Faire plier les putschistes au Niger, la délicate ambition du Nigeria voisin

Les partisans du président nigérien Mohamed Bazoum se rassemblent pour lui témoigner leur soutien à Niamey le 26 juillet 2023. (AFP)
Les partisans du président nigérien Mohamed Bazoum se rassemblent pour lui témoigner leur soutien à Niamey le 26 juillet 2023. (AFP)
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Publié le Mercredi 02 août 2023

Faire plier les putschistes au Niger, la délicate ambition du Nigeria voisin

  • De mercredi à vendredi, les chefs d'état-major de l'organisation doivent ainsi se réunir à Abuja
  • La résolution de cette crise est une question de «survie» pour les chefs d'Etats de la région: «si les putschistes s'en sortent, les autres pays vivront sous la menace de coups d'Etat», explique un expert

LAGOS: Le Nigeria, géant à la tête du bloc d'Afrique de l'Ouest, multiplie les efforts pour faire plier les militaires auteurs d'un putsch au Niger, une ambition aussi délicate que dangereuse, faute de moyens.

Dimanche, la Cédéao, présidée par le chef d'Etat nigérian Bola Tinubu, a donné une semaine aux putschistes pour rétablir l'ancien président Mohamed Bazoum, renversé à Niamey par des membres de sa garde présidentielle. Et l'organisation régionale a surpris en brandissant la menace d'un possible "usage de la force" pour rétablir l'ordre constitutionnel dans le pays.

"Il n'est plus temps pour nous d'envoyer des signaux d'alarme", a insisté M. Tinubu, "le temps est à l'action".

Le chef des armées du Nigeria, Christopher Musa, est allé dans le sens de son président lundi sur RFI Hausa en déclarant: "Nous défendons la démocratie et cela doit continuer. Nous sommes prêts et dès que nous recevrons l'ordre d'intervenir, nous le ferons."

De mercredi à vendredi, les chefs d'état-major de l'organisation doivent ainsi se réunir à Abuja.

Dans la foulée des déclarations de MM. Tinubu et Musa, le Burkina Faso et le Mali, tous deux dirigés par des militaires putschistes, ont eux prévenu qu'une intervention militaire au Niger pour rétablir le président Bazoum serait considérée "comme une déclaration de guerre" à leurs deux pays.

La résolution de cette crise est une question de "survie" pour les chefs d'Etats de la région, explique Confidence MacHarry, expert sécurité au cabinet SBM Intelligence. "Si les putschistes s'en sortent, les autres pays vivront sous la menace de coups d'Etat."

Et en premier lieu le Nigeria, qui a vécu trois décennies de dictatures militaires avant le retour de la démocratie en 1999. Le président Tinubu voit donc d'un très mauvais oeil un putsch dans un pays limitrophe, lui qui a construit sa légitimité politique en tant que défenseur de la démocratie en exil pendant les années 90.

Jihadisme, crise économique 

Très actif en coulisses, le pays le plus peuplé d'Afrique (215 millions d'habitants) court non seulement derrière sa réputation passée de colosse influent dans la région, totalement absent des débats régionaux ces dernières années, mais souhaite aussi éviter davantage de problèmes sur son territoire.

"Le Nigeria aurait le plus à craindre d'une déstabilisation du Niger, car il partage une frontière de plus de 1 600 kilomètres que les forces de sécurité trop sollicitées ne pourraient pas protéger correctement", explique James Barnett, chercheur au Hudson Institute, à Washington.

M. Tinubu craint notamment un débordement sur son territoire des groupes jihadistes qui sévissent au Niger et un afflux de réfugiés. Et ce alors que le Nigeria lui-même fait déjà face à une insécurité quasi généralisée (bandes criminelles dans le centre et le nord-ouest, groupes jihadistes dans le nord-est, agitation séparatiste dans le sud-est).

Ces multiples conflits mettent à rude épreuve l'armée nigériane, certes l'une des plus importantes de la région, mais en réalité sous-financée et sous-équipée, et qui ne parvient déjà pas à ramener la paix chez elle.

En cas d'intervention militaire au Niger, "le Nigeria enverra forcément des hommes", ajoute M. MacHarry. "Mais le gouvernement n'a pas les ressources nécessaires pour cela, il n'est pas préparé."

