Macron arrive en Nouvelle-Calédonie sur fond de bras de fer institutionnel

Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 24 juillet 2023

Macron arrive en Nouvelle-Calédonie sur fond de bras de fer institutionnel

  • Le chef de l'Etat a atterri peu avant 09H00 heure de Paris (07H00 GMT), à l'aéroport La Tontouta de Nouméa
  • Le FLNKS conteste toujours le troisième et dernier référendum d'autodétermination prévu par l'accord de Nouméa de 1998, qui s'est tenu en 2021

Emmanuel Macron est arrivé lundi en Nouvelle-Calédonie pour débuter une tournée dans le Pacifique au cours de laquelle il doit se pencher sur le casse-tête institutionnel du territoire d'Outre-mer, sur fond de menace de boycott d'une partie du camp indépendantiste.

Le chef de l'Etat a atterri peu avant 09H00 heure de Paris (07H00 GMT), à l'aéroport La Tontouta de Nouméa, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Peu après son arrivée, il doit enregistrer une interview en duplex qui sera diffusée dans les journaux de 13H00 de TF1 et France 2, pour clore la séquence politique entamée mi-avril après la crise des retraites et qui a abouti à un remaniement ministériel la semaine dernière.

La visite va ensuite débuter par un geste symbolique: le président doit remettre lundi soir les insignes de commandeur de la Légion d'honneur à Marie-Claude Tjibaou, veuve du leader kanak assassiné Jean-Marie Tjibaou.

Lors de son premier déplacement en Nouvelle-Calédonie en 2018, Emmanuel Macron avait remis au gouvernement collégial du territoire les deux actes de prise de possession de ce territoire, en 1853, au nom de Napoléon III.

"Nous ne sommes plus au temps de la possession", avait-il dit alors.

Mais ce geste, qui se voulait hautement symbolique, n'a pas vraiment marqué les esprits dans l'archipel, où les indépendantistes continuent de demander des actes en termes de réparations pour tourner la page du "contentieux colonial".

Nouvelle-Calédonie : un territoire à forts enjeux environnementaux

L’archipel qui présente une biodiversité particulièrement riche, aussi bien sur terre, où le taux d’endémisme de la flore atteint 76%, qu’au sein du parc naturel de la mer de Corail. Cette réserve couvre l’ensemble des 1,3 million de kilomètres carrés de la zone économique exclusive et abrite 30% des derniers récifs mondiaux encore vierges.

Face à cet enjeu écologique majeur, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a entrepris d’instaurer un moratoire sur l’exploitation et l’exploration à visée économique des grands fonds marins du parc. Un travail qui devrait aboutir d’ici à la fin de l’année selon Jérémie Katidjo-Monnier, le membre du gouvernement en charge de l’environnement. Le Congrès devra notamment définir la durée du moratoire, entre 10 et 25 ans.

"On va être l’un des premiers pays, sinon le premier, à avoir un moratoire voté avant la fin de l’année", a déclaré Jérémie Katidjo-Monnier à l’AFP. "Nous sommes aussi bien avancés pour mettre en réserve 10% du parc classé IUCN 1 (le plus haut niveau de protection de l’Union internationale pour la conservation de la nature). C’est considérable puisque cela représente 1,5% de l’effort national".

La France s’est engagée à protéger, d’ici à 2030, au moins 30% des espaces terrestres et marins, dont un tiers sous protection forte, soit 10%, contre 4% aujourd’hui selon l’UICN.

"Nous envisageons de créer une plateforme de coordination des politiques environnementales avec nos pays voisins. Cela pourrait servir de base à une coopération dans le cadre d’une diplomatie verte", a encore indiqué Jérémie Katidjo-Monnier, qui a évoqué le sujet avec les autorités du Vanuatu, pays voisin.

Une question politique 

Si le dossier du parc de la mer de Corail bénéfice d’un certain consensus, ce n’est pas le cas de l’ensemble des sujets environnementaux. La stratégie de transformation de la production énergétique néo-calédonienne, aujourd’hui carbonée à plus de 80%, en est une illustration.

Le programme qui vise à réduire de 70% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035 a été présenté au Congrès en novembre 2022. Il a finalement été reporté, à la suite du dépôt d’une motion demandant des éclaircissements sur les financements nécessaires et n’a toujours pas été représenté.

"On fait beaucoup d’études, beaucoup de politique. On entend l’urgence écologique et climatique dans tous les discours mais pas forcément avec le bon niveau d’écoute. Finalement les actions ne sont pas là et, parfois, les moyens sont mobilisés sur tout autre chose", a estimé Nicolas Imbert, le directeur exécutif de l’ONG Green Cross France.

