Crise de l'eau à Mayotte: les entreprises trinquent aussi

Une photo prise le 23 mai 2023 à Koungou montre un habitant remplissant des bidons d'eau potable près du bidonville du quartier "Talus 2" à Koungou sur l'île française de Mayotte dans l'océan Indien. (Photo Philippe Lopez / AFP)
Une photo prise le 23 mai 2023 à Koungou montre un habitant remplissant des bidons d'eau potable près du bidonville du quartier "Talus 2" à Koungou sur l'île française de Mayotte dans l'océan Indien. (Photo Philippe Lopez / AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 01 septembre 2023

Crise de l'eau à Mayotte: les entreprises trinquent aussi

  • L'archipel français de l'océan Indien ne parvient plus à répondre aux besoins de sa population - 300.000 habitants selon l'Insee
  • Dans le chef-lieu Mamoudzou, la préfecture a fait le choix de conserver des coupures quotidiennes de 16h00 à 8h00 du matin et de les intensifier le week-end, avec trente-six heures de coupure consécutives à compter du 4 septembre

MAMOUDZOU, France : A Mayotte, des entreprises et services envisagent de fermer temporairement ou partiellement par manque d'eau. «On n'a pas le choix», souffle la gérante d'un restaurant qui ne sera plus alimenté qu'un jour sur trois à partir de lundi.

Devant une vue à 180 degrés sur la baie de Chiconi, dans l'ouest de Grande-Terre, Amidati Nahouda commence les préparations de ses salades depuis les cuisines de «L'Escale».

«Quand il n'y aura pas d'eau pendant quarante-huit heures, on fermera. On ne va pas travailler sans eau, on n'a pas le choix», confie la gérante, qui a déjà réduit ses effectifs.

Son restaurant - comme tous les bâtiments alimentés par le réseau d'eau en dehors de Mamoudzou et de Petite-Terre - subit des coupures de vingt-quatre heures trois fois par semaine. Mais à compter du 4 septembre, l'établissement n'aura plus accès à l'eau courante qu'un jour sur trois.

Car l'archipel français de l'océan Indien ne parvient plus à répondre aux besoins de sa population - 300.000 habitants selon l'Insee, plus selon des estimations tenant compte de sans-papiers venus principalement des Comores voisines.

La consommation d'eau s'établit désormais à environ 40.000 m3, quand les infrastructures n'en produisent pas plus de 38.000. Et ce alors qu'une forte sécheresse, inédite depuis 1997 selon les autorités, empêche les retenues collinaires - qui assurent 80 % de l'approvisionnement en eau avec les rivières - de se recharger correctement.

Pour Amidati Nahouda, la situation était déjà compliquée avec des coupures de vingt-quatre heures.

«On a de l'eau dans des cuvettes pour laver les verres, mais la plupart de la vaisselle est stockée en attendant que l'eau revienne. On ne peut pas non plus laver les torchons... Et lorsque les clients veulent aller aux toilettes, ils ne peuvent pas tirer la chasse d'eau», regrette-t-elle, «on manque d'hygiène».

- «Absentéisme» -

Les Apprentis d'Auteuil, deuxième plus grosse association de Mayotte, doivent également revoir leur organisation.

«Nous accompagnons 3.000 jeunes par an sur 22 sites. Mais aujourd'hui, c'est très compliqué de les accueillir correctement. Donc nous organisons des rotations, des fermetures partielles, l'après-midi», indique Camille Déchin, responsable du développement de cette association qui développe des centres de formation.

Dans le chef-lieu Mamoudzou, où est basée l'association, la préfecture a fait le choix de conserver des coupures quotidiennes de 16h00 à 8h00 du matin et de les intensifier le week-end, avec trente-six heures de coupure consécutives à compter du 4 septembre. Ceci afin de «préserver l'activité économique», selon le préfet Thierry Suquet.

Les salariés de l'association aménagent donc leurs horaires pour pouvoir aller faire des réserves chez eux lorsque l'eau revient. «Sur les différents sites, situés un peu partout sur l'île, on s'équipe de récupérateurs d'eau et on se prépare à un gros taux d'absentéisme, on sait que les risques épidémiques sont nombreux», poursuit Camille Déchin.