«Désastre»

Alors que le président Bola Tinubu a affiché dès son arrivée au pouvoir il y a deux mois sa détermination de remettre le Nigeria sur la carte diplomatique, allant jusqu'à affirmer "Nigeria is back", il fait lui-même face à d'immenses défis internes. Les experts doutent qu'il ait les moyens de ses ambitions à l'heure où son pays traverse une grave crise économique.

Une énorme colère sociale gronde avec des menaces de grèves et de manifestations à l'échelle nationale. Ses premières réformes visant à relancer l'économie ont provoqué une flambée inflationniste dans le pays où près de la moitié de la population vit dans l'extrême pauvreté.

M. Tinubu a par ailleurs été élu à la tête du Nigeria dans un scrutin contesté par ses deux principaux opposants. Leurs recours sont toujours examinés par la justice.

Les spécialistes doutent même que les soldats nigérians acceptent d'être déployés au Niger, tant les liens entre les deux armées, composées de nombreux Haoussas, une ethnie présente à travers le Sahel, sont forts.

"Il est impensable que les militaires nigérians combattent des soldats que nous considérons comme nos frères", affirme un haut-gradé nigérian sous couvert de l'anonymat. "Ce sera très probablement un désastre car les soldats n'auront pas le courage d'exécuter cette mission."

Pour l'heure, il s'agit moins d'évaluer si une intervention militaire menée par le Nigeria est possible que de savoir si la seule menace de cette intervention permettra de résoudre la crise.

Si cette dernière crée une fissure au sein de l'armée du Niger, un retour à un régime civil est possible, pense James Barnett. En revanche, si la junte utilise cette menace pour rallier la population à sa cause, "cela pourrait dégénérer", poursuit-il.


La CPI ne se laissera pas influencer par les «Goliath» de ce monde, promet son procureur

Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan. (Photo, AFP)
Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan. (Photo, AFP)
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  • Karim Khan a été mis en cause par les ambassadeurs russe et libyen qui ont dénoncé son absence d'action face à l'offensive israélienne à Gaza
  • La Russie avait placé en mai 2023 Karim Khan sur sa liste des personnes recherchées, après que la CPI a émis un mandat d'arrêt contre le président Vladimir Poutine

NATIONS UNIES : Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan a assuré mardi qu'il ne se laisserait pas "influencer" par les "Goliath" de ce monde, en référence aux menaces le visant dans des dossiers liés à la guerre en Ukraine et à Gaza.

Lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU portant sur son enquête sur les crimes de guerre en Libye, Karim Khan a été mis en cause par les ambassadeurs russe et libyen qui ont dénoncé son absence d'action face à l'offensive israélienne à Gaza.

"On peut se demander si l'efficacité de la CPI dans ce dossier n'est pas affectée par un projet de loi (...) visant à sanctionner les responsables de la CPI impliqués dans des enquêtes contre les Etats-Unis ou ses alliés",  a lancé l'ambassadeur russe Vassili Nebenzia, en référence à des informations rapportées par la presse sur un projet en ce sens d'élus au Congrès américains.

"Je veux le rassurer, (...) nous ne nous laisserons pas influencer, que ce soit par des mandats d'arrêt de la Russie contre moi ou des membres élus de la Cour, ou par n'importe quel élu d'une autre juridiction", a répondu Karim Kahn, évoquant des "menaces" personnelles et contre son bureau pour les forcer à "arrêter".

La Russie avait placé en mai 2023 Karim Khan sur sa liste des personnes recherchées, après que la CPI a émis un mandat d'arrêt contre le président Vladimir Poutine pour son rôle dans la déportation d'enfants en Ukraine.

Début mai, la CPI avait déjà lancé une mise en garde aux "individus qui (la) menacent de représailles", elle ou son personnel, en affirmant que de telles actions pourraient constituer une "atteinte à l'administration de la justice".

Elle s'exprimait suite à des informations selon lesquelles la Cour s'apprêtait à délivrer des mandats d'arrêt contre des membres du gouvernement israélien -dont pourrait faire partie le Premier ministre Benjamin Netanyahu- en lien avec les opérations militaires menées par Israël à Gaza en riposte à l'attaque du Hamas.

"Nous avons un devoir de nous battre pour la justice, de nous battre pour les victimes", a insisté Karim Khan mardi devant les membres du Conseil de sécurité.

