«On l'a fait»: une famille de réfugiés irakiens enfin chez elle, aux Pays-Bas

Les réfugiés irakiens Ahmad et Alia partagent une blague alors qu'ils sont assis dans un café à Leeuwarden, aux Pays-Bas, le 8 décembre 2015. Après qu'Ahmad et Alia ont survécu à un attentat à la bombe à Bagdad en 2014, ils ont décidé de tout risquer et ont traversé la mer Égée cet été. (EMMANUEL DUNAND / AFP)
Les réfugiés irakiens Ahmad et Alia partagent une blague alors qu'ils sont assis dans un café à Leeuwarden, aux Pays-Bas, le 8 décembre 2015. Après qu'Ahmad et Alia ont survécu à un attentat à la bombe à Bagdad en 2014, ils ont décidé de tout risquer et ont traversé la mer Égée cet été. (EMMANUEL DUNAND / AFP)
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Publié le Jeudi 17 décembre 2020

«On l'a fait»: une famille de réfugiés irakiens enfin chez elle, aux Pays-Bas

  • A l'automne 2015, leur petit Adam de quatre mois dans un porte-bébé, Ahmed et Alia, aujourd'hui 32 et 31 ans, ont fui l'Irak pour rejoindre le million de migrants qui s'embarquent alors vers les côtes européennes en quête d'une vie meilleure.
  • Pendant cinq ans, une équipe texte, photo, vidéo les a suivis pas à pas, sur les rails, sur la route guidés par des trafiquants, dans un centre d'hébergement lugubre, jusqu'à l'aube de leur nouvelle vie à Duiven

DUIVEN: Il cherchait la sécurité, elle voulait la liberté. Des rêves pour lesquels ils ont tout risqué.    

À l'automne 2015, leur petit Adam de quatre mois dans un porte-bébé, Ahmed et Alia, aujourd'hui 32 et 31 ans, ont fui l'Irak pour rejoindre le million de migrants qui s'embarquent alors vers les côtes européennes en quête d'une vie meilleure.

Ils ont frôlé la mort en mer, eu la sensation de perdre leur dignité sur la route des Balkans, vécu en clandestins, souffert la torturante attente du droit d'asile aux Pays-Bas, le nouveau pays qu'ils se sont choisi. Jusqu'au jour où ils ont glissé dans la serrure les clés de leur propre foyer.

Une famille parmi tant d'autres, rencontrée par une journée ensoleillée de septembre 2015 à Guevgueliya, frontière endormie de la Macédoine du Nord avec la Grèce. Ce jour-là, avec des centaines de Syriens, d'Afghans, d'Irakiens, hommes, femmes, enfants, vieillards, blessés, amputés, ils s'engouffrent dans le train qui leur fera traverser la Serbie, direction l'Union européenne. 

Pendant cinq ans, une équipe texte, photo, vidéo de l'AFP les a suivis pas à pas, sur les rails, sur la route guidés par des trafiquants, dans un centre d'hébergement lugubre, jusqu'à l'aube de leur nouvelle vie à Duiven, petite ville de l'est des Pays-Bas.

Voici l'histoire d'Ahmed et Alia – qui préfèrent garder l'anonymat pour raisons de sécurité – depuis le soir où ils ont décidé de quitter ensemble Bagdad, après avoir survécu à un attentat.

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La photo du haut prise le 15 décembre 2020, montre Alia, 26 ans, réfugiée irakienne, tenant dans ses bras son bébé Adam, alors âgé de quatre mois, alors qu'ils voyagent en train de la Macédoine du Nord à la Serbie le 30 août 2015. Pour la photo du bas : Alia quitte sa maison pour aller à l'école dans la ville de Duiven, aux Pays-Bas, le 24 septembre 2020.
(ARIS MESSINIS / AFP)

Ce jour d'août 2019, le téléphone sonne, Alia décroche et la nouvelle tombe: elle vient d'obtenir le statut de réfugiée aux Pays-Bas. Au bout du fil, l'avocat qui l'assiste dans ses démarches, confirme: dans la foulée, son mari et son fils auront automatiquement le droit d'asile.

Le rêve devient réalité

Pour toujours leur vie vient de changer. Le couple s'enlace, s'embrasse, Alia crie, pleure, rit en même temps. "C'était un moment de joie encore plus intense que notre mariage", se souvient la jeune femme aux yeux noisettes.

