Nayla Tuéni, rédactrice en chef d'Annahar, personnalité médiatique de l'année

 Nayla Tuéni présente un numéro de son journal publié sans contenu, lors d'une conférence de presse à Beyrouth. (Reuters)
Nayla Tuéni présente un numéro de son journal publié sans contenu, lors d'une conférence de presse à Beyrouth. (Reuters)
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Publié le Vendredi 28 mai 2021

Nayla Tuéni, rédactrice en chef d'Annahar, personnalité médiatique de l'année

  • La jeune journaliste souhaitait apporter des idées novatrices pour inspirer le quotidien qui se battait dans un contexte de crise
  • « Il m'incombait de diriger cette institution et d'en faire ce qu'elle est devenue aujourd'hui »

LONDRES : En 2005, le monde de Nayla Tuéni a basculé. Elle n’avait que 23 ans. La jeune journaliste est passée d'un stage d'un mois au Figaro à la direction d’Annahar, l'un des quotidiens les plus renommés du Liban,  à la suite de l’assassinat de son père - le rédacteur et éditeur de renom Gebran Tuéni - dans un attentat à la voiture piégée dans la banlieue de Mkalles, à Beyrouth.

« Je me suis retrouvée face à un grand défi. J’étais jeune et je débutais ma carrière. J'étais entourée de journalistes chevronnés de 30, 40, 50 ans d'expérience qui disaient « Mais qui est-elle ? Elle ne sait rien. C'est une jeune fille... qui veut s'amuser », confie Nayla à Arab News.

Ce n'est que 15 ans plus tard, à l'âge de 38 ans, qu'elle est élue personnalité médiatique de l'année lors du Forum des médias arabes 2020, qui s'est tenu virtuellement depuis Dubaï, pour son leadership réussi et constant du quotidien Annahar au cours de l'année la plus dure que le Liban a vécue.

En effet, depuis 2020, le pays traverse une crise financière sans précédent, avec une dévaluation de la monnaie locale, la pandémie de coronavirus, l'explosion du port de Beyrouth le 4 août, sans oublier la corruption qui sévit dans la sphère politique. Cette explosion a fait voler en éclats la façade vitrée du siège du journal, situé à moins de 700 mètres du port.

« Avec 30 blessés, du sang et du verre autour de vous, c'était pire que la guerre », raconte Nayla. « C'était une année éprouvante».

Un nouveau départ

Mme Tuéni a reçu une formation en journalisme et en gestion de journaux sous la direction de son grand-père Ghassan Tuéni, de 2005 à sa mort en 2012. Elle a ensuite pris les rênes d'Annahar en y apportant des idées novatrices et originales qui ont inspiré ce journal, en lutte dans un secteur en plein bouleversement.

Quand la sonnette d'alarme a commencé à retentir en 2017 annonçant la crise financière, les journaux du pays se sont mis à fermer leurs imprimeries, certains ont même fermé leurs portes. Nayla était déterminée à continuer de publier le journal et à l’adapter à la montée en flèche des médias numériques et sociaux, en dépit des critiques de certains de ses collègues.

 

Le succès n'est pas un succès personnel, il concerne toute la famille d'Annahar. C'est grâce à eux qu'Annahar a pu survivre.

 

Nayla Tuéni

« Ils ne me prenaient pas au sérieux et quand j'ai lancé la version en ligne ... qui couvrait les actualités en direct, 24 heures sur 24, et affichait l’art de vivre, la santé, les commérages ... nous avons eu davantage de lecteurs grâce aux vidéos, à la web TV et aux médias sociaux », affirme la mère de trois enfants.

Ils disaient : « Non, c'est un scoop, gardons-le pour demain ». Je leur répondais simplement : « Avec tous ces changements, c'est impossible ». Si les gens sur les médias sociaux ou les blogueurs ont une nouvelle, ils la publieront immédiatement. Ils n'attendront pas le jour suivant », ajoute-t-elle, en précisant que le journal comprend désormais des numéros spéciaux, des éditions ainsi que la plate-forme Annahar Al-Arabi, nouvellement créée, qui s'adresse au public arabe et annoncée quelques heures seulement avant l'explosion du port.

