Nagorny Karabakh: les séparatistes négocient le retrait de leurs troupes et rendent les armes

Cette photographie prise du côté arménien de la frontière, près de la ville de Kornidzor, le 23 septembre 2023, montre une vue générale du couloir de Lachin et du pont Hakari. (ALAIN JOCARD / AFP)
Cette photographie prise du côté arménien de la frontière, près de la ville de Kornidzor, le 23 septembre 2023, montre une vue générale du couloir de Lachin et du pont Hakari. (ALAIN JOCARD / AFP)
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Publié le Samedi 23 septembre 2023

Nagorny Karabakh: les séparatistes négocient le retrait de leurs troupes et rendent les armes

  • Des milliers de civils restent confrontés à une situation d'urgence humanitaire au Nagorny Karabakh disent les autorités locales, encerclée par les soldats azerbaïdjanais
  • L'opération militaire azerbaïdjanaise, qui s'est achevée en 24 heures mercredi à la mi-journée, a fait au moins 200 morts et 400 blessés, d'après les séparatistes arméniens

KORNIDZOR: Les séparatistes du Nagorny Karabakh négocient samedi avec l'Azerbaïdjan qui vient de leur infliger une lourde défaite militaire le retour à la paix dans cette région dont la population en majorité arménienne s'angoisse pour son avenir.

Après leur capitulation et le cessez-le-feu conclu mercredi à l'issue d'une offensive éclair déclenchée un jour auparavant par Bakou, ils doivent notamment évoquer le retrait de leurs troupes, tout en continuant de déposer leurs armes.

Cette enclave montagneuse, qui avait été rattachée en 1921 par le pouvoir soviétique au territoire azerbaïdjanais, avait été par le passé le théâtre de deux guerres entre les anciennes républiques soviétiques que sont l'Azerbaïdjan et l'Arménie : l'une de 1988 à 1994 (30 000 morts) et l'autre à l'automne 2020 (6 500 morts).

"Conformément aux accords de cessation des hostilités, les formations armées du Karabakh ont commencé à remettre" leurs armes "sous le contrôle des forces russes de maintien de la paix", a fait savoir vendredi le ministère russe de la Défense.

Six blindés, plus de 800 armes légères et environ 5.000 munitions ont pour l'instant été rendus, a précisé le contingent de la paix russe.

Les pourparlers des autorités du Nagorny Karabakh avec la partie azerbaïdjanaise entamés jeudi "sous les auspices des soldats de maintien de la paix russes" doivent permettre d'"organiser le processus de retrait des troupes et assurer le retour dans leurs foyers des citoyens déplacés par l'agression militaire", selon les séparatistes.

Les parties discutent également de "la procédure d'entrée et de sortie des citoyens" de cette région, ont-ils ajouté.

Le tout à un moment où des milliers de civils restent confrontés à une situation d'urgence humanitaire au Nagorny Karabakh, dont la "capitale" Stepanakert est, disent les autorités locales, encerclée par les soldats azerbaïdjanais.

Les grandes dates du Nagorny Karabakh depuis la fin de l'URSS

Peuplé principalement d'Arméniens, mais reconnu comme partie de l'Azerbaïdjan, le petit territoire montagneux du Nagorny Karabakh a été le théâtre de décennies de violences entre Erevan et Bakou.

Voici les principales dates de son histoire récente:

 

- 1988, violences interethniques -

En février 1988, en pleine perestroïka, de premières manifestations ont lieu en faveur du rattachement à l'Arménie du Nagorny Karabakh, enclave du Caucase rattachée en 1921 à l'Azerbaïdjan par Staline avec, à partir de 1923, un statut d'autonomie.

Des violences interethniques éclatent, une trentaine de personnes, essentiellement arméniennes, sont tuées dans la ville azerbaïdjanaise de Soumgaït.

Alors que l'Arménie et l'Azerbaïdjan sont encore dans l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev refuse tout changement de frontière. Les violences entre communautés azérie et arménienne se multiplient.