Les semaines qui suivent, la famille obtient ses cartes de séjour, permis de voyager. Ils ne sont plus illégaux. Ils ont le droit d'avoir un foyer, de gagner de l'argent, de respirer.

"Enfin on a pu avoir tout ce que l'on désirait", dit Ahmed, cheveux bruns gominés. "Une vie normale comme n'importe quelle autre famille aux Pays-Bas."

"J'ai vu la mort" 

Partir. Cela s'est décidé après leur premier rendez-vous amoureux depuis leurs fiançailles en 2014. Ahmed a invité Alia à dîner dans un restaurant de Bagdad, Mr Chicken.

Quand soudain la bombe a explosé. Autour d'eux des clients sont tués, Alia blessée au visage en gardera des cicatrices.

"Ce jour-là, j'ai vu la mort. Si nous avions été assis à une autre table, nous n'aurions peut-être pas survécu", dit Ahmed.

A Bagdad, ils mènent la vie classique d'un jeune couple de la classe moyenne. Il tient un magasin de vêtements haut de gamme, elle est la fille d'un professeur de chimie à l'université, ils sont proches de leur famille, ont leur groupe d'amis.

"J'adore mon pays", dit le jeune homme en regardant des images de sa ville sur Snapchat. Mais "en Irak, quand tu pars travailler le matin, tu ne sais jamais si tu rentreras vivant le soir."

La naissance d'Adam en 2015 donne le départ. Ahmed vend sa boutique et les parts d'une propriété reçues en héritage pour financer "le voyage".

Ce n'est pas son premier exil. En 2006, au pic de la guerre civile en Irak, sa famille s'est réfugiée en Syrie. Ils sont revenus à Bagdad quand leur pays d'accueil a plongé à son tour dans la violence.

Ensuite, "année après année, la situation en Irak n'a cessé d'empirer, la corruption, les milices ont pris le pouvoir", dit-il. Puis l'Etat islamique, qui s'y est implanté en 2014, entraînant une nouvelle vague d'émigration.

Près de 89 000 Irakiens ont traversé la mer vers la Grèce et l'Italie en 2015, selon le Haut-commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR). L'année dernière, ils étaient plus de 238 000 réfugiés en Europe.

"On a été forcés d'émigrer, on n'a jamais eu le choix", dit Ahmed.

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Dans la photo du haut : Le réfugié irakien Ahmad (à gauche) et sa famille alors qu'ils se reposent sur une ligne de chemin de fer alors qu'ils tentent de traverser la Serbie pour se rendre à la frontière hongroise à Horgos le 1er septembre 2015, et (en bas) : Ahmad (à gauche) et son fils Adam, âgé de cinq ans, assis dans un parc de la ville de Duiven, aux Pays-Bas, le 24 septembre 2020.
(ARIS MESSINIS / AFP)

Aujourd'hui, Alia, Ahmed et Adam vivent dans une petite maison de trois pièces aux tuiles de briques brunes avec un jardin, dans la ville arborée de Duiven, près de la frontière avec l'Allemagne.

"A la maison" 

Ils ont repeint les murs en blanc, suspendu des rideaux roses et planté des tomates. A l'entrée, sur le paillasson, il est écrit: "A la maison".

"On l'a fait", sourit Ahmed, jean et veste en cuir, en sirotant un café au lait concentré sous les rayons du soleil automnal qui filtrent au travers des larges fenêtres du salon.

Depuis qu'ils ont le statut de réfugiés, ils perçoivent une allocation mensuelle de 1.400 euros et ont obtenu un prêt de 3.500 euros de la municipalité de Duiven pour arranger leur maisonnette. Désormais, ils paient un loyer, la sécurité sociale, l'assurance, l'électricité. 

Deux fois par semaine, les parents prennent des cours de néerlandais. Le niveau de Ahmed reste basique, Alia se débrouille même si elle passe à l'anglais pour les longues conversations.

Leur fils aux boucles brunes se sent comme un poisson dans l'eau. A bientôt cinq ans, il jongle naturellement entre le néerlandais, l'arabe et l'anglais. Il dit qu'il est "moitié irakien, moitié néerlandais".