Les jeunes accompagnés sont «fatigués et inquiets», note-t-elle. «La plupart n'ont pas l'eau courante chez eux, ils s'alimentent à des bornes-fontaines monétiques. Ils vont faire la queue, porter des bidons de 20 litres en espérant que leur famille tienne pendant les quarante-huit heures de coupure».

Dans le secteur du bâtiment, un des principaux consommateurs d'eau, l'activité est moins perturbée mais l'heure est à l'économie.

«Nous consommons environ 500 m3 par jour», indique Julian Champiat, président de la fédération mahoraise du BTP, qui représente 2 500 salariés.

«L'objectif est progressivement de se détacher du réseau d'eau potable en s'approvisionnant via des forages d'eau non potable», annonce-t-il. D'ici fin septembre, la fédération espère couvrir ainsi 20% de ses besoins.

Pour l'instant, la filière parvient à fonctionner normalement et aucun report d'activité n'est prévu.

«Toutes les entreprises ont leur carnet de commandes rempli et recrutent», indique le président de la fédération, qui y voit «les fruits» du «plan de convergence» finançant la construction de logements sociaux, d'établissements scolaires et du futur réseau de transport collectif Caribus.

Mais «s'il y a une rupture d'activité, même de quelques mois, cela mettra en péril tous ces chantiers», s'alarme Julien Champiat.

Pénuries d'eau à Mayotte: un manque de pluie et des infrastructures défaillantes

Confronté à des pénuries récurrentes, Mayotte n'aura bientôt accès à l'eau courante qu'un jour sur trois, la faute à des épisodes de sécheresse qui se répètent et à un déficit criant d'infrastructures dans le département le plus pauvre de France.

  • Une sécheresse inédite

Depuis des mois, Mayotte vit au rythme des «tours d'eau», des coupures planifiées de l'alimentation visant à limiter la consommation.

A partir du 4 septembre, ces tours vont s'intensifier: l'eau ne sera désormais accessible qu'un jour sur trois.

La faute à une sécheresse inédite, alors que l'approvisionnement de Mayotte dépend essentiellement des eaux pluviales.

Selon la préfecture du plus jeune département français, la saison des pluies 2022-2023 (qui s'étend de décembre à mars) a été «la plus sèche de l'histoire de Mayotte après celle de 1997» et aucune précipitation significative n'a été enregistrée depuis.

Conséquence, les taux de remplissage des deux retenues collinaires de Combani et Dzoumogné étaient, selon les données officielles, de 25% et 14% au 24 août, contre 106% et 82% à la même date en 2022.

Au rythme de prélèvement précédent le dernier tour de vis, les réserves se seraient retrouvées à sec fin septembre, bien avant la prochaine saison des pluies, précisent l'agence régionale de santé (ARS) de Mayotte et Météo France.

  • Un problème qui se répète

Si la sécheresse actuelle est inédite, Mayotte a déjà connu plusieurs «crises de l'eau» et celles-ci tendent à devenir de plus en plus fréquentes.

Après une première grave crise en 1997, lié selon la mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) de Mayotte à une «très mauvais saison pluvieuse», le deuxième épisode majeur de sécheresse remonte à 2017, concentré sur la partie sud de Grande Terre - l'île la plus étendue de Mayotte.

Puis une nouvelle sécheresse frappe l'archipel en 2020, dans des proportions similaires à 2017.

La déforestation - qui empêche les nappes phréatiques de se recharger - et la démographie galopante - Mayotte compte 300.000 habitants selon l'Insee, plus selon des estimations tenant compte des sans-papiers, venus principalement des Comores voisines - amplifient le problème.

«Le déséquilibre entre besoin et ressource en eau disponible se creuse et chaque saison sèche engendre des périodes de stress hydrique et de pénuries des volumes mobilisables de plus en plus marqués», notait la MRAE dans un avis publié en août, s'inquiétant aussi de «l'incertitude» liée au changement climatique.

Des infrastructures défaillantes

A chaque épisode de sécheresse, des réponses ont été apportées par les pouvoirs publics: création d'une usine de dessalement en 1998, réalisation des deux retenues collinaires en 1999 et 2001, généralisation des «tours d'eau» en 2017...