La préoccupation environnementale rencontre la question politique dans un territoire où les trois provinces (Nord, Sud, Iles Loyauté) disposent chacune d’un pouvoir réglementaire et exécutif.

En décembre 2019, "il y a eu un sursaut extrêmement fort au niveau du Congrès avec le vote à l’unanimité de l’état d’urgence climatique et environnementale qui demande à toutes les institutions de travailler ensemble à la mise en place d’un plan d’actions pour apporter des réponses concrètes et maintenant. La province des Îles Loyauté a avancé avec sa stratégie, les provinces Nord et Sud sont parties avec un peu de retard mais on ne ressent encore pas du tout le changement d’échelle et le changement d’approche", a encore regretté Nicolas Imbert.

"L’environnement (...) c’est le grand oublié de l’Accord de Nouméa, c’est dire à quel point (il) avait peu d’intérêt dans l’espace politique. Petit à petit, on se rend compte de (son) importance aujourd’hui mais c’est finalement très récent", a commenté Jérémie Katidjo-Monnier.

"Notre bipolarisation politique extrême (loyalistes/indépendantistes, ndlr) ne laisse pas de place à la prise en compte des questions environnementales qui sont pourtant devenues urgentes et extrêmement préoccupantes", regrette Martine Cornaille, présidente de l’association de protection de l’environnement Ensemble pour la planète (EPLP).

"L’éclatement des compétences est un frein terrible à la construction d’un plan global d’adaptation. Chaque institution va vouloir tirer la couverture à elle et exercer ses petites compétences au détriment d’une échelle plus globale", estime cette militante, qui plaide pour la mise en place d’une autorité environnementale indépendante du pouvoir politique.

Une section du nord de l'île de l'Union calédonienne, principal parti des indépendantistes du Front de libération national kanak socialiste (FLNKS), a d'ailleurs dénoncé dans un communiqué la venue du chef de l'Etat, accusé d'être favorable à "la frange radicale non-indépendantiste".

Le FLNKS conteste toujours le troisième et dernier référendum d'autodétermination prévu par l'accord de Nouméa de 1998, qui s'est tenu en 2021 et s'est soldé comme les deux premiers par un "non" à l'indépendance. Les indépendantistes l'avaient boycotté.

Cette frange de l'Union calédonienne appelle à manifester en marge de la visite présidentielle, mardi à Touho, sur la côte est, où Emmanuel Macron doit évoquer l'érosion du littoral, et mercredi à Nouméa où il doit prononcer un discours place de la Paix.

Elle entend aussi boycotter la réunion de tous les acteurs politiques prévue mercredi autour du président, en soulignant que le FLNKS n'a pas encore accepté le principe de négociations tripartites sur le futur statut institutionnel du territoire.

Emmanuel Macron se rendra ensuite jeudi au Vanuatu et vendredi en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où il sera le premier président non français à se rendre dans des îles non françaises du Pacifique.


La mère du journaliste français Christophe Gleizes a adressé une demande de grâce au président algérien

Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche. (AFP)
Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche. (AFP)
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  • Dans un communiqué publié lundi, l'association Reporters sans frontières (RSF), qui coordonne le comité de soutien de Christophe Gleizes, appuie cette demande de grâce "afin de mettre fin à une grave injustice"
  • La mère du journaliste sportif français Christophe Gleizes, condamné début décembre en Algérie à sept ans de prison ferme en appel, a transmis une demande de grâce au président algérien Abdelmadjid Tebboune, selon une lettre consultée lundi par l'AFP

PARIS: La mère du journaliste sportif français Christophe Gleizes, condamné début décembre en Algérie à sept ans de prison ferme en appel, a transmis une demande de grâce au président algérien Abdelmadjid Tebboune, selon une lettre consultée lundi par l'AFP.

"Je vous demande respectueusement de bien vouloir envisager de gracier Christophe, afin qu'il puisse retrouver sa liberté et sa famille", écrit Sylvie Godard dans cette missive du 10 décembre, assurant faire appel à la "haute bienveillance" du président algérien.

Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche.

Collaborateur des magazines français So Foot et Society, Christophe Gleizes a été arrêté le 28 mai 2024 en Algérie où il s'était rendu pour un reportage sur le club de football le plus titré du pays, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), basé à Tizi-Ouzou, à 100 kilomètres à l'est d'Alger.

Le 3 décembre 2025, la Cour d'appel de Tizi-Ouzou a confirmé sa condamnation à sept ans de prison pour "apologie du terrorisme". La justice algérienne lui reproche des contacts avec des personnes liées au mouvement séparatiste MAK (Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie), classé terroriste en Algérie.