"Je suis bien conscient qu'il y a des Goliath dans cette salle. Des Goliath avec du pouvoir, de l'influence", mais "nous avons la loi", a-t-il ajouté, assurant qu'il ferait son travail "avec intégrité et indépendance".

 

 


Poutine en Chine cette semaine, en quête d'un soutien plus fort de Pékin

Le président russe Vladimir Poutine se rendra cette semaine en Chine à l’invitation du dirigeant Xi Jinping, a annoncé le ministère des Affaires étrangères de Pékin le 14 mai 2024 (Photo, AFP).
Le président russe Vladimir Poutine se rendra cette semaine en Chine à l’invitation du dirigeant Xi Jinping, a annoncé le ministère des Affaires étrangères de Pékin le 14 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Il s'agira du premier déplacement à l'étranger de Vladimir Poutine depuis sa réélection en mars et aussi de la quatrième rencontre entre les deux présidents depuis le début de l'invasion russe en Ukraine
  • Quelques jours avant le lancement de l'opération, Moscou et Pékin avaient affirmé que leur amitié était «sans limites»

PEKIN: Le président russe Vladimir Poutine se rendra en Chine cette semaine avec l'espoir d'obtenir de son "cher ami" Xi Jinping un plus net soutien à sa guerre en Ukraine, une visite annoncée mardi par les deux pays.

Le dirigeant russe "effectuera une visite d'Etat en Chine du 16 au 17 mai", jeudi et vendredi, a annoncé une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying.

Il s'agira du premier déplacement à l'étranger de Vladimir Poutine depuis sa réélection en mars et aussi de la quatrième rencontre entre les deux présidents depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022.

Quelques jours avant le lancement de l'opération, Moscou et Pékin avaient affirmé que leur amitié était "sans limites". Depuis, leur relation diplomatique et commerciale s'est renforcée.

"Le président Xi Jinping procédera à un échange de points de vue avec le président Poutine sur les relations bilatérales, la coopération dans divers domaines et les questions internationales et régionales d'intérêt commun", a précisé un autre porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, lors d'un point presse régulier.

De son côté, le Kremlin a indiqué que les deux présidents évoqueraient leur "partenariat global et leur coopération stratégique" et "définir(aient) les domaines-clés de développement de la coopération russo-chinoise, tout en échangeant aussi leurs points de vue sur les questions internationales et régionales".

De nombreux experts estiment que la Russie est de plus en plus dépendante de la Chine, devenue un partenaire économique crucial face à l'avalanche de sanctions occidentales décrétées en réaction à son offensive militaire.

Baisse des exportations 

Ces derniers mois, Pékin a balayé à plusieurs reprises les critiques occidentales sur ses liens avec Moscou, tout en profitant d'importations à prix cassé de gaz et de pétrole de son voisin.

Mais sans vouloir pour autant renforcer son soutien.

"Les Russes veulent que la Chine fasse davantage pour les soutenir, ce que la Chine hésite à faire parce qu'elle ne veut pas compromettre ses relations avec l'Occident", explique à l'AFP Alexander Gabuev, directeur du Centre Carnegie Russie Eurasie.

Les échanges commerciaux sino-russes ont explosé depuis l'invasion de l'Ukraine et ont atteint 240 milliards de dollars (222 milliards d'euros) en 2023, selon les Douanes chinoises.

Mais les exportations chinoises vers son voisin ont chuté en mars et avril cette année, alors que Washington menace de sanctions les institutions financières soutenant l'effort de guerre russe.

Effrayées par ces menaces de sanctions, qui viendraient porter un nouveau coup à une économie chinoise déjà fragile, les banques du géant asiatique sont devenues récemment plus prudentes dans leurs transactions avec la Russie, les suspendant ou les réduisant.

"Les banques chinoises s'inquiètent de l'impact pour leur réputation et cherchent à éviter de grosses sanctions", souligne Elizabeth Wishnick, spécialiste des relations sino-russes au centre de réflexion américain CNA.

Pas «naïfs»

Et tandis que la Chine cherche à apaiser les tensions avec les Etats-Unis, elle pourrait être réticente à renforcer sa coopération avec la Russie.

"Si la Chine souhaite (...) maintenir le dégel, tactique, de ses relations avec les Etats-Unis et limiter la convergence américano-européenne en matière de politique à l'égard de Pékin, elle doit prendre au sérieux la menace américaine de sanctionner ses institutions financières", estime Ali Wyne, du groupe de réflexion International Crisis Group.