Tous les matins, il part à bicyclette vers l'école et quand le temps le permet, il tape le ballon dans un parc voisin. Ici, pas de bombes, les enfants peuvent jouer seuls.

Sa petite enfance est loin d'être conventionnelle mais il va bien, estime la directrice de son école Marike Ketelaars. "Adam est un enfant comme les autres. Il veut jouer dehors et se faire des copains."

Une fois le petit au lit, les parents regardent des séries sur Netflix comme "Game of Thrones" - en néerlandais, sous-titré arabe.

Des plaisirs simples qui, jusqu'à il y a peu, semblaient hors d'atteinte.

Tourments et douche froide 

L'angoisse, la fatigue, la crainte d'être renvoyés à la case départ, jamais ils n'oublieront les tourments de leur odyssée pour arriver là.

Une fois arrivés en Grèce par la mer, les épreuves se sont enchaînées, à commencer par le passage de la frontière serbo-hongroise pour pénétrer dans l'UE. En cet automne 2015, la Hongrie y a érigé des barbelés pour contenir le flux ininterrompu de migrants arrivés par les Balkans. S'ils sont attrapés, ils seront parqués dans un camp de rétention.

Alia et Ahmed doivent mettre leur sort entre les mains d'un passeur qui, dans la nuit, les entraîne avec d'autres au milieu d'un champ où ils doivent échapper aux détrousseurs de migrants et aux policiers hongrois.

Dans l'avancée en silence, femmes et bébé au milieu du groupe, ils échappent de justesse à une embuscade, constate alors l'AFP qui les accompagne: émergés de l'ombre, des hommes en tenue de police se tiennent prêts à les attaquer. Des migrants brandissent des branches en guise de défense, les autres s'éparpillent. Alia est pétrifiée de peur. Les assaillants finalement disparaissent dans le noir. Sans doute des voleurs. 

Les premiers pas dans cette UE qui les faisait rêver les désarçonnent. A Budapest, ni un hôtel ni même un bordel n'accepte de louer une chambre aux migrants qu'ils sont. Las, ils doivent faire dormir le bébé dans la rue.

En une semaine, leurs économies se sont évaporées.

L'arrivée aux Pays-Bas est un soulagement. Mais il ne dure pas.

Ils ont décidé d'y tenter leur chance sur la route, à la dernière minute, parce qu'ils y avaient de la famille. Mais l'accueil de leurs proches n'est pas à la hauteur de leurs attentes. Une "trahison" pour Ahmed qui se sent abandonné. 

Il préfère ne pas s'étendre mais, dit-il, "cela a été la pilule la plus dure à avaler".

C'est le début d'une errance de quatre ans, pendant lesquels ils sont ballottés de camp en camp dont une ancienne prison pour femmes, d'une région à l'autre, perdus dans un labyrinthe de procédures administratives interminables.

En décembre 2015, quand l'AFP les retrouve, la famille vit dans un centre d'exposition reconverti en centre d'hébergement à Leeuwarden, dans le nord. Il habitent dans un box en contreplaqué sans porte ni plafond. "Ce n'est pas la vie, comment expliquer cela?", dit alors Ahmed. "C'est comme être un oiseau dans une cage."

Leur vie ne tient qu'au fil de l'espoir de se voir accorder le droit d'asile, sans quoi ils ne peuvent travailler, louer une maison, se projeter.

Mais deux fois on le leur refuse. Parce que, leur dit-on, Ahmed est revenu en Irak après son exil en Syrie, ce qui contredit les déclarations selon lesquelles il n'est pas en sécurité dans son pays. A chaque fois ils font appel, en vain.

Et ils touchent le fond. Pendant une année ils vivent dans la clandestinité, sans documents, contraints de mendier un lit chez des connaissances, avec le sentiment d'avoir perdu toute dignité

"Je ne pouvais rien faire qui implique de montrer ses papiers", raconte Ahmed. "On me regardait de haut, je valais moins que quiconque."

L'angoisse est telle qu'Alia en perd ses cheveux. "Par moments, c'était plus que je ne pouvais supporter", dit-elle.