En évoquant ses 15 années passées au journal, Nayla attribue humblement aux rédacteurs, aux reporters et aux photographes le mérite de la réussite d'Annahar. 

« Le succès n'est pas un succès personnel, il concerne toute la famille d'Annahar », dit-elle. « Quand ils ont souffert avec moi, la souffrance était réelle. C'est grâce à eux qu'Annahar est resté en vie. C'est grâce à eux qu'Annahar a pu survivre ».

Parmi les numéros spéciaux qui ont été publiés, on retrouve l'édition Naharoki, qui signifie en arabe « Votre jour » au féminin, et qui a présenté en première page une adaptation de l'hymne national libanais, avec la phrase « pour les femmes ». La version originale de l'hymne ne comportait que la phrase « pour les hommes ».

Lors des manifestations qui ont eu lieu en octobre 2019 pour dénoncer la corruption du gouvernement, « nous avons eu l'idée de lancer Naharoki qui s'adresse aux femmes, dans la mesure où les femmes dirigeaient la révolution, elles étaient en première ligne. Nous avons donc décidé de les saluer dans l'hymne national », raconte Nayla.

Un autre numéro spécial est paru en 2018. Annahar a imprimé huit pages blanches de son journal. Il a fait de même pour son site web et ses comptes de médias sociaux. C'était un cri contre la stagnation de la formation d'un gouvernement qui avait laissé le pays sans cabinet pendant de longs mois.

« Nous voulions simplement créer un choc et exprimer notre colère. Nous avons donc utilisé du papier blanc, et non du papier noir, simplement parce que nous croyons en un avenir meilleur et en des jours meilleurs. Nous gardons l'espoir. Pourtant, nous ne trouvons pas les mots pour exprimer notre colère face à cette situation », avoue Nayla.

La vocation

Malgré la tâche pénible de maintenir le journal à flot dans un contexte économique difficile, la rédactrice en chef affirme qu'elle est une véritable combattante.

« J'essaie de rester positive et optimiste, même quand je me sens mal. Il y a toujours quelqu'un qui m'envoie un message d'en haut. Je reçois souvent un signe qui me dit : « Tu dois poursuivre ton combat dans les moments les plus difficiles. Tu dois te battre », dit-elle.

« Diriger cette institution et poursuivre ce que mon père et mon grand-père ont créé et en faire ce qu'elle est aujourd'hui - c'est une grande responsabilité que je dois assumer ».

Selon Nayla, depuis qu'Annahar est paru en 1933, le journal ainsi que son équipe se sont toujours inspirés de deux modèles : son grand-père Ghassan et son père Gebran.

Ghassan était « un homme calme qui réfléchissait. C'était un philosophe qui croyait au Liban et aux pays arabes et qui défendait les projets des Libanais et des Arabes », dit-elle.

« Puis vint Gebran, un homme passionné et révolutionnaire qui croyait en la liberté du journalisme et en la liberté d'expression.  Pour lui, la relation avec le Liban était bien plus qu'une histoire d'amour - il a sacrifié sa vie pour le Liban. Il était conscient qu'il allait donner sa vie pour la liberté et le journalisme, et pour que le Liban soit libéré de toute ingérence ».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.

 

 

 


Offensive à Gaza, la CIJ ordonne à Israël d'assurer une aide «  d'urgence »

Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens. (AFP).
Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens. (AFP).
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  • Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah
  • "Il n'y a pas un autre endroit dans le monde où un aussi grand nombre de personnes font face à une famine imminente", a résumé sur X le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies

TERRITOIRES PALESTINIENS: L'offensive militaire israélienne contre le mouvement islamiste palestinien Hamas se poursuit vendredi dans la bande de Gaza alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné à Israël d'assurer "une aide humanitaire de toute urgence" à la population civile sur place, menacée de famine.

