Grèves à répétition en Allemagne : le modèle social à l'épreuve

Mercredi, c'est au tour du personnel au sol de la compagnie Lufthansa de débrayer pour 24h00. (AFP)
Mercredi, c'est au tour du personnel au sol de la compagnie Lufthansa de débrayer pour 24h00. (AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 07 février 2024

Grèves à répétition en Allemagne : le modèle social à l'épreuve

  • Ces mouvements mettent à mal l'image d'un pays traditionnellement champion du compromis entre patronat et syndicats
  • Depuis l'invasion de l'Ukraine, l’Allemagne a connu des niveaux d'inflation inédits depuis les chocs pétroliers des années 1970

BERLIN: Cheminots, conducteurs de bus, agents aéroportuaires ... Les grèves se succèdent à un rythme effréné en Allemagne, sur fond d'inflation, de manque de main d'oeuvre et de récession qui limite les marges des entreprises.

Mercredi, c'est au tour du personnel au sol de la compagnie Lufthansa de débrayer pour 24h00.

Ces mouvements mettent à mal l'image d'un pays traditionnellement champion du compromis entre patronat et syndicats.

Qui fait grève ?

Ces conflits sociaux interviennent lors des négociations tarifaires organisées au sein de chaque branche d'activité.

Fin janvier, une grève des conducteurs de la Deutsche Bahn a duré cinq jours, tandis que les transports locaux se sont arrêtés une journée en février dans tout le pays.

La veille, un mouvement des agents de sécurité des grands aéroports avait conduit à l'annulation de 1 100 vols.

Mais cette mobilisation a débuté l'an dernier avec des grèves dans la sidérurgie, la fonction publique, la santé, le ramassage des ordures ...

Depuis l'invasion de l'Ukraine, l’Allemagne a connu des niveaux d'inflation inédits depuis les chocs pétroliers des années 1970.

De nombreux secteurs ont certes reçu l'an dernier des hausses de rémunérations allant jusqu'à 10%, mais les salaires réels ont chuté en moyenne de 4% en Allemagne depuis début 2022, selon les statistiques officielles.

Le dialogue social est-il grippé ?

"Les salariés ont ressenti fortement les baisses de salaires, ils ont concrètement eu moins d'argent dans le porte-monnaie", explique Alexander Gallas, professeur de sciences politiques à l'Université de Kassel.

Parallèlement, les syndicats bénéficient d'un pouvoir de négociation grandissant, alors que le manque de main d'oeuvre s'accélère en Allemagne, pays vieillissant.

Et "puisqu'il y a moins de main d'oeuvre, la charge de travail s'accroît dans les entreprises", ce qui ajoute au malaise de nombreux salariés, ajoute M. Gallas.

Les revendications des syndicats portent autant sur des augmentations de salaires que sur de meilleures conditions de travail, comme la semaine de quatre jours.

Ces demandes se heurtent "au fait que les entreprises n'ont pas grand chose à distribuer", alors que l'Allemagne traverse une période de morosité économique, explique Hagen Lesch, expert de l'institut économique IW.

La situation est-elle exceptionnelle ?

Cette conflictualité bouleverse les habitudes, dans un pays réputé pour la qualité de son dialogue social, où l'accent est mis sur les négociations entre acteurs.

"Le modèle allemand vit son heure de vérité", affirme M. Lesch, car "la capacité de concession a été élevée de la part des syndicats pendant le Covid et c'est maintenant terminé".

L'Allemagne compte parmi les pays les moins grévistes en Europe. Entre 2012 et 2021, le nombre de jours non travaillés en raison de grèves pour 1 000 salariés s'est élevé à 18 par an en moyenne, contre 92 en France.

Mais le modèle s'est grippé ces dernières années, avec une augmentation continue des conflits.

"Dans les années 2000 il y a eu très peu de grèves. Cela a changé à partir de 2015 et s'est accéléré en 2023-2024 même si nous n'avons pas encore de chiffres", dit M. Gallas.

En cause? "La précarisation du marché de l'emploi qui a individualisé le parcours des salariés", explique le chercheur.

Les conventions collectives, outil privilégié du dialogue, n'ont cessé de perdre du terrain, ne concernant désormais que 43% des salariés, contre 56% en 2010.

Cette évolution affaiblit les syndicats, davantage tentés de faire grève pour se faire entendre, notamment en période de crise.

La mobilisation va-t-elle se poursuivre ?

