Al Jazeera en arabe et en anglais, l’information à géométrie variable

Les commentateurs ont souligné d’importantes différences de ton entre les versions arabe et anglaise des chaînes d’Al Jazeera. (Photo, KARIM JAAFAR / AFP, archives)
Les commentateurs ont souligné d’importantes différences de ton entre les versions arabe et anglaise des chaînes d’Al Jazeera. (Photo, KARIM JAAFAR / AFP, archives)
Short Url
Publié le Mercredi 29 juillet 2020

Al Jazeera en arabe et en anglais, l’information à géométrie variable

  • Al Jazeera appelle à bombarder les aéroports saoudiens et ceux des Émirats arabes unis... et s'en sort!
  • La chaîne Al Jazzera en arabe a été sévèrement critiquée après avoir diffusé des propos incitant au meurtre de citoyens d’Arabie saoudite et des EAU

LONDRES: La chaîne Al Jazzera en arabe a été sévèrement critiquée pour son manque de professionnalisme après avoir diffusé ce mois-ci des propos incitant au meurtre de citoyens d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis – une « déclaration de guerre », selon un commentateur des médias.
Le 9 août, un présentateur de la chaîne d’actualités qatarienne a relayé les commentaires du neveu du président yéménite déchu Ali Abdallah Saleh. Les propos en question appelaient les milices à cibler les aéroports d'Arabie saoudite et ceux des Émirats arabes unis.
Ces commentaires ont été exprimés durant la guerre qui, au Yémen, impliquait d’un côté les forces de sécurité progouvernementales et la coalition dirigée par l'Arabie saoudite – qui soutient le gouvernement légitime du pays – et de l’autre les milices d’Al-Houthi, fidèles à Saleh.
Le présentateur d'Al Jazeera a déclaré : « Yahya Mohammed Abdullah Saleh, neveu du président yéménite renvoyé, a appelé les milices d’Al-Houthi et les forces de Saleh à viser les aéroports d'Arabie saoudite et ceux des Émirats arabes unis en réponse à la fermeture continue de l'aéroport de Sanaa au Yémen. »