Problème, relève la MRAE de Mayotte, «ces actions ont chaque fois été engagées dans l'urgence» et leurs mises en oeuvre ont été «plus ou moins rapides et surtout plus ou moins abouties».

L'exemple le plus flagrant est celui de l'usine de dessalement inaugurée en 1998: elle fournit 8% de l'alimentation en eau de l'île mais n'a jamais tourné à plein régime, la faute à des problèmes de conception. Pire, les travaux d'extension décidés en 2017 ne sont toujours pas achevés.

Les autorités espèrent une amélioration début novembre, avec la fin des travaux d'urgence lancés pour augmenter la production de l'usine de dessalement.

A plus long terme, le préfet chargé de gérer la crise de l'eau à Mayotte, Gilles Cantal, a annoncé la semaine dernière la mise en chantier d'une deuxième usine de dessalement et assuré que le projet d'une troisième retenue collinaire était toujours d'actualité.

Les habitants, eux, espèrent que la saison des pluies attendue à la fin de l'année soit plus abondante que l'an passé.


France: vote crucial pour le Premier ministre Sébastien Lecornu

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu assiste à une séance de questions au gouvernement au Sénat, la chambre haute du Parlement français, à Paris, le 26 novembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu assiste à une séance de questions au gouvernement au Sénat, la chambre haute du Parlement français, à Paris, le 26 novembre 2025. (AFP)
Short Url
  • Sébastien Lecornu joue son avenir politique sur le vote du budget de la Sécurité sociale, menacé d’être rejeté faute de soutien des Républicains et d’Horizons, malgré l’appui inattendu des socialistes
  • Un rejet pourrait provoquer sa chute, alors que le gouvernement avertit qu’un échec ferait bondir le déficit de la Sécurité sociale et que le scrutin reste extrêmement incertain

PARIS: L'avenir du Premier ministre français Sébastien Lecornu pourrait dépendre mardi de son pari de faire adopter sans majorité le projet de budget de la Sécurité sociale par l'Assemblée nationale, où il s'est assuré du soutien des socialistes mais risque d'être lâché par les siens.

Le texte proposé par son gouvernement de centre-droit pourrait être rejeté. Pas à cause du parti Socialiste (PS), dont le patron Olivier Faure a appelé à voter "pour" et avec lequel le Premier ministre a mené les négociations, mais parce que dans son propre camp, les partis de droite Les Républicains (LR) et du centre-droit Horizons refusent de soutenir un budget qui, à leurs yeux, fait trop de concessions à la gauche.

Le scrutin s'annonce donc extrêmement serré sur ce projet de loi, dans lequel le chef du gouvernement a concédé la suspension de l'emblématique réforme des retraites.

Son rejet pourrait précipiter la chute de Sébastien Lecornu, même si la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a jugé dimanche qu'une démission "n'aurait pas de sens".

Nommé il y a trois mois, le chef du gouvernement, qui défend la méthode des "petits pas", a en effet renoncé à recourir à un dispositif, celui de l'article 49.3 de la constitution, qui permet de faire passer un texte sans vote mais expose à la censure.

Sébastien Lecornu a déjà senti le vent du boulet souffler sur le volet "recettes" du texte, adopté à peu de voix grâce à plusieurs compromis et a de nombreux absents dans la chambre basse.

Il est reparti à la pêche aux voix pour le volet "dépenses" et surtout pour le vote final sur l'ensemble du projet de loi, prévus tous deux mardi.

Lundi soir, le président du parti Horizons, Edouard Philippe, candidat déclaré pour la présidentielle de 2027, a recommandé à ses députés de s'abstenir, en affirmant n'avoir "jamais voulu" une chute du gouvernement.

Les députés écologistes, dont le vote est crucial, pourraient s'abstenir quant à eux si le gouvernement cède à leur demande d'une augmentation des dépenses de l'assurance maladie.

Le gouvernement ne cesse d'avertir que si aucun texte n'est adopté, le déficit de la Sécurité sociale flamberait à 30 milliards d'euros en 2026, contre 23 en 2025.

L'issue du scrutin est d'autant plus incertaine que les votes ne seront pas unanimes au sein des groupes. LFI (gauche radicale) et RN (extrême-droite) avec l'UDR devraient voter contre, et les communistes majoritairement contre.

