En Espagne, un boom de la truffe noire aux airs de providence

Cette photo prise le 10 décembre 2023 montre le village de Sarrion, dans la province espagnole de Teruel, dans l'est de l'Espagne, ville hôte de la Foire internationale de la truffe. (AFP)
Cette photo prise le 10 décembre 2023 montre le village de Sarrion, dans la province espagnole de Teruel, dans l'est de l'Espagne, ville hôte de la Foire internationale de la truffe. (AFP)
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Publié le Vendredi 15 décembre 2023

En Espagne, un boom de la truffe noire aux airs de providence

  • Dans le sillage de Sarrión, la production de «tuber melanosporum» a explosé ces dernières années en Espagne, désormais premier producteur mondial de ce champignon dont le prix peut atteindre 1 500 euros le kilo
  • Avant l'essor de la truffe dans les années 2000, le village perdait des habitants, faute d'emplois et de perspectives pour les jeunes générations

SARRION: Quand José Soriano était enfant, les collines de Sarrión dans l'est de l'Espagne étaient en grande partie à l'abandon, couvertes de broussailles et de cailloux. Aujourd'hui, elles accueillent d'immenses plantations de chênes verts, où poussent des quantités providentielles de truffes noires.

"Ici, tout tourne autour de la truffe (...), ce n'est pas une simple culture, c'est un mode de vie", s'amuse ce trufficulteur de 38 ans, propriétaire de 30 hectares de terrain sur les hauteurs de ce petit village, perdu entre Valence et Saragosse.

Voilà quelques années, ce père de famille à la carrure athlétique a renoncé à son poste d'agent forestier afin de s'occuper à plein temps d'arbres truffiers plantés 20 ans plus tôt par son beau-père dans cette commune de 1.200 habitants. Un choix du coeur autant que de raison.

"C'était compliqué de gérer les deux activités en même temps", explique le trentenaire en caressant du bout des doigts sa chienne Pista, une femelle braque de quatre ans, dressée pour débusquer ces champignons très convoités. "Au final", les truffes "rapportent plus", ajoute-t-il.

Devant lui, sa chienne marque soudain l'arrêt au pied d'un arbre aux feuilles jaunissantes. A l'aide d'un couteau, José Soriano vient lui prêter main-forte pour déterrer une truffe de cinq centimètres de diamètre. "Parfois, on en trouve des plus grosses", jusqu'à "un demi-kilo", assure-t-il.

Premier producteur mondial 

Dans le sillage de Sarrión, la production de "tuber melanosporum" (nom scientifique de la truffe noire) a explosé ces dernières années en Espagne, désormais premier producteur mondial de ce champignon dont le prix peut atteindre 1.500 euros le kilo. Une aubaine pour les agriculteurs qui se sont lancés dans l'aventure.

"Ici, la terre est pauvre, il n'y a pas grand-chose qui pousse", explique Daniel Brito, président de l'Association des trufficulteurs de la province de Teruel (Atruter), dont fait partie Sarrión. "Mais paradoxalement, ce type de terrain" calcaire et caillouteux "plaît à la truffe", ajoute-t-il.

Selon les professionnels du secteur, 120 tonnes de truffes noires ont été produites l'an dernier dans le pays, soit quatre fois plus qu'en Italie (30 tonnes) et trois fois plus qu'en France (40 tonnes) - désormais supplantée comme épicentre mondial du "diamant noir".

Sur ces 120 tonnes, 80 % l'ont été dans la région de Sarrión, plus grande truffière au monde avec 8.000 hectares de plantations. Ce village, qui organise tous les ans une foire internationale dédiée à ce champignon de luxe, "exporte désormais dans le monde entier", insiste Daniel Brito.

A l'origine de ce succès: le recours à de vastes parcelles irriguées, mais aussi la "mycorhization", procédé consistant à greffer le mycélium de la truffe dans les racines des arbustes avant de les mettre en terre. "Cela permet au champignon de se répandre dans le sol" et d'avoir "une production plus importante", explique-t-il.

«Bouée de sauvetage»

Pour les villages de la région, confrontés comme de nombreuses communes de l'Espagne intérieure à un problème d'exode rural, ce boom de la trufficulture fait figure de miracle. "Pour ceux qui souhaitent rester vivre ici, c'est une bouée de sauvetage", confie la maire de Sarrión, Estefanía Doñate.

Avant l'essor de la truffe dans les années 2000, le village perdait des habitants, faute d'emplois et de perspectives pour les jeunes générations. Aujourd'hui, il en gagne à nouveau - pour le plus grand bonheur de l'école du village, qui a vu le nombre d'enfants inscrits grimper en flèche récemment.

"Ici, il y a très peu de chômage... Ce sont plutôt les logements qui manquent", explique l'édile de 32 ans, qui compte de nombreux commerces sur sa commune, mais aussi une "crèche municipale" et un "centre médical". "La truffe apporte de la vie. (...) On attire même quelques touristes", sourit-elle.

De quoi voir l'avenir avec optimisme, même si ce succès reste fragile. La trufficulture "nécessite beaucoup de travail et d'investissement", car les arbres truffiers ne produisent qu'au bout d'une dizaine d'années, et la truffe reste "imprévisible", comme "tous les champignons", souligne Daniel Brito.

Une prudence renforcée par le réchauffement climatique, qui pourrait changer la donne. Pour l'instant, "nous parvenons à stabiliser la production grâce à l'irrigation", mais le manque de pluie et la hausse des températures sont "inquiétants", car la truffe "aime le froid", rappelle-t-il.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.