« Le neveu de Saleh a dit au cours d’un entretien télévisé que la situation sur le terrain exigeait que tous les aéroports de Riyad, Djeddah, Abou Dhabi et Dubaï soient déclarés zones militaires. Sur ce, il a appelé “l'armée yéménite” pour ouvrir l'aéroport de Sanaa. »
Malgré la nature très controversée de tels commentaires et le fait que de nombreux internautes les aient contestés sur les réseaux sociaux, il semble que les médias internationaux n’en aient pas fait mention. 
Le journaliste égyptien Abdellatif El-Menawy, journaliste influent et directeur général du groupe de médias Al-Masry Al-Youm, a déclaré que les commentaires n'avaient pas été contestés par Al Jazeera, ce qui révélait un manque flagrant de professionnalisme.
« Il est étrange qu’une chaîne de télévision prônant le “professionnalisme” diffuse des déclarations aussi provocantes, qui résonnent comme une déclaration de guerre », a-t-il déclaré à Arab News.
Les commentateurs ont souligné d’importantes différences de ton entre les versions arabe et anglaise des chaînes d’Al Jazeera. Ces observations font suite à la rupture diplomatique entre le Qatar et le « quatuor antiterroriste » (l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et l’Égypte) au sujet du soutien présumé de Doha aux groupes extrémistes.
Certains ont noté que la station de langue anglaise d'Al Jazeera respectait généralement l’éthique et la neutralité journalistiques, tandis que sa station sœur arabe prenait régulièrement parti en faveur de la politique étrangère de Doha. Pour de nombreux observateurs, le fait que de tels commentaires n'aient été relayés que sur la chaîne arabe consolide cet argument.
El-Menawy note que les propos incendiaires de Yahya Mohammed Abdallah Saleh n’ont pas été repris dans la version anglaise d’Al Jazeera, ce qui illustre la différence entre les deux chaînes dans le traitement de l’information. 
« Cela confirme le fait que les opérateurs de ces chaînes agissent en toute conscience », a-t-il déclaré.
El-Menawy a également affirmé qu'Al Jazeera véhiculait certains messages à travers sa chaîne en langue arabe, tout en les « omettant » sur sa chaîne anglaise, dans la mesure où ils seraient soumis à un contrôle international. Contacté à plusieurs reprises par Arab News, Al Jazeera n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Les dernières accusations contre Al Jazeera en arabe, concernant cette fois des attaques contre des civils dans les aéroports d'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, n'ont pas fait l’objet d’une grande couverture médiatique sur le plan international – cela alors que l’attention s’est récemment portée, pour une raison assez similaire, sur une autre chaîne de télévision du Golfe, Al Arabiya News Channel. 
Cette chaîne a en effet récemment montré une vidéo de simulation dans laquelle un avion de chasse tire un missile sur un avion civil. Certains téléspectateurs ont jugé cette diffusion « au-delà de la provocation », selon le site internet du quotidien londonien The Independent.
Al Arabiya a cependant déclaré que l'article de The Independent était « trompeur » et que la séquence avait été « entièrement [sortie] de son contexte », affirmant que l'animation montrait un « avion de combat saoudien abattant un avion civil qatari ».
« The Independent a mélangé de manière trompeuse différentes parties de l'animation lors de la description du reportage », lit-on dans un article d'Al Arabiya daté du 19 août.
« Le journaliste a fusionné une scène montrant un avion de combat forçant un avion qatarien à quitter un espace aérien non autorisé avec une autre séquence qui explique comment le droit international permet à un pays de tirer sur des avions hostiles. »
« Il n'a pas noté la distinction opérée par Al Arabiya dans cette animation, qui montrait clairement un avion de chasse en train de suivre un avion sans logo dans la deuxième scène. »
« The Independent a également négligé le fait que les autorités saoudiennes avaient proposé aux avions qatariens des pistes d'urgence, leur permettant de les utiliser en cas de nécessité.
Pour en revenir à Al Jazeera, de nombreux commentateurs ont observé des différences entre les lignes éditoriales des versions arabe et anglaise de la chaîne qatarienne. 
Depuis son lancement, en 1996, Al Jazzera est perçue par Washington comme un média servant de plate-forme aux terroristes.
Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, la chaîne de langue arabe d'Al Jazeera a été accusée d'être un « porte-parole » d'Oussama Ben Laden, en raison de sa décision de diffuser des messages vidéo d'Al-Qaïda et de son parti-pris anti-américain. 
Al Jazeera en arabe demeure toujours une « force contre-productive » dans la lutte contre le terrorisme, selon David Weinberg, chercheur senior à la Fondation pour la défense des démocraties, un institut politique à but non lucratif et non partisan spécialisé dans la politique étrangère et la sécurité nationale.
S'adressant à Arab News en juin, Weinberg a déclaré : « Al Jazeera érige régulièrement les terroristes en martyrs, étant donné qu'ils essaient de tuer des Israéliens – et cela concerne aussi les actions qui visent à tuer des civils, et non les forces armées israéliennes. »
« Al Jazeera accorde un temps de diffusion extrêmement favorable aux groupes violents soutenus par l’Iran comme le Hamas et le Jihad islamique palestinien, diffusant leur propagande sans se poser de questions et incorporant leurs combattants à la liste des “martyrs”. Mais les Juifs ne sont jamais “martyrisés” aux yeux d’Al Jazeera. Ils sont simplement “tués”. » 


 


Le président syrien à la Maison Blanche le 10 novembre

Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
Short Url
  • Le président syrien Ahmad al-Chareh sera reçu lundi à la Maison-Blanche par Donald Trump, une première historique qui s’inscrit dans les efforts américains pour la paix mondiale
  • Les discussions porteront sur la levée des sanctions, la lutte contre l’État islamique et la reconstruction de la Syrie, après plus de 14 ans de guerre

WASHINGTON: La porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt a indiqué mardi que le président syrien Ahmad al-Chareh serait reçu lundi à la Maison Blanche par Donald Trump.

