Le déficit dérape, les oppositions pilonnent, l'Elysée cherche la parade

L'objectif d'un déficit ramené à 4,4% cette année apparaît hors de portée. (Photo, AFP)
L'objectif d'un déficit ramené à 4,4% cette année apparaît hors de portée. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 20 mars 2024

Le déficit dérape, les oppositions pilonnent, l'Elysée cherche la parade

  • L'Insee rendra son verdict le 26 mars, mais les chiffres ne sont pas bons et le gouvernement le sait
  • Un mois après avoir annoncé 10 milliards d'euros d'économies, Bruno Le Maire a de nouveau mis les pieds dans le plat dimanche, proposant de "remplacer l'Etat providence par l'Etat protecteur"

PARIS: Le dérapage attendu du déficit public relance le procès en "incompétence" budgétaire d'un exécutif "au pied du mur" selon les oppositions. Preuve de la sensibilité du sujet, plusieurs réunions sont programmées mercredi soir à l'Elysée.

L'Insee rendra son verdict le 26 mars, mais les chiffres ne sont pas bons et le gouvernement le sait: le déficit public 2023 sera "significativement" supérieur aux 4,9% du PIB prévus, a averti Bruno Le Maire, la presse se faisant l'écho d'un net dérapage. L'objectif d'un déficit ramené à 4,4% cette année apparaît hors de portée.

Cette dérive des comptes s'invite à l'agenda d'Emmanuel Macron, qui recevra à 17H30 son ministre de l'Economie, ainsi que ceux chargés des collectivités locales et des affaires sociales, Christophe Béchu et Catherine Vautrin. L'occasion de remettre sur la table certaines pistes déjà avancées par l'exécutif, notamment pour freiner les dépenses d'assurance chômage et de santé.

Un mois après avoir annoncé 10 milliards d'euros d'économies, Bruno Le Maire a de nouveau mis les pieds dans le plat dimanche, proposant de "remplacer l'Etat providence par l'Etat protecteur", car "la gratuité de tout, pour tous, tout le temps" est, selon lui, "intenable".

Initiative qui a agacé le chef de l'Etat: "Il devrait en parler à celui qui est ministre de l'Economie depuis sept ans", a raillé Emmanuel Macron, selon Le Canard enchaîné. Propos confirmés à l'AFP par un familier du Palais, où l'on se dit malgré tout "toujours preneurs des bonnes idées".

Le président a aussi convié mercredi à dîner les chefs des partis et groupes parlementaires qui composent sa majorité, pour tenter d'accorder les violons alors que des dissonances se font entendre.

Quelques députés plaident, en effet, pour augmenter les impôts des "ultra-riches" ou des grandes entreprises, dont le chef du groupe MoDem Jean-Paul Mattei.

Chaque euro compte

Mais pas question de toucher au levier fiscal, a rappelé mercredi Gabriel Attal. "Nous préférons augmenter la pression sur les fraudeurs plutôt qu'augmenter les impôts sur les Français", a déclaré le Premier ministre en présentant les "résultats historiques" du fisc, qui a recouvré plus de 15 milliards d'euros de fraude fiscale l'an dernier.

Un record qui conforte sa volonté de "renforcer les moyens humains" dans ce domaine, car "chaque euro compte" vu "la situation budgétaire dans laquelle nous sommes".

Pour les oppositions, en revanche, le compte n'y est pas.

"Jamais on n'a eu des chiffres aussi épouvantables" en matière de déficit public, a affirmé sur France Inter la présidente des députés Rassemblement national, Marine Le Pen, fustigeant les "résultats pitoyables" et "l'incompétence de ce gouvernement dans le domaine financier".

Mêmes accusations à gauche du député La France insoumise Adrien Quatennens: "Ces gens-là sont de piètres économistes" qui "ont creusé le déficit et la dette pour faire des cadeaux toujours aux mêmes" et "n'ont pas à donner des leçons aux Français", a-t-il fustigé sur CNews et Europe 1.

Le tour de vis envisagé sur les dépenses sociales ne satisfait même pas la droite. "C'est trop tard, parce qu'on va s'y prendre de la plus mauvaise façon, en faisant des coupes un peu aveugles", a déploré Bruno Retailleau sur Public Sénat.

Dans le quotidien Les Echos, le président du parti des Républicains, Eric Ciotti, dénonce la "situation dramatique" des finances publiques françaises, assurant que le pays "emprunte le même chemin que la Grèce".

"Les coups d'éclat dans les médias, c'est bien. Mais être en cohérence dans les débats à l'Assemblée nationale, c'est peut être mieux", a répondu la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot à l'issue du conseil des ministres, accusant LR de multiplier les "propositions" qui "vont dans un sens d'augmenter les dépenses de l'Etat".

L'exécutif, qui envisageait de présenter un budget rectificatif "à l'été", c'est-à-dire après les élections européennes du 9 juin, devra-t-il revoir son calendrier au risque d'un 49.3 et d'une censure?