Aucune négociation n'a abouti dans les transports, ce qui pourrait conduire à la poursuite de certains mouvements.

"Tout peut arriver", a prévenu Claus Weselsky le patron de la GDL, syndicat des conducteurs de trains de la Deutsche Bahn.

D'autant que les grèves actuelles sont très suivies.

"On remarque une forte participation, qui se traduit par une augmentation des adhérents pour les syndicats", selon Thorsten Schulten, chercheur à l'institut économique et social WSI.

D'autres branches pourraient également sortir du bois. La chimie, en crise depuis la guerre en Ukraine, doit entamer au printemps des négociations tarifaires à haut risque.

Au risque d'aboutir à une forme de grève générale sur le modèle français dans les prochains mois ? "Ce n'est pas la tradition allemande", tempère M. Schulten.


L'Allemagne menacée par la peur des réformes, selon le patron de Deutsche Bank

Le Chancelier allemand Friedrich Merz. (AFP)
Le Chancelier allemand Friedrich Merz. (AFP)
Short Url
  • "Le plus grand risque économique pour l'Allemagne n'est pas les droits de douane et autres barrières commerciales, mais notre manque de courage, notre prudence, notre lourdeur"
  • Ce qui nous manque, ce n'est pas la compétence, mais le courage et un engagement clair en faveur du changement"

FRANCFORT: Le président du premier groupe bancaire allemand Deutsche Bank a estimé mercredi que l'Allemagne est moins menacée par les tensions commerciales que par son incapacité à mener des réformes urgentes pour relancer son activité économique en panne.

"Le plus grand risque économique pour l'Allemagne n'est pas les droits de douane et autres barrières commerciales, mais notre manque de courage, notre prudence, notre lourdeur", a déclaré Christian Sewing, également président du lobby des banques privées allemandes (BdB), en ouverture d'un congrès bancaire à Francfort.

"Ce qui nous manque, ce n'est pas la compétence, mais le courage et un engagement clair en faveur du changement", a souligné le banquier, au moment où le gouvernement de coalition mené par le chancelier Friedrich Merz a promis un "automne des réformes" après des débuts poussifs depuis le printemps.

Les dirigeants des partis de la coalition au pouvoir, conservateurs de la CDU-CSU et sociaux-démocrates (SPD), se réunissent mercredi à Berlin pour discuter des réformes à mener dans les mois à venir.

La réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à la Chancellerie, a été précédée de déclarations dissonantes entre les ténors de la coalition, notamment sur le besoin de réformer les systèmes sociaux.

Les entreprises réclament aussi des réformes urgentes pour réduire la bureaucratie et abaisser les prix de l'énergie.

"C'est pourquoi nous avons urgemment besoin de l'automne des réformes annoncées, et ce, de manière à ce qu'il mérite vraiment son nom", a lancé M. Sewing.

Berlin a brisé un tabou au printemps en lâchant la bride sur le frein constitutionnel à la dette, afin de permettre le vote de programmes d'investissements en centaines de milliards d'euros pour muscler la défense et moderniser les infrastructures du pays.

"On ne peut pas seulement augmenter la dette et ne pas mettre en place de réforme, les deux doivent aller de pair", a prévenu M. Sewing.

 


TotalEnergies: accord de production sur une zone au large du Nigeria

Photo prise le 14 septembre 2023, montrant le siège et le logo de Total Energy dans le quartier de La Défense, près de Paris. (AFP)
Photo prise le 14 septembre 2023, montrant le siège et le logo de Total Energy dans le quartier de La Défense, près de Paris. (AFP)
Short Url
  • TotalEnergies obtient deux permis d’exploration dans le bassin du West Delta
  • L’opération s’inscrit dans la stratégie du groupe visant à développer un portefeuille d’exploration axé sur des projets à faibles coûts techniques et à faibles émissions, tout en poursuivant la croissance de sa production

PARIS: TotalEnergies, en partenariat avec South Atlantic Petroleum, a signé un contrat de partage de production pour deux permis d'exploration au large du Nigeria, qui couvrent une superficie de 2.000 kilomètres carrés, a indiqué le géant pétrolier français mardi.

Ces permis d'exploitation, PPL 2000 et PPL 2001, se situent dans le "bassin prolifique du West Delta", précise le groupe. Le programme comprend le forage d'un puits d'exploration.

