L’exposition de calligraphie d’un artiste franco-irakien enchante Riyad

L’artiste franco-irakien Hassan Massoudy. (Photo fournie)
L’artiste franco-irakien Hassan Massoudy. (Photo fournie)
Le parcours de l’artiste franco-irakien Hassan Massoudy, des rues de Bagdad aux studios de Paris, a été une grande source d’inspiration. (Photo fournie)
Le parcours de l’artiste franco-irakien Hassan Massoudy, des rues de Bagdad aux studios de Paris, a été une grande source d’inspiration. (Photo fournie)
Le parcours de l’artiste franco-irakien Hassan Massoudy, des rues de Bagdad aux studios de Paris, a été une grande source d’inspiration. (Photo fournie)
Le parcours de l’artiste franco-irakien Hassan Massoudy, des rues de Bagdad aux studios de Paris, a été une grande source d’inspiration. (Photo fournie)
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Publié le Vendredi 29 mars 2024

L’exposition de calligraphie d’un artiste franco-irakien enchante Riyad

  • «Calligraphies de lumière» présente la fusion unique de cultures et d’expressions de Massoudy sur toile et sur papier
  • Chaque toile de l’exposition est une empreinte de l’âme de Massoudy qui invite les visiteurs à entreprendre un voyage d’introspection et d’illumination

RIYAD: La galerie d’art Hewar, à Riyad, accueille une captivante exposition de calligraphies réalisées par le célèbre artiste franco-irakien Hassan Massoudy. 

«Calligraphies de lumière» présente la fusion unique de cultures et d’expressions de Massoudy sur toile et sur papier. 

Le parcours de cet artiste de 80 ans, des rues de Bagdad aux studios de Paris, a été une grande source d’inspiration, comme il le confie à Arab News: «Quand j’étais enfant, j’adorais dessiner. Par ailleurs, ma mère m’emmenait souvent rendre visite à mon oncle, qui était théologien et calligraphe. Je le regardais tracer les lettres avec patience et diligence.» 

Mu par le rêve de devenir artiste, Massoudy entreprend un voyage capital en France en 1969. Formé à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, il se plonge dans l’histoire de l’art et dans les techniques de la peinture, du dessin, de la mosaïque, de la fresque et de la peinture figurative. 

«Parallèlement, pour payer mes études, je travaillais en tant que calligraphe ainsi que dans un magazine algérien. Petit à petit, j’ai commencé à introduire des lettres dans les personnages colorés que je peignais.» 

«Entre 1975 et 1980, j’ai intégré de plus en plus de calligraphie jusqu’à ce que la peinture figurative disparaisse totalement, remplacée par des lettres. D’abord, c’étaient des compositions, mais par la suite le mot-clé de la phrase s'est développé pour devenir le “personnage” principal», précise-t-il. 

Massoudy a été influencé par des peintres comme Matisse, Picasso et Soulages. Il affirme toutefois: «Une autre civilisation m’a également beaucoup apporté, celle de l’Extrême-Orient, notamment les calligraphies chinoise et japonaise. Cela m’a permis de libérer l’espace et de faire des gestes libres et amples en agrandissant mes mots à la taille de la feuille de papier ou de la toile.» 

Cela est venu enrichir les fondements de la culture d’origine de Massoudy, ce qui a permis à ses compositions calligraphiques de transcender les frontières linguistiques et d’incarner une essence intemporelle d’humanisme et de poésie. 

Le message transmis par ses créations revêt une grande importance pour lui. «Ces textes proviennent des cultures orientale et occidentale, du passé et du présent. Grâce à ces phrases poétiques ou humanistes, nous nous rendons compte que les hommes peuvent s’unir à travers leurs idées et leur sensibilité.» 

Chaque toile de l’exposition est une empreinte de l’âme de Massoudy qui invite les visiteurs à entreprendre un voyage d’introspection et d’illumination. 

«La phrase du poète indien Kabîr “Ô ami, ne va pas au jardin de fleurs, le jardin de fleurs est en toi”, que j’ai calligraphiée sur l’une de mes toiles, présente une composition semblable à une grande graine qui englobe un jardin intérieur, la promesse d’une renaissance. La citation de Takuan Soho “Ce jour n’aura pas son semblable. Chaque instant est un joyau inestimable” me rassure et me fait prendre conscience de la beauté de la vie. Quant à Ibn Qalakis, il nous incite à évoluer et à ne pas rester dans un état statique: “Voyage, si tu ambitionnes une valeur certaine. C’est en parcourant les cieux que le croissant devient pleine lune”.» 

