Privés de visas, les étudiants sahéliens pris au piège de la crise avec la France

La suspension de la délivrance de visas par les consulats sur place est l'un des aspects de ce que la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a appelé le «fonctionnement en format réduit de nos ambassades». (AFP)
La suspension de la délivrance de visas par les consulats sur place est l'un des aspects de ce que la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a appelé le «fonctionnement en format réduit de nos ambassades». (AFP)
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Publié le Dimanche 08 octobre 2023

Privés de visas, les étudiants sahéliens pris au piège de la crise avec la France

  • Les étudiants prennent avec incompréhension, amertume ou résignation une remise en cause qui touche à leurs projets de vie
  • Mme Colonna a souligné que la suspension ne concernait pas les étudiants (ou les artistes) déjà en France, dont plusieurs centaines touchent des bourses françaises

NIAMEY: Sa valise attend toujours posée contre le mur de la chambre. "Elle devait me suivre à l’aéroport, malheureusement elle est toujours là", rigole Ophélie Ouédraogo, étudiante burkinabè coincée à Ouagadougou.

Inscrite en première année de médecine à Montpellier (sud de la France), elle aurait dû prendre l'avion ces jours-ci. Comme de nombreux étudiants du Burkina Faso, du Mali et du Niger, elle a vu ses plans bouleversés par la crise entre Paris et les juntes qui ont pris le pouvoir dans ces trois pays autrefois proches de la France.

La France a suspendu la délivrance de visas à Ouagadougou, Bamako et Niamey en invoquant des raisons de sécurité. Les étudiants prennent avec incompréhension, amertume ou résignation une remise en cause qui touche à leurs projets de vie.

Ophélie Ouédraogo n’a d’autre choix que de suivre ses cours en ligne dans sa chambre. "On ne contrôle pas la situation, donc on est bloqué ici et, tant bien que mal, on essaye de positiver, même si c’est compliqué".

Sa situation illustre l'impact de la dégradation accélérée des relations entre ces pays et l'ancienne puissance coloniale, avec laquelle les liens humains restent pourtant étroits.

Ces trois dernières années, des officiers ont pris par la force la tête de pays confrontés au djihadisme et plongés dans de profondes crises, et ont désigné aux opinions publiques l'allié historique français comme le responsable de leurs maux.

Forcée de faire rentrer ses soldats, ses ambassadeurs et une partie du personnel diplomatique, confrontée aux manifestations hostiles et aux attaques contre ses représentations, la France a étendu en août le classement en "zone rouge" aux capitales, derniers îlots où elle ne déconseillait pas formellement de se rendre.

La suspension de la délivrance de visas par les consulats sur place est l'un des aspects de ce que la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a appelé le "fonctionnement en format réduit de nos ambassades".

Elle affecte les étudiants, mais aussi les chercheurs ou les artistes. Le monde culturel s'est récrié en France quand la nouvelle de la suspension a été connue pour les artistes. Le gouvernement a été accusé de représailles aux dépens de la culture.

La francophonie en jeu 

Les étudiants ont moins fait parler. Aucun chiffre n’a été obtenu des rectorats français ou sahéliens quant au nombre qui serait affecté au total. Ils seraient 380 rien qu'au Niger, selon le Conseil des nigériens de France (CONIF).

L’an passé, ils étaient quelque 3 000 étudiants maliens, 2 500 burkinabè et 1 200 nigériens en France, selon Campus France, l’agence française de promotion à l'étranger de l’enseignement supérieur français.

Mme Colonna a souligné que la suspension ne concernait pas les étudiants (ou les artistes) déjà en France, dont plusieurs centaines touchent des bourses françaises.

C'est une minorité, donc, des 92 000 étudiants subsahariens inscrits dans les universités françaises en 2021-2022, et dont le nombre augmente depuis 2017. Mais un certain nombre ont l'impression d'une punition collective.

"C’est un espoir qu’on nous a fait miroiter, et en un coup d’oeil, c’est tombé à l’eau", déplore Hassane Doulaye Abdoul-Kassoum, doctorant en géographie à l’université Abdou Moumouni de Niamey, dont les ramures des arbres font une espèce de sanctuaire loin des tensions entre chancelleries.

"Nos autorités n'ont pas dénoncé les accords scientifiques, c'est les accords militaires qu'ils ont dénoncés. Je ne vois pas pourquoi les autorités françaises ont coupé tout lien sans exception", s'interroge l'étudiant qui avait bénéficié d’une bourse de six mois pour achever sa thèse sur le pastoralisme à Angers (ouest).

"On contribue au rayonnement de la francophonie, on parle français et on parlera français, nos références sont en français. Délaisser cela risque de radicaliser les discours, et de laisser une autre image de la France", plaide Aboubakar Lalo, président du CONIF.

«Les bienvenus»

Devant les protestations, les autorités françaises ont invoqué la sécurité des agents dans les pays en question, et assuré que la réduction de la présence sur le terrain rendait compliquée la délivrance des visas. Elles se sont défendues de toute instrumentalisation.

"Les artistes, les chercheurs et les étudiants de ces pays sont toujours les bienvenus en France, dans nos institutions culturelles comme dans nos universités, et contrairement à ce que l’on a pu lire ici et là, il n’a jamais été question qu’il en soit autrement", a déclaré Mme Colonna.

"Beaucoup d’étudiants ne croyaient pas que la France puisse agir de la sorte. Ils auraient dû avoir une hauteur d’esprit pour au moins leur permettre d’aller chercher un visa dans des pays voisins", avance Aboubakar Lalo, du CONIF.

Impossible, répondent les autorités françaises: un consulat ne peut accepter de demande que d’un citoyen résidant légalement dans le pays où se trouve ce consulat.

Elles ont laissé entrevoir une réévaluation de la situation en fonction de l’évolution sécuritaire.

Les étudiants ont peu d'espoir que la situation se débloque, la rentrée ayant déjà eu lieu.

"Ce n’est pas parce que cet incident est intervenu que je dois fléchir sur mon programme. Je suis appelé à finir la thèse, qu’il y ait mobilité ou pas", dit Baharou Sarimou Abdoulahi, doctorant en sociologie à l’université Abdou Moumouni, qui devait achever sa thèse à l’Institut des mondes africains à Paris.

Il note que des scientifiques français peuvent aussi être empêchés de venir au Niger pour leurs travaux. "Donc je pense que les conséquences, c'est des deux côtés".


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.