A tout le moins, il faudra donner des gages avant le couperet des agences de notation: Fitch et Moody's le 26 avril, et surtout S&P le 31 mai, une semaine avant le scrutin.

 


Tentative de putsch au Bénin: des forces spéciales françaises sont intervenues en appui 

Des forces spéciales françaises sont intervenues dimanche lors de la tentative déjouée de putsch au Bénin en appui de l'armée béninoise qui a "vaillamment" repoussé les mutins, a affirmé mercredi à l'AFP le chef de la Garde républicaine, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè. (AFP)
Des forces spéciales françaises sont intervenues dimanche lors de la tentative déjouée de putsch au Bénin en appui de l'armée béninoise qui a "vaillamment" repoussé les mutins, a affirmé mercredi à l'AFP le chef de la Garde républicaine, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè. (AFP)
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  • Mardi, la présidence française avait indiqué avoir appuyé "en termes de surveillance, d'observation et de soutien logistique" le pouvoir béninois, à sa demande, sans confirmer ni démentir la présence de ses forces
  • "L'armée béninoise a été vraiment vaillante et a fait face à l'ennemi toute la journée" dimanche, a expliqué à l'AFP le colonel Tevoédjrè, précisant que des "forces spéciales françaises ont été envoyées depuis Abidjan"

COTONOU: Des forces spéciales françaises sont intervenues dimanche lors de la tentative déjouée de putsch au Bénin en appui de l'armée béninoise qui a "vaillamment" repoussé les mutins, a affirmé mercredi à l'AFP le chef de la Garde républicaine, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè.

Mardi, la présidence française avait indiqué avoir appuyé "en termes de surveillance, d'observation et de soutien logistique" le pouvoir béninois, à sa demande, sans confirmer ni démentir la présence de ses forces.

"L'armée béninoise a été vraiment vaillante et a fait face à l'ennemi toute la journée" dimanche, a expliqué à l'AFP le colonel Tevoédjrè, précisant que des "forces spéciales françaises ont été envoyées depuis Abidjan, utilisées pour du ratissage après que l'armée béninoise ait fait le travail".

Le colonel Tevoédjrè - qui a personnellement dirigé sur place la riposte contre un assaut sur la résidence du chef de l'Etat Patrice Talon tôt dimanche matin - estime à une centaine le nombre de mutins, "avec beaucoup de moyens, des engins blindés".

Il note toutefois que les putschistes, qui ont compté sur "l'effet de surprise", n'ont pas reçu de soutien d'autres unités, saluant l'attitude "républicaine" de l'armée béninoise.

La Garde républicaine a "eu le soutien spontané d'autres unités qui ont été utilisées toute la journée pour reprendre possession de zones, de points stratégiques de Cotonou", détaille t-il.

C'est en fin de journée, alors que les mutins étaient retranchés dans un camp situé dans une zone résidentielle de la capitale économique, que des frappes aériennes du Nigeria voisin et des forces spéciales françaises ont aidé le Bénin, afin notamment "d'éviter des dommages collatéraux".

Le colonel n'a pas donné de bilan chiffré du nombre de victimes des évènements de dimanche, mais a précisé que les mutins étaient "repartis avec des corps et des blessés" de leur tentative d'assaut sur la résidence présidentielle, après un "rude combat".

Dimanche matin, huit militaires étaient apparus à la télévision béninoise, annonçant qu'ils avaient destitué Patrice Talon.

Après une journée d'incertitude à Cotonou, le chef de l'Etat avait déclaré que la situation était "totalement sous contrôle". Les autorités béninoises ont ensuite fait état de "plusieurs victimes", notamment dans des affrontements opposant mutins et forces loyales.


Procès libyen: la cour d'appel de Paris libère l'intermédiaire Djouhri sous contrôle judiciaire

 La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.
La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.
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  • L'homme d'affaires franco-algérien de 66 ans, condamné le 25 septembre à six ans d'emprisonnement dans l'affaire du financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy, aura notamment pour interdiction de sortir d'Île-de-France
  • Il a également l'interdiction de mener une activité d'intermédiation économique et il devra remettre à la justice ses passeports français et algérien et pointer une fois par semaine à la gendarmerie

PARIS: La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.

L'homme d'affaires franco-algérien de 66 ans, condamné le 25 septembre à six ans d'emprisonnement dans l'affaire du financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy, aura notamment pour interdiction de sortir d'Île-de-France, de s'absenter de son domicile en région parisienne entre 8H00 et 20H00, d'entrer en contact avec ses coprévenus.

Il a également l'interdiction de mener une activité d'intermédiation économique et il devra remettre à la justice ses passeports français et algérien et pointer une fois par semaine à la gendarmerie.

Le parquet général s'était opposé à sa libération en pointant notamment sa double nationalité et le risque de départ en Algérie où la coopération judiciaire avec la France est compliquée.