 

- 1991, indépendance non reconnue -

A la dislocation de l'URSS en 1991, le Nagorny Karabakh organise un référendum boycotté par la communauté azerbaïdjanaise et proclame le 2 septembre son indépendance de Bakou avec le soutien d'Erevan. Cette indépendance n'a été reconnue par aucun Etat membre de l'ONU.

 

-1994, victoire de l'Arménie -

Le départ de l'armée soviétique de la région laisse place à une escalade des violences et à une guerre ouverte jusqu'à un cessez-le-feu négocié par Moscou, le 17 mai 1994. Ces années de conflit ont fait 30.000 morts et poussé des centaines de milliers de réfugiés à fuir l'un ou l'autre pays. La défaite de Bakou permet à Erevan de contrôler la région et des zones azerbaïdjanaises proches.

 

- 2016, quatre jours d'hostilités -

Début avril 2016, d'intenses combats opposent forces azerbaïdjanaises et arméniennes pendant quatre jours. Ces affrontements, les pires depuis 1994, se soldent par la mort d'au moins 110 personnes, civils et militaires des deux côtés.

 

- 2020, deuxième guerre -

Le 27 septembre 2020, l'Azerbaïdjan lance une opération militaire contre les séparatistes arméniens et bombarde la capitale du Nagorny Karabakh, Stepanakert.

Ce nouveau conflit se solde cette fois par une écrasante défaite de l'Arménie, contrainte de céder à l'Azerbaïdjan d'importants territoires dans et autour du Nagorny Karabakh. Parrain du cessez-le-feu signé le 10 novembre, Moscou déploie un contingent de maintien de la paix, mais les quelques milliers de soldats russes déployés n'empêchent pas la multiplication des accrochages dans l'enclave séparatiste.

 

- 2022, blocus -

Fin 2022, l'Azerbaïdjan installe des points de contrôle avant de bloquer la circulation sur le corridor de Latchine, la seule route reliant le Nagorny Karabakh à l'Arménie, entraînant de graves pénuries de nourriture et de médicaments dans l'enclave.

 

- 2023, offensive éclair de Bakou -

Le 19 septembre, l'Azerbaïdjan annonce lancer des "opérations antiterroristes" au Nagorny Karabakh, après la mort de quatre policiers et deux civils azerbaïdjanais dans l’explosion de mines posées, selon Bakou, par des "saboteurs" arméniens.

Dès le lendemain, les autorités du territoire sécessionniste, lâchées par Erevan, capitulent, et un cessez-le-feu est conclu. Au moins 200 personnes sont mortes et 400 blessées, selon les séparatistes arméniens, et le Nagorny Karabakh est confronté à une situation d'urgence humanitaire. Des négociations sur la "réintégration" de l’enclave à l’Azerbaïdjan s’ouvrent.

«On espère des évacuations pour bientôt»

Originaire de cette ville, Yana Avanessian, une enseignante en droit âgée de 29 ans assure, comme bien d'autres Arméniens réussissant tant bien que mal à contacter leurs proches, que la situation sur place est "horrible".

"On espère des évacuations pour bientôt, notamment des gens dont les habitations ont été détruites", confie à l'AFP la jeune femme, au milieu d'un petit groupe de personnes comme elle rongées par l'inquiétude présentes au poste de contrôle arménien de Kornidzor tout proche du Nagorny Karabakh.

"Ça fait trois jours et trois nuits que j'attends. Je dors dans la voiture", raconte à cet égard Garik Zakarian, qui habitait jusqu'en décembre dernier dans le village d'Eghtsahog, presque à portée de main, de l'autre côté de la vallée, et où des amis, sa belle-mère et son beau-frère vivent toujours.

"Je n'ai pas d'espoir (de les voir rapidement évacués) mais je ne pouvais pas ne rien faire. Juste être là, voir la base russe à un kilomètre, je me sens mieux physiquement", déclare encore cet homme de 28 ans.

