Un monde fragmenté se réunit à l'ONU au milieu de crises existentielles

Un spectacle de drones portant l'inscription «Protégez-moi» est présenté devant la ligne d'horizon de la ville et le siège des Nations Unies dans le cadre d'une campagne de sensibilisation à la forêt amazonienne et à la crise climatique mondiale avant la 78e Assemblée générale des Nations Unies et le Sommet sur l'ambition climatique, à New York City, le 15 septembre 2023. (Photo Ed Jones AFP)
Un spectacle de drones portant l'inscription «Protégez-moi» est présenté devant la ligne d'horizon de la ville et le siège des Nations Unies dans le cadre d'une campagne de sensibilisation à la forêt amazonienne et à la crise climatique mondiale avant la 78e Assemblée générale des Nations Unies et le Sommet sur l'ambition climatique, à New York City, le 15 septembre 2023. (Photo Ed Jones AFP)
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Publié le Samedi 16 septembre 2023

Un monde fragmenté se réunit à l'ONU au milieu de crises existentielles

  • L'invasion de l'Ukraine par la Russie, avec ses impacts en cascade, notamment sur la sécurité alimentaire mondiale, va sans aucun doute dominer cette semaine diplomatique intense
  • Malgré l'attention portée à l'Ukraine, d'autres dossiers géopolitiques internationaux devraient trouver leur place, notamment l'Iran, en présence du président Ebrahim Raïssi, ou encore Haïti

NATIONS UNIES, Etats-Unis : Plus de 140 dirigeants sont attendus la semaine prochaine à l'Assemblée générale de l'ONU où la venue annoncée du président ukrainien mettra en lumière la fragmentation d'un monde qui se bat contre une avalanche de crises.

«Nous allons nous réunir à un moment où l'humanité fait face à d'immenses défis, de l'aggravation de l'urgence climatique à l'escalade des conflits, en passant par la crise mondiale du coût de la vie, la montée en flèche des inégalités et les bouleversements technologiques spectaculaires», a déclaré le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres avant cette grand-messe annuelle.

«Les gens attendent de leurs dirigeants une solution pour sortir de ce pétrin», a-t-il insisté, déplorant une nouvelle fois la «fragmentation» du monde qui «réduit notre capacité à répondre» à ces crises.

Une fragmentation géopolitique dont témoigne l'invasion de l'Ukraine par la Russie il y a un an et demi.

Cette guerre, avec ses impacts en cascade, notamment sur la sécurité alimentaire mondiale, va sans aucun doute dominer cette semaine diplomatique intense, éclipsant les autres crises et la priorité officielle qui porte sur le développement.

- Le «fossé» Nord/Sud -

Pour la première fois, le président ukrainien Volodymyr Zelensky montera à la tribune de l'Assemblée générale, et devrait participer mercredi à un Conseil de sécurité à haut niveau consacré à cette guerre.

Toutefois «il doit faire attention», met en garde Richard Gowan, analyste à l'International Crisis group.

Certes, une écrasante majorité de pays a adopté plusieurs résolutions soutenant l'Ukraine et son intégrité territoriale ou réclamant le retrait russe.

Mais aujourd'hui, les pays du Sud, notamment le Brésil, «disent clairement que l'heure est à la diplomatie», poursuit Richard Gowan.

Alors si le président Zelensky «adopte une position dure», en répétant ses appels à ses alliés à lui fournir plus d'armes, «il risque de transformer cette opportunité en une crise diplomatique», et de créer des «frictions» avec les pays en développement.

«Il y a un fossé grandissant entre le monde en développement et le monde développé», s'inquiète de son côté un haut diplomate européen.

Et il faut «s'assurer que ce fossé ne se creuse pas encore plus», poursuit-il, reconnaissant que la guerre en Ukraine «vole l'attention politique et économique à des problèmes mondiaux urgents comme la sécurité alimentaire, les catastrophes climatiques, les inégalités, l'accès aux financements».

