Les Egyptiens aux urnes pour une présidentielle acquise au sortant Sissi

Un automobiliste conduit une camionnette portant une pancarte électorale d'un détaillant privé soutenant le président égyptien sortant et candidat indépendant à la présidentielle Abdel Fattah al-Sisi le long du rond-point principal de la place Tahrir, au centre du Caire, le 1er décembre 2023 (Photo, AFP).
Un automobiliste conduit une camionnette portant une pancarte électorale d'un détaillant privé soutenant le président égyptien sortant et candidat indépendant à la présidentielle Abdel Fattah al-Sisi le long du rond-point principal de la place Tahrir, au centre du Caire, le 1er décembre 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 10 décembre 2023

Les Egyptiens aux urnes pour une présidentielle acquise au sortant Sissi

  • Quelque 67 millions d'électeurs sont appelés à voter dimanche, lundi et mardi de 09H00 (07H00 GMT) à 21H00 (19H00 GMT) avant les résultats officiels le 18 décembre
  • Malgré les difficultés de l'Egypte, aucune opposition sérieuse ne semble pouvoir exister sous le règne de M. Sissi, cinquième président issu des rangs de l'armée depuis 1962, qui dirige le pays d'une main de fer

LE CAIRE: Les Egyptiens votent dimanche pour une présidentielle largement éclipsée par la guerre dans la bande de Gaza voisine et à l'issue de laquelle le président sortant, Abdel Fattah al-Sissi, semble assuré de remporter un troisième mandat.

Dans le pays de 106 millions d'habitants confronté à la plus grave crise économique de son histoire, le pouvoir d'achat est la priorité, deux tiers de la population vivant en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté.

Quelque 67 millions d'électeurs sont appelés à voter dimanche, lundi et mardi de 09H00 (07H00 GMT) à 21H00 (19H00 GMT) avant les résultats officiels le 18 décembre.

Dimanche à l'ouverture, des dizaines d'électeurs de tous âges, en majorité des femmes, se pressaient devant l'école Abdeen, dans le centre historique du Caire, au milieu d'un important dispositif de sécurité, a constaté un journaliste de l'AFP.

A 14h30 GMT, "5 millions" d'Egyptiens avaient déjà voté, d'après la commission électorale.

Des affiches proclamant "Sortez et participez" s'étalent devant le bureau de vote où un DJ diffuse des chants nationalistes.

Hormis le président sortant, trois candidats globalement inconnus du grand public sont en lice: Farid Zahran, à la tête du Parti égyptien démocratique et social (gauche), Abdel-Sanad Yamama, du Wafd, parti centenaire mais désormais marginal, et Hazem Omar, du Parti populaire républicain.

Malgré les difficultés de l'Egypte, aucune opposition sérieuse ne semble pouvoir exister sous le règne de M. Sissi, cinquième président issu des rangs de l'armée depuis 1962, qui dirige le pays d'une main de fer.

Des milliers d'opposants ont été emprisonnés, et si le comité des grâces présidentielles en a libéré un millier en un an, "trois fois plus de personnes" ont été arrêtées au cours de la même période, selon des ONG.

- "Atmosphère étouffante" -

Loin de passionner les foules, la campagne présidentielle s'est déroulée en novembre dans l'ombre de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien, qui accapare l'attention des médias et de l'opinion publique.

Les talk-shows, proches des services de renseignement et fervents partisans du président Sissi, tentent désormais de lier les deux.

"Il y a deux millions (de Gazaouis) qui veulent rentrer chez nous (...), on ne peut pas rester assis à regarder, on va sortir et dire +non au transfert+" des Palestiniens, plaide ainsi le présentateur Ahmad Moussa, reprenant mot pour mot un discours de M. Sissi au début de la guerre.

Deux figures de l'opposition ont un temps essayé de se présenter mais ont rapidement été écartées. Aujourd'hui, l'un d'eux est en prison et l'autre en attente de son procès.

Le journaliste et militant Khaled Dawood dénonce "une atmosphère étouffante de suppression des libertés, un contrôle total des médias, et des services de sécurité qui empêchent l'opposition d'agir dans la rue".

"Nous ne nous faisons aucune illusion: le scrutin ne sera (...) ni crédible ni équitable", écrit-il sur Facebook. Mais il votera pour M. Zahran, afin d'"envoyer un message clair au régime": "nous voulons un changement", car "après dix ans, les conditions de vie des Egyptiens se sont détériorées et nous risquons la faillite à cause de (sa) politique".

- Douloureuses réformes -

Aux présidentielles de 2014 et 2018, l'ex-maréchal Sissi, arrivé au pouvoir en 2013 en renversant l'islamiste Mohamed Morsi, l'avait emporté avec plus de 96% des suffrages.