Et chacun s'écarte docilement quand passent des voitures remplies de soldats arméniens ou des convois de la force russe d’interposition, les seuls autorisés à poursuivre leur route.

Petite lueur d'espoir 

Un correspondant de l'AFP a pour sa part constaté que Stepanakert était privée d'électricité et de carburant. Ses habitants, qui ne peuvent pas retrouver leurs proches disparus faute de listes des morts et des blessés, manquent par ailleurs de nourriture et de médicaments.

Les troupes azerbaïdjanaises "sont partout autour de Stepanakert, elles sont à la périphérie", a quant à elle affirmé à l'AFP une porte-parole des autorités locales, Armine Hayrapetian, disant que des gens se terraient "dans les caves".

Petite lueur d'espoir, d'après un conseiller du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, l'Azerbaïdjan a promis au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) d'envoyer de l'aide et de prendre en charge les soldats séparatistes blessés, avec des ambulances autorisées à se rendre à partir de l'Arménie au Nagorny Karabakh.

L'opération militaire azerbaïdjanaise, qui s'est achevée en 24 heures mercredi à la mi-journée, a fait au moins 200 morts et 400 blessés, d'après les séparatistes arméniens.

Et la victoire remportée par Bakou nourrit les craintes d'un départ de nombre des 120.000 habitants du Nagorny Karabakh, même si l'Arménie a promis qu'aucune évacuation de masse n'était prévue. Elle s'est néanmoins dit prête à accueillir "40.000 familles" de réfugiés.

Kornidzor, dernier arrêt avant le Nagorny Karabakh coupé du monde

La route qui serpente et les villages accrochés à flanc de montagne, de l'autre côté de la vallée, c'est déjà le Nagorny Karabakh. Tout proche mais inaccessible. Tenu par une poignée de soldats, le poste de contrôle arménien de Kornidzor empêche les civils rongés par l'inquiétude d'aller plus loin.

Fumant cigarette sur cigarette, enchaînant les cafés dont les gobelets en carton s'empilent sur le bas-côté, quelques dizaines d'hommes attendent là, certains depuis des jours, une hypothétique ouverture. Ce qui permettrait le retour de leurs proches bloqués dans ce territoire sécessionniste en majorité peuplé d'Arméniens repris par les troupes azerbaïdjanaises à l'issue de l'offensive éclair qu'elles ont déclenchée mardi .

Aucune tension palpable. Quelques bergers prennent des chemins de traverse par les prairies à l'herbe jaunie. Indolents, les militaires arméniens partagent leurs impressions. Tout le monde s'écarte docilement quand passent des voitures remplies de soldats arméniens ou des convois de la force russe d’interposition, les seuls autorisés à poursuivre leur route.

Plus loin, caché dans la vallée, c'est un ultime poste arménien et le corridor de Latchine : sa fermeture par les autorités azerbaïdjanaises, en décembre 2022, a coupé le Nagorny Karabakh de l'Arménie et posé les jalons des 24 heures de bombardements et de combats au début de la semaine.

Ici, chacun a une histoire à raconter sur la fermeture du corridor et sur des proches qu'il n'a pas vus depuis plus de neuf mois.

«Pas d'espoir»

A l'aide d'une longue vue empruntée aux soldats, un homme tente de d'identifier les dégâts dans le village d'Eghtsahog, presque à portée de main, de l'autre côté de la vallée. "Il y avait une église avant à cet endroit. Je ne vois plus le clocher : elle a été détruite", grommelle-t-il avant de s'éloigner.

Garik Zakarian, plus loquace, habitait jusqu'en décembre dernier dans cette localité. Pressentant le danger, il a déménagé avec sa famille trois jours avant le blocus mais des amis, sa belle-mère et son beau-frère y vivent toujours.

