Les opposants à la loi sur l'immigration jettent leurs dernières forces dans la rue

Un slogan collé sur un mur du centre de Paris en signe de protestation contre la loi française sur l'immigration, le 24 janvier (Photo, AFP).
Un slogan collé sur un mur du centre de Paris en signe de protestation contre la loi française sur l'immigration, le 24 janvier (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Lundi 22 janvier 2024

Les opposants à la loi sur l'immigration jettent leurs dernières forces dans la rue

  • Après la manifestation du 14 janvier, lors de laquelle des milliers de personnes avaient défilé à l'appel d'associations de défense des immigrés, plus de 160 marches sont prévues dimanche dont celle de Paris qui doit s'élancer à 14H00 de la place du Troca
  • «Les manifestations du 21 (janvier) doivent démontrer que l'opinion n'est pas avec les racistes et les fascistes», a exhorté vendredi le collectif militant «Marche des solidarités», en première ligne dans la rue depuis plusieurs semaines

PARIS: Dernier coup de pression sur l'exécutif: quatre jours avant une décision très attendue du Conseil constitutionnel, une large coalition d'opposants à la loi sur l'immigration a manifesté partout en France dimanche contre la promulgation d'un texte assimilé à une victoire idéologique "de l'extrême droite".

Quelque 75.000 personnes se sont mobilisées à travers le pays, selon le ministère de l'Intérieur. Le syndicat CGT, un des organisateurs du mouvement, en a revendiqué 150.000 sur le réseau social X.

En se ralliant à l'appel lancé initialement par 201 personnalités, les opposants ont voulu rassembler au-delà de la sphère militante traditionnelle pour faire pression sur l'exécutif, qui pourrait promulguer rapidement le texte voté mi-décembre notamment avec les voix du Rassemblement national, sauf censure complète et surprise par les Sages le 25 janvier.

Plus de 160 marches étaient prévues dimanche, dont celle de Paris, qui a rassemblé 16.000 personnes selon la préfecture de Police, entre Trocadéro et les Invalides.

"Ca fait mal de voir qu'on nous a vendu le barrage républicain et que finalement le gouvernement calque le programme du Rassemblement national", a déploré Ethan Marie, lycéen en région parisienne.

"Cette loi c'est une rupture avec les principes français depuis 1789 pour le droit du sol et depuis 1945 pour l'universalité de la protection sociale", a expliqué la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet qui a appelé à la mobilisation avec son homologue de la CFDT, Marylise Léon.

Plusieurs responsables de gauche, Manon Aubry (LFI), Marine Tondelier (Ecologistes), Olivier Faure (PS) et Fabien Roussel (PCF) ont fustigé un exécutif "qui a ouvert le pont levis aux idées de l'extrême droite", selon M. Faure, premier secrétaire du PS.

Dans la manifestation parisienne, Mady Cissé, Sénégalais de 59 ans, intérimaire dans le bâtiment a apprécié un "soutien important" mais "aussi logique".

"On forme une seule et même société: sans nous, le pays ne fonctionnerait pas, c'est nous qui nous levons à 5h du matin pour aller travailler dans le bâtiment, pour sortir vos poubelles... même les bureaux des préfectures qui nous refusent les papiers, c'est nous qui les nettoyons!", a observé l'ouvrier qui dispose d'un titre de séjour temporaire.

«Dérive vers l'extrême droite»

Les auteurs de l'appel à manifester, dont de nombreuses personnalités du monde de la culture comme les comédiennes Josiane Balasko et l'écrivaine Alice Zeniter, demandent à Emmanuel Macron de ne pas promulguer la loi.

"Cette loi est une dérive vers l'extrême droite, sur le plan politique, et sur le fond vers la préférence nationale", a observé l'ancien ministre RPR et ex-Défenseur des Droits Jacques Toubon.