L’artiste explique que les visiteurs de l’exposition «entreront en contact avec les couleurs de la toile, la géométrie cachée derrière la forme des mots et le sens du texte». 

Au cours de son apprentissage auprès de différents calligraphes de Bagdad, il a découvert leurs styles préférés ou les petites astuces propres à chacun d’eux pour dessiner une lettre particulière. En ce qui concerne ses études aux beaux-arts, il se dit privilégié d’avoir pu pratiquer à la fois la calligraphie et la peinture. 

«J’ai essayé de les fusionner, de combiner Bagdad et Paris, et vice versa. Cela a donné un nouvel élan à ma calligraphie. Je connais les styles classiques de la calligraphie arabe avec ses codes stricts, mais ce que j’ai appris à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, j’ai essayé de l’appliquer aux lettres en leur donnant toute leur liberté et en ne les enfermant pas dans des règles», souligne-t-il. 

Au fil de l’exposition, on se familiarise rapidement avec le rythme des coups de pinceau de Massoudy; chacun apporte de l’émotion et de la grâce. Il raconte que la danse l’a énormément influencé. 

«J’ai eu le plaisir de travailler en direct lors de spectacles avec des danseurs, notamment avec Carolyn Carlson», se souvient-il. «Lorsque je travaillais en collaboration avec des danseurs, j’avais l’impression d’être le chorégraphe de mes lettres. Cela m’a beaucoup aidé à libérer mon geste, à l’allonger, à le plier, à le soulever, puis à le faire danser sur la feuille avec énergie.» 

L’un des principaux visiteurs de l’exposition a été Ludovic Pouille, l’ambassadeur de France en Arabie saoudite. 

«Dès que j’ai appris que l’artiste franco-irakien Hassan Massoudy exposait ses œuvres à la galerie Hewar, je me suis dit que je ne manquerais cela pour rien au monde. “Calligraphies de Lumière” est une véritable ode à la poésie et aux couleurs arabes. Je suis un grand amateur d’art en général. L’art est un langage universel qui rapproche les cultures et les gens et ouvre nos esprits aux différences et à de nouvelles perspectives», confie-t-il à Arab News. 

Selon l’ambassadeur, l’exposition sert de catalyseur aux échanges culturels et à l’entente entre la France et l’Arabie saoudite puisqu’elle invite les visiteurs des deux pays à explorer des paysages culturels inconnus et à s’y intéresser, ce qui favorise le respect mutuel et la curiosité. 

«Les Saoudiens sont exposés à l’art français depuis longtemps et ils expriment certainement leur appréciation et leur amour de mon pays et de sa culture. Aujourd’hui, avec la grande transformation dont l’Arabie saoudite est témoin, les Français sont désireux de la découvrir eux-mêmes. C’est ce que nous avons constaté, étant donné le nombre croissant de touristes français», note-t-il encore. 

L’ambassade de France à Riyad s’engage activement auprès des communautés locales pour promouvoir le dialogue interculturel. Parmi les initiatives, on peut citer le Mois de la francophonie, pendant lequel des événements sont organisés à Riyad, Djeddah, Al-Khobar et AlUla en collaboration avec des ambassades, des écoles, des associations francophones et des partenaires saoudiens. 

«La superbe exposition que propose la galerie L’Art Pur intitulée “Woven Portraits”, réalisée par l’artiste franco-suisse Catherine Gfeller et l’artiste saoudienne Daniah Alsaleh, est un excellent exemple de coopération artistique. Il s’agit d’une exposition destinée à célébrer la force, la résistance et la créativité des femmes de Riyad, avec en toile de fond le paysage social et culturel dynamique de la ville», indique M. Pouille à Arab News. 

«L’ambassade de France a l’intention de présenter une exposition d’art numérique par les artistes français Jeanne Morel et Paul Marlier au mois d’avril au centre culturel de Hayy Jameel. Nous prévoyons également de renforcer les échanges culturels entre les deux pays en organisant une nouvelle résidence artistique à l’automne prochain. Je crois que ces programmes sont un excellent moyen pour les artistes de tisser un lien à long terme», poursuit-il. 

Les prochaines initiatives favoriseront également la collaboration artistique et les échanges culturels entre la France et le Royaume. 

