Loi immigration: Borne consulte tous azimuts pour sauver ce qui peut l'être

La Première ministre française Elisabeth Borne quitte après une réunion du cabinet à l'Elysée présidentiel à Paris, le 12 décembre 2023 (Photo de Ludovic MARIN / AFP).
La Première ministre française Elisabeth Borne quitte après une réunion du cabinet à l'Elysée présidentiel à Paris, le 12 décembre 2023 (Photo de Ludovic MARIN / AFP).
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Publié le Jeudi 14 décembre 2023

Loi immigration: Borne consulte tous azimuts pour sauver ce qui peut l'être

  • En cas de compromis sur un texte sur l'immigration, le vote des deux chambres du Parlement aurait lieu dès mardi
  • Comme la veille, la Première ministre a d'abord reçu les dirigeants des Républicains pour reprendre le fil des tractations

PARIS: Plus que quatre jours pour trouver un compromis: Elisabeth Borne a multiplié les réunions jeudi, avec la droite puis avec sa majorité, pour trouver un terrain d'entente sur le projet de loi immigration, quitte à lâcher du lest sur les régularisations de sans-papiers.

Le marathon se poursuit à Matignon. Comme la veille, la Première ministre a d'abord reçu les dirigeants des Républicains pour reprendre le fil des tractations. Mais ceux-ci, renforcés, campent sur leurs positions.

Après avoir rejeté le scénario d'une réforme réduite aux seules mesures répressives facilitant l'expulsion des délinquants étrangers, Eric Ciotti et ses troupes ont à nouveau "confirmé (leur) volonté de voir adopté le texte du Sénat", point de départ très droitier de la commission mixte paritaire (CMP) convoquée lundi à 17H00.

Un rendez-vous décisif où LR se présente "en ordre groupé", affirme la députée Annie Genevard, qui siègera parmi les 14 parlementaires de cette instance avec l'intention "d'aboutir mais pas à n'importe quel prix". A la rigueur quelques "bougés" mais "pas des abandons en rase campagne", prévient-elle.

Dans la foulée, Mme Borne s'est entretenue avec les cadres du camp macroniste, puis le patron du groupe centriste Liot Bertrand Pancher, avant de convoquer ses principaux ministres rue de Varenne pour un "point de suivi", puis d'aller à la rencontre de sa majorité relative à l'Assemblée en fin de journée.

Une frénésie de consultations destinée à ajuster les "lignes rouges" adoptées mercredi soir par les députés Renaissance, qui ont refusé toute concession sur l'aide médicale d'Etat, le droit du sol ou la rétention des mineurs de moins de seize ans.

En revanche, ils se sont résignés à des régularisations au cas par cas, à la discrétion des préfets, pour les travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, en espérant que cela se fera "sans passer obligatoirement par l'employeur", a indiqué leur chef de file Sylvain Maillard.

Immigration: Bruno Le Maire, le dépassement par la droite

En implorant la "mansuétude" de la droite, et en poussant la majorité à reconnaître sa "défaite" sur le projet de loi immigration, Bruno Le Maire poursuit une offensive lancée depuis des semaines pour peser sur la suite du quinquennat, voire au delà.

Les termes sont choisis. Mercredi soir, au Figaro, le ministre de l'Économie appelle la majorité macroniste à "reprendre la version du Sénat", concoctée par la majorité de droite et du centre de la Chambre haute, pour sortir par le haut de la crise parlementaire née de l'adoption par les oppositions à l'Assemblée d'une motion de rejet sur le projet de loi immigration.

Bruno Le Maire, lui-même issu des LR avant son ralliement à Emmanuel  Macron dès 2017, entrevoit l'issue mais "uniquement à deux conditions: si la majorité reconnaît qu'elle a subi une défaite et si les vainqueurs, les LR, font un preuve d'un peu de mansuétude".

"Quel est le seul moyen aujourd'hui pour qu'une telle loi passe ? C'est de reprendre la version du Sénat, en espérant que les LR comprennent qu'il faut bouger les lignes sur deux points sensibles pour notre majorité: l'AME (Aide médicale d'État, NDLR) et les conditions d'accès aux aides sociales", appuie Bruno Le Maire.

Une sortie dûment notée par Les Républicains, "tout à fait satisfaits par cette déclaration d'un membre éminent du gouvernement", a réagi la députée Annie Genevard auprès de l'AFP, prévenant néanmoins que LR n'avait pas l'intention d'"abandonner en rase campagne" ces propositions.

"Nous avons été surpris. (...) Il essaie d'incarner une ligne consensuelle et droitière, peut-être avec des arrière-pensées politiques, certainement Matignon", analyse une autre députée LR.

Les réactions sont plus contrastées au sein du groupe Renaissance dont l'unité va être mise à rude épreuve par ce compromis avec la droite ordonné par le président. "Ce n'est pas lui qui négocie. Ensuite, ce n'est pas la position du groupe, ni de la majorité", grince un député.

Un autre, issu de la droite, appuie la démarche: "la majorité est prête à céder pas mal de choses et le Sénat semble d'accord pour ne pas se cramponner à son texte purement et simplement", juge-t-il.

L'exécutif joue gros

Cet article sera maintenu "dans la mesure du possible", a même avancé Sacha Houlié, héraut de l'aile gauche de la macronie, obligé d'admettre que la majorité part "incontestablement" avec un handicap dans ces négociations "âpres" et "difficiles".

Le président de la commission des Lois de l'Assemblée, qui présidera à ce titre la CMP, a toutefois mis en garde les Républicains contre "une immodestie de se dire que +c'est leur texte ou rien+".

Mais le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, tient un tout autre discours. Malgré le camouflet de la motion de rejet lundi, il a jugé "évident qu'on doit se rapprocher du texte du Sénat". "Le seul adopté par les représentants du peuple français", a insisté un autre ex-LR, son homologue à l'Economie Bruno Le Maire.

Car c'est bien l'exécutif qui joue le plus gros. En cas d'échec, le projet de loi serait abandonné, Emmanuel Macron ne souhaitant pas passer en force par un 49.3, quand bien même le Conseil constitutionnel n'a pas fermé la porte à cette possibilité, dans une décision rendue jeudi soir. En attendant, sa Première ministre en a de nouveau fait usage - sur le budget 2024 - pour la 21e fois depuis son arrivée à Matignon.

En cas de compromis sur un texte sur l'immigration, le vote des deux chambres du Parlement aurait lieu dès mardi. Mais si le résultat penche trop à droite, une partie de l'aile gauche de Renaissance et des MoDem pourraient faire défaut lors du vote et déclencher une crise au sein de la macronie.

L'adoption du texte pourrait alors dépendre des députés Rassemblement national, qui ne sont pas associés aux négociations. Or, le parti d'extrême droite a déjà prévenu qu'il ne "pourra pas le voter" si les "mesures de régularisation" sont maintenues. Son unique représentant à la CMP a même reçu "mandat" de "faire sauter les mesures pro-immigration".

Marginalisée, la gauche ironise, à l'image du chef de file des députés socialistes Boris Vallaud dénonçant les compromissions d'une majorité qui "n'a plus de lignes rouges". Une évolution qui inquiète la directrice de l'association France Terre d'Asile, Delphine Rouilleault, pour qui "la course folle à l'adoption semble lancée sur le dos des étrangers".


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.