L'OMC en terre inconnue à Abou Dhabi

Une photo prise à Genève le 5 février 2024 montre le logo de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) intergouvernementale à son siège. Les ministres du commerce du monde entier pourraient mettre la dernière main à un accord historique sur la pêche lorsqu'ils se réuniront à Abou Dhabi à la fin du mois, mais d'autres accords historiques risquent d'être plus difficiles à atteindre. (AFP).
Une photo prise à Genève le 5 février 2024 montre le logo de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) intergouvernementale à son siège. Les ministres du commerce du monde entier pourraient mettre la dernière main à un accord historique sur la pêche lorsqu'ils se réuniront à Abou Dhabi à la fin du mois, mais d'autres accords historiques risquent d'être plus difficiles à atteindre. (AFP).
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Publié le Mardi 13 février 2024

L'OMC en terre inconnue à Abou Dhabi

  • La précédente ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce s'était achevée il y a deux ans par un certain succès, avec des accords sur la pêche, les brevets des vaccins anti-Covid et la volonté de réformer l'OMC
  • Avec la crise en mer Rouge qui perturbe le transport maritime mondial, "la ministérielle va se dérouler dans une région du monde en proie à des difficultés"

GENEVE: L'OMC veut des résultats à son sommet ministériel fin février à Abou Dhabi. Mais des désaccords profonds laissent peu d'espoir d'avancées majeures, en pleine année présidentielle aux Etats-Unis.

La précédente ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce s'était achevée il y a deux ans par un certain succès, avec des accords sur la pêche, les brevets des vaccins anti-Covid et la volonté de réformer l'OMC.

Mais à deux semaines de l'ouverture de la 13e conférence ministérielle (CM13) qui se tiendra du 26 au 29 février, les diplomates à Genève sont loin de préparer le champagne.

Selon un diplomate occidental, "la bataille s'annonce rude".

"Les attentes doivent rester modérées", affirme à l'AFP Rashid Kaukab, professeur à l'Institut international de Genève: il n'y aura "pas de big bang, pas de solution à tout".

En outre avec la crise en mer Rouge qui perturbe le transport maritime mondial, "la ministérielle va se dérouler dans une région du monde en proie à des difficultés", observe auprès de l'AFP le patron de la Chambre de commerce internationale, John Denton, jugeant toutefois qu'un élément positif sera le "leadership fort" des Emirats arabes unis, qui vont présider la conférence, et de la patronne de l'OMC, Ngozi Okonjo-Iweala.

« Approche graduelle »

Pêche, commerce électronique, réforme de l'OMC: la ministérielle de 2022 a défini une grande partie du programme d'Abou Dhabi.

Pour beaucoup, un nouvel accord sur la lutte contre les subventions nuisibles au stocks de poissons serait un véritable succès pour l'organisation.

L'accord conclu en 2022 à Genève visait à répondre aux "situations les plus alarmantes" comme la pêche illégale, alors que "l'objectif de cette deuxième vague de négociations est de s'attaquer aux causes profondes du problème" avec des "règles plus larges" sur l'interdiction des subventions contribuant à la surcapacité ou à la surpêche, explique Tristan Irschlinger, de l'Institut international du développement durable (IISD).

Diplomates et experts s'attendent aussi à ce que la pratique consistant à ne pas imposer de droits de douane sur les transmissions électroniques soit prolongée, même si l'Inde, l'Indonésie et l'Afrique du Sud menacent de jouer les trouble-fêtes.

Plusieurs déclarations ministérielles devraient aussi être signées, notamment sur la pollution par les plastiques, ainsi qu'une décision sur des flexibilités supplémentaires dans le temps accordées aux pays les moins avancés lorsqu'ils quittent cette catégorie.

Mais aucun texte majeur n'est à l'agenda. Depuis une dizaine d'années les pays avancent "de façon progressive" dans les négociations, comme sur la pêche, pour surmonter leurs différends commerciaux, explique M. Kaukab.

La sécurité alimentaire sera au menu d'Abou Dhabi: l'Inde et ses alliés à l'OMC, dont la Chine, réclament un accord permanent sur le droit des pays en développement à disposer de stocks alimentaires publics. Mais des désaccords profonds persistent.

L'ombre de Trump

Ce grand raout est surtout vu par beaucoup comme "la dernière chance" de réforme de l'organisation avant une potentielle réélection de l'ancien président américain républicain Donald Trump, qui lors de son premier mandat avait menacé de sortir les Etats-Unis de l'OMC.

"Tout le monde est parfaitement conscient de cette dynamique et de la manière dont les élections américaines peuvent influer les résultats (de la ministérielle), en particulier sur la réforme", explique Pablo Bentes, spécialiste OMC chez Baker McKenzie, à l'AFP.

Mais les discussions sur la réforme de l'OMC, réclamée par plusieurs pays dont les Etats-Unis, piétinent.

Washington et d'autres capitales veulent que certains pays fassent preuve d'une plus grande transparence sur leurs subventions. Et la règle de l'OMC qui laissent la liberté à chaque pays, y compris la Chine, de s'autodéclarer "en développement", et par là même de bénéficier d'avantages, n'est pas du goût de tous.

"Il y a des acteurs comme les Etats-Unis qui souhaitent vraiment poursuivre un programme de réforme très ambitieux. Mais un grand nombre de membres de l'OMC sont sceptiques ou ne sont pas sûrs que le système ait besoin d'être autant réformé", observe M. Bentes.

Aucune solution ne semble en vue non plus sur la réforme de la cour d'appel du mécanisme de règlement des différends, véritable bête noire des Etats-Unis. Cette instance est inopérante depuis 2019 car Washington bloque le renouvellement des juges.

"Il est très peu probable qu'ils parviennent à trouver une solution qui permettrait aux Américains de faire passer le projet au Congrès en cette année électorale", observe le diplomate occidental déjà cité.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".