Macron et la mémoire: un tropisme historique, un message politique

Le président français Emmanuel Macron arrive à la cérémonie d'hommage à la politicienne française Simone Veil et au diplomate Jean Monnet, au Panthéon français à Paris, le 7 janvier 2022. (Photo Ludovic Marin Pool AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive à la cérémonie d'hommage à la politicienne française Simone Veil et au diplomate Jean Monnet, au Panthéon français à Paris, le 7 janvier 2022. (Photo Ludovic Marin Pool AFP)
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Publié le Samedi 06 avril 2024

Macron et la mémoire: un tropisme historique, un message politique

  • Emmanuel Macron, a développé un tropisme pour les commémorations et les hommages, une manière d'invoquer une Nation rassemblée par temps de fractures, et d'esquisser, en filigrane, son propre projet politique
  • L'Elysée a annoncé vendredi qu'Emmanuel Macron rendrait un hommage national le 15 avril à l'écrivaine Maryse Condé, sur le site de la Bibliothèque nationale de France (BNF)

PARIS : La chorégraphie est immuable: la démarche compassée, le président s'avance, puis s'exprime, le ton grave. Emmanuel Macron, a développé un tropisme pour les commémorations et les hommages, une manière d'invoquer une Nation rassemblée par temps de fractures, et d'esquisser, en filigrane, son propre projet politique.

Le chef de l'Etat se rend dimanche au plateau des Glières, théâtre alpin de combats opposant l'armée allemande et la milice française aux résistants, puis à la maison d'Izieu, dans l'Ain, où 44 enfants et sept éducateurs, tous juifs, furent raflés le 6 avril 1944 puis déportés.

C'est le coup d'envoi aux commémorations du 80e anniversaire de la Libération, dont les cérémonies du 6 juin, en souvenir du Débarquement en Normandie, seront le point d'orgue.

Un rendez-vous obligé, mais qu'Emmanuel Macron va égrener sur l'année pour en faire un temps fort de son second quinquennat.

«Incontestablement», il y a un «tropisme mémoriel» chez ce président quadragénaire, constate l'historien Jean Garrigues. «Un goût pour l'Histoire et la mémoire», «une tendance à exalter les figures héroïques» qui se traduit par «une démultiplication des événements commémoratifs», dit-il à l'AFP.

Déjà 24 hommages nationaux - plus que ses prédécesseurs. A Charles Aznavour ou Jean-Paul Belmondo, au résistant Léon Gautier ou à l'ex-président de la Commission européenne Jacques Delors, à l'avocate féministe Gisèle Halimi ou au père de l'abolition de la peine de mort Robert Badinter. Mais aussi à des «héros» du quotidien, comme le gendarme Arnaud Beltrame, tué par un jihadiste auquel il s'était livré pour sauver une otage.

L'Elysée a annoncé vendredi qu'Emmanuel Macron rendrait un hommage national le 15 avril à l'écrivaine Maryse Condé, sur le site de la Bibliothèque nationale de France (BNF). Elle est morte dans la nuit de lundi à mardi dernier.

- «Pierre angulaire» -

«C'est le président qui enterre la seconde partie du XXe siècle», glisse un conseiller d'Emmanuel Macron pour justifier ces rendez-vous répétés dans la Cour d'honneur des Invalides - où dans un lieu symbolique pour le défunt.

Sous la houlette de l'influent «conseiller mémoire» Bruno Roger-Petit, ces cérémonies sont l'occasion de discours ciselés, scandés d'une voix d'outre-tombe, pour retracer avec lyrisme un parcours de vie.

Le style s'est affirmé à mesure que blanchissaient les tempes du plus jeune président de la République.

Mais il était en germe dès le soir de son élection en 2017, lors d'une longue marche solennelle et solitaire vers la Pyramide du Louvre au rythme de l'hymne européen. Par la suite, l'invention d'une «itinérance mémorielle» pour le centenaire de la fin de la guerre de 14-18 est venue confirmer son attrait pour l'exercice.

«Dès avant son arrivée au pouvoir, le président a dit qu'il voulait renouer avec la tradition de célébration des héros français», explique un proche. Un autre explicite cette doctrine: «la mémoire, c'est la pierre angulaire de l'imaginaire qui nous constitue en tant que Nation».

Emmanuel Macron choisit aussi de faire entrer des personnalités au Panthéon, comme Simone Veil, Joséphine Baker ou Missak Manouchian, ou de mettre l'accent sur certains anniversaires censés entrer en résonance avec le présent ou avec son propre leitmotiv, «en même temps» de droite et de gauche.

«Napoléon Bonaparte est une part de nous», lance-t-il en 2021 pour le bicentenaire de la mort de l'empereur. Georges Pompidou est célébré pour sa «modernité de conquête», qui «pensait à la fois Vieille France et Nouvelle France», tandis que Georges Clemenceau, «Père la Victoire» de la Première Guerre mondiale, l'«inspire énormément» pour son refus du «défaitisme».

- «Incarnation par délégation» -

Si son entourage assure qu'il «évite toujours» de «parler de lui à travers la personne honorée», le chef de l'Etat n'en assume pas moins un message politique.