Il a depuis allongé la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans et fait modifier la Constitution pour repousser la limite de deux à trois mandats présidentiels consécutifs.

Dans ce contexte, les regards se tourneront vers la participation. A la dernière présidentielle, elle avait atteint 41,5%, soit six points de moins qu'au scrutin précédent.

Nombre d'Egyptiens qui soutiennent M. Sissi estiment qu'il est l'artisan du retour au calme dans le pays après le chaos ayant suivi la "révolution" de 2011 et la chute de Hosni Moubarak après 30 ans de règne.

Dès le début de son premier mandat en 2014, M. Sissi avait promis de ramener la stabilité, y compris économique.

Un ambitieux mais douloureux programme de réformes, avec dévaluations et diminution des subventions d'Etat, a été entrepris depuis 2016.

Des mesures qui ont entraîné une flambée des prix, nourri le mécontentement de la population et vu la base populaire et même les soutiens étrangers de M. Sissi s'étioler au fil des années.

Sa gestion économique a vu la dette multipliée par trois, et les méga-projets souvent attribués à l'armée n'ont pas produit jusqu'ici les rendements promis.

Mais, note le chercheur Yezid Sayigh, "M. Sissi ne peut pas imposer de changement à l'armée, car cela pourrait lui coûter sa présidence".


Nouveaux bombardements israéliens au Liban malgré des discussions «positives»

Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
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  • Le président libanais Joseph Aoun, saluant les réactions "positives" à la réunion de mercredi, a annoncé que les discussions reprendraient le 19 décembre afin d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban
  • "Il n'y a pas d'autre option que la négociation", a-t-il ajouté

JBAA: Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays.

L'armée israélienne, qui a multiplié ses frappes ces dernières semaines, a encore frappé jeudi le sud du Liban après avoir appelé des habitants de plusieurs villages à évacuer.

Les bombardements ont touché quatre localités, où des photographes de l'AFP ont vu de la fumée et des maisons en ruines.

Dans le village de Jbaa, Yassir Madir, responsable local, a assuré qu'il n'y avait "que des civils" dans la zone. "Quant aux dégâts, il n'y a plus une fenêtre à 300 mètres à la ronde. Tout le monde est sous le choc", a-t-il ajouté. 


« La Syrie n’est pas condamnée » : les leçons d’un an de transition, selon Hakim Khaldi

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  • Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
  • Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide

PARIS: La Syrie post-Assad, carnets de bord, de Hakim Khaldi, humanitaire chez Médecins sans frontières, publié chez L’Harmattan, n’est pas seulement un récit de témoins, mais une immersion dans la réalité d’un pays brisé mais pas vaincu, où la chute d’un pouvoir omnipotent n’a pas suffi à étouffer l’exigence de dignité.
Ce qu’il raconte, c’est l’envers des discours diplomatiques, la géographie vécue d’une société projetée brutalement hors d’un demi-siècle d’autoritarisme dans un vide politique, économique et moral.

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel.

Dans ses carnets, comme dans ses réponses à Arab News en français, revient une même conviction : la chute d’un régime ne signifie pas la naissance immédiate d’un pays. La Syrie, aujourd’hui, est entre les deux, « en état de transformation ».

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel : « On ne savait pas si c’était la fin d’une époque ou le début d’une autre tragédie », confie-t-il.
Dans les villes « libérées », les scènes oscillent entre euphorie et sidération ; la population découvre, sans y croire encore, la possibilité de parler librement, de respirer autrement.

Il raconte ces familles qui, pendant quarante ans, n’avaient jamais osé prononcer le mot « moukhabarat » (services secrets en arabe), ne serait-ce qu’à voix basse chez elles.
Et brusquement, les voilà qui se mettent à raconter : les disparitions, les tortures, les humiliations, et la peur devenue routine.
Des parents ressortent des photos d’adolescents morts sous la torture, des certificats de décès maquillés, des lettres écrites depuis la prison mais jamais envoyées.

Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
Ce qui l’a le plus frappé, c’est « ce sentiment presque physique d’un poids qui tombe. C’est ce que j’ai le plus entendu », affirme-t-il.

Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide. En quelques jours, l’État s’est évaporé : plus de police, plus d’électricité, plus d’école, plus de justice.
Les anciens bourreaux disparaissent dans la nature, mais les réseaux de corruption se reconstituent, et les premières milices locales émergent, prêtes à occuper le terrain déserté par les institutions.

Pourtant, au fil de ses déplacements, Khaldi est frappé par la force de résilience et d’auto-organisation de la population : « Les Syriens n’ont jamais cessé d’exister comme société, même quand l’État les avait réduits au silence », assure-t-il.
Dans les villages, des comités improvisés se forment et organisent la distribution alimentaire, la remise en marche d’une station d’eau, la sécurité ou la scolarisation d’urgence.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides.