Il sera le premier chef d'Etat syrien à faire cette visite, qui "fait partie des efforts" du président américain "pour la paix dans le monde", a déclaré la porte-parole pendant une conférence de presse.

Elle a rappelé que Donald Trump, pendant un voyage dans le Golfe en mai, avait annoncé la levée des sanctions américaines contre la Syrie, un sujet qui figurera très haut sur l'ordre du jour de la réunion lundi.

Karoline Leavitt a par ailleurs jugé que la Syrie avait fait "des progrès" sur la voie de la paix avec ce nouveau dirigeant.

Ce sera la deuxième visite aux Etats-Unis d'Ahmad al-Chareh après son passage en septembre à l'ONU à New York, où cet ancien jihadiste est devenu le premier président syrien depuis 1967 à s'adresser à l'Assemblée générale.

Selon le ministre syrien des Affaires étrangères Assaad al-Chaibani, la discussion avec Donald Trump portera aussi sur la lutte contre le groupe Etat islamique et sur la reconstruction en Syrie, après plus de 14 ans de guerre.

Le président américain avait dressé en mai un portrait élogieux d'Ahmad al-Chareh, parlant d'un "gars costaud" et assurant que leur première rencontre, qui a eu lieu en Arabie saoudite, s'était "très bien passée".

Il l'avait pressé à l'époque de rejoindre les accords d'Abraham, une initiative diplomatique dont Donald Trump est particulièrement fier, et qui avait vu plusieurs pays arabes reconnaître Israël en 2020.


Soudan: le ministre de la Défense affirme que la guerre va continuer

Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
Short Url
  • Le ministre soudanais de la Défense, Hassan Kabroun, a annoncé la poursuite de la guerre contre les paramilitaires des FSR, malgré une proposition américaine de cessez-le-feu
  • Depuis la chute d’El-Facher, des exactions massives sont rapportées, tandis que l’aide humanitaire reste bloquée

PORT-SOUDAN: Le ministre soudanais de la Défense a affirmé mardi que la guerre contre les paramilitaires allait continuer, après une réunion gouvernementale qui a discuté d'une proposition américaine de cessez-le-feu.

"Les préparatifs pour la bataille du peuple soudanais sont en cours", a déclaré le ministre, Hassan Kabroun, dans un discours télévisé.

"Nous remercions l'administration Trump pour ses efforts et ses propositions afin de parvenir à la paix", a-t-il dit, tous en affirmant que la guerre était "un droit national légitime".

Aucun détail sur la proposition américaine n'a été rendu public.

Le gouvernement américain "est tout à fait impliqué" pour tenter de trouver une issue "pacifique" au conflit qui ravage le Soudan, a assuré mardi la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, tout en reconnaissant que "la situation sur le terrain est très compliquée".

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane à son ancien allié Mohamed Hamdane Daglo, chef des Forces de soutien rapide (FSR) qui ont pris le 26 octobre El-Facher, dernière ville de la vaste région du Darfour, dans l'ouest, qui échappait à leur contrôle.

Les combats se concentrent désormais sur la région voisine du Kordofan, dans le centre du Soudan, où l'ONU a fait état d'exactions et de déplacements massifs de population ces derniers jours.

- "Incontrôlable" -

Mardi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exhorté les belligérants à "venir à la table des négociations" et "mettre fin à ce cauchemar de violence, dès maintenant".

"La crise terrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il prévenu, alors que le Conseil de défense et de sécurité présidé par le général Burhane s'est réuni dans la journée pour étudier une proposition américaine de trêve.