Le chef des LR, Bruno Retailleau a appelé à ne pas voter un "budget socialiste", mais certains de ses élus pourraient voter pour.

Si le texte est adopté, son chemin n'est pas terminé pour autant: il repartira au Sénat (chambre haute), avant de revenir à l'Assemblée, à qui le gouvernement pourra alors donner le dernier mot.


Paris cherche à dynamiser ses relations économiques avec Oman et le Koweït

La visite en Oman doit permettre de consolider une relation économique « peu nourrie à ce stade », selon la source diplomatique, mais qui s’oriente clairement vers des projets structurants liés à la stratégie Oman 2040. (AFP)
La visite en Oman doit permettre de consolider une relation économique « peu nourrie à ce stade », selon la source diplomatique, mais qui s’oriente clairement vers des projets structurants liés à la stratégie Oman 2040. (AFP)
Short Url
  • Le déplacement de Nicolas Forissier en Oman et au Koweït confirme la volonté française de renforcer sa présence économique dans une région stratégique et en pleine transformation
  • La France cherche à positionner ses entreprises sur les secteurs prioritaires identifiés par les stratégies nationales omanaise et koweïtienne, afin de bâtir des partenariats durables dans une dynamique “gagnant-gagnant”

PARIS: À moins d’un mois de sa visite en Arabie saoudite, le ministre délégué au Commerce extérieur, Nicolas Forissier, repart dans le Golfe du 9 au 11 décembre.
Il se rend successivement en Oman puis au Koweït, pour un déplacement qui confirme la volonté française de renforcer sa présence économique dans une région stratégique et en pleine transformation.

« C’est un voyage qui vise clairement à approfondir nos relations bilatérales avec deux pays dont les marchés, encore peu explorés, recèlent un potentiel considérable pour nos entreprises », explique une source diplomatique.

Il y a trois semaines, Nicolas Forissier menait déjà une mission ambitieuse en Arabie saoudite, centrée sur la mobilisation des acteurs français pour les grands rendez-vous internationaux que le royaume s’apprête à accueillir : l’Exposition universelle de 2030 et la Coupe du monde 2034.

Cette fois, la logique est différente puisqu’il s’agit de développer en profondeur des partenariats économiques avec Oman et le Koweït, deux pays de plus petite taille mais aux marchés dynamiques et en pleine diversification.

Oman comme le Koweït affichent aujourd’hui des visions nationales ambitieuses à l’horizon 2040, toutes deux axées sur la diversification économique et la modernisation de l’appareil productif.

« Ce sont deux économies historiquement centrées sur les hydrocarbures, mais qui veulent désormais aller beaucoup plus loin en matière d’infrastructures, d’énergies renouvelables, de gestion de l’eau ou encore de technologies propres », souligne la source diplomatique.

Malgré un socle économique bilatéral encore limité, comparé à l’Arabie saoudite ou aux Émirats, l’intérêt pour les entreprises françaises est réel.
Les chiffres l’illustrent clairement : les échanges commerciaux France–Oman ont atteint 703 millions d’euros en 2024, en hausse spectaculaire de 60 % par rapport à 2023.
Le Koweït reste quant à lui le troisième partenaire commercial de la France dans la région, avec 2,6 milliards d’euros d’échanges en 2024.

« Il y a un vivier économique existant, mais nous voulons aller beaucoup plus loin. L’objectif du ministre est d’accélérer, d’appuyer des contrats déjà signés ou en cours de négociation, et de mettre en avant nos entreprises sur les appels d’offres ouverts », résume la source diplomatique.

Une vingtaine d’entreprises françaises

Le ministre est accompagné d’une vingtaine d’entreprises françaises, reflétant la diversité de l’offre tricolore : grandes multinationales, entreprises de taille intermédiaire, start-ups et fonds d’investissement.
La liste inclut notamment Aéroports de Paris, Airbus, Bouygues, Artelia, Bpifrance, Schneider Electric, Suez, Veolia, Société Générale, ainsi que plusieurs acteurs industriels et financiers.

Pour le volet koweïtien, d’autres grands noms rejoignent la délégation, parmi lesquels JCDecaux, Aegis, Neoen, Serena Capital, TKO ou TotalEnergies.

