Au Niger, une menace djihadiste difficile à mesurer

Des manifestants brandissent un drapeau nigérien lors d'une manifestation le jour de l'indépendance à Niamey le 3 août 2023. (AFP)
Des manifestants brandissent un drapeau nigérien lors d'une manifestation le jour de l'indépendance à Niamey le 3 août 2023. (AFP)
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Publié le Lundi 21 août 2023

Au Niger, une menace djihadiste difficile à mesurer

  • Les djihadistes «ne cherchent pas à prendre le pouvoir officiel, mais exercent une forme de gouvernement indirect et de contrôle social sur de vastes zones», explique un expert
  • En mai 2023, le ministère de l’Education nigérien avait indiqué que plus de 900 écoles ne fonctionnaient plus dans la seule région du Tillabéri

NIAMEY: Plusieurs attaques meurtrières ont frappé le Niger depuis le coup d’État du 26 juillet qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, mais des analystes mettent en garde contre une interprétation hâtive des rares données disponibles.

Dès leur arrivée au pouvoir, les militaires qui ont renversé le président Bazoum ont argué d’une "dégradation de la situation sécuritaire" pour justifier leur coup d’État.

Une perception partagée par une partie des Nigériens, mais qui semble contredite par les statistiques.

Sur les six premiers mois de l’année 2023, les attaques sur les civils avaient ainsi baissé de 49 % par rapport aux six premiers mois de l’année 2022, et le nombre de morts de 16 %, selon l’ONG Acled qui répertorie les victimes des conflits à travers le monde.

Des observateurs et partenaires occidentaux, notamment la France, allié privilégié du régime déchu et qui dispose toujours de 1 500 militaires au Niger, ont mis en avant ces résultats encourageants.

Une amélioration en partie attribuée à la stratégie mise en œuvre pour lutter contre les groupes djihadistes par M. Bazoum, unique au Sahel.

Tandis que les régimes militaires au Mali et au Burkina Faso voisins mènent des opérations "antiterroristes" accusées de faire payer un lourd tribut aux populations civiles, le Niger avait opté pour une politique de la "main tendue".

Accords de paix entre communautés, projets de développement, négociations avec des chefs de groupes armés… Une stratégie jugée prometteuse et appréciée des partenaires occidentaux, mais critiquée au Niger, particulièrement au sein de l’armée.

Sentiment d’insécurité 

La perception de la sécurité diffère selon les contextes. Sept Nigériens sur dix (72%) se disaient ainsi satisfaits de l’évolution de la situation sécuritaire dans leur pays, selon un sondage Afrobarometer réalisé en juin 2022.

Les populations rurales, directement concernées par les violences s’étaient révélées largement plus satisfaites que les citadins (78% contre 47%), selon cette enquête.

"Les urbains sont plus politisés, ils ont un meilleur accès à l’information (…) Et plus le niveau de vie est élevé, plus on accorde d’importance aux questions de sécurité et de santé", estime Mahamane Tahirou Ali Backo, chercheur associé au Laboratoire d’Etudes et de recherches sur les dynamiques sociales et le développement local (Lasdel) à Niamey, qui a participé à cette enquête.

Le chercheur précise également que ce sondage n’a pas été réalisé dans les zones dites "rouges" où les populations sont les plus directement touchées, pour garantir la sécurité des enquêteurs.

"Les attaques les plus documentées sont les attaques contre les symboles de l’Etat ou les attaques d’envergure, mais à cause de la circulation des armes et du banditisme, les violences sont quasi quotidiennes", précise ce chercheur, l'un des rares qui a pu accéder récemment à ces zones d’activité des groupes djihadistes, aux marges du Niger, du Mali et du Burkina Faso.

Par ailleurs, le nombre d’attaques et de victimes ne rend pas forcément compte du sentiment d’insécurité entretenu par les groupes djihadistes, qui exercent une forme de contrôle indirect, parfois très éloigné de leurs bases.

"Si la violence visible diminue, cela ne veut pas dire forcément que les gens vivent mieux. Les taxes sont toujours prélevées, et même si le nombre d’attaques baisse, l'influence des groupes armés se propage à l'intérieur du Niger", assure Tatiana Smirnova, chercheuse au Centre Franco Paix en résolution des conflits.

