Attractivité: Le Maire à New York pour pousser l'avantage de la place financière parisienne

Après avoir essentiellement attiré des banques durant la «première phase» de relocalisations, Bruno Le Maire veut désormais étendre son offensive de charme à d'autres acteurs financiers (Photo, AFP).
Après avoir essentiellement attiré des banques durant la «première phase» de relocalisations, Bruno Le Maire veut désormais étendre son offensive de charme à d'autres acteurs financiers (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 15 décembre 2023

Attractivité: Le Maire à New York pour pousser l'avantage de la place financière parisienne

  • Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire entame vendredi un déplacement de trois jours à New York pour tenter d'accélérer le mouvement de relocalisations d'emplois financiers à Paris amorcé par le Brexit
  • Face à la concurrence féroce de Francfort, Luxembourg, Dublin ou encore Amsterdam, la France «a besoin d’une grande place financière pour financer les transitions auxquelles on doit faire face», a affirmé jeudi le cabinet du ministre

PARIS: Opération séduction, phase 2: le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire entame vendredi un déplacement de trois jours à New York pour tenter d'accélérer le mouvement de relocalisations d'emplois financiers à Paris amorcé par le Brexit.

Face à la concurrence féroce de Francfort, Luxembourg, Dublin ou encore Amsterdam, la France "a besoin d’une grande place financière pour financer les transitions auxquelles on doit faire face", a affirmé jeudi le cabinet du ministre.

Plus spécifiquement, le pays a "besoin de financer l’innovation, la digitalisation et évidemment de mobiliser l’épargne et le financement privés pour financer le défi de la transition écologique."

Lyrique, Bercy a même appelé à réunir un "Stade de France du financement" à Paris.

Loin des 80.000 places de la célèbre enceinte dyonisienne, la capitale française a pour l'instant attiré 5.500 emplois du secteur financier à la suite du Brexit.

"Ça, c’était la première phase", affirme-t-on à Bercy.

"Aujourd'hui, on est entrés dans une deuxième phase et on veut vraiment confirmer et consolider ce leadership de la France en Europe", d'où le déplacement à New York, ajoute-t-on dans l'entourage du ministre.

Après avoir essentiellement attiré des banques durant la "première phase" de relocalisations, Bruno Le Maire veut désormais étendre son offensive de charme à d'autres acteurs financiers.

Il s'apprête ainsi à rencontrer aux Etats-Unis l'ancien secrétaire au Trésor Tim Geithner, devenu patron de la firme de capital-investissement Warburg Pincus, mais aussi le PDG du fonds Global Infrastructure Partner Adebayo Olusegu Ogunlesi, ou encore Larry Fink, le directeur du géant de la gestion d'actifs BlackRock.

Du côté des banques, des rencontres sont prévues avec Goldman Sachs, Morgan Stanley ou Bank of America, précise le cabinet de Bruno Le Maire.

Si Paris a multiplié les efforts pour inciter les investisseurs étrangers à miser sur la France et à y créer de l'emploi, le secteur financier a fait l'objet d'une attention particulière depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017.

Succès «spectaculaire»

La stratégie d'attractivité de la France a non seulement reposé sur les réformes fiscales (suppression de l'ISF, cadre fiscal plus favorables pour les impatriés...), mais aussi sur un "accompagnement personnalisé et au cas par cas des acteurs financiers", vante le cabinet de Bruno Le Maire.

Et de fait, depuis le vote synonyme de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne en 2016, la banque américaine JP Morgan a accru ses effectifs de 265 avant le Brexit à 900, et Bank of America et Goldman Sachs ont choisi Paris pour leurs plateformes d'échanges européennes.

Morgan Stanley prévoit également d'augmenter ses effectifs en France d'ici à 2025.

Ancien de BNP Paribas, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a salué en juillet le succès "spectaculaire" de la place financière parisienne depuis le Brexit.

La "phase 1" n'est d'ailleurs pas nécessairement terminée: le responsable parisien d'une grande banque américaine déclarait ainsi récemment s'attendre à ce que l'exode des banquiers londoniens se poursuive en cas de victoire des travaillistes aux prochaines élections en Grande-Bretagne.

Malgré la capacité éprouvée de la France à attirer des acteurs financiers et des régulateurs de premier plan (Autorité bancaire européenne, Autorité européenne des marchés financiers), Bruno Le Maire va à New York pour "écouter" les attentes, pas pour "tester des choses", assure son entourage.

Le ministre envisage cependant d'ores et déjà pour 2024 "de nouvelles mesures par rapport à l'attractivité de la place" parisienne.

Le voyage de Bruno Le Maire aux Etats-Unis a vocation à être suivi d'autres déplacements similaires, puisque l'objectif de la "phase 2" est aussi d'attirer des acteurs financiers d'autres régions du monde, comme le Moyen-Orient, l'Asie-Pacifique ou l'Amérique du Sud.

Dans cette logique, Bercy veut voir l'implantation à Paris du fonds singapourien Temasek et celle, annoncée, du Public Investment Fund saoudien, comme de premiers signes encourageants.

Et rappelle non sans fierté que dans un récent classement de l'attractivité des principaux centres financiers de la planète, Paris s'est glissé à la 5e place mondiale.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".