Vladimir Poutine et Xi Jinping discuteront ainsi "probablement des moyens par lesquels Pékin pourrait soutenir Moscou de manière moins voyante, peut-être par l'intermédiaire de petites banques chinoises ou de canaux de financement non officiels", estime-t-il.

Plusieurs experts estiment que cette nouvelle rencontre entre les deux présidents servira à réaffirmer l'étroite relation entre les deux dirigeants, à signer quelques accords et à plaider pour un renforcement des échanges commerciaux.

Vladimir Poutine sait parfaitement que Pékin reste déterminé à soutenir Moscou et faire ainsi front commun face à ce que les deux pays dénoncent comme l'hégémonie américaine sur le monde, soulignent ces experts.

Les Russes ne sont pas "naïfs" et "savent très bien que les liens avec l'Occident sont très importants pour la Chine" note M. Gabuev du Centre Carnegie Russie Eurasie.

Mais ils sont toutefois "certains que la Chine ne les laissera pas tomber", souligne-t-il.


Accusations d'interférences au Royaume-Uni: Londres a convoqué l'ambassadeur chinois

Le dirigeant de Hong Kong dit avoir peu de souvenirs d'un homme accusé par la Grande-Bretagne d'espionnage pour le compte de la ville chinoise après la publication d'une photographie semblant les montrer ensemble (Photo, AFP).
Le dirigeant de Hong Kong dit avoir peu de souvenirs d'un homme accusé par la Grande-Bretagne d'espionnage pour le compte de la ville chinoise après la publication d'une photographie semblant les montrer ensemble (Photo, AFP).
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  • Arrêtés début mai, les suspects Chi Leung (Peter) Wai, 38 ans, Matthew Trickett, 37 ans, et Chung Biu Yuen, 63 ans, ont été libérés sous contrôle judiciaire
  • Ils sont inculpés pour aide aux services de renseignement hongkongais et ingérence étrangère

LONDRES: Londres a annoncé avoir convoqué mardi l'ambassadeur chinois au lendemain de la présentation à la justice de trois hommes accusés d'aide aux services de renseignement hongkongais et d'interférence étrangère.

Le ministère britannique des Affaires étrangères a été "sans équivoque" sur le fait que le comportement récent de la Chine n'est "pas acceptable", a indiqué un porte-parole dans un communiqué, évoquant cyberattaques, espionnage et promesse de récompense dans la traque de militants pro-démocratie à Hong Kong.

Arrêtés début mai, les suspects Chi Leung (Peter) Wai, 38 ans, Matthew Trickett, 37 ans, et Chung Biu Yuen, 63 ans, ont été libérés sous contrôle judiciaire à l'issue de leur présentation à la justice lundi à Londres.

Chung Biu Yuen est un chef de l'agence du commerce et de l'économie de Hong Kong (ETO) à Londres, selon le gouvernement hongkongais.

Ils sont inculpés pour aide aux services de renseignement hongkongais et ingérence étrangère, en vertu de la loi britannique sur la sécurité nationale.

Ils sont notamment accusés d'avoir rassemblé des informations, mené des actions de surveillance "susceptibles d'aider matériellement un service de renseignement étranger dans ses actions liées au Royaume-Uni", et ce entre le 20 décembre 2023 et le 2 mai 2024.

Ils ont également été inculpés pour avoir forcé l'entrée dans une habitation, le 1er mai dernier.

Le Royaume-Uni a dénoncé à maintes reprises la répression du mouvement en faveur de la démocratie dans son ancienne colonie, dont plusieurs figures en exil ont trouvé refuge sur le sol britannique.

En juillet 2023, Londres avait vivement protesté contre les mandats d'arrêt et promesses de récompense visant à appréhender des militants pro-démocratie ayant fui Hong Kong.

Le chef de l'exécutif hongkongais, John Lee, a défendu mardi ses agences du commerce à l'étranger (ETO).

"Toute tentative d'allégation injustifiée contre le gouvernement (de Hong Kong) est inacceptable", a-t-il déclaré.

M. Lee a accusé lundi le Royaume-Uni d'avoir "inventé des accusations, arrêté arbitrairement des citoyens chinois et calomnié le gouvernement de Hong Kong". Il a dit mardi avoir demandé des précisions sur cette affaire au consulat britannique à Hong Kong et attendre une réponse.