«Nos projets sont continus. La première visite officielle de la ministre de la Culture, Rachida Dati, en Arabie saoudite [au mois de mars], à l’invitation de son homologue, le prince Badr ben Abdallah ben Farhane, est une preuve tangible de la coopération franco-saoudienne constante et de haut niveau», souligne l’ambassadeur. 

L’exposition «Calligraphies de Lumière» est visible jusqu’au 18 avril. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Pour Liam Cunningham, star de « Game of Thrones », le monde « n'oubliera pas » ceux qui sont restés silencieux sur Gaza

L'acteur irlandais Liam Cunningham a déclaré que le public « n'oubliera pas » ceux qui n'ont pas exprimé leur soutien aux Palestiniens pendant le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza. (AP/File Photo)
L'acteur irlandais Liam Cunningham a déclaré que le public « n'oubliera pas » ceux qui n'ont pas exprimé leur soutien aux Palestiniens pendant le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza. (AP/File Photo)
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  • L'Irlandais est un ardent défenseur de la cause palestinienne depuis des décennies
  • « Ce qui me préoccupe, c'est que les personnes qui se sentent concernées et qui ne font rien sont, à mon avis, pires que celles qui ne se sentent pas concernées », a-t-il déclaré

LONDRES : L'acteur irlandais Liam Cunningham a déclaré que le public « n'oubliera pas » ceux qui n'ont pas exprimé leur soutien aux Palestiniens pendant le conflit actuel entre Israël et le Hamas à Gaza.

La star de « Game of Thrones » est un fervent défenseur des causes palestiniennes depuis des décennies. Lors d'une manifestation à Dublin menée par l'Irlando-Palestinien Ahmed Alagha, qui a perdu 44 membres de sa famille dans le récent assaut israélien contre Gaza, Cunningham a déclaré qu'il avait été félicité par ses pairs dans le passé pour son activisme.

« Ce qui me préoccupe, c'est que les personnes qui se sentent concernées et qui ne font rien sont, à mon avis, pires que celles qui ne se sentent pas concernées », a-t-il déclaré.

On a demandé à Cunningham s'il avait parlé à d'autres acteurs pour les convaincre de soutenir la cause palestinienne, mais il a répondu en disant qu'il ne pouvait répondre des autres, a rapporté The Independent.

Il a toutefois ajouté : « Internet n'oublie pas. Lorsque cela se produira, lorsque la CIJ (Cour internationale de justice) et la CPI (Cour pénale internationale) feront, je l'espère, leur travail honorablement, cela se saura », a-t-il déclaré.

« Et les gens qui n'ont pas parlé ne seront pas oubliés. Ce génocide est retransmis en direct et il n'est pas possible de dire que l'on ne savait pas. Vous saviez. Et vous n'avez rien fait. Vous êtes restés silencieux. Je dois pouvoir me regarder dans le miroir, et c'est pourquoi je parle », a-t-il ajouté.

Un mois après qu'Israël a lancé son assaut sur Gaza en réponse aux incursions du Hamas sur le territoire israélien, le 7 octobre, qui ont fait près de 1 200 morts et quelque 250 otages, Cunningham a déclaré que, pour les Irlandais, ignorer le traitement réservé aux Palestiniens reviendrait à « trahir » leur histoire.

« Si nous nous permettons d'accepter ce comportement, alors nous acceptons que cela nous arrive », avait-il déclaré à l'époque. « Nous devons défendre des normes. Nous devons défendre le droit international et cela nous réduit en tant qu'êtres humains si nous ne le faisons pas ».

L'assaut israélien sur Gaza a tué plus de 34 000 Palestiniens, dont environ deux tiers d'enfants et de femmes, selon les autorités sanitaires de l'enclave dirigées par le Hamas.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Le pape François à Venise, son premier déplacement en sept mois

Le pape François salue lors d'une audience avec des pèlerins hongrois dans la salle Paul VI du Vatican, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Le pape François salue lors d'une audience avec des pèlerins hongrois dans la salle Paul VI du Vatican, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • En se rendant à Venise pour la première fois depuis son élection en 2013, le pape entend d'abord rassurer sur sa capacité à assurer son ministère
  • Depuis sa visite à Marseille en septembre 2023, Jorge Bergoglio n'a plus voyagé

VATICAN: Le pape François, 87 ans, est attendu dimanche à Venise pour une visite éclair, son premier déplacement hors de Rome en sept mois en raison de son état de santé précaire.

