Pourquoi les abonnements pour éviter le pistage publicitaire se multiplient sur internet

Les deux géants du web Google et Facebook ne faisaient rien payer, mais enregistraient discrètement un maximum de données personnelles lors de chaque visite, de façon à dresser un profil précis de leurs visiteurs. (AFP)
Les deux géants du web Google et Facebook ne faisaient rien payer, mais enregistraient discrètement un maximum de données personnelles lors de chaque visite, de façon à dresser un profil précis de leurs visiteurs. (AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 01 décembre 2023

Pourquoi les abonnements pour éviter le pistage publicitaire se multiplient sur internet

  • La publicité comportementale est vendue bien plus chère aux annonceurs que la publicité non ciblée, dans des proportions variables selon les plateformes et les types de profils
  • Pour le président de Meta, «la possibilité pour les gens d'acheter un abonnement sans publicité équilibre les exigences des régulateurs européens tout en donnant le choix aux utilisateurs»

PARIS:Les abonnements payants ou "paywalls" pour éviter d'être ciblé par la publicité se multiplient sur les médias et les réseaux sociaux, et sont au cœur d'une bataille juridique.

A quoi doit-on l'essor des «paywalls» ?

Longtemps, les éditeurs de contenu gratuit sur internet se sont rémunérés grâce à la publicité ciblée.

Les deux géants du web Google et Facebook, qui en ont fait leur modèle économique mais également des sites de médias et une multitude de services en ligne, ne faisaient rien payer, mais enregistraient discrètement un maximum de données personnelles lors de chaque visite, de façon à dresser un profil précis de leurs visiteurs.

Ces profils étaient ensuite vendus aux enchères à des marques, permettant à celles-ci d'afficher des publicités orientées sur les centres d'intérêts des consommateurs.

La publicité comportementale est vendue bien plus chère aux annonceurs que la publicité non ciblée, dans des proportions variables selon les plateformes et les types de profils.

En 2018, l'entrée en vigueur du RGPD dans l'Union européenne (UE) est venue bousculer cette économie en plein essor, en instaurant l'obligation de recueillir au préalable le consentement libre de l'utilisateur (hors disposition contractuelle ou "intérêt légitime").

Cinq ans plus tard, les bandeaux "cookies" sont devenus la norme et permettent de refuser, moyennant quelques clics, le pistage publicitaire. Des études montrent que lorsqu'ils sont interrogés, les internautes préfèrent largement refuser de partager leurs données.

Mais pour Meta, maison-mère de Facebook et Instagram, pour de nombreux journaux déjà affectés par la baisse des revenus publicitaires sur le papier, et pour de nouvelles applications comme TikTok, il y a trop à perdre à laisser les internautes refuser gratuitement la publicité ciblée. D'où l'idée d'un abonnement payant.

Qui les utilise ?

Meta, qui propose depuis novembre son abonnement sur Facebook et Instagram, est la première grande plateforme sociale à avoir choisi cette formule. Le groupe est aujourd'hui visé par plusieurs plaintes en Autriche, à Bruxelles et fait l'objet d'un signalement en France à la DGCCRF.

X ou YouTube (Google) adoptent des approches différentes en offrant des fonctionnalités payantes supplémentaires ou en permettant de refuser gratuitement le ciblage. Tiktok n'a encore confirmé que le test d'un abonnement en Europe.

"Si Meta s'en sort, ses concurrents ne tarderont pas à lui emboîter le pas", craint le juriste autrichien Max Schrems, surnommé "la bête noire des Gafa".

Selon une étude parue le 26 novembre, 431 sites utilisent un "paywall". 27% sont des médias, qui avaient largement pris les devants, mais la pratique se généralise. 317 sites sont en Allemagne, où les internautes peuvent acquérir un "contentpass" à 3 euros/ mois pour l'ensemble des sites, 42 en France, 27 en Italie et 22 en Autriche.

Pour Nicolas Rieul, président de l'IAB France qui regroupe les acteurs de la publicité numérique, la proposition d'un abonnement "est une bonne chose car cela valorise la publicité, qui permet de rémunérer les producteurs de contenus et les services en ligne", a-t-il déclaré jeudi à l'AFP lors du Forum de l'Alliance Digitale à Paris.

Le système toutefois "ne s'applique pas à tout le monde", notamment dans le secteur du commerce en ligne où les boutiques ont tout intérêt à ne pas empêcher leur libre consultation.

Est-ce une pratique légale ?

Interrogé jeudi par l'AFP, le président de Meta en France et en Europe du Sud, Laurent Solly, n'a pas souhaité commenter les plaintes contre le niveau jugé excessif de l'abonnement sur sa plateforme (à partir de 9,99 euros par mois).

"La possibilité pour les gens d'acheter un abonnement sans publicité équilibre les exigences des régulateurs européens tout en donnant le choix aux utilisateurs", avait fait valoir le géant des réseaux sociaux fin octobre.

Faute d'harmonisation au niveau européen, la position sur les "cookies walls" varie selon les Etats membres, entre interdiction en Belgique et autorisation sous strictes conditions (Allemagne, Italie).

En France, la Cnil, qui souhaitait initialement interdire les "cookies walls", avait dû adopter une position plus nuancée notamment pour les médias à la suite d'une décision du Conseil d'Etat en 2020. "Il n'appartient pas aux autorités de protection des données de fixer le prix d’un service, elles peuvent en revanche en contrôler la pertinence lorsque que ce prix est l'alternative au ciblage publicitaire", indique-t-elle à l'AFP.

L'autorité irlandaise, chargée de réguler Meta pour le compte de l'UE, a pour sa part indiqué que l'abonnement litigieux était "en cours d'évaluation".


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Short Url
  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Short Url
  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
Short Url
  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".