religieuse extérieure à l'Inde prononçait un sermon dans la mosquée. Al-Issa l'a fait à l'invitation de son imam et a reçu un accueil chaleureux de la part des fidèles.

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Une congrégation composée uniquement de places debout a écouté le premier sermon depuis quatre cent ans à la mosquée Jama Masjid (Photo, Shutterstock).

L'empereur Shâ Jahân, cinquième souverain moghol de l'Inde, a présidé à l'achèvement de la mosquée Jama Masjid en 1656. Depuis lors, elle a façonné la mémoire populaire des habitants de Delhi et de l'ensemble de la nation indienne.

«Sa première pierre a été posée le 6 octobre 1650, sous la supervision de Saadullah Khan, le Premier ministre, et de Fazil Khan, le chef de la maison de Shahjahan, pour un coût de dix lacs de roupies», écrit Sadia Aziz, chercheuse au département d'histoire de l'université de Delhi, dans son essai de 2017 intitulé «Mosque, Memory and State : A Case Study of Jama Masjid (India) and the Colonial State c. 1857" (Mosquée, mémoire et État : une étude de cas de Jama Masjid (Inde) et de l'État colonial c. 1857. (Un lac est une unité du système de numération indien égale à 100 000).

Elle a été construite sur une colline appelée Bhojla Pahari, à 1 000 mètres du Fort Rouge, le palais-forteresse de l'empire moghol dans sa nouvelle capitale, Shahjahanabad.

La mosquée mesurait environ 261 pieds de long (79.55 mètres) et 90 pieds (27.43 mètres) de large, son toit étant surmonté de trois dômes décorés de bandes de marbre noir et blanc.

Jama Masjid possède trois entrées, au nord, au sud et à l'est, dont la dernière était la porte Shahi, réservée exclusivement à l'empereur, qui arrivait en procession avec des princes, des nobles et leur entourage depuis le Fort Rouge, tous les vendredis et les jours de l'Aïd.

La mosquée est connue sous deux noms, le premier étant le nom royal qui lui a été donné par l'empereur : Masjid i-Jahan Numa. «Jahan» signifie «monde» et «Numa» signifie «visible», ce qui signifie, au sens figuré, une structure qui offre une vue sur le monde entier.

Le second nom, Jama Masjid, qui signifie «masjid collectif ou de congrégation», est né de la conscience sociale de la population et il est devenu, avec le temps, plus populaire que le nom officiel.

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Cheikh Dr Mohammed ben Abdelkarim al-Issa, secrétaire général de la Ligue mondiale musulmane (Photo, Fournie).

Lorsque la ville de Delhi a été reprise par les Britanniques en 1803, laissant l'empereur moghol en place en tant que chef impérial rituel, les autorités coloniales ont aidé à la réparation et à la rénovation de la mosquée.

Cependant, les efforts déployés par les autorités coloniales pour se rapprocher de la population locale ont été brusquement interrompus lors du soulèvement de 1857, qualifié de Première guerre d'indépendance.

Lorsque l'autorité coloniale a été rétablie à la mi-septembre 1857, la population musulmane a été particulièrement visée, les Britanniques considérant le soulèvement comme une conspiration musulmane contre eux. En conséquence, de nombreuses mosquées de Delhi ont été démolies.

Histoire mouvementée 

Les Britanniques ont envisagé plusieurs options quant au sort de la Jama Masjid. Les plans allaient de la démolition à la conversion en église ou en collège laïque. Finalement, un plan a été élaboré pour le transformer en caserne pour les soldats sikhs du Pendjab.

Toutefois, après cette première planification, les autorités coloniales ont adouci leur approche et ont essayé d'utiliser la mosquée comme monnaie d'échange pour gagner la confiance des habitants musulmans de Delhi. Après de nombreuses pétitions, la mosquée a été rendue aux habitants de la vieille ville le 28 novembre 1862, avec l'imposition de plusieurs règles et règlements à respecter par les fidèles.

Compte tenu de la longue histoire mouvementée de la Jama Masjid, le fait que le chef la Ligue islamique mondiale prononce le sermon du vendredi et dirige la prière devant une assemblée reflétant la diversité et l'unité de l'Inde moderne, a été un moment très important.

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Le complexe peut accueillir 85 000 fidèles (Photo, Shutterstock).

Al-Issa est arrivé dans la ville le 10 juillet à la tête d'une délégation de la Ligue islamique mondiale, à la suite d'une invitation officielle du gouvernement indien. Au cours de sa visite, il a rencontré le président indien, Droupadi Murmu, le Premier ministre, Narendra Modi, et la ministre des Affaires des minorités, Smriti Irani. Il a également rencontré des érudits islamiques indiens et des chefs religieux de diverses confessions.

