A Lampedusa, une «submersion migratoire» en trompe-l'oeil

A Lampedusa, une «submersion migratoire» en trompe-l'oeil
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Publié le Mardi 19 septembre 2023

A Lampedusa, une «submersion migratoire» en trompe-l'oeil

  • Entre lundi et mercredi derniers, environ 8.500 migrants sont arrivés à bord de 199 bateaux à Lampedusa, soit plus que l'ensemble de la population de cette île
  • "On se focalise sur Lampedusa parce que les images sont impressionnantes et parce qu'il y a un phénomène de +sur-concentration+, d'hyper-visibilité lié au fait que l'île est exiguë et que le centre d'accueil est débordé"

PARIS: Lampedusa, symbole d'une "submersion migratoire" ? Loin de là, balayent les experts du sujet, qui voient dans le récent épisode d'arrivées massives sur la petite île italienne un phénomène d'"hyper-visibilité" entretenu par les autorités et "instrumentalisé" par l'extrême droite.

Arrivées en hausse, une réalité

Entre lundi et mercredi derniers, environ 8.500 migrants sont arrivés à bord de 199 bateaux à Lampedusa, soit plus que l'ensemble de la population de cette île.

Les images, spectaculaires, ont provoqué l'ire des extrêmes droites européennes. Une "submersion" migratoire", a déploré dimanche Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, lors d'un meeting commun en Italie avec Matteo Salvini, le dirigeant de la Ligue, parti d'extrême droite membre de la coalition gouvernementale italienne.

L'Italie a accueilli près de 130.000 personnes depuis janvier, soit environ deux fois plus que l'an dernier, sur la même période.

8.500 vs 4 millions
Pour autant, Lampedusa, l'Italie et l'Europe sont-elles submergées ?

"En trois mois, l'an dernier, l'Europe a accueilli quatre millions d'Ukrainiens sans que personne ne crie à l'invasion migratoire. Là, on dit +submersion+ pour quelques milliers de personnes, c'est absurde", déplore Pierre Henry, président de l'association France fraternités.

Selon les données du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies, l'Italie a accueilli au 1er septembre 167.000 Ukrainiens.

La situation n'a également rien de comparable avec les 850.000 personnes arrivées en Grèce en 2015, fuyant pour la plupart la Syrie. A l'époque, c'est le "nous y arriverons" de l'ex- chancelière allemande Angela Merkel qui avait marqué la réponse européenne.

Effet loupe

"Il n'y a pas de submersion migratoire. On parle de très peu de personnes, à l'échelle des grands pays d'accueil dans le monde", estime auprès de l'AFP la géographe spécialisée dans les migrations Camille Schmoll.

LR et RN ne veulent pas de répartition européenne

Les présidents de LR et du RN se sont tous deux opposés mardi matin à une répartition européenne des migrants de l'ile italienne de Lampedusa qui pourraient demander l'asile, comme le prévoit une réforme en passe d'être adoptée par l'UE.

"Il ne faut en aucun cas les accueillir et encore moins les répartir sur le territoire européen, je m'y oppose totalement", a déclaré le patron des Républicains Eric Ciotti sur RTL.

"Il faut les faire repartir plutôt que les répartir. Il faut qu'il y ait une politique de l'Union européenne très claire pour faire en sorte que ces personnes retournent vers leur pays d'origine", a ajouté M. Ciotti pour qui la France est déjà confrontée à "une forme de submersion migratoire".

A côté d'un examen accéléré des demandes d'asile de certains migrants aux frontières de l'UE, le pacte asile et immigration, sur lequel les Etats membres et le Parlement européen pourraient se mettre d'accord avant les élections européennes, prévoit un système de solidarité entre Etats membres dans la prise en charge des demandeurs d'asile.

Les Etats membres seraient tenus d'accueillir un certain nombre de ces demandeurs arrivés dans un pays de l'UE soumis à une pression migratoire, ou à défaut d'apporter une contribution financière à ce pays de l'ordre de 20.000 euros pour chaque demandeur d'asile non relocalisé.

"J'ai voté contre au Parlement européen ce pacte asile migrations, qui est en fait un pacte de submersion", a insisté de son côté le président du Rassemblement national Jordan Bardella sur Europe1/CNews.

"Il prévoit dans les textes d'imposer aux États membres une répartition obligatoire des migrants dans nos communes. Soit vous prenez l'immigration avec son lot de malheurs, soit vous payez des amendes très chères à l'Union européenne. Donc ça c'est pas possible", a-t-il martelé.