L'émissaire américain pour l'Afrique, Massad Boulos, a mené ces derniers jours des entretiens au Caire dans le but de finaliser une proposition de trêve humanitaire formulée mi-septembre sous son égide par un groupe de médiateurs incluant l'Egypte, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis.

Le groupe de médiation, dit du Quad, travaille sur un plan global de paix pour le Soudan, mais ses dernières propositions, présentées mi-septembre à Washington, sont restées lettre morte. Jusqu'à présent, le général Burhane a accueilli négativement ce plan prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.

- "Ne tuez pas les enfants" -

Depuis la chute d'El-Facher, après 18 mois de siège par les paramilitaires, les informations et les témoignages se multiplient sur les exécutions, les pillages, les viols, les attaques contre des humanitaires, documentés par des images satellite et par des vidéos publiées par les combattants eux-mêmes.

Le général Burhane a affirmé sa volonté de "se venger" de la prise de cette grande ville, tandis que le chef des FSR s'est dit déterminé à poursuivre les conquêtes sur le terrain.

Mardi, la représentante de l'ONU en charge des questions humanitaires, Denise Brown, a déploré que la ville d'El-Facher reste "barricadée" et fermée à l'aide humanitaire.

"La livraison d'aide de survie cruciale reste bloquée par les FSR contrairement à leurs obligations à l'égard des lois internationales", a-t-elle déclaré.

Près de 71.000 civils ont fui la ville depuis sa prise par les FSR, certains ayant trouvé refuge à Tawila, à environ 70 km à l'ouest.

"Ne tuez pas les enfants, ne tuez pas les femmes", pouvait-on lire en arabe sur une pancarte écrite à la main lors d'une manifestation lundi d'enfants à Khartoum, la capitale du pays sous contrôle de l'armée.

Le conflit, qui a fait des dizaines de milliers de morts et près de 12 millions de déplacés, selon l'ONU, se joue sur fond de rivalités régionales.

Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis, d'après des rapports de l'ONU, tandis que l'armée bénéficie de l'appui de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient leur implication.


Le chef de l'ONU appelle à mettre fin au «cauchemar de la violence» au Soudan

Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Short Url
  • Antonio Guterres appelle à des négociations immédiates pour mettre fin au conflit au Soudan, avertissant que la crise humanitaire et sécuritaire devient « incontrôlable » après deux ans de guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR)
  • La situation à El-Facher, au Darfour, illustre la gravité du drame, avec des civils pris au piège, des milliers de morts, des violations massives des droits humains et près de 12 millions de déplacés selon l’ONU

DOHA: Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé mardi à des "négociations" pour un arrêt immédiat du conflit au Soudan, mettant en garde contre une crise "en train de devenir incontrôlable".

Le secrétaire général des Nations unies a exhorté les parties au conflit à "venir à la table des négociations, (et) mettre fin à ce cauchemar de violence, maintenant".

"La crise horrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il dit lors d'une conférence de presse en marge du deuxième sommet mondial pour le développement social à Doha.

Le conflit entre l'armée et les paramilitaires dure depuis deux ans et a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

Le 26 octobre, après 18 mois de siège, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris la ville d'El-Facher, dernier verrou stratégique de l'armée au Darfour (ouest du Soudan).

Depuis, les informations et témoignages se multiplient sur les cas d'exécutions, viols, attaques contre des humanitaires et pillages qui y sont commis, documentés par des images satellites et par des vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-même.

"El-Facher et les zones environnantes du Nord-Darfour ont été un épicentre de souffrance, de faim, de violence et de déplacements" a souligné M.Guterres, ajoutant que depuis l'entrée des FSR dans la ville, "la situation s'aggrave de jour en jour".

"Des centaines de milliers de civils sont pris au piège par ce siège. Les gens meurent de malnutrition, de maladie et de violence. Et nous continuons à entendre des rapports sur des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme", a affirmé M.Guterres.