- Pauvreté et climat -

Dans ce contexte, Antonio Guterres a assuré qu'il essaierait une nouvelle fois de convaincre la Russie de revenir dans l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire, crucial pour l'alimentation mondiale.

L'ONU et les diplomates occidentaux insistent aussi sur l'importance du sommet de lundi sur le développement, capital pour les pays du Sud dont les dirigeants seront présents en nombre.

Les gouvernements devraient s'y engager à «agir avec urgence» pour sauver les 17 «Objectifs de développement durable» pour 2030.

Ces objectifs «en péril» visent à améliorer le sort des plus de huit milliards d'êtres humains tout en protégeant la planète: éradication de l'extrême pauvreté et la faim, accès à la santé, à l'eau potable, à l'éducation ou à l'énergie, lutte contre le changement climatique...

Antonio Guterres réunira d'autre part mercredi les dirigeants des pays qu'ils considèrent comme les premiers de la classe en matière d'ambition climatique. Mais les noms des heureux élus n'ont pas encore été rendus publics.

Malgré l'attention portée à l'Ukraine, d'autres dossiers géopolitiques internationaux devraient trouver leur place, notamment l'Iran, en présence du président Ebrahim Raïssi, ou encore Haïti, alors que le Conseil de sécurité discute d'un mandat pour envoyer une force internationale aider la police contre les gangs.

L'assemblée se déroulera en revanche en l'absence remarquée du président français Emmanuel Macron et du Premier ministre britannique Rishi Sunak, ainsi que celles moins commentées des présidents russe et chinois.

Les Etats-Unis, avec Joe Biden, seront le seul membre permanent du Conseil de sécurité représenté au plus haut niveau, une situation que certains diplomates voient comme un mauvais signe pour l'ONU.

Mais interrogé sur ces absences, Antonio Guterres a estimé que «ce qui est important est l'engagement des gouvernements respectifs», pas la présence d'untel ou untel: «Ce n'est pas une foire aux vanités».

A mi-chemin, les espoirs déçus d'un avenir meilleur pour l'humanité

Les dirigeants du monde réunis la semaine prochaine à New York vont tenter de réanimer les objectifs destinés à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030, un espoir aujourd'hui «en péril» alors que les laissés-pour-compte se multiplient.

N'abandonner personne

Eradication de l'extrême pauvreté, faim «zéro», accès à l'eau potable, égalité hommes-femmes, santé pour tous... L'«Agenda 2030» adopté par les Etats membres de l'ONU en 2015 liste 17 objectifs de développement durable (ODD) visant à construire un avenir meilleur et plus durable pour tous d'ici la fin de cette décennie.

«Une économie florissante au 21e siècle ne peut plus se faire aux dépens de la nature ou des gens abandonnés sur le bord de la route», souligne à l'AFP le patron du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Achim Steiner.

Mais à mi-parcours, «plus de la moitié du monde» est laissé pour compte, selon le rapport d'évaluation de l'ONU publié en juillet.

Alors pour tenter de sauver ces objectifs, les gouvernements devraient s'engager lundi lors d'un sommet en ouverture de l'Assemblée générale annuelle de l'ONU, à «agir avec urgence», selon le projet de déclaration.

Des pauvres qui ont faim

Sur la plupart des ODD, les progrès sont trop lents pour espérer un succès en 2030. Pire, certains ont régressé par rapport à 2015 et «disparaissent dans le rétroviseur», met en garde l'ONU.

Ainsi, la pandémie de Covid-19 a mis un coup d'arrêt à la tendance à la baisse de l'extrême pauvreté (moins de 2,15 dollars par jour). Et loin de l'éradication espérée, au rythme actuel, 575 millions de personnes vivront toujours dans ces conditions en 2030, la plupart en Afrique sub-saharienne.