En cause, les nombreux ajouts du Parlement au texte initial du gouvernement, donnant une coloration très droitière à une loi qui devait initialement reposer sur deux volets, l'un répressif pour les étrangers "délinquants", l'autre favorisant l'intégration. Désormais, le texte comprend de nombreuses mesures controversées, comme le durcissement de l'accès aux prestations sociales, l'instauration de quotas migratoires, ou le rétablissement du "délit de séjour irrégulier".

Selon les préfectures, les opposants étaient 2.700 à Rennes, 3.000 à Nantes, 2.500 à Bordeaux, 1.800 à Strasbourg ou 3.500 à Lyon où le maire écologiste de la ville Grégory Doucet était présent.

A Lille, environ 2.000 personnes ont défilé avec en tête de cortège des travailleurs de communautés Emmaüs du Nord, en grève depuis six mois pour dénoncer leurs conditions de travail et demander leur régularisation.

"La loi immigration risque d'avoir des conséquences extrêmement graves, notamment à Marseille", a affirmé dans la cité phocéenne, Fathi Bouaroua, ancien directeur régional de l'association Abbé Pierre. "Ils sont nombreux dans nos restaurants ou entreprises à travailler et font tellement partie du quotidien que c'est inacceptable de ne pas les compter parmi nous."

Interrogée dimanche dans l'émission "Questions politiques" (France Inter, FranceinfoTV et Le Monde), la ministre déléguée à l'Egalité hommes/femmes Aurore Bergé a nié que le texte mette en place "la préférence nationale" en renvoyant à ses opposants la responsabilité de la montée du RN qui arrive actuellement en tête des sondages pour les futures élections européennes.

"Instiller l'idée qu'on est en train de reprendre les thèses et les thèmes du rassemblement national, là, c'est sûr, on leur donne une victoire idéologique", a-t-elle déclaré.

Sur BFMTV, le président de Reconquête, Eric Zemmour a dénoncé une "loi néfaste pour les Français", promettant lui d'arrêter toute "l’immigration légale".


A Paris, une réunion des droites sous l'égide des médias Bolloré

Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Short Url
  • Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné
  • Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama

PARIS: Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027.

Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné.

Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama. Huées puis rires quand il lance: "On sait quel article ils vont écrire, on l'a rédigé comme ça ils pourront aller au bistrot".

Apparaît Philippe de Villiers, largement promu par le groupe du milliardaire breton - il est chroniqueur chez Cnews et son dernier livre est publié chez Fayard, également dans la galaxie Bolloré.

Le souverainiste commence par "remercier Jean-Luc Mélenchon" - qui lui aurait inspiré son ouvrage - déclenchant une nouvelle bronca.

Puis, il sert son discours habituel sur une France "au bord de l'abîme", menacée par "un changement de peuplement" encouragé par "un parti sarrasin", et abandonnée par des "élites écartelées entre le wokistan et l'islamistan".

Pour le fondateur du Puy du Fou, la solution est simple: "la remigration ou la françisation". Nouvelle salve d'applaudissements, on entend quelques "Philippe président". L'hypothèse d'une candidature pour 2027 a encore été entretenue en une de Valeurs actuelles la semaine dernière, où l'intéressé affirme être "redescendu dans l'arène".

Il n'est pas le seul. Surgit l'animatrice Christine Kelly de Cnews, pour lancer une discussion sur "notre civilisation judéo-chrétienne" entre Michel Onfray et Eric Zemmour.

Au terme d'un échange théologique parfois confus, le président du parti Reconquête conclut que "la croisade a sauvé l'Occident" et qu'"à partir du moment où nous retrouverons notre identité, tout ira beaucoup mieux". L'ancien polémiste de Cnews, propulsé par l'empire Bolloré dans la course à l'Elysée en 2022, espère déjà rendosser son costume de candidat en 2027. En attendant, il reste lui aussi en tête de gondole chez Fayard.

