La reprise du leadership mondial

Un marchand de rue devant une peinture murale représentant un guerrier de première ligne du coronavirus Covid-19, à New Delhi le 27 décembre 2020. (Sajjad HUSSAIN / AFP)
Un marchand de rue devant une peinture murale représentant un guerrier de première ligne du coronavirus Covid-19, à New Delhi le 27 décembre 2020. (Sajjad HUSSAIN / AFP)
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Publié le Lundi 28 décembre 2020

La reprise du leadership mondial

La reprise du leadership mondial
  • L’efficacité des politiques a largement varié dans chaque pays, reflétant les différences dans l’autorité politique, la capacité institutionnelle et les processus de prise de décision
  • Sans un renforcement de l’assistance, les personnes proches du seuil de pauvreté et d’autres groupes vulnérables pourraient facilement s’enfoncer davantage

En 2020, le monde a connu une crise mondiale jamais vue depuis des générations. La pandémie de coronavirus (Covid-19) est indiscriminée, d’une ampleur sans précédent, et a exposé des faiblesses répandues dans les systèmes de santé, les mesures d’urgence et la coordination multilatérale. Bien que le coronavirus soit principalement une question sanitaire, il n’en demeure pas moins une crise multidimensionnelle.

En raison de la complexité des conséquences de la pandémie, les responsables politiques à tous les niveaux ont été confrontés à des défis sans précédent. Les gouvernements devaient trouver un équilibre entre protéger les vies et les moyens de subsistance, et maintenir une manœuvre budgétaire et éviter d’alourdir le fardeau de la dette. Lors de cette situation extraordinaire, les compromis entre rapidité, précision et efficacité dans l’élaboration de politiques sont devenus très apparents.

Bien que la plupart des gouvernements nationaux aient répondu à la crise de manière plus ou moins similaire, l’efficacité des politiques a largement varié dans chaque pays, reflétant les différences dans l’autorité politique, la capacité institutionnelle et les processus de prise de décision, entre autres. Les systèmes de santé robustes et inclusifs, les mesures d’urgence et les filets de sécurité sociale ont tous joué un rôle primordial. À l’avenir, ces systèmes-là, ainsi qu’une politique macro-économique judicieuse et une marge de manœuvre budgétaire, permettront aux pays de répondre plus rapidement et efficacement aux mêmes chocs.

De tels chocs peuvent être violents et, pire, synchrones. De janvier à avril de cette année, l’économie mondiale est passée de l’optimisme général au pire ralentissement depuis la Grande Dépression. La Banque mondiale estime que pas moins de 100 millions de personnes tomberont dans l’extrême pauvreté, balayant des décennies de progrès.

Dans les pays développés, le fardeau de la Covid-19 et les mesures de confinement qui en ont découlé ont le plus affecté les travailleurs et les ménages qui n’ont pas accès aux filets de sécurité sociale adéquats. Sans un renforcement de l’assistance, les personnes proches du seuil de pauvreté et d’autres groupes vulnérables pourraient facilement s’enfoncer davantage. Mais l’efficacité et la vitesse de la réponse d’un gouvernement dépend principalement de la disponibilité et de la fiabilité des données. Les pays qui possèdent déjà des informations détaillées et facilement accessibles sur les bénéficiaires potentiels peuvent ajuster leurs programmes très rapidement pour cibler les populations à risque. Pour ceux qui ne possèdent pas de bases de données unifiées, cependant, le développement des données en plein milieu d’une pandémie pose des défis importants.

Pour sa part, l’Indonésie, comme la majorité des pays,  a répondu à la pandémie en renforçant son infrastructure de santé publique, en développant les systèmes de protection sociale et en soutenant les petites entreprises. Grâce à une base de données unifiée des ménages déjà disponible pour les 40% les plus pauvres de la population, nous avons été en mesure d’élargir rapidement l’admissibilité aux prestations, dans le but de couvrir les 60% des ménages les plus pauvres.

Alors que les petites entreprises et le secteur informel étaient relativement protégés des crises économiques précédentes, ils sont désormais parmi les plus vulnérables aux mesures de confinement liées à la pandémie. Comme dans de nombreux pays, l’Indonésie a donc renforcé les politiques de soutien aux petites entreprises, notamment par des taux d’intérêt subventionnés, une restructuration de la dette et des prêts de fonds de roulement associés à des garanties de crédit.