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Dans la photo du haut : Les réfugiés irakiens Ahmad et Alia et leur bébé Adam, alors âgé de quatre mois, debout près d'une ligne de chemin de fer, alors qu'ils tentent de traverser la Serbie pour se rendre à la frontière hongroise à Horgos le 1er septembre 2015. EN BAS : Ahmad (C) avec sa femme Alia (L) et leur fils Adam, âgé de cinq ans, alors qu'ils marchent dans la ville d'Arnhem, aux Pays-Bas, le 23 septembre 2020.

Ahmed adore les Pays-Bas et le climat humide qui y règne. "C'est un pays verdoyant magnifique", s'enthousiasme-t-il en tirant sur une cigarette dans son jardin sous le crachin.

"En sécurité"

Peu à peu, le couple s'est approprié les codes du pays. Les courses dans un supermarché abordable du quartier, le pain et les épices arabes dans la ville voisine d'Arnhem.

En Irak, Alia laissait sa mère cuisiner pour toute la famille. Ici, elle apprend sur des tutos de Youtube à préparer des plats irakiens et néerlandais.

Malgré la pandémie de Covid-19 et l'isolement qui l'accompagne, le couple, plutôt sociable, a déjà noué des liens avec les parents d'élèves de l'école qu'ils saluent tous les matins d'un souriant "Goedemorgen" (bonjour).

Depuis leur installation aux Pays-Bas, ils ont bien essuyé des remarques racistes - du type "On fait peut-être ça chez vous mais pas chez nous". Mais "globalement les Néerlandais nous ont accueillis avec chaleur", dit Ahmed.

Encore ébahi de sa nouvelle vie dans ce pays, qui en 2015 a reçu 58.880 demandes d'asile selon le Service néerlandais de l'immigration et des naturalisations (IND), il lui arrive parfois de s'interroger. Cela valait-il vraiment la peine de se mettre en danger pour cet exil en Europe ? "C'est ici que nous avons décidé d'être chez nous", tranche-t-il. 

"Libérée" 

Aujourd'hui, Alia est une femme transformée, dynamique, sûre d'elle et de son avenir. Plus rien à voir avec celle qui doutait de leur choix de partir, qui se retranchait inquiète derrière son mari lorsque l'AFP l'a rencontrée sur la route des Balkans.

C'est elle qui finalement a obtenu le droit d'asile pour la famille. Contrairement à son mari, elle n'a jamais quitté l'Irak et à Bagdad elle a dû abandonner le lycée après avoir été menacée par des islamistes. Sa demande, appuyée par un avocat, a été acceptée.

Le moral perdu dans les premières années d'exil est revenu avec la rencontre d'un groupe de demandeurs d'asile vénézuéliens et d'une Polonaise. "Nous avons tout traversé ensemble, le pire et le meilleur", dit-elle. "Ils sont devenus ma nouvelle famille." 

Avec eux, elle a commencé à voir le pays autrement, à sortir, à danser en discothèque, à s'amuser pour la première fois depuis longtemps. 

Plus elle s'intègre dans le pays, plus la jeune femme, fan de pop arabe et de reggae latino, déploie ses ailes. Le contrat de location est à son nom, comme le compte en banque.

Souvent en jean, sweat et baskets, les cheveux bruns décolorés à la mode "tie and dye", elle savoure sa nouvelle vie dans un pays où les droits des femmes sont respectés, elle qui n'a jamais adopté les moeurs traditionnelles du Moyen-Orient.

"Ici, je suis libérée de tout cela." 

"Tout est possible"

La nostalgie du pays la gagne parfois. Quand elle évoque sa famille en Irak elle a les larmes aux yeux. Mais aujourd'hui elle "n'a plus aucun regret" d'être partie.

Ce qui ne l'empêche pas de tenir à ses racines irakiennes et de vouloir les transmettre à son fils en lui susurrant des histoires de là-bas, en arabe. "Il va grandir ici mais il doit savoir d'où il vient."

Pour la suite, Ahmed veut passer son permis de conduire et ambitionne de lancer sa propre affaire, peut-être dans les transports. Dans quatre ans, dès qu'il y sera éligible, il fera une demande de nationalité néerlandaise. "Pour pouvoir exercer mes droits et responsabilités dans le pays qui nous a adoptés."

"La route est encore longue mais le pire est dernière nous", dit-il. "Maintenant, tout est possible."

Alia attend leur deuxième enfant. Un jour, comme ses parents, il deviendra un citoyen européen. 


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.