Cette responsabilité populaire est, pour Khaldi, l’un des rares points lumineux du paysage syrien, la preuve qu’une société peut exister en dehors de l’appareil répressif qui prétendait être l’État.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides, de milices rivales, de zones d’influence et d’ingérences étrangères. « Une mosaïque qui ne ressemble plus au pays d’avant », estime Khaldi.
Le territoire est éclaté entre forces locales, groupes armés (notamment les milices druzes à Soueida, au nord-est du pays), gouvernances provisoires ou structures étrangères. Les routes sont coupées, les administrations doublées ou contradictoires.

Avec des infrastructures détruites, une monnaie en chute libre et un secteur productif quasi paralysé, la survie quotidienne est devenue un exercice d’équilibriste.
Les Syriens ne nourrissent plus d’illusions sur l’arrivée immédiate d’un modèle démocratique idéal : il s’agit d’abord de survivre, de reconstruire, de retrouver un minimum de continuité.

Le traumatisme est profond, à cause des disparitions massives, de l’exil et des destructions psychologiques. Pourtant, affirme Khaldi, « jamais je n’ai entendu un Syrien regretter que la dictature soit tombée ».

De ses observations et des témoignages qu’il a collectés en arpentant le pays, Khaldi tire les priorités pour éviter que la Syrie ne devienne ni un conflit gelé ni un espace livré aux milices.
De son point de vue, la reconstruction politique ne peut se réduire à remplacer un gouvernement par un autre : il faut rebâtir les fondations, à savoir une justice indépendante, une police professionnelle et des administrations locales.

Des dizaines de groupes armés contrôlent aujourd’hui une partie du territoire, et une transition politique sérieuse est impensable sans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, soutenu par une autorité légitime et par un cadre international solide.
Au-delà des aides internationales, la Syrie a besoin d’un cadre empêchant la capture des fonds par les anciens réseaux de corruption ou les factions armées.
Elle doit donner la priorité à la relance de l’agriculture, au rétablissement de l’électricité, des réseaux routiers et des petites industries, les seules capables à court terme de soutenir la vie quotidienne.

Le pays porte une blessure immense : celle des prisons secrètes, des fosses communes, des disparitions et des exactions documentées. « Sans justice, il n’y aura pas de paix durable », affirme Khaldi.
Il ne s’agit ni de vengeance ni de tribunaux-spectacle, mais de vérité et de reconnaissance, conditions indispensables à une réconciliation nationale.

De cet entretien se dégage une idée forte : malgré la faim, la peur, les ruines, malgré la fragmentation politique et l’ingérence étrangère, les Syriens n’ont pas renoncé à eux-mêmes.
Ils ouvrent des écoles improvisées, réparent des routes avec des moyens dérisoires, organisent l’entraide, résistent au chaos. « La Syrie n’est plus la Syrie d’avant, mais elle n’est pas condamnée pour autant », affirme Khaldi.
Son témoignage rappelle qu’un pays ne meurt pas quand un régime tombe ; il meurt lorsque plus personne ne croit possible de le reconstruire. Et les Syriens, eux, y croient encore.


Liban: Israël annonce des frappes dans le sud, appelle à des évacuations

L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
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  • Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région"
  • Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région.

Cette annonce survient au lendemain d'une rencontre entre responsables civils libanais et israélien, lors d'une réunion de l'organisme de surveillance du cessez-le-feu entré en vigueur il y a un an, présentée comme de premières discussions directes depuis plus de 40 ans entre les deux pays toujours techniquement en état de guerre.

Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région", a annoncé le colonel Avichay Adraee, porte-parole de l'armée israélienne pour le public arabophone.

Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter.

Accusant le Hezbollah de se réarmer dans le sud du pays et de violer ainsi les termes de la trêve entrée en vigueur fin novembre 2024, l'armée israélienne a multiplié depuis plusieurs semaines les frappes aériennes dans le sud du Liban mais a marqué une pause dans ses attaques pendant la visite du pape Léon XIV cette semaine.

Israël a même frappé jusque dans la banlieue de Beyrouth le 23 novembre pour y éliminer le chef militaire du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai.

Le Liban dénonce ces attaques comme des violations patentes du cessez-le-feu.

Mais Israël, qui peut compter sur l'aval tacite des Etats-Unis pour ces frappes, affirme qu'il ne fait qu'appliquer la trêve en empêchant le Hezbollah, allié de la République islamique d'Iran, ennemie d'Israël, "de se reconstruire et de se réarmer".

Tout en déclarant que les discussions directes de mercredi avec le Liban s'étaient déroulées dans "une atmosphère positive", le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a rappelé mercredi soir que le désarmement du Hezbollah restait une exigence "incontournable" pour son pays.