"Dans le cadre des élections européennes du mois de juin, je serai le candidat de la France qui ne peut plus prendre sa part aujourd'hui en matière d'immigration", a insisté la tête de liste RN qui avait demandé dès vendredi à Emmanuel Macron de prendre l'engagement de ne pas accueillir "un seul migrant" de Lampedusa.

Pour les seuls réfugiés, la Turquie accueille 3,6 millions de personnes, l'Iran plus de trois millions.

"On se focalise sur Lampedusa parce que les images sont impressionnantes et parce qu'il y a un phénomène de +sur-concentration+, d'hyper-visibilité lié au fait que l'île est exiguë et que le centre d'accueil est débordé", dit-elle. Une situation récurrente depuis 2011, lorsque 60.000 personnes y avaient débarqué en quelques mois.

En créant "volontairement" une situation d'engorgement permanent, le gouvernement italien se donne les coudées franches pour pouvoir faire de cet accueil une crise, estime l'auteure de "Migrations en Méditerranée" et directrice d'études à l'EHESS.

La "sur-occupation" du centre de 389 places est une "mise en scène" des autorités italiennes, abonde Pierre Henry.

Lampedusa vit davantage "un problème logistique" que migratoire, observe le chercheur Matthieu Tardis, directeur de Synergies migrations. "Si ces milliers de personnes avaient débarqué en Italie continentale, ça n'aurait pas soulevé de polémique."

«Outil de propagande»
"On assiste à une instrumentalisation politique", juge encore Matthieu Tardis.

"Ces épisodes maritimes sont devenus un outil de propagande" pour l'extrême droite, qui permet "d'alimenter la rhétorique de la peur", reprend la géographe Camille Schmoll.

Car en termes de nombre, "on pourrait très bien les absorber dans l'Europe avec une meilleure coordination", poursuit-elle. Sur ce thème, les discussions autour d'un mécanisme européen de répartition sont enlisées depuis des années.

L'instrumentalisation, elle, est nourrie par "un argumentaire raciste qui accompagne des images spectaculaires mais qui ne disent pas la réalité des flux migratoires", juge également Pierre Henry: celles de personnes originaires d'Afrique subsaharienne, alors que les premiers pays d'origine des demandeurs en Europe sont la Syrie (138.000), l'Afghanistan (132.000), la Turquie (58.000), le Venezuela (51.000) et la Colombie (43.000), selon les statistiques européennes de 2022.

Autre effet d'optique: l'épisode exceptionnel est érigé en phénomène quotidien, s'accordent les spécialistes. Ainsi, 802 personnes avaient débarqué à Lampedusa durant les neuf premiers jours de septembre, avant les arrivées massives sur quarante-huit heures. Des chiffres qui ont largement baissé depuis.

Première ligne et répartition

Si l'Italie est géographiquement en première ligne en Méditerranée, elle est toutefois loin d'être le premier pays d'accueil effectif. Une partie des exilés fait l'objet d'une répartition vers d'autres pays, une autre poursuit son chemin clandestinement.

Ainsi, sur le million de demandes d'asile enregistrées en 2022 dans les pays européens, l'Italie en avait reçu 84.000, deux fois moins que la France (156.000) et très loin de l'Allemagne (244.000).


Les autorités françaises tentent de préparer les esprits à la guerre

Le chef d'état-major des Armées, le général Fabien Mandon, a donné un grand coup d'accélérateur à ce projet mardi devant le congrès des maires de France, déclarant qu'il fallait que le pays restaure sa "force d'âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l'on est" et soit prête à "accepter de perdre ses enfants".La déclaration a provoqué un coup de tonnerre dans le débat public et sur les plateaux télévisés des chaînes d'information. (AFP)
Le chef d'état-major des Armées, le général Fabien Mandon, a donné un grand coup d'accélérateur à ce projet mardi devant le congrès des maires de France, déclarant qu'il fallait que le pays restaure sa "force d'âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l'on est" et soit prête à "accepter de perdre ses enfants".La déclaration a provoqué un coup de tonnerre dans le débat public et sur les plateaux télévisés des chaînes d'information. (AFP)
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  • Les autorités tentent depuis des mois de préparer les esprits des Français à des sacrifices en cas de guerre, mais le message peine à infuser dans une population qui se sent loin des combats en Ukraine et protégée par sa dissuasion nucléaire
  • Les partis politiques d'opposition au camp présidentiel se hérissent, accusant Emmanuel Macron de préparer la guerre contre la Russie

PARIS: Les autorités tentent depuis des mois de préparer les esprits des Français à des sacrifices en cas de guerre, mais le message peine à infuser dans une population qui se sent loin des combats en Ukraine et protégée par sa dissuasion nucléaire.