"La confirmation de la condamnation à sept années de prison ferme a été pour Christophe, comme pour moi et ma famille, un choc immense", indique Mme Godard dans sa lettre au chef de l'État algérien, qu'elle dit écrire "avec gravité et une profonde émotion".

"Cette sentence nous est incompréhensible au regard des faits et du parcours de mon fils", développe-t-elle. "Nulle part dans aucun de ses écrits vous ne trouverez trace d'un quelconque propos hostile à l'Algérie et à son peuple."

Deux jours après la décision en appel, le président français Emmanuel Macron avait jugé "excessif" et "injuste" le jugement prononcé contre Christophe Gleizes, se disant déterminé à trouver "une issue favorable".

"Grave injustice" 

Dans un communiqué publié lundi, l'association Reporters sans frontières (RSF), qui coordonne le comité de soutien de Christophe Gleizes, appuie cette demande de grâce "afin de mettre fin à une grave injustice".

"Nous appelons désormais les autorités algériennes à prendre rapidement la seule décision possible dans ce dossier : libérer Christophe et lui permettre de retrouver les siens le plus rapidement possible", détaille Thibaut Bruttin, directeur général de l'association, cité dans le communiqué.

M. Gleizes est actuellement le seul journaliste français en détention à l'étranger.

Sa condamnation en première instance en juin 2025 avait été prononcée au pic d'une grave crise diplomatique entre la France et l'Algérie, marquée notamment par le retrait des deux ambassadeurs et des expulsions réciproques de diplomates.

Mais les relations bilatérales avaient semblé en voie d'apaisement après l'octroi d'une grâce et la libération par Alger de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le 12 novembre

Selon son avocat français Emmanuel Daoud, Christophe Gleizes a, parallèlement au recours en grâce et au pourvoi en cassation, la possibilité d'adresser une demande de mise en liberté à la Cour Suprême, qui peut s'accompagner "d'une demande d'aménagement de sa peine".

"Il est aussi très important, psychologiquement, pour Christophe, de contester toute culpabilité car, comme il l'a dit à la Cour, il n'a fait que son métier et n'a, en aucune façon, enfreint la déontologie journalistique", assure l'avocat, cité dans le communiqué publié lundi.

 


Budget de l'Etat: au Sénat, la droite tentée par le compromis, mais pas à n'importe quel prix

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Le gouvernement met la pression sur la droite sénatoriale, devenue incontournable pour l’adoption du budget de l’État 2026
  • Malgré des tentatives de rapprochement en commission mixte paritaire, le risque d’échec demeure élevé ouvrant la voie soit à l’usage du 49.3

PARIS: Appelée par le gouvernement à se montrer constructive, la droite sénatoriale n'entend pas tourner le dos à un compromis sur le budget de l'Etat, mais sa fermeté vis-à-vis des socialistes risque de compliquer l'aboutissement de la discussion budgétaire avant 2026.

"La balle est aujourd'hui dans le camp du Parlement et significativement de la droite sénatoriale", a lancé mercredi la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Une manière de mettre la pression sur la chambre haute et son alliance majoritaire droite-centristes. Elle détient à elle seule une grande partie des clés d'une équation jusqu'ici insoluble sur le projet de loi de finances pour 2026 (PLF).

En effet, si le compromis a été possible sans le Sénat sur le budget de la Sécurité sociale, les délais sur le budget de l'Etat sont tellement contraints que seul un accord entre les deux chambres du Parlement pourrait permettre l'adoption d'un budget avant le 31 décembre.

Le Sénat doit voter lundi sur l'ensemble du projet de budget, largement remanié par rapport à la version gouvernementale. Ensuite, une commission mixte paritaire (CMP), réunion de sept députés et sept sénateurs, sera chargée de trouver un terrain d'entente.

- CMP décisive -

Cette CMP est pour le moment fixée au vendredi 19 décembre, ce qui laisse encore quelques jours aux parlementaires pour négocier le périmètre d'un accord.

Si le gouvernement y croit, l'intransigeance de Bruno Retailleau, patron des Républicains et ténor de la droite sénatoriale, reste totale à ce stade.

"Il ne pourra pas y avoir d'accord sur un budget qui augmenterait considérablement les impôts et ne réduirait pas significativement la dette", a-t-il fermement affirmé au Figaro.

Autre signe d'une droite sénatoriale inflexible: elle a rejeté d'emblée, vendredi, le budget de la Sécurité sociale dans sa version de compromis trouvée à l'Assemblée nationale, laissant le dernier mot aux députés.

