Médine, ou la rentrée gâchée des écolos

Le rappeur Médine divise les écologistes (Photo, AFP).
Le rappeur Médine divise les écologistes (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 22 août 2023

Médine, ou la rentrée gâchée des écolos

  • La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, qui juge que le rappeur «a une position trop ambiguë sur l'antisémitisme» et «avait plaidé pour l'annulation» de sa venue
  • Le ministre de l'Industrie, Roland Lescure, s'est ainsi décommandé dans la foulée du tweet litigieux, estimant que le rappeur «joue avec l'ambiguïté»

PARIS: Invité vedette devenu encombrant, le rappeur Médine cannibalise la rentrée politique des écologistes, piégés dans une polémique sur l'antisémitisme quand l'événement devait être l'occasion de lancer en grande pompe leur campagne pour les européennes.

Tous les feux étaient au vert: des sondages encourageants, une stratégie et une tête de liste - l'eurodéputée Marie Toussaint - largement validées par les militants, et même une canicule tardive pour remettre la question climatique au premier plan juste avant la rentrée.

La tempête Médine a tout emporté. Un simple tweet, dans la torpeur du mois d'août, a suffi à relancer les accusations d'antisémitisme contre l'artiste, dont les excuses n'ont pas convaincu. Pour lui, qualifier l'essayiste Rachel Khan, juive et petite-fille de déportés, de "resKHANpée", était une "formule pas adaptée".

C'était surtout "incontestablement antisémite", relève Yannick Jadot mardi dans un entretien au quotidien régional L'Union. Comme d'autres ténors d'EELV, l'ex-candidat à la présidentielle souhaite que le rappeur "fasse des déclarations extrêmement claires" lors de son débat jeudi avec la patronne du parti, Marine Tondelier.

Mais le mal est fait. "Je crains qu'on ne retienne que cette polémique", regrette M. Jadot, alors que ces journées d'été devaient à la fois "être la démonstration que les écologistes peuvent gouverner ce pays" et "lancer la campagne des européennes de 2024". Un boulevard transformé en impasse par la seule "faute" des Verts et des "polémiques (qu'ils) savent créer à répétition", assène-t-il.

Son prédécesseur Noël Mamère dressait dès la semaine dernière le même constat désabusé d'une "occasion ratée", voyant sa famille politique "en train de prêter le flanc à tous ceux qui nous haïssent (et) nous traitent d'islamo-gauchistes".

Malgré ces dissensions, Mme Tondelier a maintenu l'invitation de Médine, expliquant encore lundi dans Le Parisien les propos du rappeur par un "antisémitisme insidieux, qui se colporte par mimétisme, ignorance ou maladresse".

«Problème de flou»

Puisqu'il y sera, d'autres ont renoncé à venir. Comme la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, qui juge que le rappeur "a une position trop ambiguë sur l'antisémitisme" et "avait plaidé pour l'annulation" de sa venue. Ou celui de Bordeaux, Pierre Hurmic, qui refuse de se "disperser dans de vaines polémiques" et préfère rester dans sa ville écrasée par la chaleur.

Deux défections qui ne constituent "pas du tout un acte de revendication ou d'opposition" selon la direction du parti, pour qui "chacun a le droit d'exprimer une sensibilité différente".

La remarque vaut aussi pour les adversaires politiques. Le ministre de l'Industrie, Roland Lescure, s'est ainsi décommandé dans la foulée du tweet litigieux, estimant que le rappeur "joue avec l'ambiguïté". Mardi, c'est l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, pressenti pour un mot de bienvenue, qui a fait savoir qu'il ne se rendrait pas à cet événement organisé dans sa ville du Havre, mais qu'il recevrait certains élus écologistes dans sa mairie, "de façon républicaine".

D'autres ont toutefois confirmé leur participation, comme Grégory Doucet mardi matin sur RTL: "J'irai écouter ce que Médine a à dire et je me ferai ma propre opinion", a déclaré le maire de Lyon, pour qui le tweet "extrêmement maladroit" du rappeur est un "sujet mineur", relevant de la "cuisine interne" d'EELV.