Ecoles fermées

Les djihadistes "ne cherchent pas à prendre le pouvoir officiel, mais exercent une forme de gouvernement indirect et de contrôle social sur de vastes zones", explique Jean Pierre Olivier de Sardan, directeur de recherche émérite au CNRS et chercheur au Lasdel.

Une influence qui se traduit notamment par la fermeture des écoles primaires et secondaires au Sahel.

Environ 890 écoles étaient fermées en août 2022 en raison de l’insécurité dans les quatre régions du Niger les plus touchées par les attaques, dont le Tillabéri, selon un rapport du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF).

En mai 2023, le ministère de l’Education nigérien avait indiqué que plus de 900 écoles ne fonctionnaient plus dans la seule région du Tillabéri.

Des accords de paix entre communautés ont permis d’enregistrer une baisse conséquente des violences dans certaines localités, selon les analystes et les statistiques disponibles, mais d'autres ont connu un regain d'incidents.

Les djihadistes se greffent à des conflits locaux dont la diversité complique l'établissement d'une tendance globale.

D'un département à l'autre, "ce ne sont pas les mêmes dynamiques, pas les mêmes groupes, ni les mêmes conflits", met en garde Tahirou Ali Bako. "Vu de l’extérieur, les gens tendent à uniformiser les situations, mais elles ne sont pas homogènes", ajoute-t-il.


Le Conseil de sécurité de l'ONU se prononce sur la fin des Casques bleus au Liban

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  • Quelque 10.800 Casques bleus font tampon entre Israël et le Liban depuis mars 1978, mais le renouvellement habituel de leur mandat, qui expire dimanche, se heurte cette année à l'hostilité d'Israël et de son allié américain qui souhaitent leur départ
  • Soutenue par Beyrouth, la France, chargée de ce dossier au Conseil de sécurité, avait dans un premier temps envisagé une extension d'un an, évoquant simplement l'"intention" de travailler à un retrait de la Finul

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se prononcer jeudi sur une ultime prolongation du mandat de la force de maintien de la paix dans le sud du Liban (Finul) et son retrait en 2027, un vote sensible sous pression des Etats-Unis et d'Israël.

Quelque 10.800 Casques bleus font tampon entre Israël et le Liban depuis mars 1978, mais le renouvellement habituel de leur mandat, qui expire dimanche, se heurte cette année à l'hostilité d'Israël et de son allié américain qui souhaitent leur départ.

Soutenue par Beyrouth, la France, chargée de ce dossier au Conseil de sécurité, avait dans un premier temps envisagé une extension d'un an, évoquant simplement l'"intention" de travailler à un retrait de la Finul.

Mais face au risque d'un veto américain, après plusieurs versions et un report du vote, le dernier projet de résolution vue par l'AFP programme sans équivoque la fin de la mission dans 16 mois.

Le Conseil "décide de prolonger pour une dernière fois le mandat de la Finul (...) jusqu'au 31 décembre 2026 et de commencer une réduction et un retrait ordonnés et sûrs à partir du 31 décembre 2026 et dans un délai d'un an", dit le texte.

A l'issue de cette période, l'armée libanaise devra être la seule à assurer la sécurité dans le sud du pays, précise-t-il.

Désarmement du Hezbollah 

Alors que l'émissaire américain Tom Barrack a déclaré mardi que Washington approuverait simplement une prolongation d'un an, il n'est pas clair à ce stade quelle sera la position des Etats-Unis jeudi.

Ce vote intervient au moment où Beyrouth s'est engagé à désarmer et à démanteler le mouvement chiite pro-iranien Hezbollah d'ici la fin de l'année, sous pression de Washington et dans le cadre de l'application du cessez-le-feu ayant mis fin à la guerre avec Israël en 2024.

Cet accord prévoit le retrait du Hezbollah de la zone située au sud du fleuve Litani et le démantèlement de ses infrastructures militaires, en contrepartie du renforcement du déploiement de l'armée libanaise et des Casques bleus de l'ONU.

La semaine dernière, le président libanais Joseph Aoun avait plaidé pour le maintien des Casques bleus, estimant que "toute limitation du mandat de la Finul (...) aurait un impact négatif sur la situation, alors qu'Israël continue d'occuper certaines portions du territoire libanais".

