Européennes: jour de vote, le RN part largement favori

Des bénévoles du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN) collent des affiches de campagne du président du parti et principal candidat aux élections européennes, Jordan Bardella, à Lyon le 6 mai 2024, avant les élections européennes du 9 juin. (Photo Jeff Pachoud AFP)
Des bénévoles du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN) collent des affiches de campagne du président du parti et principal candidat aux élections européennes, Jordan Bardella, à Lyon le 6 mai 2024, avant les élections européennes du 9 juin. (Photo Jeff Pachoud AFP)
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Publié le Dimanche 09 juin 2024

Européennes: jour de vote, le RN part largement favori

  • Derrière le parti d'extrême droite, les jeux ne semblent pas faits entre la liste de la majorité présidentielle et celle du Parti socialiste, tandis que La France insoumise (LFI) a amorcé une remontée sensible dans les derniers jours de campagne
  • En Nouvelle-Calédonie, en raison du couvre-feu imposé à la suite des récentes violences, les bureaux de vote ouvriront une heure plus tôt que d'habitude à 22H00 (07H00 locales) dimanche

PARIS  : Les Français ont commencé à voter dimanche en métropole pour élire leurs eurodéputés, au terme d'une campagne dominée par le Rassemblement national (RN), qui pourrait réaliser un score historique et infliger un revers cinglant à Emmanuel Macron, deux ans après sa réélection.

Après certains territoires d'Outre-mer dès samedi, comme la Polynésie, les bureaux de vote ont ouvert à 08H00 en métropole.

En Nouvelle-Calédonie, le scrutin se déroule sous haute sécurité, trois semaines et demie après le début des émeutes qui ont secoué l'archipel du Pacifique sud. "92% des bureaux de vote" ont pu ouvrir à 7H00 locales (22H00 samedi à Paris), selon le haut-commissariat de la République. A midi, heure locale, le taux de participation était en très légère hausse par rapport au scrutin de 2019 (8,81% contre 8,13%).

Les instituts de sondage communiqueront leurs premières estimations de résultats à 20H00 (en métropole) à la fermeture des derniers bureaux des grandes villes.

Sur pas moins de 38 listes, au mieux sept d'entre elles semblent susceptibles de franchir le seuil de 5% requis.

Plus de 49 millions de Français sont appelés à se rendre aux urnes pour élire leurs 81 eurodéputés, qui siègeront pour les cinq années à venir au Parlement européen (720 membres au total).

Une vingtaine d'autres pays sont appelés dimanche à élire leurs représentants au Parlement européen où l'extrême droite est attendue en force.

En France, si les courbes des sondages ont peu varié, deux facteurs peuvent créer des surprises: d'une part la participation, qui pourrait dépasser les 50,12% de 2019; d'autre part l'incertitude du choix, 15 à 20% des électeurs se disant capables de changer d'avis jusque dans l'isoloir.

Dans tous les scénarios, la victoire semble promise à la liste de Jordan Bardella qui caracole en tête des sondages depuis des mois et pourrait augmenter de près de dix points son score déjà haut de 2019 (23,34%).

En y ajoutant les 5,5% prêtés en moyenne à la liste Reconquête de Marion Maréchal et les "petites listes" souverainistes (Asselineau, Philippot...), l'extrême droite pourrait frôler les 40% et s'imposer dans des électorats jusque-là rétifs, retraités ou cadres.

Le patron du RN a fait de cette élection un "référendum anti-Macron" avant la présidentielle de 2027. "Chaque jour qui passe, nous nous préparons à exercer le pouvoir", a commenté le leader d'extrême droite vendredi, dernier jour de campagne.

Surfant sur sa popularité à coups de selfies et de vidéos sur les réseaux sociaux, Jordan Bardella a bénéficié des sujets jugés prioritaires par les Français, comme le pouvoir d'achat et l'immigration, sans être pénalisé par la guerre en Ukraine ou le débat un peu laborieux face à Gabriel Attal.