Les affrontements des derniers mois ont aussi exacerbé les tensions régionales entre Israël et "l'axe de la résistance", rassemblement de mouvements armés soutenus par son ennemi iranien et comprenant notamment le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais et les Houthis yéménites.

Au moins 36 militaires syriens ont été tués dans une frappe israélienne qui a visé vendredi à l'aube la région d'Alep, dans le nord de la Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

D'après cette ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, la frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais", qui combat aux côtés du régime syrien. Contactée par l'AFP depuis Jérusalem, l'armée israélienne a répondu "ne pas commenter" ces informations.

Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens, en grande majorité déplacés par les hostilités.

« Famine imminente »

Outre le bilan humain et ces destructions, la guerre a provoqué une catastrophe humanitaire dans le territoire palestinien assiégé, où la majorité des 2,4 millions d'habitants sont désormais menacés de famine selon l'ONU qui déplore une aide insuffisante pour répondre aux besoins de la population.

"Il n'y a pas un autre endroit dans le monde où un aussi grand nombre de personnes font face à une famine imminente", a résumé sur X le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.

Israël doit "veiller sans délai" à ce que soit assurée "sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l'aide humanitaire requis de toute urgence", a déclaré jeudi la Cour internationale de justice (CIJ) basée à La Haye.

Saisie par l'Afrique du Sud, la juridiction avait ordonné en janvier à Israël de faire tout son possible pour empêcher un "génocide" dans le territoire palestinien, Israël jugeant "scandaleuses" de telles accusations.

Dans la nuit, le Hamas s'est félicité de la décision de la CIJ et a demandé sa "mise en œuvre immédiate" afin qu'elle ne devienne pas "lettre morte".

« Entrer à Rafah »

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyhau avait plus tôt réaffirmé jeudi sa détermination à lancer une offensive terrestre à Rafah en dépit des pressions internationales, y compris des Etats-Unis, contre une opération d'envergure sur place.

"Nous tenons le nord de la bande de Gaza ainsi que Khan Younès (sud). Nous avons coupé en deux la bande de Gaza et on se prépare à entrer à Rafah", a-t-il dit à des familles de soldats otages dans le territoire palestinien.

Les Etats-Unis, principal allié d'Israël qui redoute le bilan humain d'une telle opération, avaient demandé récemment l'envoi d'une délégation israélienne à Washington pour discuter de ce projet.

Mais Israël, furieux de l'abstention des Etats-Unis qui a permis l'adoption récente d'une résolution à l'ONU réclamant un "cessez-le-feu immédiat" à Gaza, a annulé la visite. Israël a finalement fait savoir à Washington qu'il aimerait trouver "une nouvelle date pour organiser la réunion" sur Rafah, a indiqué la Maison Blanche.

En parallèle de ces éventuelles discussions à Washington, le Qatar - un médiateur avec l'Egypte et les Etats-Unis - accueille cette semaine des négociations indirectes entre Israël et le Hamas sur un projet de trêve de plusieurs semaines doublée d'un échange d'otages israéliens et de prisonniers palestiniens.

« Yeux bandés »

L'attaque du Hamas le 7 octobre en Israël a entraîné la mort d'au moins 1.160 personnes, essentiellement des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. D'après Israël, environ 250 personnes ont été enlevées et 130 d'entre elles sont toujours otages à Gaza, dont 34 sont mortes.

En représailles, Israël a juré d'anéantir le Hamas -- qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne -- et lancé une offensive qui a fait à 32.552 morts, majoritairement des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas.

L'armée israélienne, qui accuse les combattants du Hamas de se cacher dans les hôpitaux, poursuit ses opérations dans le complexe hospitalier al-Chifa, dans la ville de Gaza (nord), disant avoir "éliminé environ 200 terroristes" dans le secteur depuis le 18 mars.