Mardi, Eghtsahog a été bombardé. Par chance, personne n'a été tué et les 150 habitants ont trouvé refuge autour d'un camp de l'armée russe. Mais ils sont désormais coincés. Jeudi, deux jeunes ont tenté de retourner dans ce village récupérer des victuailles : ils en sont repartis ventre à terre après que des soldats azerbaïdjanais ont tiré sur eux.

C'est Garik qui raconte. Il le tient des amis qu'il a réussi à joindre. "Ça fait trois jours et trois nuits que j'attends. Je dors dans la voiture", confie cet homme de 28 ans.

"Je n'ai pas d'espoir (de les voir rapidement évacués) mais je ne pouvais pas ne rien faire. Juste être là, voir la base russe à un kilomètre, je me sens mieux physiquement".

A l'automne 2020, la "guerre de 44 jours", comme beaucoup l'appellent en Arménie, s'était soldée par la victoire sans appel de l'Azerbaïdjan, qui avait récupéré d'importantes portions de territoires.

Si un cessez-le-feu sous médiation russe avait été signé, la plupart des Arméniens se doutaient que Bakou voudrait récupérer l'intégralité du Nagorny Karabakh.

C'est chose faite depuis mercredi, quand les autorités du territoire séparatiste ont capitulé sous un déluge de feu ennemi. Mais ses 120.000 habitants, qui subissaient déjà le blocus et manquaient d'électricité, d'eau et de nourriture, sont piégés et terrorisés.

L'attente

S'ils devaient être évacués, le plus logique serait qu'ils passent par le corridor de Latchine et que la première localité arménienne qu'ils traversent soit Kornidzor.

En bordure de ce village déshérité, sans chemin asphalté, un centre d'accueil a été monté par le ministère arménien des Affaires étrangères et la fondation Tufenkian, une ONG locale.

Yana Avanessian, 29 ans, en a la charge. Enseignante en droit à l'université de Stepanakert, la "capitale" du Nagorny Karabakh, elle avait reçu une bourse d'un an pour aller aux Etats-Unis en août 2022. Comme tant d'autres, le blocus l'a piégée. Elle ne reverra pas sa ville natale.

Selon elle et les nombreux Arméniens réussissant, quand les appels téléphoniques passent, à contacter leurs proches dans cette région, la situation sur place est "horrible".

"On espère des évacuations pour bientôt, notamment des gens dont les habitations ont été détruites", confie la jeune femme.

"Ce ne sera pas facile de les héberger, l'Arménie est un petit pays. Mais les habitants du Nagorny Karabakh ont beaucoup de proches ici et ils attendent d'eux qu'ils les aident".

Dans le centre, les ordinateurs qui permettront d'enregistrer les futurs réfugiés sont déjà allumés, prêts à l'emploi. Mais rien n'indique leur arrivée prochaine.

Pachinian sous pression 

Accusé de passivité face à l'Azerbaïdjan, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a reconnu vendredi que "la situation" restait "tendue" au Nagorny Karabakh où "la crise humanitaire se poursuit".

Mais "il y a un espoir de dynamique positive", a ajouté le chef du gouvernement, pour qui le cessez-le-feu est "globalement" respecté.

Des personnes hostiles à M. Pachinian manifestent tous les jours à Erevan, la capitale de l'Arménie, pour protester contre la gestion de la crise par l'exécutif.

Plusieurs dirigeants de l'opposition ont de leur côté fait connaître leur intention d'ouvrir au Parlement une procédure de destitution à l'encontre du chef du gouvernement.

Selon la police arménienne, 98 manifestants ont été arrêtés vendredi, tandis que M. Pachinian appelle au calme et à emprunter "le chemin" de la paix, bien que ce soit "pas facile".


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.


Ukraine: Poutine annonce une trêve du 8 au 10 mai, «tentative de «manipulation»» répond Zelensky

Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai
  • Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation"

MOSCOU: Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai, à l'occasion de la commémoration de la victoire sur l'Allemagne nazie, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation".