La majorité sur la défensive 

En face, la majorité a tenté de démonter ce qu'elle appelle le "Frexit caché" du RN qui souhaite pouvoir constituer une "minorité de blocage" au Parlement européen sur des sujets comme "l'écologie punitive".

Mais la liste menée par Valérie Hayer, eurodéputée sortante peu connue, a peiné à mobiliser l'électorat pro-européen d'Emmanuel Macron.

Ceci en dépit des interventions multiples du chef de l'Etat, depuis son discours de la Sorbonne sur l'avenir de l'Europe jusqu'à son interview télévisée le soir des commémorations du Débarquement, jeudi, au grand dam de la gauche et de LR qui l'ont accusé d'installer un "faux duel" face au RN.

Dissolution, remaniement, coalition avec les Républicains... Jusqu'à présent, le chef de l'Etat a semblé écarter toute conséquence "nationale" de ce scrutin "européen" et pourrait renvoyer tout cela à l'automne après les Jeux olympiques.

En attendant, le président doit voter à la mi-journée au Touquet et passera ensuite la soirée électorale à l'Elysée, entouré de conseillers. Il n'est pas exclu qu'il réunisse aussi les chefs du camp présidentiel.

Donnée autour de 15% (contre 22,42% en 2019), la liste de la majorité est même sous la menace de celle du PS-Place publique de Raphaël Glucksmann, qui l'a concurrencée sur le champ pro-européen et qui devrait enregistrer une nette progression par rapport à son score de 6,19% en 2019.

Ambiance tendue à gauche 

L'avance de cette liste sur celle de LFI sera scrutée de près. Manon Aubry a durement attaqué pendant la campagne en accusant Raphaël Glucksmann de "trahir" l'alliance de gauche Nupes.

Jean-Luc Mélenchon compte sur une dynamique favorable dans une fin de campagne marquée par des coups d'éclat à l'Assemblée sur le soutien à Gaza pour tenter de mobiliser un électorat jeune et aller au-delà des enquêtes les plaçant autour de 8,5% (contre 6,31% en 2019).

Les écologistes pourraient faire les frais de cette "guerre des gauches". Donnée autour de 5%-6%, Marie Toussaint espère que les sondages les auront sous-estimés, comme en 2019 où Yannick Jadot s'était envolé à 13,48%. Le Parti communiste, mené par Léon Deffontaines, aura toutes les difficultés à atteindre les 5%.

A droite, en dépit de quelques coups d'éclat, la tête de liste LR François-Xavier Bellamy aura du mal à dépasser les 8,48% de 2019, qui avaient ouvert une crise au sein du parti.

Au sein des "petites" listes, seul le Parti animaliste semble en mesure de confirmer sa percée de 2019 (2,2%).

Dernier jour du marathon électoral pour redessiner le paysage politique de l'UE

La Grèce a commencé à voter dimanche, avant une vingtaine d'autres pays de l'UE, pour choisir ses eurodéputés, clôturant un marathon électoral susceptible de redessiner les équilibres politiques d'un Parlement européen où l'extrême droite est attendue en force.

Les bureaux de vote ont ouvert leurs portes dimanche à 07H00 (04H00 GMT) en Grèce, avant que la plupart des autres pays de l'Union européenne, dont la France et l'Allemagne, ne débutent aussi cette dernière journée de scrutin.

A l'issue d'une campagne au climat tendu par la guerre en Ukraine et les soupçons de désinformation russe, de forts scores des droites radicales, nationalistes et eurosceptiques pourraient compliquer les majorités dans l'hémicycle et reconfigurer les alliances.

Au total, plus de 360 millions d'Européens sont appelés aux urnes pour désigner 720 membres du Parlement européen. Les Pays-Bas avaient donné le coup d'envoi jeudi en confirmant, selon des estimations, une poussée du parti d'extrême droite de Geert Wilders.

En Italie, où le vote a débuté samedi et se poursuivait dimanche, le parti post-fasciste Fratelli d'Italia (FDI) de la cheffe de gouvernement Giorgia Meloni est grand favori et pourrait envoyer 22 eurodéputés dans l'hémicycle, contre six actuellement.