Sa visite avait pour but de promouvoir le dialogue fraternel et amical, de renforcer la compréhension et la coopération, et de discuter de nombreux sujets d'intérêt commun entre les religions, ont déclaré les responsables.

«La visite de Son Excellence le Dr Mohammed ben Abdelkarim al-Issa renforce les relations entre les deux pays ainsi que les relations entre les musulmans et les adeptes d'autres religions en Inde», a indiqué Mohammed Abdel Hakim al-Kandi, l'imam de la mosquée Jama Masjid, dans un message vidéo pour la Ligue mondiale musulmane. 

L'Inde compte 1,4 milliard d'habitants, dont environ 210 millions musulmans qui constituent la plus grande minorité musulmane du monde. La majorité des Indiens sont hindous. Les autres minorités comprennent les jaïns, les sikhs, les chrétiens et les bouddhistes.

Plus de soixante-quinze ans après l'indépendance de l'Inde, le pays est généralement parvenu à respecter les idéaux d'une société dans laquelle les adeptes de nombreuses religions peuvent vivre en harmonie et pratiquer leur foi librement. Cependant, des conflits intercommunautaires ont régulièrement éclaté, entraînant des appels à la médiation et au dialogue.

Les chefs religieux qui ont assisté au sermon d'Al-Issa et à d'autres événements en sa compagnie ont souligné qu'ils espéraient que cela encouragerait davantage l'harmonie interconfessionnelle.

FAITS SUR LA JAMA MASJID

Ancien nom: Masjid-i-Jehan-Numa (la mosquée qui reflète le monde entier)

Lieu: Vieux Delhi, Inde

Date de construction: 1644-1656

Construite par l'empereur moghol Shah Jahan

Architecte: Ustad Ahmad Lahori

Capacité d'accueil: 85 000 personnes au total

Longueur: 40 mètres

Largeur: 27 mètres

Dômes: 3

Portes: 3

Minarets: 2

Hauteur du minaret: 41 mètres

Matériau: Grès rouge, marbre

Coût: 1 million de roupies

Asghar Ali Imam Mahdi Salafi, président de l’organisation Jamiate Ahle Hadeeth en Inde, a déclaré qu'il espérait que la visite aurait «une grande portée» et un «profond impact positif».

Syed Naseruddin Chishty, président de l’organisation All India Sufi Sajjadanashin Council, a déclaré que cette visite envoyait un message selon lequel les musulmans croient en l'harmonie et la coexistence religieuses.

«Aujourd'hui est un grand événement», a-t-il déclaré. «C'est un message au monde entier, au monde musulman en particulier, aux musulmans vivant en Inde. L'Inde ne veut que la paix. L'Inde croit en l'unité, en la diversité et en la fraternité universelle.»

S'adressant à Arab News, Muddassir Quamar, professeur à l'université Jawaharlal Nehru, a déclaré : «L'Arabie saoudite a œuvré à l'instauration d'un dialogue interconfessionnel à l'échelle mondiale. À une époque où le monde a connu tant de divisions et de tensions entre les différentes cultures et confessions, un dialogue interconfessionnel plus poussé peut contribuer à guérir l'humanité et à développer des relations interculturelles durables.»

Partenaires proches 

Il a poursuivi : «L'Arabie saoudite et l'Inde sont des partenaires proches et le berceau de deux religions, l'islam et l'hindouisme. Tous deux croient en la paix et en l'universalité de l'humanité, de sorte que la visite du cheikh Al-Issa contribuera à développer des liens culturels encore plus étroits entre l'Inde et l'Arabie saoudite. Les musulmans indiens ont vu cette visite d'un œil positif.»

L'un des discours prononcés par Al-Issa dans la capitale indienne, à la Fondation internationale Vivekananda, a été suivi par d'éminents chefs religieux, intellectuels, universitaires, hommes politiques et parlementaires. Adil Rasheed, analyste principal des affaires stratégiques et de la politique de défense en Inde, figurait parmi les participants.

«Le message d'harmonie religieuse et de paix du Dr Al-Issa a été très bien accueilli», a indiqué Rasheed à Arab News.

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La Jama Masjid, que l'on voit ici sur une photo de 1877, a été rendue par les autorités coloniales britanniques aux habitants musulmans de Delhi en 1862 (Photo, Getty Images).