Une issue différente sur le budget de l'Etat ? Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, martèle depuis plusieurs semaines sa conviction qu'une "voie de passage existe".

"Nous serons dans l'écoute et dans l'ouverture, mais pas à n'importe quel prix. Personne ne peut se permettre de viser une victoire politique sur ce budget", assure auprès de l'AFP celui qui pilote les débats budgétaires au Sénat.

Ce dernier a commencé, ces derniers jours, à rapprocher les points de vue avec son homologue de l'Assemblée nationale, Philippe Juvin (LR lui aussi). Une autre réunion est prévue dimanche entre ces deux responsables.

"Mon objectif, c'est bien de trouver un atterrissage", confirme Philippe Juvin à l'AFP. "Il me semble que c'est accessible".

Le président du Sénat Gérard Larcher, connu pour ses qualités de conciliateur, est lui aussi dans cette optique.

Mais le patron de la chambre haute, qui a échangé avec Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu jeudi, reste très agacé par le choix du Premier ministre de se tourner vers le Parti socialiste et lui reproche d'avoir "méprisé" le Sénat.

- "Pas prêt à se renier" -

"On est prêt à faire des efforts mais on n'est pas prêt à se renier", glisse un proche du président Larcher, pour qui "trop de concessions ont été faites à la gauche".

"Ce n'est pas à la droite sénatoriale d'aller parler au PS, c'est à Sébastien Lecornu d'aller voir les socialistes pour leur dire que maintenant ça suffit, qu'ils ont tout obtenu dans le budget de la Sécu", explicite Christine Lavarde, sénatrice LR qui devrait siéger en CMP.

Une commission mixte paritaire conclusive ne suffirait pas, néanmoins, car il faudrait ensuite que le texte de compromis soit adopté par l'Assemblée nationale, avec au minimum une abstention de la gauche qui paraît impensable à ce stade.

Et certains cadres du bloc central en appellent au retour du 49.3 pour valider cet hypothétique accord.

"Le 49.3 n'est pas une baguette magique, si le gouvernement l'utilise sans compromis préalable, il s'expose à une censure immédiate", a menacé le premier secrétaire du PS Olivier Faure dans Libération.

Lui, comme beaucoup, anticipe déjà l'alternative: l'adoption d'une loi spéciale avant le 31 décembre, afin de permettre la poursuite des activités de l'Etat, et la reprise des débats début 2026. Avec un nouveau casse-tête budgétaire en perspective...


Paris incite le Liban à adopter des mesures pour éviter l’explosion

Un convoi transportant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies lors d'une visite de la frontière avec Israël près de la région de Naqura, dans le sud du Liban, le 6 décembre 2025. (AFP)
Un convoi transportant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies lors d'une visite de la frontière avec Israël près de la région de Naqura, dans le sud du Liban, le 6 décembre 2025. (AFP)
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  • La France intensifie ses efforts diplomatiques pour prévenir une escalade israélienne au Liban en renforçant un mécanisme vérifiable de désarmement au Sud-Litani, avec l’appui de la FINUL et l’implication des partenaires internationaux
  • Paris presse également les autorités libanaises de lever le blocage politique afin de débloquer l’aide internationale, soutenir les Forces armées libanaises et relancer la reconstruction du Sud

PARIS: À peine deux semaines après la visite au Liban d’Anne-Claire Legendre, conseillère Afrique–Moyen-Orient à l’Élysée, l’envoyé spécial du président français, Jean-Yves Le Drian, s’est à son tour rendu à Beyrouth pour mener une série d’entretiens avec les responsables libanais.

La proximité de ces deux déplacements ne relève pas du hasard, mais traduit une inquiétude française croissante face au risque d’une nouvelle escalade israélienne sur le territoire libanais.

Paris observe attentivement la dynamique régionale actuelle et, selon son analyse, si Israël se heurte en Syrie à une vigilance américaine accrue, qui a conduit Washington à intervenir verbalement lorsque certaines frappes menaçaient la stabilité du pays, il n’en va pas de même pour le Liban.

C’est précisément là que réside, aux yeux de la France, le principal danger, dans un contexte régional marqué par le cessez-le-feu à Gaza et les tensions préélectorales en Israël.

Les déclarations israéliennes se sont récemment durcies, tout comme les frappes dans le Sud-Liban, et cette montée de la tension est, selon Paris, directement liée au cessez-le-feu du 9 octobre à Gaza.

Elle s’inscrit aussi dans un contexte politique intérieur israélien où le Premier ministre Benjamin Netanyahou aurait davantage à gagner, en termes de popularité, en poursuivant les hostilités régionales qu’en y mettant un terme.