Le chef d'état-major des Armées, le général Fabien Mandon, a donné un grand coup d'accélérateur à ce projet mardi devant le congrès des maires de France, déclarant qu'il fallait que le pays restaure sa "force d'âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l'on est" et soit prête à "accepter de perdre ses enfants".

La déclaration a provoqué un coup de tonnerre dans le débat public et sur les plateaux télévisés des chaînes d'information.

Les partis politiques d'opposition au camp présidentiel se hérissent, accusant Emmanuel Macron de préparer la guerre contre la Russie: "Un chef d'état-major des Armées ne devrait pas dire ça" (groupe parlementaire LFI, gauche radicale), "51.000 monuments aux morts dans nos communes ce n'est pas assez ? Oui à la défense nationale mais non aux discours va-t-en-guerre" (Fabien Roussel, parti communiste).

"Il faut être prêt à mourir pour son pays (...) en revanche, il faut que la guerre qui soit menée soit juste (...) ou que la nécessité fasse que ce soit carrément la survie de la nation qui soit en jeu", a dit Louis Aliot, du Rassemblement national (extrême droite). "Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de Français qui sont prêts à aller mourir pour l'Ukraine", a-t-il ajouté.

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les autorités françaises - à l'instar d'autres gouvernements européens - déploient un discours récurrent pour faire comprendre à la population l'instabilité croissante provoquée par les ambitions de Moscou et les positions mouvantes de l'allié américain.

La France doit "se préparer à l'hypothèse d'un engagement majeur de haute intensité dans le voisinage de l'Europe à horizon 2027-2030, parallèle à une hausse massive des attaques hybrides sur son territoire", résume la Revue nationale stratégique de 2025, feuille de route des autorités.

Plus largement, elles essayent aussi d'accroître la capacité de la société à surmonter une crise éventuelle.

Le gouvernement publie ce jeudi un guide "face aux risques", regroupant des conseils pour réagir à un large éventail de menaces, des inondations aux cyberattaques ou des guerres.

Territoire national 

Mais même si 64% des Français craignent que le conflit militaire se propage jusqu'en France (sondage Elabe de mars 2025), nombre d'entre eux continuent de se sentir éloignés de la guerre.

"Parce que la France a été un champ de bataille pendant les deux guerres mondiales, que leurs traces sont visibles, il faut comprendre que la représentation de la guerre pour les Français, demeure très nettement l'invasion du territoire", explique à l'AFP la chercheuse Bénédicte Chéron, qui publie en janvier "Mobiliser. Faut-il rétablir le service militaire en France?" (Éditions du Rocher).

Et les déclarations du général Mandon interviennent dans un contexte "de forte défiance envers les autorités politiques", rappelle Mme Chéron, estimant que les Français ont "du mal à accepter l'idée d'engager massivement des forces, d'en payer le prix — des morts, des blessés, coût économique etc —  pour autre chose que protéger le territoire d'une invasion".

Quant à la perception de la dissuasion nucléaire, elle est peut-être myope. "La dissuasion nucléaire ne peut pas nous protéger de toutes les menaces, elle n'a pas été conçue dans ce but, malgré ce que peut penser la population", explique Héloïse Fayet, chercheuse sur la dissuasion à l'institut français des relations internationales (IFRI). "La résilience et les forces armées conventionnelles sont donc aussi indispensables".

"Par exemple ce n'est pas la dissuasion nucléaire qui va empêcher des incursions de drones sur le territoire, des actions de sabotage ou la désinformation", toute la palette des actions dites hybrides, explique-t-elle.

Mais "ces actions hybrides sont sans commune mesure avec ce que les Français continuent de percevoir comme étant, à tort ou à raison, la +vraie guerre+", estime Mme Chéron.

"En l'état, les seuils de perturbation qu'elles franchissent ne sont pas très élevés et pas de nature à faire accepter les contraintes d'une mobilisation des Français", assure-t-elle.


