Macron annonce une nouvelle stratégie pour les troubles du neuro-développement

Le président Emmanuel Macron va annoncer mardi une nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neuro-développement (TND), dont l'autisme. (AFP)
Le président Emmanuel Macron va annoncer mardi une nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neuro-développement (TND), dont l'autisme. (AFP)
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Publié le Mardi 14 novembre 2023

Macron annonce une nouvelle stratégie pour les troubles du neuro-développement

  • Selon les études scientifiques internationales, la prévalence des troubles du neuro-développement augmente dans les pays occidentaux et ils pourraient toucher aujourd'hui jusqu'à une personne sur six
  • Dépister tôt permet d'intervenir rapidement et éviter un surhandicap et l'aggravation des troubles

PARIS: Le président Emmanuel Macron va annoncer mardi une nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neuro-développement (TND), dont l'autisme, qui devrait prévoir un dépistage "systématique" de tous les enfants entre la naissance et six ans.

Le président annoncera ce plan qui prend le relais de la précédente stratégie 2018-22 centrée sur l'autisme, lors d'une visite en milieu d'après-midi à la nouvelle Maison de l'Autisme à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), un lieu de ressources pour les personnes atteintes et leurs familles.

Au-delà de l'autisme, la nouvelle stratégie 2023-27 est élargie aux troubles du neuro-développement: troubles du spectre de l'autisme (TSA), mais aussi du développement intellectuel (TDI), du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ils incluent aussi les multiples troubles dys: dyslexie, dyscalculie, dysgraphie, dysphasie, dyspraxie.

Selon les études scientifiques internationales, leur prévalence augmente dans les pays occidentaux et ils pourraient toucher aujourd'hui jusqu'à une personne sur six, indique la délégation interministérielle aux TND.

Le président devrait annoncer qu'un montant global de 680 millions sera consacré à cette nouvelle stratégie, contre 345 prévus pour la stratégie 2018-22 et 543 effectivement engagés, selon son entourage.

Selon l'Elysée, le président devrait annoncer un repérage "systématique" des "écarts de développement" de tous les enfants de la naissance à six ans, lors des visites médicales obligatoires chez les médecins généralistes ou pédiatres, ainsi qu'à l'école maternelle. Le carnet de santé devrait intégrer des indicateurs pour les repérer.

Dépister tôt permet d'intervenir rapidement et éviter un surhandicap et l'aggravation des troubles.

55.000 enfants ont été repérés pour des écarts de développement et accompagnés jusqu'au diagnostic dans la centaine de plateformes de coordination et d'orientation (PCO) créées depuis 2019. 150 enfants seulement avaient été repérés en 2019.

Des troubles du neuro-développement variés

Les troubles du neuro-développement (TND) sont multiples, souvent associés, et leur prévalence dans la population augmente, explique la délégation interministérielle aux troubles du neuro-développement.

Les TND sont caractérisés par des difficultés significatives dans le développement de fonctions du cerveau, comme la socialisation, la communication, les apprentissages, la motricité, le raisonnement...

Il s'agit par exemple des troubles du spectre de l'autisme (TSA), des troubles du développement intellectuel (TDI), du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

Ils incluent aussi les multiples troubles dys, souvent détectés à l'entrée en primaire: troubles de l'apprentissage du langage écrit (dyslexie), du calcul (dyscalculie), du graphisme (dysgraphie), ainsi que les troubles du langage (dysphasie) de la coordination (dyspraxie).

Une tendance à la hausse est observée dans les pays développés avec, en particulier, une augmentation de la prévalence de l’autisme et du TDAH depuis une vingtaine d’années, selon la délégation interministérielle. Les raisons de ces augmentations ne sont pas encore toutes connues et font l'objet de recherches. Le rôle des facteurs environnementaux est notamment étudié.