« C’est une délégation intersectorielle, représentative de l’ensemble du savoir-faire français, dans l’énergie, l’eau, les transports, les infrastructures, la finance ou encore le génie urbain », précise la source.

La visite en Oman doit permettre de consolider une relation économique « peu nourrie à ce stade », selon la source diplomatique, mais qui s’oriente clairement vers des projets structurants liés à la stratégie Oman 2040.

Les entreprises françaises y sont déjà positionnées sur plusieurs secteurs clés, tels que la gestion de l’eau et la rénovation des réseaux de distribution, un enjeu central pour un pays en tension hydrique.

Autre secteur : les transports, avec un projet majeur, celui du métro de Mascate, dont la planification progresse et pour lequel des entreprises françaises répondent aux appels d’offres.

Dans le domaine des énergies, plusieurs projets sont en cours, notamment l’un des plus vastes projets de production énergétique carbonée du pays, ainsi qu’une stratégie nationale axée sur l’hydrogène, le solaire et l’éolien.
S’ajoutent les secteurs de la gestion des déchets et de l’économie circulaire, où des acteurs français comme Suez ou Veolia sont déjà bien implantés.

La culture et le soft power

Oman manifeste aussi un intérêt croissant pour la culture et le soft power, un domaine où la France dispose d’atouts déterminants. « Les autorités omanaises veulent développer leur attractivité culturelle, et notre influence dans ce domaine est un atout important », note la même source.

Le passage du ministre au Koweït s’inscrit dans la dynamique ouverte par la visite de l’émir à Paris en juillet 2025, qui a marqué une relance du dialogue politique et économique. « Cette visite avait posé les bases d’un partenariat renouvelé, à l’approche du 65ᵉ anniversaire de nos relations diplomatiques prévu en 2026 », rappelle Paris.

Le Koweït, qui souhaite diversifier son économie tout en modernisant ses infrastructures, ouvre aujourd’hui plusieurs projets majeurs sur lesquels les entreprises françaises sont engagées, comme l’extension de la flotte de Kuwait Airways — avec un besoin important d’appareils neufs — ou la rénovation complète de l’aéroport international, projet structurant pour l’ouverture du pays.

Il y a également la première tranche d’une ferme solaire de 1,1 GW à Shagaya, l’un des projets énergétiques les plus ambitieux de la région, ainsi que la construction de villes durables, en cohérence avec les objectifs de transition énergétique nationale.

Selon la source diplomatique, « le Koweït est aussi en demande d’investissements croisés : il souhaite investir davantage en France, mais encourage tout autant les investissements français au Koweït, dans l’énergie, les infrastructures et la santé ».

À travers ce double déplacement, la France entend affirmer un message clair : celui d’une politique économique résolument tournée vers le Golfe. « Notre volonté est simple : accompagner les stratégies nationales, positionner les entreprises françaises sur les secteurs prioritaires et bâtir des partenariats durables, dans une dynamique “gagnant-gagnant” », conclut la source.


Le gouvernement lance des conférences sur la «souveraineté alimentaire», sur fond de méfiance agricole

 Aujourd'hui, la France importe la moitié des fruits, légumes et du poulet qu'elle consomme, 60% de la viande ovine, 25% du bœuf...Photo de Rungis le 1er février 2024. (AFP)
Aujourd'hui, la France importe la moitié des fruits, légumes et du poulet qu'elle consomme, 60% de la viande ovine, 25% du bœuf...Photo de Rungis le 1er février 2024. (AFP)
Short Url
  • Ces conférences, promises par la loi d'orientation agricole de mars 2025, se dérouleront sur plusieurs mois, par filières de production et au niveau régional, pour des conclusions en juin
  • La ministre Annie Genevard a livré en février une vision de la souveraineté alimentaire conçue comme un "réarmement" dans un monde secoué de conflits: "la France doit produire plus pour manger mieux", avait-elle assené

PARIS: Dans une France agricole affaiblie, le gouvernement lance lundi les "conférences de la souveraineté alimentaire" destinées à définir une stratégie agricole nationale sur dix ans, un exercice que les agriculteurs, échaudés, abordent avec méfiance.

