Crise économique au Liban: la présidente de l’Institut Basil Fuleihan insiste sur la nécessité de réformes urgentes

Lamia Moubayed, présidente de l’Institut Basil Fuleihan, a répondu aux questions d’Arab News en français dans le cadre de la mission économique et commerciale de la francophonie, organisée par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), à Beyrouth au Liban (Photo capture d'écran, Tanguy Gadin)
Lamia Moubayed, présidente de l’Institut Basil Fuleihan, a répondu aux questions d’Arab News en français dans le cadre de la mission économique et commerciale de la francophonie, organisée par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), à Beyrouth au Liban (Photo capture d'écran, Tanguy Gadin)
Short Url
Publié le Jeudi 26 octobre 2023

Crise économique au Liban: la présidente de l’Institut Basil Fuleihan insiste sur la nécessité de réformes urgentes

  • Pour Lamia Moubayed, «il faut que le Liban se mette sur la voie de réformes sérieuses, à commencer par celle des finances publiques, à l'origine de beaucoup des crises touchant le pays»
  • Pour la présidente de l’Institut Basil Fuleihan, les défis de la réglementation au Liban sont un frein important pour les investisseurs étrangers

BEYROUTH: L’actualité au Moyen Orient risque de ne pas arranger la situation déjà dramatique du Liban. Le conflit israélo-palestinien a en effet des ramifications profondes qui dépassent les frontières de ces deux pays.

Le Liban, voisin du nord d’Israël, a subi directement et indirectement les répercussions de ce conflit à plusieurs reprises au fil des ans, tant sur le plan politique, social qu’économique. Si le Liban s’est relevé à plusieurs reprises après des décennies de conflit (internes et externes), dont chacun a laissé ses propres cicatrices, le Liban traverse aujourd’hui la pire crise économique de son histoire, avec une dépréciation spectaculaire de la livre libanaise et une inflation galopante de 165%.

Le chômage et l’émigration ont considérablement augmenté et la pauvreté a atteint des niveaux historiquement élevés. Selon l’ONU, plus de 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le pays a d'ailleurs conclu un accord de principe avec le FMI, le Fonds monétaire international, mais le gouvernement (actuellement démissionnaire) doit au préalable engager des réformes cruciales pour débloquer les aides afin de relancer l'économie du pays, ce qu’il ne semble pas prêt de faire.

Selon le FMI, en dépit d’une contraction brutale de l’économie de près de 40% depuis le début de la crise en 2019, l'activité économique semble cependant s'être légèrement stabilisée en 2022 grâce à une reprise partielle du tourisme. Cependant, certains indicateurs, comme l’indice PMI (indice des directeurs des achats) et celui du niveau des importations, suggèrent une reprise limitée de l'économie réelle, s’appuyant désormais principalement sur la diaspora et l’économie informelle.

Dans ce contexte complexe, des institutions spécialisées libanaises, telles que l’Institut des Finances Basil Fuleihan, peuvent jouer un rôle central. En tant qu’entité publique autonome, cet institut, portant le nom de celui qui a contribué à sa création, l’ancien ministre de l’Économie, décédé lors d’un attentat en 2005 ayant visé l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, est dédié à la mise en œuvre et à la promotion de réformes des finances publiques au Liban. Très rapidement, l’établissement est devenu une référence en matière de gestion des finances publiques et de modernisation de l’État dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena).

L’institut a par le passé démontré son importance, non seulement au Liban, mais également dans la région. Depuis 2006, il est reconnu comme étant le centre régional de formation de l'Organisation mondiale des douanes, mais aussi le siège du Secrétariat du réseau des écoles et instituts de formation du service public, Gift Mena.

L’institut est-il aujourd’hui en mesure d’influencer et d’orienter les réformes financières cruciales dont le Liban a désespérément besoin? Lamia Moubayed, présidente de l’Institut Basil Fuleihan, a répondu aux questions d’Arab News en français dans le cadre de la mission économique et commerciale de la francophonie, organisée par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), à Beyrouth au Liban en octobre.

Pour Lamia Moubayed, «les voies de sortie de crise au Liban ne sont pas très nombreuses et il faut que le Liban se mette impérativement sur la voie de réformes sérieuses, à commencer par les finances publiques, à l'origine de beaucoup des crises touchant le Liban». Selon l’experte, la crise est due en partie à «une dette qui a augmenté phénoménalement, une économie tournée vers l’importation et non productive et des dépenses publiques très aggravées par des choix politiques inefficaces».

«Réformes, réformes, réformes!»

La présidente de l’Institut Basil Fuleihan le martèle, il n’y a pas d’autre solution que «des réformes, des réformes, des réformes». Elle plaide pour «une réforme des finances publiques  commençant par la réforme de la commande publique, des impôts, du budget, de la comptabilité publique, mais aussi du secteur bancaire, de la Banque centrale et de tout le système financier qui a causé la crise», assure-t-elle.

Lamia Moubayed rappelle que l'institut a tiré la sonnette d’alarme avant la crise avec la publication d’un rapport de 2016. «Il a été publié en deux versions, 2016 et 2017. Quand on a vu la situation grave vers laquelle se dirigeait le pays, nous avons immédiatement privilégié une réforme clé, celle de la commande publique. C’est la clé de voûte de l'économie, de la dépense publique, de la corruption ou l'anticorruption.»