Depuis sa visite à Marseille en septembre 2023, Jorge Bergoglio n'a plus voyagé. Une bronchite l'a contraint à annuler son voyage à Dubaï en décembre et son état général, de plus en plus fragile, à éviter les déplacements.

En se rendant à Venise pour la première fois depuis son élection en 2013, le pape entend d'abord rassurer sur sa capacité à assurer son ministère, quelques semaines après les inquiétudes suscitées par son accès de fatigue au moment des fêtes de Pâques.

François doit arriver en hélicoptère à 08H00 (06H00 GMT) à la prison pour femmes de l'île de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège à la 60e Biennale d'art contemporain de Venise.

Dans cet ancien couvent qui accueille des femmes condamnées à de longues peines, l'évêque de Rome, sensible à la place des marginalisés, rencontrera les 80 détenues et visitera l'exposition qu'elles ont montée aux côtés de dix artistes.

A l'écart des projecteurs et de la foule, le pavillon du Saint-Siège est l'un des plus en vue de la prestigieuse manifestation d'art et propose aux visiteurs une expérience immersive et déroutante, où les œuvres côtoient les barbelés.

"Ce sera un moment historique puisqu'il sera le premier pape à visiter la Biennale de Venise", a estimé le conservateur de l'exposition, le cardinal portugais José Tolentino de Mendonça, lors d'une conférence de presse.

Cela "démontre clairement la volonté de l'Eglise de consolider un dialogue fructueux et étroit avec le monde des arts et de la culture".

Messe place Saint-Marc 

Chiara Parisi, commissaire de l'exposition, a souligné "l'émerveillement" et "l'espérance" des détenues vis-à-vis de cette visite.

"Le pape agit au-delà de la parole" en se déplaçant auprès d'elles, des "personnes qui ont à cœur de jouer un rôle même quand elles sont dans une situation très dure", a-t-elle déclaré à l'AFP.

Le pape s'exprimera ensuite devant des jeunes à 10H00 (08H00 GMT) devant l'emblématique basilique Santa Maria della Salute, dont le dôme majestueux domine l'entrée sud du Grand Canal, à deux pas de la place Saint-Marc.

Après avoir rejoint la célèbre place grâce à un pont éphémère, il présidera une grande messe à 11H00 (09H00 GMT) en présence de nombreux responsables politiques et religieux. Il quittera la Lagune en début d'après-midi pour rentrer au Vatican.

Après Paul VI (1972), Jean-Paul II (1985) et Benoit XVI (2011), François est le quatrième pape à se rendre dans la Cité des Doges.

L'histoire de la Sérénissime est étroitement liée à celle de la papauté. Au XXe siècle, trois patriarches de Venise sont devenus papes.

Le diocèse de Venise est un des plus grands de la péninsule avec 125 paroisses. Venise est en outre l'un des rares patriarcats de l'Eglise latine.

La visite du pape intervient le week-end d'introduction d'une entrée payante de cinq euros pour les touristes à la journée: en tant qu'invité, il devrait en être exempté, mais les pèlerins non résidents y seront soumis.

Après ce déplacement, le jésuite argentin doit effectuer deux autres voyages dans le nord de l'Italie, à Vérone en mai et à Trieste en juillet.

Cette visite intervient aussi alors que le Vatican vient d'officialiser une ambitieuse tournée papale aux confins de l'Asie et de l'Océanie en septembre (Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Timor oriental et Singapour), le plus long voyage de son pontificat, qui s'annonce comme un ambitieux défi sur le plan physique.


Tanger, le «havre de liberté» des grands noms du jazz

Abdellah El Gourd, légende marocaine de la musique gnawa âgée de 77 ans, pose pour une photo dans la vieille ville de Tanger le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Abdellah El Gourd, légende marocaine de la musique gnawa âgée de 77 ans, pose pour une photo dans la vieille ville de Tanger le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Cette année, la cité, bordée par la Méditerranée et l'Atlantique, a été désignée ville-hôte de la Journée internationale du jazz, par l'Unesco
  • Randy Weston et Abdellah El Gourd vont de leur côté repousser les limites de la création, devenant les précurseurs de la fusion entre sonorités jazz et gnaoua

TANGER: Au siècle dernier, Randy Weston, Idrees Sulieman ou Max Roach ont traversé l'Atlantique pour découvrir Tanger, devenue le repère des grands jazzmen américains. Un héritage qui sera célébré mardi dans la métropole du nord du Maroc, lors de la Journée internationale du jazz.