Le président américain Donald Trump exhorte Kiev et Moscou à conclure un cessez-le-feu et un accord de paix, trois ans après le début de l'offensive russe ayant déjà fait des dizaines de milliers de morts civils et militaires.

"A partir de minuit entre le 7 et le 8 mai, et jusqu'à minuit entre le 10 et le 11 mai, la partie russe annonce un cessez-le-feu", a indiqué le Kremlin dans un communiqué. "Pendant cette période, toutes les opérations de combat seront arrêtées".

D'après la présidence russe, Vladimir Poutine a pris cette décision unilatérale "pour des raisons humanitaires" et à l'occasion des célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Pour M. Zelensky, au contraire, "il y a désormais une nouvelle tentative de manipulation". "Pour une raison, a-t-il dit dans son adresse quotidienne, tout le monde doit attendre le 8 mai et ne cesser le feu qu'ensuite pour garantir le silence" lors de la parade du 9 mai sur la place Rouge à Moscou.

La Russie commémore le 9 mai cet événement dont Vladimir Poutine a fait un marqueur essentiel de la puissance retrouvée du pays. Les dirigeants d'une vingtaine de pays sont attendus pour un défilé militaire en grande pompe sur la place Rouge à Moscou.

Le Kremlin a dit considérer que l'Ukraine "devrait suivre cet exemple", tout en prévenant que les forces russes "fourniront une réponse adéquate et efficace" en cas de violation de la trêve.

Vladimir Poutine avait déjà déclaré un bref cessez-le-feu de 30 heures les 19 et 20 avril à l'occasion de Pâques. Les deux camps s'étaient ensuite accusés de l'avoir violé, même si une baisse de l'intensité des combats avait été ressentie dans plusieurs secteurs du front.

"Accroître la pression sur la Russie"

La Maison Blanche a soutenu lundi que Donald Trump souhaitait un cessez-le-feu "permanent" en Ukraine et pas seulement une trêve temporaire.

Les Etats-Unis, jusque-là le premier soutien de l'Ukraine, veulent tourner la page aussi vite que possible quitte, craint Kiev, à accepter des dispositions très favorables à Moscou.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a dit dimanche à son homologue russe, Sergueï Lavrov, qu'il était temps de mettre fin à une "guerre insensée" en Ukraine, selon un communiqué lundi.

De son côté, le président français Emmanuel Macron a affirmé que "dans les huit à dix jours prochains, nous allons accroître la pression sur la Russie", dans un entretien publié par le magazine Paris Match.

Il a estimé avoir "convaincu les Américains de la possibilité d’une escalade des menaces, et potentiellement de sanctions" contre Moscou.

Conditions maximalistes de Poutine 

La Russie maintient des conditions maximalistes concernant l'Ukraine, dont elle veut la reddition et le renoncement à rejoindre l'Otan, tout en s'assurant de pouvoir garder les territoires ukrainiens annexés.

La reconnaissance internationale de l'annexion russe de la Crimée et de quatre autres régions ukrainiennes est une condition "impérative" à la paix, a encore martelé lundi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

La Russie a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014, ce que la communauté internationale, Etats-Unis compris, n'a jamais reconnu.

En septembre 2022, quelques mois après le déclenchement de son assaut à grande échelle, elle a aussi revendiqué l'annexion de quatre régions ukrainiennes qu'elle occupe partiellement, celles de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia.

La Russie, qui a l'avantage sur le front, a revendiqué lundi la prise de Kamyanka, un village de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine.

La Corée du Nord a pour la première fois reconnu lundi avoir envoyé des troupes en Russie et qu'elles avaient aidé Moscou à reprendre aux Ukrainiens les zones de la région de Koursk dont ils s'étaient emparés.

Trois personnes ont par ailleurs été tuées lundi dans une attaque russe contre un village de la région de Donetsk (est), selon les services du procureur régional.