Vers plus de transparence

Au Liban, la corruption atteint des sommets, que ce soit dans le secteur public ou privé. Selon l’indice de perception de la corruption (IPC) de 2022, de l’organisation Transparency International, le Liban se classe 150ᵉ sur 180 des pays. Pour Lamia Moubayed, il existe plusieurs moyens d’améliorer la transparence, notamment en passant par les systèmes informatiques et la numérisation. «Lorsqu’on travaille avec des cadres réglementaires datant des années 1950, il est très difficile de s'assurer que les choix et les promesses ont été vraiment honorés», assure-t-elle.

L’Institut des Finances a initié il y a quatre ans un projet de «budget citoyen», une version simplifiée des projets de loi ou de la loi budgétaire pour faciliter l’accès à l’information aux citoyens, mais également en pratique aux parlementaires. «Cet outil a permis aux citoyens de mieux comprendre comment le pays en était arrivé là, pourquoi les dépenses publiques ont augmenté à ce point», affirme Mme Moubayed. «Avec ce projet, le citoyen contribue,  participe, regarde, pose des questions et demande des réponses sur la gestion de l’argent public.»

Le Liban: un paradis fiscal pour les investisseurs?

Autre projet clé sur lequel se penche actuellement l’Institut Basil Fuleihan: l’épineuse réforme des impôts. Une réforme que Lamia Moubayed juge cruciale. «Il faut plus d'équité dans un système qui est complètement inéquitable et contient de nombreuses exemptions, des fragmentations, de non-transparence», affirme-t-elle. Pour la présidente de l’institut, il est urgent de réformer les impôts pour pouvoir financer la protection sociale, particulièrement des Libanais les plus vulnérables.

Le Liban a a priori tout pour encourager les investissements. Il figure en effet parmi les pays du monde taxant le moins les entreprises, avec un impôt sur les sociétés de 17% et et un impôt libératoire de 10% sur la distribution de dividendes. «Il faut à la fois créer de l'équilibre pour les finances publiques, mais aussi dérégulariser et faciliter la vie des entrepreneurs, des PME, des entreprises fraîchement créées et soutenir l’innovation», indique Mme Moubayed.

La présidente de l’Institut des Finances est consciente qu’attirer les investissements en période de crise économique – qui plus est dans un pays en instabilité politique et sécuritaire permanente – n’est pas une mince affaire. Mais pour elle, ce sont des facteurs «que les entreprises savent gérer», et ce sont les défis de la réglementation qui s’avèrent être les plus pénalisants. «L’investisseur se sent en confiance lorsqu’il il y a une loi des marchés publics qu’il connaît, en harmonie avec les réglementations internationales, notamment onusiennes, celles de l’Uncitral (La Commission des Nations unies pour le droit commercial international) et les 12 principes de l'OCDE». Elle appelle aussi à davantage de transparence dans le système économique en général pour rassurer les investisseurs.

La nécessaire coopération internationale

L’institut Basil Fuleihan, créé en 1996 pour aider le Liban à sortir de sa crise d’après-guerre (1975-1990), est «un vecteur de la création du capital compétence», rappelle Mme Moubayed. L’institut s’est focalisé sur trois priorités: les politiques publiques intelligentes, la formation des finances publiques pour une gouvernance meilleure et plus efficace, et les partenariats et la coopération du développement, indique-t-elle.

Elle lance un appel à la coopération. «Nous ne pouvons pas avancer seuls. Nous avons besoin de travailler avec les internationaux, avec les multilatéraux, mais aussi avec les pays amis, les réseaux de la francophonie», explique-t-elle en rappelant l’importance de la mission économique et commerciale de la francophonie. «Ce sont des occasions vraiment extraordinaires pour que les entreprises se connaissent, pour tisser des relations humaines, mais aussi pour créer de la valeur commune à tous.»

Par le passé, l’Institut des Finances publiques a jouté un rôle clé au-delà des frontières libanaises. Il a en effet été un acteur majeur de la coopération en matière de finances publiques dans la région, notamment pour développer les compétences des acteurs de la fonction publique. Il a œuvré à la mise en place de multiples projets de collaboration, notamment entre l'ENA France et Bahreïn ou un programme des cadres dirigeants au Koweït, également créé avec l'ENA. Pendant treize ans, assure-t-elle,  ce «Walk-in/Walk-out» marchait à merveille et a su créer de la valeur. Plus de 400 dirigeants ont été formés et plus de 13 accords de coopération conclus. Six autres Instituts de Finances ont également été lancés dans la région. Mme Moubayed indique fièrement que le modèle libanais a marché et a attiré l'attention d'autres pays comme le Maroc, l'Irak, la Jordanie, la Palestine, le Yémen ou encore la Côte d'Ivoire. Un partage d’expérience aujourd’hui difficile à poursuivre en raison de la crise économique.

Lamia Moubayed reste toutefois optimiste malgré les tensions géopolitiques dans la région. «La seule constance, c’est l’évolution. On a besoin de rester optimistes, même si les chiffres aujourd'hui sont dans le rouge et font mal», explique-t-elle, en concluant sur une citation de l’écrivain français Georges Bernanos: «L'espérance est un risque à courir.»


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Short Url
  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Short Url
  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
Short Url
  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".