Le monde est revenu à des niveaux de faim plus connus depuis 2005; 1,1 milliard d'humains habitent en milieu urbain dans des conditions dignes de bidonvilles; plus de 2 milliards de personnes n'ont toujours pas accès à l'eau potable; 38 enfants sur 1.000 meurent avant leur 5e anniversaire; et les impacts du changement climatique sont de plus en plus dévastateurs.

Fardeau de la dette

Malgré ce constat effrayant, renforcé par les crises multiples, du Covid-19 à la guerre en Ukraine, de nombreux pays, qui croulent sous le poids de la dette, n'ont pas les moyens de changer de trajectoire.

«Les pays ne sont pas en mesure aujourd'hui de poursuivre le développement qu'ils souhaitent», regrette Achim Steiner.

A l'inverse, ils sont entraînés vers une croissance «qui pousse vers la dépendance aux énergies fossiles, davantage d'inégalités - précisément les choses qui ont mené à tant de tensions, des manifestations dans les rues, la colère des électeurs, le manque de confiance dans l'Etat».

Dans ce contexte, après des discussions difficiles, le projet de déclaration qui sera examiné lundi «soutient» la «réforme» des institutions financières internationales sur lesquelles toutefois l'ONU n'a pas la main.

En parallèle, Antonio Guterres a proposé l'idée d'un plan de relance de 500 milliards de dollars supplémentaires par an d'ici 2030 pour atteindre les ODD. Un plan «salué» lors du récent sommet du G20.

Cercle vicieux...

Sortir de la pauvreté, avoir accès à l'éducation, à l'eau potable ou à une énergie propre, être en bonne santé ou parvenir à des sociétés en paix, tous ces objectifs de développement sont largement interdépendants.

Par exemple, le réchauffement de la planète et les événements météo extrêmes qu'il provoque sapent la plupart des ODD, détruisant cultures, infrastructures et moyens de subsistance.

... ou vertueux

Alors il est impossible de choisir un seul ODD à sauver, insiste Achim Steiner, qui regrette des années à «travailler en silos».

«Nous pouvons utiliser un dollar pour générer plus d'un dollar d'impact», plaide-t-il. «Si vous vous attaquez à la pauvreté, vous vous attaquez aussi à l'accès à l'électricité, et vice-versa. Et si vous vous penchez sur l'électricité en combinant avec l'objectif de décarbonation, vous agissez sur la pauvreté et le changement climatique».

Et s'il n'y a pas de «formule magique» applicable dans tous les pays, «les choix sont importants», note le patron du PNUD qui a travaillé avec 95 pays pour identifier quelques priorités pour modifier le modèle de croissance.

Parmi elles, les politiques visant à créer des emplois décents, des investissements vers des villes durables offrant des services de base et des logements abordables, ou encore des infrastructures résistantes.

 


Des survivants après une frappe américaine au large du Venezuela 

Le Pentagone n'a pas immédiatement répondu aux sollicitations de l'AFP concernant le nombre de survivants et leur état de santé. (AFP)
Le Pentagone n'a pas immédiatement répondu aux sollicitations de l'AFP concernant le nombre de survivants et leur état de santé. (AFP)
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  • Les Etats-Unis ont déployé plusieurs navires militaires dans la zone ces dernières semaines et lancé une série de frappes navales meurtrières contre des bateaux supposés transporter de la drogue
  • Mais la dernière attaque jeudi a laissé des survivants parmi les personnes à bord, selon des télévisions comme CBS, CNN et NBC, citant des responsables américains anonymes

WASHINGTON: Une frappe menée jeudi par l'armée américaine contre un navire dans les Caraïbes a laissé des survivants, selon des médias américains, une première depuis que Washington cible des embarcations de trafiquants de drogue vénézuéliens présumés.

Les Etats-Unis ont déployé plusieurs navires militaires dans la zone ces dernières semaines et lancé une série de frappes navales meurtrières contre des bateaux supposés transporter de la drogue.