L'accord de cessez-le-feu prévoit un retrait israélien de la zone, mais Israël maintient des troupes dans des positions frontalières jugées stratégiques et mène régulièrement des frappes chez son voisin du nord.

Le projet de résolution appelle d'ailleurs Israël "à retirer ses forces du nord de la Ligne bleue", ligne de démarcation fixée par l'ONU entre le Liban et Israël, y compris "les cinq positions sur le territoire libanais".

 


Syrie: assaut terrestre israélien contre un site près de Damas

Des soldats syriens avaient trouvé des "dispositifs de surveillance et d'écoute" dans la zone avant les frappes israéliennes mardi, selon Sana, citant une source gouvernementale. (AFP)
Des soldats syriens avaient trouvé des "dispositifs de surveillance et d'écoute" dans la zone avant les frappes israéliennes mardi, selon Sana, citant une source gouvernementale. (AFP)
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  • L'aviation israélienne avait frappé mardi ce site près de Kesweh, dans la banlieue de Damas, tuant six soldats syriens selon le ministère des Affaires étrangères syrien. Il avait été bombardé à nouveau mercredi, selon la télévision d'État
  • Mais cette opération constitue le premier raid terrestre israélien de ce type depuis la chute d'Assad, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), basé au Royaume-Uni mais disposant d'un vaste réseau de sources en Syrie

DAMAS: Les troupes terrestres israéliennes ont mené mercredi soir une opération contre un site près de Damas qui avait été auparavant bombardé, ont rapporté les médias d'État syriens.

L'aviation israélienne avait frappé mardi ce site près de Kesweh, dans la banlieue de Damas, tuant six soldats syriens selon le ministère des Affaires étrangères syrien. Il avait été bombardé à nouveau mercredi, selon la télévision d'État.

À la suite de la deuxième attaque mercredi, des troupes israéliennes ont été acheminées par les airs dans la zone pour une opération, "dont les détails ne sont pas encore connus, alors que les vols de reconnaissance intensifs se poursuivent", a rapporté l'agence de presse officielle Sana.

Depuis qu'une coalition de rebelles islamistes a renversé Bachar al-Assad en décembre 2024, Israël a mené des centaines de frappes sur la Syrie, tout en amorçant un dialogue inédit avec les nouvelles autorités.

Mais cette opération constitue le premier raid terrestre israélien de ce type depuis la chute d'Assad, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), basé au Royaume-Uni mais disposant d'un vaste réseau de sources en Syrie.

Un responsable du ministère de la Défense avait indiqué mardi à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que le site visé par Israël abritait des bâtiments militaires de la 44e division de l'armée syrienne.

Des soldats syriens avaient trouvé des "dispositifs de surveillance et d'écoute" dans la zone avant les frappes israéliennes mardi, selon Sana, citant une source gouvernementale.

Le site abritait des armes utilisées par le groupe armé libanais Hezbollah, soutenu par l'Iran et allié de l'ancien dirigeant syrien Bachar al-Assad, selon l'OSDH.


Israël intensifie ses opérations près de Gaza-ville, réunion à la Maison Blanche

L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs. (AFP)
L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs. (AFP)
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  • Mercredi, l'armée israélienne qui contrôle environ 75% du territoire, a affirmé que ses troupes "opéraient à la périphérie de Gaza-ville pour localiser et démanteler les sites d'infrastructures terroristes en surface et souterrains"
  • Des habitants du quartier de Zeitoun à Gaza-ville ont fait état de tirs de drones et d'intenses bombardements nocturnes, alors que la Défense civile et des sources hospitalières ont annoncé quatre morts par des tirs israéliens dans le sud

GAZA: L'armée israélienne a intensifié mercredi ses opérations autour de la ville de Gaza, quelques heures avant une réunion à la Maison Blanche sous la présidence de Donald Trump consacrée à des plans d'après-guerre pour le territoire palestinien dévasté.

Elle a jugé "inévitable" l'évacuation de la population de cette ville, qu'elle présente comme le dernier grand bastion du mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza assiégée et d'où des milliers d'habitants ont déjà fui.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu est sous pression croissante, tant en Israël qu'à l'étranger, pour mettre fin à son offensive à Gaza, lancée en riposte à une attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023.