"Le côté sans filtre" 

D'autres ne bénéficient pas de la même bienveillance. Comme Aurore Bergé, lors d'une tumultueuse séquence "insécurité" face à Claire Géronimi, devenue vice-présidente de l'UDR d'Eric Ciotti après avoir été victime d'un viol par un étranger sous OQTF.

La ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, conspuée, reste combative: "Je suis venue pour accepter l'idée du débat (...) Ma ligne ne changera pas, quel que soit le public".

Plus en phase avec l'assistance, l'avocat Gilles-William Goldnadel fustige "le racisme anti-blanc" et le "féminisme d'extrême gauche".

Un discours familier aux oreilles de Philippe, 55 ans et sans emploi, qui a déboursé 25 euros pour "voir le côté sans filtre" de ces personnalités médiatiques dont il "partage les idées, sans ambiguïté". Plus intéressé par l'aspect politique, Foucauld, 24 ans, étudiant en école de commerce, reconnaît que l'événement "participe à faire avancer les pions vers l'union des droites".

Pourquoi pas avec David Lisnard? Invité à ouvrir le chapitre du "grand enjeu" des municipales de mars 2026, le maire de Cannes fait florès avec ses leitmotiv: "Vive la liberté" et "Afuera!" la "bureaucratie" et la "technocratie".

Lui succèdent une brochette de candidats plus ou moins déclarés, dont la députée RN Laure Lavalette déplorant qu'il y ait "autant de barbiers et de kebabs" dans sa ville de Toulon.

Signe d'un rapprochement entre le parti à la flamme et la galaxie Bolloré? Après tout, Jordan Bardella en est à son deuxième livre publié chez Fayard.

Mais c'est une autre étoile montante qui est mise à l'honneur mardi soir. Clou du spectacle, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo vient délivrer un "message d'espérance" face à l'essayiste Eric Neaulleau, dans le rôle du décliniste persuadé que "tout est foutu" car "les lieux de pouvoir sont tous tenus par des gens animés d'une idéologie immigrationniste".

Au contraire, les idées infusent dans la société et "le combat de la lucidité est gagné", réplique la nouvelle coqueluche de la "bollosphère", qui assure "qu'on peut changer les choses, avec méthode, détermination et travail". Et quelques solides appuis.


Pour la présidente de l'Assemblée Braun-Pivet, une majorité absolue n'est plus «souhaitable»

Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Short Url
  • "J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français"
  • Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées"

PARIS: Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi.

"J'ai une conviction personnelle forte qui est que nous n'aurons pas demain à nouveau une majorité absolue mais je pense surtout, et c'est ça ma conviction forte, c'est que ce n'est pas souhaitable pour notre pays", a-t-elle déclaré dans le podcast "Dans l'Hémicycle".

"Je suis convaincue que la délibération collective avec des groupes politiques qui ne partagent pas les mêmes orientations mais qui essayent de trouver des solutions, elle est bénéfique", a-t-elle poursuivi.

Depuis 2022, le camp présidentiel auquel appartient Mme Braun-Pivet ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Face à une fragmentation de l'hémicycle encore accentuée depuis la dissolution de juin 2024, de nombreux députés disent espérer le retour d'une majorité absolue après l'élection présidentielle de 2027. Mais pas la présidente de l'Assemblée.

"J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français", a-t-elle déclaré dans cette interview.

Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées, parce qu'autrement, ça ne passe pas", a-t-elle dit.

Cette situation force aussi à "inventer des nouvelles façons de faire", a-t-elle ajouté en donnant l'exemple des semaines dédiées aux textes proposés par les députés, auparavant dévolues à ceux de la majorité. Depuis 2022, ces semaines sont devenues "transpartisanes", avec des propositions soutenues par différents groupes.

Au moment où les débats budgétaires peinent à aboutir, Mme Braun-Pivet a toutefois estimé qu'il fallait encore "adapter" les règles de l'Assemblée à cette nouvelle configuration. Elle a rappelé avoir lancé une réflexion autour d'une modification du règlement de l'institution.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

Short Url
  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.