«Son savoir, sa sagesse et son art oratoire ont captivé les auditoires, entrecoupés de fréquentes salves d'applaudissements spontanés», a-t-il ajouté.

Rasheed a mentionné : «Le message du Dr Al-Issa sur l'éducation adéquate des enfants, qui n’est pas contaminée par la pensée radicale et extrémiste, a été très apprécié, de même que son insistance sur la nécessité d'un dialogue constant entre les religions et les civilisations, seul moyen légitime de résoudre les différends et les malentendus.»

Le point de vue de Rasheed a été appuyé par Siraj Kureshi, président du Centre indien de la culture islamique. «Le cheikh Al-Issa est une personnalité importante et un érudit. Il jouit d'une immense réputation, en particulier dans les pays islamiques, de sorte que partout où il va, les gens le regardent avec beaucoup de respect», a-t-il expliqué à Arab News.

«Le message était bon»

«Le message qu'il a délivré aux Indiens était bon. Il a notamment abordé les thèmes de l'humanité, de l'émancipation des femmes, de la jeunesse et de l'éducation. Ce sont ses qualités. C'est pourquoi les gens l'apprécient et l'écoutent attentivement.»

«Les relations entre l'Arabie saoudite et l'Inde sont très anciennes. Elles remontent à des centaines d'années. Ils ont honoré nos premiers ministres. Une importante population indienne travaille en Arabie saoudite. Je suis sûr que son message a été bien reçu», a-t-il ajouté.

«La visite du cheikh Al-Issa ne doit pas être liée aux affaires intérieures de l'Inde. Nous devons garder à l'esprit nos relations séculaires avec l'Arabie saoudite. Je suis certain qu'il avait des messages à adresser au Premier ministre et au président lorsqu'il les a rencontrés au cours de sa visite.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La BBC doit «se battre» pour défendre son journalisme, dit le DG sortant

Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC". (AFP)
Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC". (AFP)
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  • Tim Davie, qui a démissionné dimanche, a reconnu qu'une "erreur" avait été commise dans un documentaire sur le président américain diffusé en octobre 2024, selon ses propos tenus lors d'une visioconférence avec les employés du groupe audiovisuel public
  • Le groupe audiovisuel public britannique est dans la tourmente après avoir réalisé, pour ce documentaire diffusé dans son magazine d'information phare "Panorama", un montage trompeur d'un discours de Donald Trump

LONDRES: La BBC doit "se battre" pour défendre son journalisme, a déclaré mardi le directeur général sortant de la BBC, Tim Davie, alors que le groupe public britannique est menacé de plainte en diffamation par Donald Trump.

Tim Davie, qui a démissionné dimanche, a reconnu qu'une "erreur" avait été commise dans un documentaire sur le président américain diffusé en octobre 2024, selon ses propos tenus lors d'une visioconférence avec les employés du groupe audiovisuel public, rapportés par la chaîne BBC News.

Le groupe audiovisuel public britannique est dans la tourmente après avoir réalisé, pour ce documentaire diffusé dans son magazine d'information phare "Panorama", un montage trompeur d'un discours de Donald Trump, le 6 janvier 2021, qui donnait l'impression que le président sortant incitait explicitement ses partisans à une action violente contre le Congrès.

"Nous avons fait une erreur, et il y a eu un manquement à nos règles éditoriales", a reconnu Tim Davie, expliquant qu'il avait assumé sa "part de responsabilité" en démissionnant.

Il n'a toutefois pas mentionné directement la menace d'action en justice lancée par Donald Trump, ni la date de son départ effectif, lors de cette visioconférence avec le président de la BBC, Samir Shah.

Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC".

"Mais nous nous en sortirons", et "nous devons nous battre pour défendre notre journalisme", a-t-il insisté.

"Nous sommes une organisation unique et précieuse, et je vois la liberté de la presse mise à rude épreuve, je vois son instrumentalisation", a-t-il encore ajouté.


Le président allemand demande à son homologue algérien de gracier l'écrivain Boualem Sansal

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
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  • "Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays"
  • Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...)"

BERLIN: Le président allemand a exhorté lundi son homologue algérien à gracier l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis un an en Algérie et au coeur d'une grave crise diplomatique entre Alger et Paris.

Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...) et de son état de santé fragile".

"Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays", a estimé le président allemand, dans un communiqué.

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs.

Selon des spécialistes à Alger, le fait que la présidence et la télévision publique reprennent les éléments de langage du président allemand peut être perçu comme un signe positif.

Mais aucune indication n'a été donnée quant au calendrier de la prise de décision par le président algérien.