En ce qui concerne 2021, il est déjà clair que la forme et la vitesse d’une reprise mondiale dépendront de plusieurs facteurs connexes. Mais le plus important est le leadership mondial. La communauté internationale doit s’entendre sur une plate-forme commune pour entraîner une reprise qui soit cohérente avec les objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU à l'horizon 2030.

Pourtant, alors que les dirigeants du G20 se sont réunis au lendemain de la crise financière de 2008 pour sauver l’économie mondiale d’un effondrement plus profond, nous sommes maintenant confrontés à un manque sans précédent de leadership mondial. Les États-Unis et la Chine sont engagés dans un conflit sur le commerce, la technologie 5G et d’autres problèmes géopolitiques, et les systèmes et processus multilatéraux ont été mis sur la touche au nom de la souveraineté nationale.

En l’absence de leadership mondial, chaque pays doit se concentrer sur ce qu’il peut faire au niveau national pour éviter le scénario d’une pandémie prolongée tout en maintenant les progrès vers les ODD. Par exemple, les programmes et politiques de protection sociale de l’Indonésie en faveur des petites entreprises prévoient des exclusions spéciales pour les femmes bénéficiaires. Cette approche améliore non seulement l’inclusion financière des femmes, mais fait également avancer d’autres objectifs de développement, car les femmes ont tendance à allouer plus de ressources aux enfants.

Les responsables politiques doivent également tenir compte de l’impact de la pandémie sur la manière dont les personnes travaillent et interagissent, et avec une dépendance nettement plus élevée aux technologies numériques et à l’infrastructure Internet. La perturbation de la Covid-19 représente donc une opportunité de transformer l’économie grâce à des modalités de travail plus efficientes, plus efficaces et plus flexibles et à une empreinte carbone réduite. Les investissements dans la technologie et les infrastructures numériques sont à la fois précieux en eux-mêmes et constituent de puissants catalyseurs de la reprise économique.

De plus, avec la réduction de la capacité budgétaire partout dans le monde, les réformes visant à améliorer la qualité des dépenses publiques sont devenues de plus en plus importantes. Une conception transparente des politiques, des données précises et des institutions efficaces sont toutes essentielles pour garantir que toutes les ressources publiques sont consacrées à ce qui compte vraiment pour le développement.

Mais, même si les gouvernements se concentrent sur les défis nationaux à court terme, la coopération mondiale sera en fin de compte essentielle pour assurer une reprise durable et inclusive. Une collaboration internationale concertée est nécessaire pour gérer le tsunami de la dette à venir déclenché par la pandémie. De nombreux pays étaient déjà aux prises avec un fardeau de la dette insoutenable avant la crise et il faudra une coopération mondiale pour éviter des dégradations radicales du crédit et une vague de crises de la dette souveraine dans les mois à venir.

En outre, vu que la pandémie ne sera pas vaincue jusqu’à ce que le virus soit éradiqué dans tous les pays, une coopération mondiale sera nécessaire afin d’assurer l’accès universel aux vaccins. Sans la vaccination universelle, la Covid-19 creusera davantage le fossé entre riches et pauvres, ce qui exacerbera l’instabilité politique et sociale à l’intérieur des pays et entre eux.

Jusqu’à présent, le monde a pu éviter le pire scénario possible puisqu’il a tiré des leçons de la crise de 2008. Mais nous n’avons pas encore réussi le test de la pandémie. La crise de 2020 nous a montré que nous avons besoin d’encore plus de coopération mondiale pour faire face aux défis les plus difficiles de ce siècle.

La reprise mondiale est désormais en jeu. Nous devons réformer et relancer le système multilatéral et résister à ceux qui jetteraient le bébé avec l’eau du bain. L’économie mondiale est un bateau qui porte le sort de 8 milliards de personnes. Sa reprise est dans l’intérêt de toutes les entreprises, de tous les gouvernements nationaux et de toutes les instances multilatérales.

Sri Mulyani Indrawati est la ministre des Finances de l’Indonésie.

www.project-syndicate.org 

Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement les points de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com