"La ville a eu un pouvoir d'attraction fascinant sur une vague d'intellectuels et musiciens. Ce n'est pas pour rien qu'un écrivain disait qu'il y avait toujours un paquebot qui chauffait à New York en partance pour Tanger", explique à l'AFP Philippe Lorin, fondateur d'un festival de jazz dans la grande ville portuaire.

Cette année, la cité, bordée par la Méditerranée et l'Atlantique, a été désignée ville-hôte de la Journée internationale du jazz, par l'Unesco. A partir de samedi, elle abrite des conférences et spectacles en plein air qui culmineront dans un grand concert mondial avec le pianiste Herbie Hancock et les bassistes Marcus Miller et Richard Bona ou le guitariste Romero Lubambo.

Le cosmopolitisme de Tanger puise ses racines dans son statut d'ancienne zone internationale, administrée par plusieurs puissances coloniales de 1923 jusqu'en 1956 quand le Maroc a pris son indépendance.

Son rayonnement a été alimenté par le passage d'écrivains et poètes du mouvement littéraire de la "beat generation" mais aussi de jazzmen afro-américains "en quête de leurs racines africaines", souligne l'historien Farid Bahri, auteur de "Tanger, une histoire-monde du Maroc".

"Tanger était un havre de liberté comme l'est la musique jazz", note M. Lorin.

Weston débarque à Tanger 

"La présence des musiciens américains à Tanger était également liée à une diplomatie américaine très active", complète l'historien marocain.

Le célèbre pianiste Randy Weston a posé ses valises durant cinq ans à Tanger après une tournée dans 14 pays africains en 1967, organisée par le département d'Etat américain.

Le virtuose de Brooklyn a joué un rôle déterminant dans la construction du mythe de la ville du détroit, à laquelle il a dédié son album "Tanjah" (1973).

"Randy était un homme d'exception aimable et respectueux, il a beaucoup donné à la ville et ses musiciens", confie à l'AFP Abdellah El Gourd, un maître gnaoua (musique spirituelle originaire d'Afrique de l'ouest, introduite par les descendants d'esclaves), ami et collaborateur du pianiste américain décédé en 2018.

Un autre moment charnière de cette épopée est l'enregistrement en 1959 d'une session musicale avec le vénérable trompettiste Idrees Sulieman, le pianiste Oscar Dennard, le contrebassiste Jamil Nasser et le batteur Buster Smith au studio de la Radio Tanger International (RTI) à l'invitation de Jacques Muyal.

Ce Tangérois d'à peine 18 ans, animateur d'une émission de jazz sur RTI, produit alors, avec les moyens du bord et sans le savoir, un album de référence qui circulera dans les cercles de jazz avant son édition sous le titre "The 4 American Jazzmen In Tangier" en 2017.

«Expérience unique»

Randy Weston et Abdellah El Gourd vont de leur côté repousser les limites de la création, devenant les précurseurs de la fusion entre sonorités jazz et gnaoua.

"La barrière de la langue n'a jamais été un problème car notre communication se faisait à travers les gammes. Notre langage était la musique", raconte M. El Gourd, dans une salle de répétition aux murs tapissés de photos souvenirs de tournées internationales notamment avec Weston et le saxophoniste Archie Shepp.

Une longue collaboration qui donnera naissance 25 ans plus tard à l'album "The Splendid Master Gnawa Musicians of Morocco" (1992).

En 1969, le pianiste américain décide d'ouvrir un club de jazz baptisé "African Rythms Club" au-dessus du célèbre cinéma Mauritania.

"On répétait là-bas, Randy y invitait ses amis musiciens. C'était une belle époque", se remémore le maâlem (maître) de 77 ans qui a parcouru le monde aux côtés de Weston.

Puis en 1972, l'Américain se lance dans la folle aventure d'organiser un premier festival de jazz à Tanger avec des invités de marques dont le percussionniste Max Roach, le flûtiste Hubert Laws, le contrebassiste Ahmed Abdul-Malik, le saxophoniste Dexter Gordon mais aussi Abdellah El Gourd.

"C'était une expérience assez unique car c'était la première fois qu'on jouait devant un public aussi nombreux", se souvient le musicien, jusqu'alors habitué aux performances gnaouas réservées à l'époque à des cercles restreints.

L'expérience ne durera qu'une seule édition mais inspirera Philippe Lorin pour créer, près de trois décennies plus tard, le festival Tanjazz, organisé chaque année en septembre.