Dans une longue interview accordée en septembre dernier, le président Abdelmadjid Tebboune avait par ailleurs évoqué la possibilité de se rendre en Allemagne fin 2025 ou début 2026.

Arrêté à Alger le 16 novembre 2024, le romancier et essayiste franco-algérien Boualem Sansal a été condamné en appel en juillet à cinq ans de réclusion pour avoir notamment déclaré que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Jeudi, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait souligné que la France menait un "dialogue exigeant" avec Alger pour obtenir la libération de Boualem Sansal.

L'affaire s'inscrit dans un contexte d'hostilité entre Paris et Alger, qui sont empêtrés depuis plus d'un an dans une crise diplomatique sans précédent qui s'est traduite par des expulsions de fonctionnaires de part et d'autre, le rappel des ambassadeurs des deux pays et des restrictions sur les porteurs de visas diplomatiques.


La BBC, dans l'oeil du cyclone, sommée de s'expliquer

Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
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  • La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire
  • La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès

LONDRES: Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump.

La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire de son magazine d'information phare, "Panorama", diffusé en octobre 2024, une semaine avant la présidentielle américaine.

La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès pour se "battre comme des diables".

Or, dans la phrase originale, M. Trump disait: "Nous allons marcher vers le Capitole et nous allons encourager nos courageux sénateurs et représentants et représentantes au Congrès". L'expression "se battre comme des diables" correspondait à un autre passage du discours.

Face à la polémique grandissante, son directeur général, Tim Davie, et la patronne de la chaîne d'information du groupe BBC News, Deborah Turness, ont annoncé dimanche leur démission, qui fait la Une des journaux lundi.

Le président américain a dénoncé les "journalistes corrompus" et "malhonnêtes" de la BBC, sur son réseau Truth Social.

Le président du conseil d'administration du groupe, Samir Shah, doit s'excuser et s'expliquer dans une réponse écrite aux questions de la commission parlementaire sur la culture sur cette affaire, et sur d'autres accusations de partialité sur la couverture de la guerre à Gaza.

"La BBC doit répondre à de graves questions concernant ses normes éditoriales et la manière dont la direction gère les problèmes", a jugé la présidente de la commission, Caroline Dinenage, estimant que le groupe public "se devait d'être exemplaire" face à la montée de la désinformation.

Lundi, la patronne démissionnaire de BBC News a de nouveau assuré qu'il n'y avait "pas de partialité institutionnelle" sur la chaîne, qui a produit le programme mis en accusation.

 

- "Violation des règles" -

 

La classe politique a quasi unanimement critiqué la BBC pour sa gestion de l'affaire, qui tombe d'autant plus mal que le groupe audiovisuel doit renégocier d'ici fin 2027 son nouveau contrat de mission avec le gouvernement.

La cheffe de l'opposition, Kemi Badenoch, a déploré "un catalogue de graves défaillances". Le chef du parti d'extrême droite Reform UK, Nigel Farage, a appelé à "un changement de fond en comble" du groupe public.

La BBC tire une grande part de ses ressources de la redevance annuelle (174,50 livres, soit 198 euros), payée par 22,8 millions de foyers, soit 3,8 milliards de livres.

Samir Shah a dit espérer que le futur directeur général du groupe, dont la nomination pourrait prendre plusieurs mois, "façonnerait positivement" le prochain contrat de mission. la ministre de la Culture, Lisa Nandy, qui a qualifié la situation d'"extrêmement grave", a affirmé que le futur contrat aiderait la BBC à "garantir son rôle" auprès du public.

Le chef du parti libéral démocrate (centriste), Ed Davey, a appelé le Premier ministre Keir Starmer, et la classe politique en général, à défendre la BBC face à Donald Trump et la sphère Maga. "Il est facile de voir pourquoi Trump veut détruire la première source d'information dans le monde. Nous ne pouvons pas le laisser faire", a-t-il prévenu sur la plateforme X.

Le Telegraph a eu connaissance d'une note interne rédigée par l'ancien conseiller indépendant du comité des normes éditoriales de la BBC, Michael Prescott, dans laquelle il suggérait que des erreurs avaient été commises dans le montage. Il affirme que les responsables chargés des normes éditoriales du groupe auprès de qui il a soulevé le problème ont nié toute violation des règles.

En octobre, le régulateur des médias avait épinglé la BBC pour avoir "enfreint les règles de diffusion" à propos d'un reportage à Gaza dans lequel le narrateur principal, un enfant, était le fils d'un haut responsable du mouvement islamiste palestinien Hamas.