Mais la dernière attaque jeudi a laissé des survivants parmi les personnes à bord, selon des télévisions comme CBS, CNN et NBC, citant des responsables américains anonymes.

Le Pentagone n'a pas immédiatement répondu aux sollicitations de l'AFP concernant le nombre de survivants et leur état de santé.

Au moins 27 personnes au total ont été tuées lors de frappes similaires dans les Caraïbes. Caracas accuse Washington de vouloir orchestrer un changement de régime au Venezuela.

Le président américain Donald Trump a indiqué mercredi avoir autorisé des actions clandestines de la CIA et envisager des frappes sur le territoire vénézuélien. "Nous envisageons certainement des opérations terrestres maintenant, car nous contrôlons très bien la mer", a-t-il précisé.

Ces propos ont déclenché la colère de Caracas, qui s'est insurgé contre "les coups d'Etats fomentés" par la principale agence américaine de renseignement extérieur.

Mercredi, la police de Trinité-et-Tobago, archipel au large du Venezuela, a indiqué à l'AFP enquêter sur la possibilité que deux ressortissants trinidadiens figurent parmi les six personnes tuées lors d'une frappe américaine annoncée mardi par Donald Trump.


Ouverture du procès de l'Afghan qui a attaqué au couteau des enfants en Allemagne

Les enquêteurs n'avaient pas identifié de mobile politique ou religieux à cette attaque et ont aussitôt pointé la santé mentale du suspect. Mais elle est venue s'ajouter à une série d'actes meurtriers dont les auteurs présumés étaient des étrangers ou avaient des motivations islamistes. (AFP)
Les enquêteurs n'avaient pas identifié de mobile politique ou religieux à cette attaque et ont aussitôt pointé la santé mentale du suspect. Mais elle est venue s'ajouter à une série d'actes meurtriers dont les auteurs présumés étaient des étrangers ou avaient des motivations islamistes. (AFP)
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  • Pendant six jours d'audience qui s'étaleront jusqu'au 30 octobre à Aschaffenbourg, en Bavière, les débats tourneront autour de l'état mental d'Enamullah O
  • Commis en pleine campagne législative, son acte a choqué une opinion publique allemande déjà critique d'un accueil jugé trop généreux des migrants

BERLIN: Son geste avait horrifié l'Allemagne, durci le débat sur l'immigration et fait le jeu de l'extrême droite: le procès d'un Afghan de 28 ans qui avait attaqué un groupe d'enfants au couteau, tuant l'un d'entre eux et un adulte, s'est ouvert jeudi.

Pendant six jours d'audience qui s'étaleront jusqu'au 30 octobre à Aschaffenbourg, en Bavière, les débats tourneront autour de l'état mental d'Enamullah O., une expertise ayant conclu à son irresponsabilité pénale en raison de troubles psychiatriques.

Au lieu d'une procédure pénale classique, le tribunal a donc ordonné une procédure de sûreté, à l'issue de laquelle un probable placement en établissement psychiatrique remplacera la peine de prison.

Le parquet a demandé l'internement permanent de l'accusé.

Commis en pleine campagne législative, son acte a choqué une opinion publique allemande déjà critique d'un accueil jugé trop généreux des migrants. Il a aussi mis en lumière les limites du règlement européen dit de Dublin, car Enamullah O. aurait dû être expulsé dès 2023 vers la Bulgarie, son pays d'entrée dans l'Union européenne.

Le 22 janvier 2025, deux éducatrices employées par un jardin d'enfants promènent cinq enfants, à bord d'une grande poussette collective, dans un parc de cette ville bavaroise.

Ils sont soudain attaqués par un homme qui les avait suivis.

Un enfant âgé de deux ans, d'origine marocaine, reçoit plusieurs coups de couteau à la gorge et sur le haut du corps. Une fillette du même âge, d'origine syrienne, est elle gravement blessée au cou.

