Trump est déterminé à désigner les groupes pro-iraniens comme terroristes

Le président américain Donald Trump dans la roseraie de la Maison Blanche, à Washington D.C., le 13 novembre 2020. (Getty Images)
Le président américain Donald Trump dans la roseraie de la Maison Blanche, à Washington D.C., le 13 novembre 2020. (Getty Images)
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Publié le Dimanche 13 décembre 2020

Trump est déterminé à désigner les groupes pro-iraniens comme terroristes

Trump est déterminé à désigner les groupes pro-iraniens comme terroristes
  • Le président Donald Trump veut que l'on se souvienne de ses années à la Maison Blanche comme de la période la plus anti-iranienne de l'histoire récente des États-Unis
  • D’importantes démarches sont entreprises en ce moment à Washington dans le but de placer les Houthis pro-iraniens au Yémen et la milice Badr en Irak sur la liste des groupes terroristes

Le président Donald Trump veut que l'on se souvienne de ses années à la Maison Blanche comme de la période la plus anti-iranienne de l'histoire récente des États-Unis. Sans chercher à engager une guerre contre Téhéran, il souhaite néanmoins formuler des déclarations fermes, accompagnées d'actions concrètes, susceptibles de contenir l'Iran. Dans cette optique, d’importantes démarches sont entreprises en ce moment à Washington dans le but de placer les Houthis pro-iraniens au Yémen et la milice Badr en Irak sur la liste des groupes terroristes. Une telle stratégie comprend de nombreux enjeux de taille. Il convient par ailleurs de signaler que certains s'opposent à la désignation de ces deux groupes comme organisations terroristes par l'administration Trump.

Cette initiative se heurte à bien des défis. Au Yémen, les Nations unies, quelques pays européens tels que l'Allemagne et la Suède, ainsi que des organisations humanitaires et d'aide aux réfugiés, s'opposent à ce que les Houthis soient qualifiés de «terroristes». Ils redoutent qu'une telle catégorisation ne rende le travail humanitaire plus dangereux et n'entraîne un durcissement de la position des Houthis dans les négociations qui sont actuellement en cours. En fin de compte, ils craignent que cette décision n'intensifie encore plus la guerre civile au Yémen.

En Irak, l'organisation Badr jouit d'une grande puissance et entretient des liens étroits avec le gouvernement. En effet, elle a réussi à mener une attaque contre l'ambassade américaine à Bagdad l'année dernière. Elle collabore étroitement avec le Corps des gardiens de la révolution islamique, le Hezbollah au Liban, les brigades du Hezbollah en Irak, ainsi qu’avec d'autres groupes irakiens qui soutiennent l'Iran. En dépit des reproches relatifs à l'influence de l'Iran en Irak, aucune administration américaine n'a tenté, par le passé, de stopper le travail de cette milice, dans la mesure où elle était perçue par certains comme faisant partie intégrante de la sécurité de l'Irak, que les opérations militaires rendent si instable.

Par ailleurs, l'administration Trump entend faire porter aux milices houthies et à l’organisation Badr la responsabilité de la destruction de leurs deux pays. Elle défend ainsi les droits des autres groupes et des individus qui luttent contre ces deux organisations. En effet, le gouvernement américain est très informé au sujet de ces milices. Elles ont fait l'objet de nombreuses opérations de surveillance et de contrôle de la part des agences américaines. Par conséquent, l'administration Trump peut, à juste titre, les désigner comme des organisations terroristes.

On peut remarquer que l'initiative visant à classer les organisations Houthis et Badr parmi les groupes terroristes se caractérise par une subtile distinction entre les approches. Pour ce qui est de l'organisation Badr, l'initiative a été présentée comme un projet de loi du Congrès et on peut l’attribuer au républicain Joe Wilson, de l’État de Caroline du Sud. Ce dernier est le membre le plus éminent du parti républicain au sein de la sous-commission du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et du terrorisme international de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants.

Sa proposition de loi porte le nom de «Badr Organization Designation Act of 2020». Son objectif est de révéler que de l'argent provenant des contribuables américains a été versé à Badr à partir de fonds alloués par le gouvernement américain à Bagdad. Cette loi prévoit également d'évaluer le rôle que joue l'organisation Badr auprès des Forces de mobilisation populaire, qui assurent en grande partie la sécurité intérieure de l'Irak, en coalition avec le gouvernement irakien. La loi devrait également enquêter sur le rôle que Badr a joué dans l'attaque contre le complexe de l'ambassade américaine à Bagdad l'année dernière.

D'autre part, le secrétaire d'État Mike Pompeo s'est affirmé comme le militant le plus éloquent dans la lutte contre les Houthis au Yémen. Il a souligné que la désignation des Houthis comme groupe terroriste constituerait un pas en avant vers l'isolation de l'Iran et vers une stratégie plus agressive de l'Amérique occidentale visant à endiguer Téhéran.

Si les Houthis et l’organisation Badr sont classés parmi les groupes terroristes, plusieurs de leurs membres seront également soumis à des sanctions. Cela permettra de geler leurs avoirs financiers et de punir ceux qui travaillent avec eux. Cette mesure pourrait en outre amorcer un effort international dont l’objectif serait d’arrêter et de juger leurs dirigeants pour leur implication dans des activités terroristes. Ces énormes missions exigent que le président élu, Joe Biden, et son administration, consentent à une telle politique et poursuivent les démarches destinées à révéler les menaces que représentent les activités de ces deux groupes. Toutefois, il n'est pas certain que Joe Biden soit favorable au ciblage de deux alliés de l'Iran, car il espère se montrer plus conciliant envers Téhéran.

Enfin, une série de mesures doivent être prises si l'on veut concrétiser les souhaits de l'administration Trump. La législation doit obtenir le plus grand soutien possible de la part des républicains et des démocrates. Il faut en outre que les gouvernements du Yémen et de l'Irak sollicitent cette initiative.

La Maison Blanche entend faire porter aux milices houthies et à l’organisation Badr la responsabilité de la destruction de leurs deux pays.                                             Maria Maalouf

Ainsi, la volonté américaine de désigner les milices houthies et Badr comme des groupes terroristes compléterait la position de ces deux pays arabes. De plus, il faut mettre l’accent sur la longue histoire de ces groupes meurtriers sur le plan du terrorisme. Il convient aussi d’alerter sur le fait qu'en ne les qualifiant pas d'organisations terroristes, on renforcerait leurs plans et leurs tactiques terroristes.

En quatre ans, M. Trump a conçu une nouvelle politique à l'égard de l'Iran, fondée sur le réalisme politique. Il n'est pas prêt à accepter des groupes qui massacrent les innocents au Yémen et en Irak. Cette tendance à affronter et à désarmer les groupes terroristes répond sans aucun doute au besoin de sécurité qu'éprouvent de nombreuses nations du monde. M. Trump n'a jamais craint l'Iran. L'objectif de sa stratégie contre le terrorisme est de rendre le monde sûr pour tous, et pas seulement pour la «démocratie», comme l'a dit Woodrow Wilson il y a cent ans. Malheureusement, plusieurs dirigeants du monde font le contraire. Ainsi, les mesures prises par M. Trump contre les Houthis et l'organisation Badr constituent de bons exemples pour illustrer pourquoi et comment les États luttent contre le terrorisme.

Maria Maalouf est journaliste, présentatrice, rédactrice et écrivaine libanaise. Elle est titulaire d'une maîtrise en sociologie politique de l'université de Lyon. Twitter: @bilarakib

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com