Les troupes israéliennes "ont évacué les civils, les patients et les équipes médicales vers des installations médicales alternatives", assure l'armée.

"Les forces israéliennes ont obligé des hommes à se déshabiller et ne garder que leurs sous-vêtements (...) J'en ai vu d'autres les yeux bandés qui devaient suivre un char au milieu d'explosions", a indiqué à l'AFP Karam Ayman Hathat, un Palestinien de 57 ans qui habite dans un immeuble près de l'hôpital.


Syrie: au moins 36 soldats syriens tués dans une frappe israélienne près d'Alep

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  • La frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais"
  • Il s'agit du bilan le plus lourd pour l'armée syrienne dans des frappes israéliennes depuis le début de la guerre à Gaza il y a près de six mois

BEYROUTH: Au moins 36 militaires syriens ont été tués dans une frappe israélienne qui a visé vendredi à l'aube la région d'Alep, dans le nord de la Syrie, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Selon cette ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, la frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais", qui combat aux côtés du régime syrien.

"Au moins 36 militaires ont été tués et des dizaines de blessés dans les raids israéliens" qui ont visé une zone proche de l'aéroport d'Alep, a précisé l'ONG.

Il s'agit du bilan le plus lourd pour l'armée syrienne dans des frappes israéliennes depuis le début de la guerre à Gaza il y a près de six mois, selon l'OSDH.

De son côté, une source militaire citée par l'agence officielle syrienne Sana a fait état de "plusieurs tués et blessés parmi des civils et des soldats" dans les frappes.

"L'ennemi israélien a lancé une attaque aérienne contre différents sites à Athriya, au sud-est d'Alep", a affirmé cette source.

Les frappes ont également visé des usines qui relèvent du ministère syrien de la Défense à Safira près d'Alep mais sont actuellement sous le contrôle de groupes pro-iraniens, selon l'OSDH.

Contactée par l'AFP depuis Jérusalem, l'armée israélienne a répondu "ne pas commenter" ces informations de presse.

L'armée israélienne a mené des centaines de frappes aériennes en Syrie depuis le début de la guerre dans ce pays voisin, ciblant en particulier les groupes pro-iraniens.

Elle a intensifié ses frappes depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023 entre Israël et le Hamas palestinien.

Parallèlement, Israël et le Hezbollah se livrent à des échanges de tirs quotidiens le long de la frontière israélo-libanaise depuis le début de la guerre à Gaza.

Deux morts près de Damas 

La guerre en Syrie a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et morcelé le pays.

Le conflit a débuté en 2011 par un soulèvement contre le président Bachar el-Assad. Il s'est rapidement transformé en guerre civile après que le régime, soutenu par l'Iran, a lancé une répression féroce contre les dissidents.

Le Hezbollah libanais a envoyé des combattants en Syrie pour soutenir son allié et protéger ses lignes d’approvisionnement avec l'Iran, et a continué à opérer dans le pays depuis lors.

L'Iran nie avoir envoyé des troupes combattre aux côtés du régime de Bachar al-Assad, affirmant que sa présence s'y limite à celle de conseillers militaires.

Une frappe aérienne avait déjà visé jeudi un immeuble résidentiel dans la banlieue de Damas, faisant deux tués civils, selon l'agence de presse officielle syrienne Sana, qui a imputé l'attaque à Israël.

La zone ciblée, Sayyida Zeinab, est considérée comme un bastion des groupes pro-iraniens en Syrie.

Le 19 mars, des raids israéliens avaient déjà visé des dépôts d'armes du Hezbollah dans les environs de Damas.

L'armée israélienne avait annoncé en mars avoir atteint "environ 4.500 cibles du Hezbollah" au Liban et en Syrie, dont "plus de 1.200" par des frappes aériennes, depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza.


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com