Au même moment, la députée Sandrine Rousseau se désolait sur RMC et BFMTV d'un "problème de flou (...) puisque manifestement une partie des personnes ne considère pas que c'est antisémite", tout en espérant que l'artiste "évolue sur la question" à la faveur de son débat avec Mme Tondelier.

Mais tout de même, "le tweet qu'il a fait changeait la donne" et les organisateurs auraient "pu réfléchir au fait qu'il ne vienne pas". Trop tard pour reculer: "Maintenant il est invité, il faut aller jusqu'au bout". Et tant pis si "ça fait trois semaines qu'on est dans cette polémique".


S&P dégrade la note de la France, avertissement au nouveau gouvernement

Cette photo d'illustration prise à Toulouse le 29 mars 2025 montre un écran affichant le logo de l'agence de notation Standard and Poor's. (AFP)
Cette photo d'illustration prise à Toulouse le 29 mars 2025 montre un écran affichant le logo de l'agence de notation Standard and Poor's. (AFP)
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  • L’agence S&P a abaissé la note de la France à A+, invoquant une incertitude persistante sur les finances publiques malgré la présentation du budget 2026 et un déficit prévu à 5,4 % du PIB en 2025

PARIS: L'une des plus grandes agences de notation a adressé un avertissement au nouveau gouvernement Lecornu en dégradant la note de la France vendredi, invoquant une incertitude "élevée" sur les finances publiques en dépit de la présentation d'un budget pour 2026.

Moins d'une semaine après la formation de la nouvelle équipe gouvernementale et trois jours après la publication d'un projet de loi de finances (PLF) pour l'année prochaine, S&P Global Ratings a annoncé abaisser d'un cran sa note de la France à A+.

"Malgré la présentation cette semaine du projet de budget 2026, l'incertitude sur les finances publiques françaises demeure élevée", a affirmé l'agence, qui figure parmi les trois plus influentes avec Moody's et Fitch.

Réagissant à cette deuxième dégradation par S&P (anciennement Standard & Poors) en un an et demi, le ministre de l'Economie Roland Lescure a dit "(prendre) acte" de cette décision.

"Le gouvernement confirme sa détermination à tenir l'objectif de déficit de 5,4% du PIB pour 2025", a ajouté son ministère dans une déclaration transmise à l'AFP.

Selon S&P, si cet "objectif de déficit public de 5,4% du PIB en 2025 sera atteint", "en l'absence de mesures supplémentaires significatives de réduction du déficit budgétaire, l'assainissement budgétaire sur (son) horizon de prévision sera plus lent que prévu".

L'agence prévoit que "la dette publique brute atteindra 121% du PIB en 2028, contre 112% du PIB à la fin de l'année dernière", a-t-elle poursuivi dans un communiqué.

"En conséquence, nous avons abaissé nos notes souveraines non sollicitées de la France de AA-/A-1+ à A+/A-1", écrit-elle. Les perspectives sont stables.

"Pour 2026, le gouvernement a déposé mardi 14 octobre un projet de budget qui vise à accélérer la réduction du déficit public à 4,7% du PIB tout en préservant la croissance", a répondu le ministère de l'Economie.

"Il s'agit d'une étape clef qui nous permettra de respecter l'engagement de la France à ramener le déficit public sous 3% du PIB en 2029", a ajouté Bercy.

"Il est désormais de la responsabilité collective du gouvernement et du Parlement de parvenir à l'adoption d'un budget qui s'inscrit dans ce cadre, avant la fin de l'année 2025", selon la même source.

- "Plus grave instabilité" depuis 1958 -

Mais le gouvernement qui, à peine entré en fonctions, a échappé de peu cette semaine à la censure après une concession aux socialistes sur la réforme des retraites, va devoir composer avec une Assemblée nationale sans majorité lors de débats budgétaires qui s'annoncent houleux, alors même que le Premier ministre Sébastien Lecornu s'est engagé à ne pas recourir à l'article 49.3 pour imposer son texte.

Cette nouvelle dégradation de la note de la France par S&P intervient avant une décision de Moody's attendue le 24 octobre. Elle a lieu un mois après que Fitch a elle aussi abaissé la note française à A+.