A travers le 80e anniversaire de la Libération, il devrait rappeler une époque où les Français se faisaient la guerre entre eux, avant finalement de se réconcilier.

Pour Jean Garrigues, ce «tropisme» s'explique notamment par la «difficulté d'Emmanuel Macron à incarner le peuple qu'il gouverne et qui l'a élu». «Il cherche des figures dans le passé de la Nation pour remplir ce vide», dans une forme «d'incarnation par délégation», estime l'historien, tout en soulignant que ces moments peuvent apparaître «déconnectés de la réalité quotidienne de la société française».

La communicante Emilie Zapalski se demande si le président n'a pas finalement «trouvé là sa place», alors que «c'est de plus en plus difficile pour lui» particulièrement sur la scène nationale, où il est privé de majorité absolue à l'Assemblée nationale et voit la course à sa succession s'ouvrir sous ses yeux.

Le mémoriel, «c'est un peu son meilleur rôle», lance-t-elle, même si elle épingle, sur la forme, un «Emmanuel Macron qui se regarde faire et s'écoute dire».


L’histoire de Donia, arrivée de Gaza à Paris, le quotidien morbide des Gazaouis qui ne veulent que vivre

Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
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  • Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
  • Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable.

PARIS: Depuis le début de la guerre à Gaza, les récits qui parviennent à franchir les ruines et le silence imposé sont rares.
Derrière les chiffres et les bilans atones relayés par les médias, il y a des voix : celles de civils qui ont vu leur existence basculer en quelques heures.
Parmi elles, Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable. Donia témoigne de ce que signifie vivre la guerre : vivre avec la peur, la faim, fuir sous les bombes, errer d’un abri de fortune à un autre.
Marcher pour ne pas crever, marcher avec le seul souci de garder en vie ses deux enfants (une fille et un garçon) restés avec elle, les deux autres étant en Égypte.
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous.
Son récit, émouvant par-dessus tout, saccadé par de longs silences et des larmes qui coulent spontanément sur les joues, n’en est pas moins ferme : pour elle, indéniablement, Gaza est le foyer des Gazaouis qui feront tout pour reconstruire.

 


Lecornu recevra les socialistes mercredi, annonce Olivier Faure

Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure. (AFP)
Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure. (AFP)
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  • Depuis sa nomination mardi, Sébastien Lecornu a commencé ses consultations avec d'abord les partis de son "socle commun" (bloc central et LR), puis les syndicats et organisations patronales avec qui il a des entretiens encore lundi et mardi
  • Mais le rendez-vous le plus attendu est celui avec les socialistes. Déjà menacé de censure par LFI et le RN, c'est eux qui peuvent éviter à M. Lecornu de connaître le même sort que ses prédécesseurs

PARIS: Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure.

"On a rendez-vous mercredi matin et donc nous le verrons pour la première fois", a déclaré M. Faure lundi sur France 2. Les Ecologistes de Marine Tondelier et le Parti communiste de Fabien Roussel ont également indiqué à l'AFP être reçus mercredi, respectivement à 14H et 18H.

Depuis sa nomination mardi, Sébastien Lecornu a commencé ses consultations avec d'abord les partis de son "socle commun" (bloc central et LR), puis les syndicats et organisations patronales avec qui il a des entretiens encore lundi et mardi.

Mais le rendez-vous le plus attendu est celui avec les socialistes. Déjà menacé de censure par LFI et le RN, c'est eux qui peuvent éviter à M. Lecornu de connaître le même sort que ses prédécesseurs.

Au coeur de ce rendez-vous le projet de budget 2026 que le nouveau gouvernement devra présenter avant la mi-octobre au Parlement.

Les socialistes posent notamment comme conditions un moindre effort d'économies l'année prochaine que ce qu'envisageait François Bayrou et une fiscalité plus forte des plus riches, à travers la taxe sur les très hauts patrimoines élaborée par l'économiste Gabriel Zucman (2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros).

Mais Sébastien Lecornu, s'il s'est dit prêt samedi à "travailler sans idéologie" sur les questions "de justice fiscale" et de "répartition de l'effort", a déjà fait comprendre son hostilité à cette taxe Zucman, et notamment au fait de taxer le patrimoine professionnel "car c'est ce qui permet de créer des emplois".

"Quand on parle patrimoine professionnel, vous pensez à la machine outil ou aux tracteurs mais pas du tout. On parle d'actions, la fortune des ultrariches, elle est essentiellement en actions", lui a répondu M. Faure.

"Si vous dites que, dans la base imposable, on retire ce qui est l'essentiel de leur richesse, en réalité, vous n'avez rien à imposer", a-t-il argumenté.

"C'était déjà le problème avec l'Impôt sur la fortune (ISF, supprimé par Emmanuel Macron) qui touchait les +petits riches+ et épargnaient les +ultrariches+ parce que les +ultrariches+ placent leur argent dans des holdings", a-t-il reconnu.