TotalEnergies se dit "honorée d'être la première compagnie internationale à se voir attribuer des licences d'exploration lors d'un appel d'offres au Nigeria depuis plus d'une décennie, marquant une nouvelle étape dans notre partenariat de long terme avec le pays", a déclaré Kevin McLachlan, directeur exploitation au sein du groupe pétrolier.

"L'entrée dans ces deux blocs prometteurs" correspond à "notre stratégie qui vise à enrichir notre portefeuille d'exploration de +prospects+ à fort potentiel et prêts à explorer, en vue de générer des développements à faible coût et à faibles émissions (...)", ajoute-t-il.

TotalEnergies est partenaire à 80% et South Atlantic Petroleum à 20%.

Lundi, le groupe français avait annoncé avoir reçu un nouveau permis d'exploration offshore en République du Congo (Congo-Brazzaville), étendant ainsi de 1.000 kilomètres carrés sa zone d'opération au large du pays.

Au Nigeria, TotalEnergies avait annoncé en mai la prochaine cession, au britannique Shell, de sa participation dans un important champ pétrolier en eaux profondes, le champ de Bonga.

TotalEnergies avait alors justifié cette vente par la volonté de "se concentrer sur des actifs à coûts techniques bas et à faibles émissions" et de "baisser le point mort cash", autrement dit réduire ses coûts pour améliorer sa rentabilité.

TotalEnergies prévoit une hausse de sa production d'hydrocarbures d’environ 3% par an jusqu'en 2030.


EDF prolonge la durée de vie de deux centrales nucléaires au Royaume-Uni

Un logo d'EDF est affiché lors de la 8e édition du salon Vivatech des startups et de l'innovation technologique, au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 23 mai 2024. (AFP)
Un logo d'EDF est affiché lors de la 8e édition du salon Vivatech des startups et de l'innovation technologique, au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 23 mai 2024. (AFP)
Short Url
  • EDF a annoncé la prolongation jusqu’en 2028 de deux centrales nucléaires au Royaume-Uni après des inspections de sécurité satisfaisantes
  • Ces prolongations visent à garantir l’approvisionnement en électricité bas carbone et à soutenir les objectifs climatiques du Royaume-Uni

LONDRES: L'énergéticien français EDF, qui exploite les cinq centrales nucléaires actuellement en activité au Royaume-Uni, a annoncé mardi prolonger la durée de vie de deux d'entre elles, assurant que cela "contribuera à la sécurité énergétique" du pays.

"Prolonger la durée de vie de ces centrales (...) permettra de garantir l'emploi plus longtemps à plus de 1.000 personnes qui y travaillent et de soutenir les ambitions du Royaume-Uni de disposer d'un approvisionnement en électricité propre et sûr", a fait valoir dans un communiqué le directeur des opérations nucléaires d'EDF au Royaume-Uni, Mark Hartley.

Heysham 1 (nord-ouest de l'Angleterre) et Hartlepool (nord-est) verront leurs durées de vie étendues d'un an, jusqu'en mars 2028, après une prolongation similaire annoncée en décembre dernier, suite à des inspections et évaluations de sécurité satisfaisantes.

EDF avait aussi prolongé en décembre la vie de deux autres centrales nucléaires, Heysham 2 et Torness, qui produiront de l'électricité jusqu'en mars 2030.

La cinquième centrale d'EDF en activité dans le pays, Sizewell B, utilise une technologie différente et "sa durée de vie n'a pas été évaluée dans le cadre de ce processus" mais EDF estime dans son communiqué qu'il existe "de bonnes chances" de prolonger aussi sa durée de vie de 20 ans, jusqu'en 2055.

L'énergéticien français est depuis 2009 l'opérateur du vieillissant parc nucléaire outre-Manche.

Il est parallèlement en charge de la construction de deux autres centrales nucléaires de nouvelle génération de type EPR au Royaume-Uni, Hinkley Point C et Sizewell C. L'entreprise est régulièrement pointée du doigt pour les délais et dérapages de budget de ces projets pharamineux.

Hinkley Point C est en construction et le gouvernement britannique a donné son feu vert en juillet à Sizewell C -- dont le coût avait alors enflé à 38 milliards de livres (44 milliards d'euros).

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités. Une façon aussi d'atteindre ses ambitions climatiques, en complément des immenses champs d'éoliennes construits en mer.

Le gouvernement a promis en juin d'injecter plus de 30 milliards de livres (35 milliards d'euros) pour relancer l'énergie nucléaire dans le pays, pour Sizewell C, mais aussi des petits réacteurs et la recherche sur la technologie prometteuse de la fusion.