Essayant de le tenir à distance, une des éducatrices est projetée au sol, le bras cassé. Deux hommes de 41 et 72 ans accourent pour s'interposer et reçoivent eux aussi des coups de couteau.

L'accusé s'enfuit à l'arrivée d'autres passants, avant d'être arrêté peu après. Le garçon et l'homme de 41 ans décèdent sur place.

Les enquêteurs n'avaient pas identifié de mobile politique ou religieux à cette attaque et ont aussitôt pointé la santé mentale du suspect. Mais elle est venue s'ajouter à une série d'actes meurtriers dont les auteurs présumés étaient des étrangers ou avaient des motivations islamistes.

"Remigration" 

Le drame a remis la politique migratoire au cœur de la campagne électorale.

"Remigration maintenant!", avait demandé la cheffe de file de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), Alice Weidel. Un mot employé par l'extrême droite pour appeler à l'expulsion massive d'étrangers.

Devant l'émotion suscitée, les conservateurs de Friedrich Merz avaient été accusés de franchir un pas dans le rapprochement avec l'extrême droite du pays en tentant ensemble de faire adopter une proposition de loi sur l'immigration, du jamais vu dans l'Histoire post-1945 du pays.

Son initiative avait déclenché de vastes manifestations et M. Merz avait dû se défendre de toute idée d'alliance avec l'AfD.

Mais depuis son accession au poste de chancelier au printemps, il a assumé une ligne dure sur l'immigration pour enrayer la progression de l'extrême droite, désormais au coude à coude avec sa formation dans les sondages.

 


Madagascar: le président contesté écarte toute démission

Le président malgache, Andry Rajoelina, a écarté lundi soir toute démission en appelant à "respecter la Constitution", dans sa première prise de parole depuis un lieu inconnu, après le ralliement ce weekend des militaires à la contestation qui agite le pays. (AFP)
Le président malgache, Andry Rajoelina, a écarté lundi soir toute démission en appelant à "respecter la Constitution", dans sa première prise de parole depuis un lieu inconnu, après le ralliement ce weekend des militaires à la contestation qui agite le pays. (AFP)
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  • Elu en 2018, puis réélu en 2023 pour un mandat de cinq ans lors d'un scrutin boycotté par l'opposition, M. Rajoelina n'a pu faire diffuser son allocution par la télévision publique TVM après l'arrivée d'un "groupe de soldats armés" au siège de la chaîne
  • D'après RFI, il a embarqué dimanche "à bord d'un avion militaire français pour La Réunion, avant de partir vers une autre destination avec sa famille"

ANTANANARIVO: Le président malgache, Andry Rajoelina, a écarté lundi soir toute démission en appelant à "respecter la Constitution", dans sa première prise de parole depuis un lieu inconnu, après le ralliement ce weekend des militaires à la contestation qui agite le pays.

Lors de ce direct diffusé sur les réseaux sociaux mais pas à la télévision publique malgache, M. Rajoelina s'est dit dans un "lieu sûr" après une "tentative de meurtre", sans plus de précisions sur sa localisation.

Est-il encore dans le pays, ou parti à l'étranger, comme l'a indiqué lundi la radio française RFI? Cette incertitude nourrit la confusion sur cette île très pauvre de l'Océan indien où de nouvelles scènes de joie ont eu lieu lundi dans la capitale Antananarivo entre militaires et des milliers de manifestants appelant à son départ.

"Il n'y a qu'une seule issue pour résoudre ces problèmes, c'est de respecter la Constitution en vigueur dans le pays", a affirmé le président de 51 ans, rejetant de fait les appels à la démission du mouvement de contestation né le 25 septembre.

Elu en 2018, puis réélu en 2023 pour un mandat de cinq ans lors d'un scrutin boycotté par l'opposition, M. Rajoelina n'a pu faire diffuser son allocution par la télévision publique TVM après l'arrivée d'un "groupe de soldats armés" au siège de la chaîne.

