La Centrafrique vote pour un président et des députés sous la menace rebelle

Crépuscule sur la ville de Bangui à l’avant-veille des élections législatives et présidentielles (Photo, AFP).
Crépuscule sur la ville de Bangui à l’avant-veille des élections législatives et présidentielles (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 27 décembre 2020

La Centrafrique vote pour un président et des députés sous la menace rebelle

  • Les groupes armés, qui contrôlaient déjà deux tiers du territoire et ont juré il y a neuf jours de « marcher sur Bangui » pour empêcher le scrutin, sont, pour l'heure, tenus à distance de la capitale
  • La capitale est calme mais de très nombreux Casques bleus et soldats centrafricains et rwandais patrouillent dans tous les quartiers et ont installé des blindés

BANGUI: Les Centrafricains votent dimanche pour élire un président et des députés mais une grande partie en seront empêchés dans un pays toujours en guerre civile et sous la menace d'une nouvelle offensive rebelle contre le régime du sortant et favori, Faustin Archange Touadéra.

Les groupes armés, qui contrôlaient déjà deux tiers du territoire et ont juré il y a neuf jours de « marcher sur Bangui » pour empêcher le scrutin, sont, pour l'heure, tenus à distance de la capitale de ce pays parmi les plus pauvres du monde. Grâce au renfort de centaines de paramilitaires russes, soldats rwandais et Casques bleus de la force de maintien de la paix de la Mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca).

Nombre de bureaux à Bangui ont ouvert avec 50 minutes de retard, le matériel de vote n'étant pas arrivé à temps. 

La capitale est calme mais de très nombreux Casques bleus et soldats centrafricains et rwandais patrouillent dans tous les quartiers et ont installé des blindés blancs de la Minusca surmontés de mitrailleuses devant les lieux de vote. Comme au lycée Boganda, dans l'est de Bangui, qui abrite cinq bureaux. Une trentaine d'électeurs patientaient devant l'établissement à l'ouverture.

« C'est très important pour moi d'être là en tant que citoyenne. Je pense que ce vote va changer notre pays, quel que soit le président », s'enthousiasme Hortense Reine, une enseignante.

La question de la légitimité des futurs élus --le président et 140 députés-- est déjà posée quand une partie importante de la population ne pourra pas voter, ou le faire librement et sereinement, en dehors de Bangui, selon les experts et l'opposition.

La tenue de ces élections présidentielle et législatives est donc un enjeu majeur pour le pays mais aussi la communauté internationale, qui tente de l'aider à se reconstruire et d'y maintenir une sécurité toute relative depuis 2014. 

« Calfeutré chez moi »

A Bangui, le calme règne ces derniers jours mais la peur suinte dans certains quartiers. « Je pense que beaucoup de gens n'iront pas voter et moi-même j'hésite encore », lâchait samedi soir Bertrand, un commerçant.

A l'intérieur du pays, loin de la capitale encore, des combats sporadiques ont toujours lieu, compromettant la tenue du scrutin dans les provinces. 

« Tout le monde est en train de fuir en ce moment, je suis calfeutré chez moi », témoignait samedi soir Robert, de Boali, à 80 km au nord de Bangui. « Comment voter quand nous n’avons même pas nos cartes d’électeurs ? », se lamentait-il au téléphone, la voix entrecoupée par des détonations pas si lointaines.

« Les élections vont mal se passer et la population se retrouve prise en otage de la situation actuelle, » estime Roland Marchal, du Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po à Paris.

Pour Thierry Vircoulon, de l'Institut français des relations internationales (Ifri), « les rebelles peuvent largement tenir plusieurs préfectures, ils n'ont pas besoin d'aller jusqu'à Bangui pour perturber les élections ».

Mais ces combattants, habitués en 2013 et 2014 à attaquer des civils abandonnés par une armée alors en déroute, font aujourd'hui face à une sérieuse opposition. En plus des habituels 11 500 Casques bleus, renforcés jeudi par 300 soldats rwandais, Moscou et Kigali ont volé il y a quelques jours au secours du pouvoir de Touadéra, qui accuse l'ancien président François Bozizé de mener une « tentative de coup d’Etat » à la tête de ces rebelles, ce qu'il dément.

Opposition dispersée

La Russie, soutenant ouvertement depuis 2018 le gouvernement Touadéra, a envoyé 300 « instructeurs militaires » --en fait des paramilitaires de société privées russes de sécurité-- en renfort de centaines de leurs pairs déployés depuis plus de deux ans. Et le Rwanda a dépêché des soldats d'élite hors Minusca, « des centaines » selon Bangui.

L'opposition s'avance en ordre dispersé, avec pas moins de 15 candidats, face à un Touadéra qui a, selon les experts et les diplomates, toutes les chances d'obtenir un second mandat.

Mais l'opposition accuse aussi le camp du chef de l'Etat de préparer des fraudes massives pour l'emporter dès le premier tour.

Des milliers de personnes ont été tuées et plus d'un quart des 4,9 millions de Centrafricains ont fui leur domicile depuis le début de la guerre civile, en 2013, quand une coalition à dominante musulmane, la Séléka, a renversé François Bozizé.

Les affrontements entre Séléka et milices chrétiennes et animistes anti-balaka ont ensuite fait rage, les deux camps étant accusés par l'ONU de crimes de guerre et contre l'humanité.

Depuis 2018, la guerre avait considérablement baissé d'intensité, les groupes armés se disputant le contrôle des ressources tout en perpétrant sporadiquement attaques et exactions contre les civils.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.