Japon: la bulle spéculative des années 1980, si loin, si proche

La Bourse de Tokyo a mis 34 ans à s'en remettre: son indice vedette, le Nikkei, a dépassé jeudi son précédent plus haut niveau historique, qui remontait au 29 décembre 1989. (AFP)
La Bourse de Tokyo a mis 34 ans à s'en remettre: son indice vedette, le Nikkei, a dépassé jeudi son précédent plus haut niveau historique, qui remontait au 29 décembre 1989. (AFP)
Short Url
Publié le Jeudi 22 février 2024

Japon: la bulle spéculative des années 1980, si loin, si proche

  • Un cercle vicieux s'est enraciné dans l'archipel, la baisse des prix entraînant celle des salaires et des embauches, et donc du pouvoir d'achat des ménages
  • ur de mon patrimoine aurait diminué", explique ainsi Yutaro Tobioka, 36 ans. Même si de plus en plus de Japonais s'intéressent à la Bourse, "seuls ceux qui ont des ressources financières peuvent investir" dans des action, relève une économiste

TOKYO: Quand les billets de banque coulaient à flots: Ryuta Otsuka se souvient de l'extravagance de la fin des années 1980 au Japon, avant l'éclatement de l'énorme bulle spéculative qui a ensuite miné l'économie du pays pendant trois décennies.

La Bourse de Tokyo a mis 34 ans à s'en remettre: son indice vedette, le Nikkei, a dépassé jeudi son précédent plus haut niveau historique, qui remontait au 29 décembre 1989.

De quoi convoquer des réminiscences de l'époque de la bulle, même si les petits porteurs japonais d'aujourd'hui sont davantage motivés par le souci de se mettre à l'abri du besoin que par l'envie de flamber au volant d'une Porsche ou d'une Ferrari.

"Mes collègues plus âgés m'emmenaient dîner dans des endroits branchés", et à minuit "c'était la foire d'empoigne pour attraper un taxi: on ne pouvait pas en arrêter un sans brandir un billet de 10.000 yens", l'équivalent d'environ 80 euros de nos jours, se rappelle M. Otsuka, qui a démarré sa carrière de courtier en 1986.

Les employés dans la finance et les investisseurs "frétillaient d'excitation" devant les rendements des actions, raconte encore M. Otsuka, interrogé par l'AFP.

Certains de ses collègues courtiers, qui touchaient des commissions sur leurs ventes, "ramenaient leur paye à la maison dans une boîte en carton remplie de liasses de billets", confie ce sexagénaire.

Les prix des voitures de luxe importées flambaient, tout comme les prix de l'art. Le marché immobilier japonais atteignait des sommets complètement irrationnels: au pic de la bulle, le prix du m2 dans certains quartiers chics de Tokyo était 350 fois supérieur à celui du m2 à Manhattan, au coeur de New York.

Un krach traumatisant 

La chute, entamée à partir de janvier 1990, a été brutale. Le Nikkei s'est effondré, le marché immobilier aussi, et toute l'économie japonaise s'est retrouvée durablement prise au piège de la déflation.

Un cercle vicieux s'est enraciné dans l'archipel, la baisse des prix entraînant celle des salaires et des embauches, et donc du pouvoir d'achat des ménages.

Marqués par l'éclatement de la bulle, beaucoup de Japonais ont depuis pris l'habitude d'épargner et de placer leurs économies sur des comptes en banque ordinaires, plutôt que d'investir dans des actifs à risque comme des actions.

Et ce malgré la politique monétaire ultra-accommodante de la Banque du Japon (BoJ), qui maintient les taux d'intérêt autour de zéro depuis une décennie pour inciter les acteurs économiques à emprunter et investir davantage.

Mais un vent nouveau souffle au Japon depuis 2022, quand l'inflation, tirée par la flambée des prix du pétrole et d'autres matières premières, a soudainement accéléré au-delà de 2%.

L'inflation perdure, obligeant les entreprises nippones à augmenter les salaires et incitant la BoJ à se préparer à relever légèrement ses taux cette année, ce qui serait une première depuis 2007.

La croissance économique au Japon reste toutefois modérée (+1,9% en 2023, mais avec une récession au second semestre) et ses perspectives à long terme ne sont pas roses vu le vieillissement démographique extrême du pays, dont 30% des habitants sont aujourd'hui âgés de 65 ans et plus.

Investir pour ses vieux jours

Rien à voir donc avec l'enthousiasme qui régnait à la fin des années 1980.

"La plupart des gens qui nous ont récemment rejoint pour investir dans des actions s'inquiètent concernant leurs futures pensions de retraite", explique à l'AFP Fubito Yamaguchi, 43 ans, qui anime un petit club de boursicoteurs.

Des membres du club interrogés par l'AFP déclarent aussi investir dans des actions pour compenser la hausse du coût de la vie à cause de l'inflation et la chute du yen.

"Avoir des retours sur mes investissements me procure un sentiment de soulagement (...). Si je n'avais que de l'épargne à la banque, la valeur de mon patrimoine aurait diminué", explique ainsi Yutaro Tobioka, 36 ans.

Même si de plus en plus de Japonais s'intéressent à la Bourse, "seuls ceux qui ont des ressources financières peuvent investir" dans des actions, relève Asuka Sakamoto, cheffe économiste chez Mizuho Research & Technologies.

"Il est donc extrêmement important d'augmenter les salaires" pour éviter un écart grandissant entre les nantis et les revenus modestes au Japon, souligne-t-elle.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Short Url
  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Short Url
  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
Short Url
  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".