Frileuses, les banques centrales mondiales moins pressées d'abaisser leurs taux

Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, s'exprime lors d'une conférence de presse à Washington, DC, le 20 septembre 2023 (Photo de Mandel NGAN / AFP).
Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, s'exprime lors d'une conférence de presse à Washington, DC, le 20 septembre 2023 (Photo de Mandel NGAN / AFP).
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Publié le Vendredi 22 septembre 2023

Frileuses, les banques centrales mondiales moins pressées d'abaisser leurs taux

  • La Réserve fédérale américaine (Fed) a ainsi cette semaine, comme espéré par les marchés, maintenu ses taux à leur niveau actuel (fourchette de 5,25 à 5,50%)
  • L'économie américaine se porte mieux que prévu - la Fed a doublé sa prévision de croissance pour 2023 -, faisant craindre que l'inflation reparte si les taux baissent trop vite

PARIS: Les banques centrales en ont-elles fini avec leurs hausses de taux d'intérêt pour endiguer l'inflation ? L'incertitude demeure mais les institutions monétaires s'accordent pour repousser à un lointain futur la perspective des premières baisses.

La Réserve fédérale américaine (Fed) a ainsi cette semaine, comme espéré par les marchés, maintenu ses taux à leur niveau actuel (fourchette de 5,25 à 5,50%).

Une décision qui pourrait laisser espérer que la courbe des taux a atteint un pic, avant que ceux-ci ne redescendent, mais la Fed a créé la surprise en annonçant qu'une nouvelle hausse aurait lieu avant fin 2023.

Elle a aussi précisé, au grand dam des investisseurs, que les taux devraient ensuite baisser moins vite que prévu (ils sont attendus désormais à 5,1% en 2024, contre 4,6% auparavant).

La raison invoquée ? L'économie américaine se porte mieux que prévu - la Fed a doublé sa prévision de croissance pour 2023 -, faisant craindre que l'inflation reparte si les taux baissent trop vite.

La Fed a ainsi adopté une ligne plus ferme qu'attendu. Une position partagée par d'autres banques centrales, comme celle de Norvège: sa hausse de taux jeudi était anticipée, mais elle a aussi averti qu'un nouveau tour de vis était "probable" en décembre, et écarté a priori un assouplissement l'an prochain.

Croissance ou inflation 

Ce ton ferme "a surpris les marchés", qui avaient "décidé que le pic" de hausse des taux "a lieu en ce moment", décrypte pour l'AFP Fabio Balboni, économiste chez HSBC, même si "la communication des banques centrales laisse la porte ouverte à la possibilité de les augmenter encore".

C'est lié, selon lui, à une "vraie incertitude sur le niveau d'inflation l'année prochaine". Et leur décision "reflète un compromis entre croissance et inflation".

Les hausses de taux renchérissent en effet le coût du crédit pour les entreprises et les consommateurs. Théoriquement, cela réduit la demande, et donc les pressions inflationnistes. Mais si la demande ralentit trop, on court le risque d'une récession.

Face à ce dilemme, la Banque centrale européenne (BCE) a finalement tranché en faveur de l'option limitant l'inflation et a opéré une dixième hausse de taux consécutive, portant son taux d'intérêt de référence à 4,0%, un plus haut depuis 1999.

"Nous ne pouvons pas dire que nous avons atteint le pic", a affirmé sa présidente Christine Lagarde. Les responsables de la BCE ont cependant signalé que son cycle de resserrement monétaire touchait à sa fin, sans totalement fermer la porte à une nouvelle hausse si la situation l'exigeait.

En outre, la BCE va maintenir ses taux directeurs "à des niveaux suffisamment restrictifs aussi longtemps que nécessaire", a rappelé jeudi le chef économiste de l'institution Philip Lane dans un discours à New-York.

Baisse des taux fin 2024? 

Pour autant, quelques signes font entrevoir la possibilité que les banques centrales sont arrivées au pic de leur resserrement monétaire.

La Banque d'Angleterre (BoE) a d'ores et déjà pris un tournant inattendu jeudi en annonçant une première pause depuis décembre 2021, après un léger recul mardi de l'inflation britannique en août. Cette décision n'était pas assortie d'un discours aussi ferme que celui de la Fed.

Suisse et Japon ont aussi choisi de ne pas augmenter leurs taux, l'institution japonaise réaffirmant même vendredi qu'elle n'hésiterait pas à prendre de nouvelles mesures d'assouplissement monétaire si nécessaire. Au total, la moitié des banques centrales ont choisi ces dix derniers jours d'appuyer sur le bouton pause.

"On s'attend à ce qu'il n'y ait plus de hausse de taux dans le futur" pour la Fed, la BCE et la BoE, affirme Fabio Balboni.

Jennifer McKeown, de Capital Economics, voit elle de "dernières hausses" intervenir au quatrième trimestre. Puis, "à l'approche de 2024, le cycle d'assouplissement s'installera", estime-t-elle.

Mais alors, quand les taux finiront-ils par baisser ? "L'année prochaine à la même période, nous prévoyons que 21 des 30 principales banques centrales réduiront leurs taux d'intérêt", écrit Mme McKeown dans une note.

M. Balboni se montre plus prudent: "Dans ce contexte de croissance faible, ça va être très compliqué de réduire les taux alors que l'inflation" reste "trop élevée".

Selon lui, la première réduction interviendra aux États-Unis, "au troisième trimestre 2024". Pour le reste du monde, il faudra attendre 2025.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.