De l'élevage à la viticulture en passant par les céréales, les difficultés sont telles que la balance agricole française pourrait être déficitaire en 2025, pour la première fois en près de 50 ans. Aujourd'hui, la France importe la moitié des fruits, légumes et du poulet qu'elle consomme, 60% de la viande ovine, 25% du bœuf...

Ces conférences, promises par la loi d'orientation agricole de mars 2025, se dérouleront sur plusieurs mois, par filières de production et au niveau régional, pour des conclusions en juin.

La ministre Annie Genevard a livré en février une vision de la souveraineté alimentaire conçue comme un "réarmement" dans un monde secoué de conflits: "la France doit produire plus pour manger mieux", avait-elle assené, appelant à la "mobilisation générale".

Retour "symbolique" à Rungis 

Elle franchit une étape supplémentaire lundi en lançant son opération "grand réveil alimentaire" au marché de gros de Rungis, avec un discours qualifié de "majeur" par son entourage.

Cette entrée en matière a fait bondir le premier syndicat FNSEA, qui participera au chantier mais pas à son lancement, "s'apparentant davantage à une opération de communication".

"Cela fait 15, 20 ans qu'on dit qu'on va dans le mauvais sens. Ce qui nous intéresse maintenant, c'est ce qu'on va faire, (...) comment on assure des revenus sur les exploitations", souligne le secrétaire général de la FNSEA Hervé Lapie.

Le premier syndicat goûte assez peu ce retour "symbolique" à Rungis, où Emmanuel Macron avait en 2017 prôné une stratégie de "montée en gamme", depuis percutée par l'inflation et la concurrence accrue sur les marchés.

Huit ans plus tard, l'ambiance est morose. Après deux hivers de colère dans les campagnes, le monde agricole reste au bord de l'explosion, entre crises sanitaires dans l'élevage et prix en berne.

La mobilisation s'organise, en France contre la politique d'abattage systématique de bovins touchés par la dermatose, et à Bruxelles, où une manifestation est prévue le 18 décembre contre l'accord de libre-échange UE-Mercosur ou la taxe carbone aux frontières pour les engrais.

Pour la Coordination rurale, 2e syndicat agricole qui boude aussi le discours de Rungis, "le ministère ne répond pas aux attentes actuelles des agriculteurs" qu'on "empêche de produire" avec des contraintes trop fortes.

A rebours de cette vision anti-normes, la Confédération paysanne est aussi critique du gouvernement, estimant que la souveraineté est avant tout la capacité d'une société à choisir son agriculture et non une course pour produire et exporter plus.

Plusieurs filières soulignent que le temps n'est plus "aux nouvelles consultations" mais aux "décisions": "il y a urgence", a résumé l'interprofession de la viande mercredi.

Certaines ont établi des diagnostics précis, comme celle de la betterave sucrière, ou lancé des "plans de souveraineté" comme les fruits et légumes en 2023, ou le blé dur et la viande en 2024. Qu'espérer donc de ces conférences ?

Impliquer la transformation 

L'idée est de construire à partir "de l'évolution de la demande", en interrogeant notamment les industriels: "il s'agit bien d'élaborer un plan d'action de production et de transformation à dix ans et on fera en sorte de partir de la demande du consommateur français, européen et mondial", explique le ministère.

Des "projets structurants" seront identifiés, de même que des "trajectoires de production", assure-t-on.

Ce plan devra aussi tenir compte de la stratégie française de lutte contre le changement climatique ou de réduction des pesticides.

Ludovic Spiers, ex-directeur général du géant coopératif agricole Agrial, a été nommé "coordinateur général" du chantier. Des groupes de travail sectoriels sont prévus (cultures, viandes blanches, viticulture...), réunissant les interprofessions, l'amont (l'agriculture) et l'aval (la transformation), l'établissement public FranceAgrimer, la recherche.

Ces conférences "doivent être l'occasion d'un sursaut national. Je veux impliquer le consommateur citoyen, lui faire prendre conscience que par son acte d'achat, il a une importance capitale. Ce +grand réveil alimentaire+ s'adresse d'abord à lui", a affirmé Mme Genevard dans Les Echos dimanche.

Elles devront aussi prendre en considération des stratégies nationales nutrition et climat (Snanc, SNBC...) qui se font toujours attendre.