Marseille attend des «actes» de Darmanin et Nuñez pour faire face au narcobanditisme

Gérald Darmanin et Laurent Nuñez, ex-préfet de police des Bouches-du-Rhône, passeront la journée dans la deuxième ville de France auprès des magistrats et des enquêteurs en première ligne dans ce combat. Ils doivent aussi échanger en début d'après-midi avec la famille Kessaci. (AFP)
Gérald Darmanin et Laurent Nuñez, ex-préfet de police des Bouches-du-Rhône, passeront la journée dans la deuxième ville de France auprès des magistrats et des enquêteurs en première ligne dans ce combat. Ils doivent aussi échanger en début d'après-midi avec la famille Kessaci. (AFP)
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  • Dans la matinée, le ministre de l'Intérieur est arrivé à la préfecture de police où il a salué les forces de l'ordre, a constaté un journaliste de l'AFP
  • Son homologue de la justice commençait lui par une visite à la prison des Beaumettes

MARSEILLE: Une semaine après l'assassinat de Mehdi Kessaci, les ministres de l'Intérieur et de la Justice sont jeudi à Marseille, dans un contexte où la lutte contre le narcobanditisme "est loin d'être gagnée".

Gérald Darmanin et Laurent Nuñez, ex-préfet de police des Bouches-du-Rhône, passeront la journée dans la deuxième ville de France auprès des magistrats et des enquêteurs en première ligne dans ce combat. Ils doivent aussi échanger en début d'après-midi avec la famille Kessaci.

Dans la matinée, le ministre de l'Intérieur est arrivé à la préfecture de police où il a salué les forces de l'ordre, a constaté un journaliste de l'AFP. Son homologue de la justice commençait lui par une visite à la prison des Beaumettes.

L'assassinat en plein jour de Mehdi Kessaci, qui voulait devenir policier, a tétanisé la ville. La justice étudie la piste d'"un crime d'intimidation" visant Amine. Mais ce dernier a prévenu qu'il ne se tairait pas et a appelé à descendre dans la rue "par milliers" samedi pour une marche blanche.

"Le premier sentiment que j'ai c'est la culpabilité", a confié Amine Kessaci à la radio Franceinfo, la voix brisée par l'émotion. "Ce qu'on peut reprocher aujourd'hui à Mehdi Kessaci c'est d'être le frère d'Amine Kessaci et de me dire que mon frère est aujourd'hui dans ce cercueil à ma place."

Enchaînant les interventions dans les médias, il a demandé que son frère soit reconnu à titre posthume "comme un gardien de la paix".

Le "haut du spectre" 

Interrogée sur l'assassinat de Mehdi Kessaci, la procureure de Paris Laure Beccuau, en charge de l'enquête, a estimé mercredi soir sur Franceinfo que "ceux qui étaient capables de ce type d'agissement scandaleux faisaient partie du haut du spectre de la criminalité organisée".

Avant la marche blanche de samedi, le maire divers gauche de Marseille, Benoît Payan a lui appelé à ne "pas avoir peur". Même si dans les milieux associatifs, dans les médias et dans les couloirs du palais de justice, la peur, les doutes, l'envie d'être prudent sont bien là.

Des magistrats plaident pour une anonymisation dans les procédures concernant des narcotrafiquants, comme la DZ Mafia, qui n'hésitent pas à recruter des adolescents sur les réseaux sociaux pour leur demander d'exécuter "un contrat" pour quelques milliers d'euros seulement.

"La lutte contre la criminalité organisée est de plus en plus dure. Le climat se tend, va crescendo (...) La lutte n'est pas perdue mais elle est difficile et loin d'être gagnée", confie à l'AFP une source judiciaire.

Au tribunal, tout le monde se souvient de la soufflante reçue de la part de l'ex-garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, en mars 2024. Il leur avait reproché leur défaitisme: une juge d'instruction avait dit devant une commission parlementaire craindre "que nous soyons en train de perdre la guerre contre les trafiquants à Marseille".

Mardi, le président Emmanuel Macron a appelé à adopter face au narcotrafic la même approche que contre "le terrorisme". Sur cette stratégie, des détails sont attendus jeudi.

500 dossiers à juger 

Les effectifs de police et de justice ont été musclés à Marseille ces dernières années pour rattraper un retard historique dans la 2e ville de France.

Benoît Payan réclame aujourd'hui "encore plus" de moyens.

"On n'a rien trouvé de mieux que de supprimer la préfecture de police à Marseille", tacle-t-il, interrogé par l'AFP et "si on avait plus d'effectifs de policiers judiciaires, de magistrats, peut-être que ça serait différent".

"Il faut s'attaquer à tous les niveaux de la chaîne, du chef de réseau international au consommateur", a déclaré de son côté Renaud Muselier, président Renaissance de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Gérald Darmanin a dit avoir réclamé aux Emirats l'extradition d'"une quinzaine" de narcotrafiquants présumés.

La juridiction marseillaise, troisième de France, a été renforcée ces dernières années avec aujourd'hui 143 magistrats du siège et 60 au parquet, mais toujours moins qu'à Bobigny.

