A Moscou, la disparition des «dernières adresses» des victimes de Staline

Cette photographie prise le 9 novembre 2023 montre Oksana Motievskaya, coordinatrice de la Fondation "Last Address", déposant des fleurs sous des plaques métalliques, dévoilées dans le cadre du projet appelé "Last Address" en hommage aux victimes des exécutions ordonnées par Joseph Staline à la fin des années 1930 pour marquer leur ancien domicile, fixées sur un mur d'un immeuble résidentiel à Moscou. (Photo Natalia Kolesnikova AFP)
Cette photographie prise le 9 novembre 2023 montre Oksana Motievskaya, coordinatrice de la Fondation "Last Address", déposant des fleurs sous des plaques métalliques, dévoilées dans le cadre du projet appelé "Last Address" en hommage aux victimes des exécutions ordonnées par Joseph Staline à la fin des années 1930 pour marquer leur ancien domicile, fixées sur un mur d'un immeuble résidentiel à Moscou. (Photo Natalia Kolesnikova AFP)
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Publié le Dimanche 10 décembre 2023

A Moscou, la disparition des «dernières adresses» des victimes de Staline

  • Depuis environ deux ans, le vandalisme frappe les immeubles de Moscou affichant sur leurs façades, avec l'autorisation des habitants, les identités de victimes du stalinisme y ayant habité
  • Difficile de ne pas constater que ce phénomène et l'impunité des auteurs interviennent en pleine répression accrue des détracteurs du Kremlin, en particulier ceux, célèbres ou anonymes, qui dénoncent la campagne militaire en Ukraine

MOSCOU : Armé de ruban adhésif et de ciseaux, Alexeï Orlov accroche un rectangle en carton à l'entrée de la «Maison des écrivains» de Moscou. Ici, comme ailleurs dans la capitale russe, il remplace des plaques, dédiées aux victimes du stalinisme, qui ont été arrachées.

«Ici vivait Stanislaw Ryszard Stande, poète polonais né en 1897, arrêté en 1937, exécuté le 1.11.1937, réhabilité en 1955», peut-on lire sur le bristol désormais à la place de la lamelle métallique qui rendait hommage à l'un des millions de morts des répressions.

Deux autres plaques, commémorant la mémoire d'écrivains soviétiques exécutés respectivement en 1938 et en 1952, ont également disparu. A Alexeï d'apposer, ici aussi, ses similis cartonnés.

«Les plaques sont arrachées sans qu'on ne sache ni pourquoi ni par qui», dit à l'AFP cet homme dynamique de 56 ans aux lunettes de professeur et «passionné d'Histoire».

Depuis environ deux ans, le vandalisme frappe les immeubles de Moscou affichant sur leurs façades, avec l'autorisation des habitants, les identités de victimes du stalinisme y ayant habité.

Selon le Fond «Dernière adresse», à l'origine de ce projet lancé en 2014, environ 200 des 1.300 écriteaux ont été arrachés ou profanés.

- Poigne de fer -

Alexeï Orlov raconte que parfois les mots «traître» ou «espion» sont tagués sur les murs à la place des plaques. Des termes rappelant à la fois les répressions staliniennes et le vocabulaire employé par la Russie de Vladimir Poutine pour dénigrer et condamner ses détracteurs.

«Qui pourrait être derrière ça? Des nostalgiques de la poigne de fer?», s'interroge Alexeï, accompagné de deux habitantes de la «Maison des écrivains» venues l'aider.

Difficile de ne pas constater que ce phénomène et l'impunité des auteurs interviennent en pleine répression accrue des détracteurs du Kremlin, en particulier ceux --célèbres ou anonymes-- qui dénoncent la campagne militaire en Ukraine.

Si le président russe condamne de temps à autre les excès du stalinisme, aujourd'hui la politique du Kremlin vise dans l'ensemble à les omettre.

Les millions de victimes des répressions politiques sont réduites à la portion congrue des manuels d'histoire, Staline y est avant tout le héros de la Deuxième guerre mondiale, et ceux dénonçant cette approche tombent dans le collimateur du Kremlin.

Ainsi, Mémorial, la grande ONG recensant à la fois les répressions soviétiques et celle du régime actuel, a été bannie fin 2021.

«On nous raconte de nouveau que l'URSS était le pays où l'on mangeait la meilleure glace au monde, et non pas celui où l'on faisait couler tant de sang», ironise auprès de l'AFP Vlad Sizov, un jeune scénariste rencontré par hasard devant un immeuble orné de plusieurs plaques honorant les victimes de l'Union soviétique.

Dans une rue voisine de la «Maison des écrivains», ce sont quatre plaques qui ont disparu, celles de deux ingénieurs, un fonctionnaire et un savant exécutés entre 1931 et 1939.

«L'Histoire se répète quand on l'oublie: aujourd'hui nombre de personnes sont poursuivies pour leurs idées politiques ou humanistes», estime auprès de l'AFP Nadejda Gorlova, une femme de lettres de 48 ans, qui habite à côté.

- Epoque révolue -

Oksana Motievskaïa, la coordinatrice du Fond «Dernière adresse», raconte que les premières plaques ont disparu fin 2021, juste après l'interdiction de l’organisation Mémorial, accusée d'être un «agent de l'étranger» et de créer «une image mensongère de l'URSS comme État terroriste».

«Le Kremlin ne nie pas les répressions staliniennes, mais il les minimise, les présentant comme une tragédie sans vrai coupable», estime la militante.

Pour elle, «l'Etat veut contrôler la mémoire collective en présentant Staline non pas comme un tyran, mais comme un dirigeant fort».

Dès lors, ce n'est pas le vandalisme que le pouvoir russe dénonce, mais l'existence des plaques.

«Il faut faire la différence entre les actions à la mémoire d'évènements tragiques de notre histoire et la politicaillerie. C'est pourquoi je considère que le projet +Dernière adresse+ n'est pas correct», critiquait en juillet le conseiller du Kremlin pour les droits de l'Homme, Valéri Fadeïev.

Selon Oksana Motievskaïa, ce sont parfois des résidents des immeubles eux-mêmes qui arrachent les plaques de leurs défunts prédécesseurs.

Une fois, raconte-t-elle, l'un de ces vandales l'a mise en garde: «Le temps de vos démarches libérales est terminé, votre époque est révolue».


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.