D'après RFI, il a embarqué dimanche "à bord d'un avion militaire français pour La Réunion, avant de partir vers une autre destination avec sa famille". "Je ne confirme rien aujourd'hui", a répondu à ce sujet depuis l'Egypte le président français, Emmanuel Macron, disant sa "grande préoccupation" pour Madagascar.

Des remises de peine ont été accordées lundi par décret présidentiel à une série de personnes parmi lesquelles le Franco-Malgache Paul Maillot Rafanoharana, emprisonné depuis 2021 pour tentative de coup d'Etat, et point de crispation entre les deux pays.

Ce weekend, une unité militaire, le Capsat, qui avait joué un rôle majeur dans le coup d'État en 2009 qui a porté au pouvoir M. Rajoelina, à la suite déjà d'une mobilisation populaire, a appelé les forces de sécurité à "refuser de tirer" sur les manifestants, avant de rejoindre ces derniers dans le centre de la capitale.

"Plus de dinosaures" 

"C'est tout bizarre, vu qu'on était habitués à toujours être pourchassés et bombardés par des gaz lacrymogènes", a témoigné auprès de l'AFP Finaritra Manitra Andrianamelasoa, 24 ans. Cet étudiant en droit figurait parmi les milliers de manifestants ayant rejoint lundi la place du 13-mai dans une ambiance de fête.

Marchant au rythme d'une fanfare, le cortège a enflé à mesure qu'il approchait de ce lieu symbolique de l'histoire politique malgache, baptisé en hommage aux tués d'un soulèvement populaire en 1972 ayant conduit au départ du premier président.

"Au tout début, ce qu'on demandait, c'était l'électricité, la liberté de s'exprimer, mais on attend actuellement sa démission", a asséné Steven Mandimbiarivong Rasolonjanahary, 19 ans, un autre étudiant en droit.

"On attend sa démission mais le connaissant, je ne crois pas qu'il va dire ça", pronostiquait avec succès Rotsinasandratra Lucas Hantamalala, étudiante de 20 ans. "Plus de dinosaures politiques s'il vous plaît, on en a assez vus", exhorte-t-elle.

Des soldats ont accompagné samedi dans le centre-ville de la capitale malgache des milliers de manifestants, les rejoignant à nouveau dimanche pour un rassemblement en hommage aux personnes tuées au cours des plus de deux semaines de manifestations.

Départ du président du Sénat 

Le mouvement de contestation, qui dénonçait au départ les coupures incessantes d'eau et d'électricité, s'est mué depuis en une contestation plus large du président Rajoelina et de son clan.

Le Conseil sécurité de l'Union africaine "rejette catégoriquement toute tentative de changement anticonstitutionnel du gouvernement dans le pays", a-t-il averti lundi dans un communiqué qui "exhorte toutes les unités des forces armées malgaches à "s'abstenir de toute ingérence dans les affaires politiques".

Les manifestants ont obtenu ce weekend le départ du décrié président du Sénat Richard Ravalomanana, ancien commandant de gendarmerie.

Surnommé "Général Bomba" pour son recours généreux aux grenades lacrymogènes lors de la crise de 2009, Richard Ravalomanana était accusé par les contestataires d'être un des principaux acteurs de la répression des manifestations ces dernières semaines.

Quant au troisième homme vilipendé par la rue, l'homme d'affaires et proche du chef de l'Etat Maminiaina Ravatomanga, il a fui dimanche matin à l'île Maurice voisine, comme l'a confirmé le gouvernement mauricien.

Au moins 22 personnes ont été tuées au début des manifestations et plus d'une centaine blessées, d'après un bilan des Nations unies.

Madagascar, île à la population très démunie, a une longue histoire de soulèvements populaires suivis par la mise en place de gouvernements militaires de transition.

Au moins 80% des 32 millions d'habitants de Madagascar vivent avec moins de 15.000 ariary par jour (2,80 euros), le seuil de pauvreté de la Banque mondiale.