Les agences comme Fitch, Moody's et S&P Global Ratings classent la qualité de crédit des Etats - soit leur capacité à rembourser leur dette -, de AAA (la meilleure note) à D (défaut de paiement).

Les dégradations de note par les agences sont redoutées par les pays car elles peuvent se traduire par un alourdissement de leurs intérêts.

Ceux payés par la France sont estimés à environ 55 milliards d'euros en 2025, alors que depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024, la dette française se négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande.

"La France traverse sa plus grave instabilité politique depuis la fondation de la Cinquième République en 1958", a estimé S&P: "depuis mai 2022, le président Emmanuel Macron a dû composer avec deux Parlements sans majorité claire et une fragmentation politique de plus en plus forte".

Pour l'agence, "l'approche de l'élection présidentielle de 2027 jette un doute (...) sur la capacité réelle de la France à parvenir à son objectif de déficit budgétaire à 3% du PIB en 2029".

En tombant en A+ chez S&P, la France se retrouve au niveau de l'Espagne, du Japon, du Portugal et de la Chine.


France : l'ancien Premier ministre Philippe demande encore le départ anticipé de Macron

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  • Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu
  • "Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre"

PARIS: L'ancien Premier ministre français Edouard Philippe a à nouveau réclamé jeudi le départ anticipé du président Emmanuel Macron, pour lui "la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois" de "crise" politique avant la prochaine élection présidentielle prévue pour le printemps 2027.

Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu - reconduit depuis -, en suggérant un départ anticipé et "ordonné" du chef de l'Etat, qui peine à trouver une majorité.

"Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre. Je l'ai dit parce que c'est la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois d'indétermination et de crise, qui se terminera mal, je le crains", a déclaré l'ancien Premier ministre sur la chaîne de télévision France 2.

"Ca n'est pas simplement une crise politique à l'Assemblée nationale à laquelle nous assistons. C'est une crise très profonde sur l'autorité de l'Etat, sur la légitimité des institutions", a insisté M. Philippe.

"J'entends le président de la République dire qu'il est le garant de la stabilité. Mais, objectivement, qui a créé cette situation de très grande instabilité et pourquoi ? Il se trouve que c'est lui", a-t-il ajouté, déplorant "une Assemblée ingouvernable" depuis la dissolution de 2024, "des politiques publiques qui n'avancent plus, des réformes nécessaires qui ne sont pas faites".

"Je ne suis pas du tout pour qu'il démissionne demain matin, ce serait désastreux". Mais Emmanuel Macron "devrait peut-être, en prenant exemple sur des prédécesseurs et notamment le général De Gaulle, essayer d'organiser un départ qui nous évite pendant 18 mois de continuer à vivre dans cette situation de blocage, d'instabilité, d'indétermination", a-t-il poursuivi.

Edouard Philippe, qui s'est déclaré candidat à la prochaine présidentielle, assure ne pas avoir de "querelle" avec Emmanuel Macron. "Il est venu me chercher (en 2017), je ne me suis pas roulé par terre pour qu'il me nomme" à la tête du gouvernement et après avoir été "congédié" en 2020, "je ne me suis pas roulé par terre pour rester".


Motion de censure: Le Pen attend la dissolution avec une «impatience croissante»

 Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
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  • Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu
  • Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver"

PARIS: Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante".

Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver".

"Poursuite du matraquage fiscal" avec 19 milliards d'impôts supplémentaires, "gel du barème" de l'impôt sur le revenu qui va rendre imposables "200.000 foyers" supplémentaires, "poursuite de la gabegie des dépenses publiques", "absence totale d'efforts sur l'immigration" ou sur "l'aide médicale d'Etat", ce budget "est un véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", a-t-elle estimé.

Raillant le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a accepté d'épargner le gouvernement en échange de la suspension de la réforme des retraites sans savoir par "quel véhicule juridique" et sans assurance que cela aboutisse, elle s'en est pris aussi à Laurent Wauquiez, le chef des députés LR, qui préfère "se dissoudre dans le socialisme" plutôt que de censurer.

"Désormais, ils sont tous d'accord pour concourir à éviter la tenue d'élections", "unis par la terreur de l'élection", a-t-elle dit.