Selon son avocat, Me Pierre-Henri Bovis, il devrait sortir de la prison parisienne de La Santé "dans les prochaines heures".

"La cour d'appel de Paris, par sa décision, a reconnu cette fois-ci qu'il y avait des garanties de représentation suffisantes, et a enfin admis qu'il n'y avait pas de risque de fuite ou de pression" sur les témoins, s'est-il félicité, soulignant que son client ne s'était "jamais dérobé à ses obligations".

Alexandre Djouhri avait déposé une première demande de mise en liberté qui avait été rejetée début novembre, la cour d'appel estimant qu'il présentait un risque de fuite et des garanties de représentation "particulièrement faibles".

Dans ce dossier, deux autres personnes ont été condamnées en première instance à des peines d'emprisonnement avec mandat de dépôt: l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, condamné à cinq ans de prison, et le banquier Wahib Nacer.

L'ex-chef de l'Etat a été incarcéré vingt jours à la prison de la Santé, avant d'obtenir sa libération auprès de la cour d'appel. M. Nacer, qui avait été condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt à exécution provisoire, a également été libéré de prison.

Alexandre Djouhri devrait donc comparaître libre, comme tous ses coprévenus, au procès en appel  prévu du 16 mars au 3 juin. Au total, 10 personnes, dont Nicolas Sarkozy et deux de ses proches, Claude Guéant et Brice Hortefeux, seront rejugées dans ce dossier.


Macron de retour sur le thème de la désinformation, après la polémique sur la labellisation

Le président français Emmanuel Macron attend avant d'accueillir le président roumain à l'Élysée, à Paris, le 9 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron attend avant d'accueillir le président roumain à l'Élysée, à Paris, le 9 décembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron poursuit en Bretagne son tour de France consacré à la régulation des réseaux sociaux et à la lutte contre la désinformation, tout en répondant aux accusations de « dérive autoritaire » liées à son soutien à une labellisation des médias
  • Le président réaffirme qu’il ne s’agit pas d’un label d’État et dénonce les polémiques

PARIS: Emmanuel Macron reprend mercredi en Bretagne son tour de France sur la régulation des réseaux sociaux et la lutte contre la désinformation, l'occasion de répondre en personne aux accusations de dérive "autoritaire" provoquées par son soutien à une labellisation des médias.

Le chef de l'Etat est attendu dans l'après-midi à Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine, pour un échange avec des lecteurs d'Ouest-France sur le thème de "la démocratie à l'épreuve des réseaux sociaux et des algorithmes".

Ses précédents débats organisés par la presse régionale l'ont mené depuis un mois à Toulouse, Arras (Pas-de-Calais) et Mirecourt (Vosges), et il devrait enchaîner avec Marseille la semaine prochaine.

Son idée directrice est de réfléchir à une adaptation de la législation pour réguler les réseaux sociaux, qui échappent largement à la loi de la presse de 1881 qui régit les médias traditionnels. Une réflexion censée déboucher sur des "décisions concrètes" début 2026, même si le président a déjà commencé à égrener des pistes.

Parmi elles, une mesure a déclenché une polémique à retardement.

Emmanuel Macron a en effet apporté un soutien très volontariste à des initiatives existantes de labellisation des médias "par des professionnels", pour distinguer les sites et réseaux qui font de l'information, selon les règles déontologiques, des autres.

"On va tout faire pour que soit mis en place un label", a-t-il lancé le 19 novembre à Arras, tout en assurant que ce n'était par à l'Etat de le faire.

- "Dérive totalitaire" -

Le 30 novembre, le Journal du dimanche s'est saisi de cette proposition pour lui reprocher une "dérive totalitaire", ironisant sur sa volonté présumée de mettre en place un "ministère de la Vérité", comme dans le roman dystopique "1984" de George Orwell.

L'accusation a été aussitôt relayée par les autres médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré puis par plusieurs dirigeants de la droite et de l'extrême droite, qui disent soupçonner le chef de l'Etat de vouloir "contrôler l'information" et museler la liberté d'expression à son profit.

En Conseil des ministres, il y a une semaine, Emmanuel Macron a répondu qu'il n'avait "jamais" envisagé de créer un "label d'Etat" pour les médias, et "encore moins" un "ministère de la Vérité", selon les propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Le compte de l'Elysée s'est même fendu d'un message sur le réseau X pour déplorer que "parler de lutte contre la désinformation suscite la désinformation", visant ceux qui avaient attaqué le président, du patron des Républicains Bruno Retailleau au présentateur vedette de CNews Pascal Praud.

Une réaction officielle qui a déclenché une nouvelle cascade de commentaires enflammés y voyant la démonstration de velléités de contrôle macronistes.

A Saint-Malo, le président de la République doit aussi aborder "les conséquences de la désinformation en matière climatique", à l'occasion des dix ans de l'accord de Paris sur le climat, a fait savoir l'Elysée.