A l'ombre de Gaza, l'Occident vise des colons en Cisjordanie

Le colon israélien Noam Federman, le père d'Ely Federman, parle sur son téléphone portable dans l'implantation de Kiryat Arba, à la périphérie de la ville d'Hébron, en Cisjordanie occupée, le 14 février 2024. (AFP)
Le colon israélien Noam Federman, le père d'Ely Federman, parle sur son téléphone portable dans l'implantation de Kiryat Arba, à la périphérie de la ville d'Hébron, en Cisjordanie occupée, le 14 février 2024. (AFP)
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Publié le Vendredi 16 février 2024

A l'ombre de Gaza, l'Occident vise des colons en Cisjordanie

  • Le nom de Federman est bien connu dans le milieu des «jeunes des collines», tendance de droite radicale associée à des attaques contre les Palestiniens
  • L'organisation d'extrême droite Honenu, qui défend ces colons «héroïques», a mandaté un cabinet pour pousser les banques israéliennes à lever ces sanctions

KIRYAT ARBA: Le colon israélien Ely Federman ne le sait peut-être pas encore, mais il est désormais sous sanction. Alors qu'il combat à Gaza, Londres a demandé le gel de ses avoirs dans le cadre d'une nouvelle campagne ciblant des colons en Cisjordanie en marge de la guerre.

La nouvelle est tombée cette semaine. Le ministère britannique des Affaires étrangères a annoncé lundi des sanctions contre quatre "colons extrémistes" ayant "violemment attaqué" des Palestiniens en Cisjordanie occupée.

Parmi eux figure Ely Federman, accusé d'implication dans plusieurs attaques près de Hébron, dans le sud de la Cisjordanie.

Le nom de Federman est bien connu dans le milieu des "jeunes des collines", tendance de droite radicale associée à des attaques contre les Palestiniens.

Le père d'Ely, Noam Federman, est une figure centrale de l'extrême droite israélienne, plusieurs fois emprisonné par le passé.

"Il (Ely) ne sait rien de tout ça. Il n'a pas de téléphone (...) il est dans Gaza. Il conduit des véhicules qui balisent le terrain avant le passage des chars", explique à l'AFP Noam Federman dans sa colonie de Kyriat Arba.

Dans la guerre à Gaza, des gouvernements occidentaux sont accusés par les Palestiniens de ne pas faire assez pression sur Israël pour empêcher la mort de dizaines de milliers de civils dans ses bombardements.

Pour Noam Federman, les Occidentaux sanctionnent les colons pour tenter de montrer qu'ils ont une position "équilibrée" avec Israël.

Hameau vidé 

Le Royaume-Uni n'est pas seul à sembler chercher un équilibre entre soutien à l'offensive à Gaza, lancée par Israël après l'attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre, et dénonciation des violences perpétrées par Israël ou des Israéliens.

Début février, Washington a annoncé des sanctions contre quatre colons, et la France a fait de même mardi en visant "28 colons israéliens extrémistes".

Parmi ceux visés figure également le gendre de Noam Federman, Yinon Levy. Accusé d'avoir agressé des bédouins palestiniens, brûlé leurs champs et détruit leurs biens, il a été sanctionné par Londres et Washington.

Il a fondé en 2021 la ferme de Meitarim, à la pointe sud de la Cisjordanie, une colonie sauvage. Il habite avec son épouse Sapir ce domaine équipé de caméras de sécurité, où se trouvent trois chevaux et environ 200 agneaux.

Yinon Levy est soupçonné par la presse locale d'être lié au démantèlement de Khirbet Zanuta, un hameau bédouin situé à quelques centaines de mètres de là. Sous contrôle israélien, Khirbet Zanuta avait reçu par le passé de nombreux ordres de démolition des autorités.

L'an dernier, 26 colonies sauvages, non reconnues par Israël, sont apparues en Cisjordanie, un record, selon l'ONG "La paix maintenant" pour qui les colons sanctionnés sont "l'arbre qui cache une forêt bien plus grande" de la colonisation israélienne de la Cisjordanie.

Sur les 26, une dizaine ont été établies après le début de la guerre le 7 octobre, à partir de laquelle les violences des colons contre les Palestiniens se sont multipliées en Cisjordanie.

A Khirbet Zanuta, les habitants ont dit avoir plié bagages fin octobre, après le démantèlement de leur hameau par un groupe d'inconnus. "Les colons nous rendaient la vie vraiment difficile", explique Fayez al-Til, le chef du conseil municipal, en se réjouissant des sanctions occidentales contre les colons.

«Un vol»

Première conséquence directe des sanctions: les comptes bancaires israéliens de Yinon Levy et de son épouse ont été gelés ces derniers jours.

La commission parlementaire israélienne des Affaires économiques, présidée par David Bitan, un élu du Likoud, le parti de Benjamin Netanyahu, a convoqué mercredi une "réunion d'urgence" sur l'affaire Levy. Le gouvernement doit agir "sinon, cela ne s'arrêtera pas", a déclaré M. Bitan.

Et l'organisation d'extrême droite Honenu, qui défend ces colons "héroïques", a mandaté un cabinet pour pousser les banques israéliennes à lever ces sanctions.

Le couple Levy ne peut plus utiliser ses cartes bancaires, mais reçoit des dons envoyés "non seulement des colonies, mais également de tout Israël", souligne Noam Federman, qui dénonce un "vol".

Il entrevoit le même problème à venir pour son fils Ely qui combat à Gaza: "Que va-t-il se passer lorsqu'il faudra déposer son salaire à la banque? C'est un soldat. Ce sera très embarrassant, je crois, pour l'armée israélienne".


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.