Son cabinet de sécurité a approuvé début août un plan pour s'emparer de Gaza-ville, située dans le nord du territoire palestinien où les quelque deux millions d'habitants ont été déplacés plusieurs fois par la guerre.

Mercredi, l'armée israélienne qui contrôle environ 75% du territoire, a affirmé que ses troupes "opéraient à la périphérie de Gaza-ville pour localiser et démanteler les sites d'infrastructures terroristes en surface et souterrains".

Des habitants du quartier de Zeitoun à Gaza-ville ont fait état de tirs de drones et d'intenses bombardements nocturnes, alors que la Défense civile et des sources hospitalières ont annoncé quatre morts par des tirs israéliens dans le sud du territoire palestinien frappé par la famine selon l'ONU.

"Les avions ont bombardé à plusieurs reprises et des drones ont tiré toute la nuit", a déclaré Tala al-Khatib, 29 ans, au téléphone à l'AFP. "Plusieurs maisons ont été détruites. Nous sommes toujours chez nous, certains voisins ont fui, d'autres sont restés. Mais où que vous fuyiez, la mort vous suit!"

"Ca suffit" 

Abdelhamid al-Sayfi, 62 ans, n'est pas sorti de chez lui à Zeitoun depuis mardi. "Nous n'avons ni nourriture ni eau. Quiconque sort est pris pour cible par les drones."

L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs.

Le ministre de la Défense Israël Katz a menacé de détruire Gaza-ville si le Hamas n'acceptait pas d'être désarmé, de libérer tous les otages et de mettre fin à la guerre selon les conditions d'Israël.

Mardi, des dizaines de milliers d'Israéliens sont descendus dans la rue pour réclamer un accord pour libérer les otages et arrêter la guerre, au moment où était réuni le cabinet de sécurité.

"Ca suffit!", a hurlé Silvia Cunio dont les deux fils, Ariel et David, enlevés durant l'attaque du 7-Octobre, sont encore retenus à Gaza.

Après la réunion du cabinet, M. Netanyahu a affirmé: "(...) Nous ne laisserons pas ces monstres (le Hamas, ndlr) là-bas, nous libérerons tous nos otages et nous veillerons à ce que Gaza ne représente plus jamais une menace pour Israël".

Le 10 août, il a énuméré les objectifs d'Israël: "premièrement, désarmer le Hamas. Deuxièmement, tous les otages sont libérés. Troisièmement, Gaza est démilitarisée. Quatrièmement, Israël exerce un contrôle de sécurité prépondérant. Et cinquièmement, une administration civile pacifique non israélienne".

Alors qu'Israël poursuit son offensive à Gaza, Steve Witkoff, l'émissaire de Donald Trump, a annoncé "une grande réunion à la Maison Blanche" mercredi, sous la direction du président, sur l'après-guerre.

"Jour d'après" 

"Nous élaborons un plan très complet sur le jour d'après" dans le territoire palestinien, a dit M. Witkoff sans plus de détails.

Donald Trump avait créé la surprise en début d'année en suggérant que les Etats-Unis prennent le contrôle de la bande de Gaza, en évacuent ses habitants et y construisent des complexes immobiliers.

M. Netanyahu avait salué cette proposition, rejetée par plusieurs pays européens et arabes.

La semaine dernière, le Premier ministre israélien avait ordonné l'ouverture immédiate de pourparlers visant à obtenir la libération des otages, tout en persistant sur ses plans pour prendre Gaza-ville.

Il n'avait pas répondu explicitement à une nouvelle proposition de trêve des médiateurs, acceptée par le Hamas, qui prévoit la libération échelonnée des otages sur une période initiale de 60 jours en échange de prisonniers palestiniens.

L'attaque du Hamas du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 49 sont encore retenues dans Gaza dont au moins 27 sont décédées selon l'armée.

L'offensive de représailles israélienne a fait au moins 62.819 morts à Gaza, en majorité des civils, selon les chiffres du ministère de la Santé du gouvernement du gouvernement du Hamas à Gaza, jugés fiables par l'ONU.