 


Pour Sébastien Lecornu, un premier déplacement consacré à la santé

Sébastien Lecornu assiste à la présentation du supercalculateur Asgard au Mont Valérien à Suresnes, près de Paris, le 4 septembre 2025. (AFP)
Sébastien Lecornu assiste à la présentation du supercalculateur Asgard au Mont Valérien à Suresnes, près de Paris, le 4 septembre 2025. (AFP)
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  • Déplacement symbolique à Mâcon : Pour son premier déplacement, Sébastien Lecornu met l'accent sur l'accès aux soins et le quotidien des Français
  • Conscient de l'absence de majorité, il consulte partis et syndicats, cherchant des terrains d'entente sur le budget, tout en laissant la porte ouverte à une fiscalité plus juste

PARIS: Sébastien Lecornu se rend samedi en province, à Mâcon, pour son premier déplacement en tant que Premier ministre consacré à la santé et à "la vie quotidienne" des Français, délaissant pendant quelques heures les concertations qu'il mène activement à Paris avant de former un gouvernement.

Quatre jours à peine après sa nomination, le nouveau et jeune (39 ans) locataire de Matignon va à la rencontre des Français, pour qui il reste encore un inconnu. Il échangera notamment avec des salariés d'un centre de santé de Saône-et-Loire dont le but est d'améliorer l'accès aux soins.

Lui-même élu local de l'Eure, où il a été maire, président de département et sénateur, ce fils d'une secrétaire médicale et d'un technicien de l'aéronautique avait assuré dès le soir de sa nomination "mesurer les attentes" de ses concitoyens et "les difficultés" qu'ils rencontraient.

Celles-ci sont souvent "insupportables" pour accéder à un médecin ou à un professionnel de santé, parfois "source d'angoisse", souligne son entourage. Le Premier ministre entend dans ce contexte "témoigner de la reconnaissance de la Nation à l’égard des personnels soignants" et "réaffirmer la volonté du gouvernement de faciliter l’accès aux soins".

Il s'agit aussi pour Sébastien Lecornu de convaincre l'opinion, autant que les forces politiques, du bien-fondé de sa méthode: trouver des terrains d'entente, en particulier sur le budget, permettant de gouverner sans majorité.

Sébastien Lecornu est très proche d'Emmanuel Macron, avec qui il a encore longuement déjeuné vendredi à l'Elysée.

- Mouvements sociaux -

Sa nomination coïncide avec plusieurs mouvements sociaux. Le jour de sa prise de fonction, une mobilisation lancée sur les réseaux sociaux pour "bloquer" le pays a réuni 200.000 manifestants, et une autre journée de manifestations à l'appel des syndicats est prévue jeudi.

"Il y a une grande colère" chez les salariés, a rapporté Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, premier syndicat de France, à l'issue d'une entrevue vendredi avec le nouveau Premier ministre, qui lui a dit travailler sur une "contribution des plus hauts revenus" dans le budget 2026.

C'est sur le budget que ses deux prédécesseurs, François Bayrou et Michel Barnier, sont tombés. Et Sébastien Lecornu cherche en priorité une forme d'entente avec les socialistes.

Mais il lui faut dans le même temps réduire les déficits, alors que l'agence de notation Fitch a dégradé vendredi soir la note de la dette française.

Le centre et la droite de la coalition gouvernementale se disent prêts à taxer plus fortement les ultra-riches sans pour autant aller jusqu'à l'instauration de la taxe Zucman sur les plus hauts patrimoines, mesure phare brandie par les socialistes et dont LR ne veut pas.

Une telle mesure marquerait en tout cas une des "ruptures" au fond prônées par Sébastien Lecornu à son arrivée, puisqu'elle briserait le tabou des hausses d'impôts de la macronie.

- Méthode -

Sébastien Lecornu veut aussi des changements de méthode.

Il a d'abord réuni jeudi --pour la première fois depuis longtemps-- les dirigeants des partis du "socle commun", Renaissance, Horizons, MoDem et Les Républicains, afin qu'ils s'entendent sur quelques priorités communes.

Un format "présidents de parti" qui "permet de travailler en confiance, de façon plus directe, pour échanger sur les idées politiques, sur les arbitrages", salue un participant.

Avant les oppositions et à quelques jours d'une deuxième journée de manifestations, il a consulté les partenaires sociaux, recevant vendredi la CFDT et Medef, avant la CGT lundi.

En quête d'un compromis pour faire passer le budget, le chef de gouvernement pourrait repartir du plan de son prédécesseur François Bayrou délesté de ses mesures les plus controversées. A l'instar de la suppression de deux jours fériés.

L'hypothèse d'une remise sur les rails du conclave sur les retraites semble aussi abandonnée. Les partenaires sociaux refusent de toute façon de le rouvrir.

Des gestes sont attendus à l'égard des socialistes alors qu'à l'Elysée, on estime que le Rassemblement national, premier groupe à l'Assemblée nationale, se range désormais comme la France insoumise du côté du "dégagisme".

Cultivant une parole sobre voire rare, Sébastien Lecornu ne s'exprimera qu'à l'issue de ces consultations "devant les Français", avant la traditionnelle déclaration de politique générale, devant le Parlement.