La prévalence exacte n'est pas connue et les troubles sont sous-diagnostiqués, mais on estime que l'autisme concerne 1 à 2% de la population, les troubles dys 8%, le TDAH 6% des enfants et 3% des adultes et le TDI 1% de la population, selon le gouvernement.

Ces troubles sont souvent associés chez une même personne. D’autres maladies associées sont fréquentes: épilepsie, troubles gastro-intestinaux, pathologies cardio-vasculaires, pathologies de la vision et de l’audition, troubles du sommeil, troubles du comportement alimentaire, troubles anxieux et dépression.

La structuration de la recherche a été l'un des axes de la stratégie Autisme 2018-22: elle a constitué un groupement de 700 chercheurs travaillant en réseau sur ces troubles, en collaboration avec plus de 400 équipes de recherche à travers le monde.

55.000 enfants ont été repérés et orientés vers un diagnostic dans une centaine de plateformes de coordination et d'orientation (PCO) créés depuis 2018. Ils étaient 150 en 2019, selon le gouvernement.

45.000 enfants autistes sont scolarisés en école ordinaire à temps plein, selon la délégation.

D'autres sont en instituts médico-éducatifs et certains ne sont pas scolarisés.

Si la stratégie nationale Autisme 2018-22 a mis l'accent sur le repérage de l'autisme chez les tout-petits, de nombreux adolescents et adultes n'ont jamais été diagnostiqués, ni accompagnés, ou ont vécu une errance médicale de spécialiste en spécialiste, avec des listes d'attente très longues.

Certains ont fait l'objet d'interventions ou de suivis qui ne sont pas conformes aux bonnes pratiques de la Haute autorité de santé et aux plus récentes connaissances scientifiques sur ces troubles.

Simplifier la vie 

Pour les accueillir à l'école ordinaire, le président pourrait annoncer un "quasi doublement" du nombre de dispositifs pour ces enfants à besoins spécifiques, dont 410 ont été créés entre 2018 et 2023, afin de donner un "coup d'accélérateur" à leur scolarisation, indique-t-on dans son entourage.

Actuellement 45.000 enfants autistes sont scolarisés à l'école ordinaire, selon la délégation interministérielle aux TND.

Des annonces pourraient concerner la formation des enseignants, ainsi que la possibilité pour les professionnels de santé ou médico-sociaux d'aller dans les écoles pour "éviter aux parents de courir aux rendez-vous, afin de simplifier leur vie et celles des enfants", indique-t-on à l'Elysée.

Volet très attendu par les familles, l'amélioration de la qualité des interventions, notamment dans les établissements et dispositifs médico-sociaux: selon la nouvelle stratégie, les crédits ne devraient être accordés qu'à des projets qui "répondent aux recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé" (HAS), selon la présidence.

"Il faut que ce secteur se transforme et s’adapte en se projetant vers le milieu ordinaire tout en répondant aux besoins de chacun des enfants et des adultes", indique-t-on à l'Elysée.

Depuis la précédente stratégie, le gouvernement a mis l'accent sur la recherche pour améliorer les connaissances sur l'autisme et la qualité de la prise en charge médicale et des interventions médico-sociales, en diffusant ces connaissances auprès des professionnels.

Cet accent mis sur la recherche a permis de créer cinq centres d'excellence (Paris, Lyon, Montpellier, Tours, Strasbourg) associant recherche de haut niveau et suivi clinique, et structuré une communauté de recherche forte de 700 chercheurs en France, qui travaillent avec 400 équipes dans le monde.

M. Macron pourrait annoncer une "amplification" de la recherche avec la création d'un "6e centre d'excellence" et des "crédits supplémentaires pour financer de nouvelles recherches, par exemple sur les adultes ou le repérage des TND", pour un montant de 50 millions d'euros, selon l'Elysée.

Cette stratégie, élaborée en concertation avec les associations, a fait l'objet au printemps d'une consultation citoyenne qui a donné lieu à de nombreux retours (10.000 contributions et 96.000 votes), rapporte l'Elysée.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.