L’absence de contraintes américaines fortes au Liban ouvre ainsi à Israël une marge de manœuvre plus large et alimente le risque d’un dérapage.

Face à ce risque, la diplomatie française tente d’agir sur un levier central, celui de la mise en œuvre et de la vérification du plan de désarmement élaboré par les Forces armées libanaises (FAL), connu sous le nom de Nation Shield.

Cette initiative prévoit, dans une première phase, un désarmement effectif au sud du Litani avant le 31 décembre, une échéance qui coïncide avec la montée de la pression israélienne.

Jusqu’à présent, le mécanisme franco-américain reposait essentiellement sur des déclarations des FAL, dont aucune n’était rendue publique ni documentée de manière indépendante, mais pour Paris, il devient indispensable de passer d’un système déclaratif à un système vérifiable.

Ce système est capable de convaincre autant Israël que les partenaires internationaux, en particulier les États-Unis et l’Arabie saoudite, acteurs clés du dossier libanais, du bien-fondé des agissements du Liban.

La FINUL dispose, selon Paris, de la capacité d’accompagner systématiquement les opérations des Forces armées libanaises (FAL) sur le terrain. Pour cela, les propositions françaises visent à établir un tableau de bord précis, zone par zone, démontrant que le travail est effectivement accompli au Sud.

Un tel dispositif doit permettre, du point de vue français, d’opposer des faits aux narratifs israéliens affirmant l’absence de progrès.

Le Drian a ainsi finalisé à Beyrouth le cadre d’un mécanisme renforcé. Désormais, les opérations des FAL devront être accompagnées, vérifiées et cartographiées afin de produire une évaluation destinée aux partenaires internationaux.

L’une des priorités de Paris est de convaincre l’Arabie saoudite, qui suit de très près le dossier du désarmement du Hezbollah et souhaite pouvoir constater sur pièces les avancées réelles sur le terrain avant de s’engager davantage, notamment dans la conférence de soutien aux FAL.

Paris estime que cette prudence est légitime et entend démontrer que les progrès réalisés méritent un soutien financier accru. 

Dans ce contexte, les contacts s’intensifient et des échanges étroits ont lieu avec l’émissaire américaine Morgan Ortagus et avec le conseiller du ministre saoudien des Affaires étrangères Yazid Ben Farhane.

Le chef des Forces armées libanaises, Rodolphe Haykal, est attendu à Paris dans les prochains jours. 

Même si aucune réunion trilatérale France–Arabie saoudite–États-Unis n’est officiellement confirmée pour le 18 décembre à Paris, des consultations régulières témoignent d’une coordination active.

Au-delà des questions sécuritaires, la France s’inquiète également du blocage politique interne au Liban, qui paralyse la reconstruction du Sud et la mise en œuvre de plusieurs programmes internationaux.

Le Parlement étant suspendu dans le cadre de la bataille politique autour des échéances électorales, les lois déjà votées ne sont pas adoptées, ce qui empêche l’exécution du programme de la Banque mondiale, essentiel à la reconstruction des zones affectées.

Il en va de même pour le document « GALPO », crucial pour relancer la coopération avec le FMI et convoquer une conférence internationale de reconstruction.

Ce document est en voie de finalisation du côté du gouvernement, mais son adoption dépend du Parlement.

Le Drian a insisté auprès du président et des responsables politiques libanais sur l’urgence de lever ce blocage, estimant qu’il s’agit d’un impératif vital pour l’ensemble des Libanais, et surtout pour ceux du Sud, les premiers touchés par les tensions actuelles.

Reste la question la plus délicate, celle du Hezbollah, d’autant plus que Paris constate que le mouvement chiite n’a pas renoncé à sa posture militaire et continue certains transferts d’armes.

Le Sud-Litani constitue un point de friction, mais le Nord-Litani pourrait, à terme, devenir un enjeu encore plus complexe, et la France considère néanmoins que le premier objectif doit être de prouver les progrès au Sud, base indispensable pour toute discussion ultérieure.

Le renforcement du mécanisme de vérification vise précisément, pour Paris, à établir un tiers de confiance permettant de distinguer déclarations politiques et réalité opérationnelle.

La France se trouve donc engagée dans une course diplomatique et technique pour éviter une explosion au Liban, mais elle estime qu’en renforçant la transparence des actions des forces libanaises, en mobilisant les partenaires régionaux et internationaux, et en poussant Beyrouth à débloquer ses institutions, il est possible de créer les conditions d’un apaisement durable sur la Ligne bleue.