A la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 500 procédures criminelles sont en attente de jugement. Parmi elles, le dossier des assassins présumés de Brahim, le grand frère d'Amine, tué en 2020 avec deux autres jeunes hommes.

Mais l'embolie judiciaire est telle que des dates de procès n'ont toujours pas été fixées même si ce dossier "fera l'objet d'un audiencement prioritaire", promet-on.


Les députés approuvent la mise en place d'une taxe de deux euros pour les «petits colis»

L'Assemblée nationale a approuvé mercredi la mise en place d'une taxe de deux euros ciblant les "petits colis" d'une valeur inférieure à 150 euros d'origine extra-européenne, qui servira à financer les dispositifs pour contrôler ces produits. (AFP)
L'Assemblée nationale a approuvé mercredi la mise en place d'une taxe de deux euros ciblant les "petits colis" d'une valeur inférieure à 150 euros d'origine extra-européenne, qui servira à financer les dispositifs pour contrôler ces produits. (AFP)
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  • La mesure a suscité de vifs débats, le Rassemblement national dénonçant une "taxe sur la consommation populaire et les classes moyennes"
  • Ces discussions interviennent alors que la plateforme de commerce en ligne d'origine chinoise Shein est sous le feu des critiques, accusée de vendre de nombreux produits non conformes et illicites

PARIS: L'Assemblée nationale a approuvé mercredi la mise en place d'une taxe de deux euros ciblant les "petits colis" d'une valeur inférieure à 150 euros d'origine extra-européenne, qui servira à financer les dispositifs pour contrôler ces produits.

208 députés contre 87 ont approuvé cette mesure proposée par le gouvernement dans le cadre de l'examen en première lecture du budget de l'Etat. Le RN a voté contre, la gauche, la coalition gouvernementale et le groupe ciottiste UDR, allié de Marine Le Pen, pour.

La mesure a suscité de vifs débats, le Rassemblement national dénonçant une "taxe sur la consommation populaire et les classes moyennes", quand la ministre Amélie de Montchalin (Comptes publics) a défendu une "redevance" destinée à contrôler des produits souvent "dangereux".

Ces discussions interviennent alors que la plateforme de commerce en ligne d'origine chinoise Shein est sous le feu des critiques, accusée de vendre de nombreux produits non conformes et illicites.

"Ce n'est pas une taxe pour empêcher la concurrence déloyale chinoise, c'est une taxe sur la consommation populaire et les classes moyennes", a dénoncé le député Jean-Philippe Tanguy (RN).

"Faire croire aux Français qu'en taxant les petits colis, vous arriverez à augmenter de manière spectaculaire le nombre de contrôles, c'est se moquer du monde", a renchéri la présidente du groupe, Marine Le Pen, soulignant que "l'année dernière, 0,125 % de colis ont été vérifiés".

La France insoumise s'est également dite soucieuse des répercussions de la taxe sur les consommateurs, exigeant pour les protéger que les plateformes soient taxées directement et non les colis, et menaçant de voter contre la mesure.

Le gouvernement a déposé un amendement destiné à répondre à cette préoccupation, permettant que la taxe soit payée via "le tuyau de la TVA", qui est "alimenté par les plateformes". Cela a convaincu LFI de soutenir la proposition gouvernementale.

La taxe devrait rapporter environ 500 millions d'euros, destinés selon Mme de Montchalin à financer l'achat de scanners pour contrôler les colis et embaucher des douaniers.

Elle s'est félicitée que la France mette en oeuvre la taxe "dès le 1er janvier", comme la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, neuf mois plus tôt que les autres pays de l'UE.

"Ceux qui ce soir ne voteront pas cette taxe (...) n'ont pas choisi la France, ils n'ont pas choisi nos commerçants, ils auront choisi la Chine et sa submersion", a-t-elle tonné.

Elle a par ailleurs rappelé que les ministres des Finances de l'Union européenne se sont accordés la semaine dernière pour supprimer l'exonération de droits de douane dont bénéficient ces petits colis.

Juste avant minuit, les députés ont en revanche supprimé un autre article du projet de loi, visant à fiscaliser l'ensemble des produits à fumer, avec ou sans tabac ou nicotine.

"Nous sommes 700. 000 personnes à avoir réussi à arrêter de fumer grâce à la cigarette électronique", une alternative efficace pour "sauver des vies" qui est "bien moins dangereuse que la cigarette", a argumenté le député Renaissance Pierre Cazeneuve. Parmi elles, de nombreux députés, dont lui-même.