Les résultats dans les deux plus grands pays de l'Union seront également scrutés. Les sondages prédisent en France une victoire historique du Rassemblement national (RN) dirigé par Jordan Bardella, loin devant la liste du parti du président Emmanuel Macron.

Les conservateurs allemands devraient, eux, arriver largement en tête (30,5% selon un sondage) dans un revers cuisant pour le chancelier socialiste Olaf Scholz. Mais les socialistes et Verts bataillent pour la seconde place avec l'AfD, parti d'extrême droite capitalisant sur une conjoncture morose.

Et ce même si l'AfD a vu s'effriter ses gains attendus au fil des scandales éclaboussant sa tête de liste - soupçonné de financements russe et chinois -, qui l'ont fait exclure du groupe auquel il appartenait au Parlement européen aux côtés du RN.

Equilibres bousculés 

En Autriche, le Parti de la liberté (FPÖ) d'extrême droite s'imposer pour la première fois en tête d'une élection, et en Pologne, la coalition centriste pro-européenne du Premier ministre Donald Tusk s'annonce à quasi-égalité avec le parti nationaliste populiste Droit et Justice (PiS) suivis du parti d'extrême droite Konfederacja, très eurosceptique.

Alors que les eurodéputés adoptent les législations de concert avec les Etats, l'essor des droites radicales pourrait influer sur des dossiers cruciaux : défense contre une Russie expansionniste, politique agricole, objectif climatique 2040, poursuite des mesures environnementales...

Cette élection "va déterminer les cinq prochaines années", a assuré samedi Mme Meloni, qui a réaffirmé vouloir "défendre les frontières contre l'immigration illégale, protéger l'économie réelle, lutter contre la concurrence déloyale".

Alors que les équilibres issus des élections détermineront aussi l'attribution des postes dirigeants dans l'UE, la dirigeante italienne pourrait jouer un rôle crucial pour la reconduction d'Ursula von der Leyen, issue du PPE (droite), comme présidente de la Commission européenne.

Sa nomination, qui doit être validée par les dirigeants des Vingt-Sept puis par le Parlement, n'est pas acquise.

Si le PPE devrait rester la première force au Parlement (quelque 170 sièges selon les sondages), suivi des sociaux-démocrates (quelque 140 sièges attendus), l'enjeu est la troisième position où Renew Europe (libéraux, comprenant le parti Renaissance d'Emmanuel Macron) se voit menacé par la montée des deux groupes de droite radicale, ECR (qui comprend Fratelli d'Italia) et ID (qui inclut le RN français).

Les extrêmes droites divisées sur la Russie 

La "grande coalition" actuelle droite/socialistes/libéraux, qui forge les compromis dans l'hémicycle, devrait conserver la majorité mais voir sa marge de manœuvre réduite, l'obligeant à trouver des forces d'appoint et augurant d'intenses tractations.

Giorgia Meloni est courtisée par Mme von der Leyen qui voit en elle une partenaire fréquentable, pro-européenne et pro-Ukraine. Mais aussi par la figure de proue du RN Marine Le Pen, qui rêve de constituer un grand groupe nationaliste recoupant des membres d'ECR et d'ID.

Une perspective très incertaine : s'ils partagent un euroscepticisme et un souverainisme affichés, leur éventuelle fusion reste compliquée par d'importantes divergences en particulier sur la Russie.

A l'inverse de Giorgia Meloni mais aussi des partis de droite radicale en Pologne, le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban, dont le parti Fidesz est crédité de 50%, a mené une campagne hostile à l'aide à Kiev et alarmiste sur les risques d'emballement du conflit, désignant l'UE et l'Otan comme coupables et éclipsant le rôle de Moscou, dont M. Orban est proche.

Dans la Slovaquie voisine, la tentative d'assassinat contre le Premier ministre Robert Fico a renforcé le soutien à son camp aux penchants pro-Poutine.

De quoi gripper les négociations au niveau européen, à l'heure où les Vingt-Sept cherchent à renforcer leur industrie de défense tout en peinant à dégager les fonds nécessaires.

Dans la foulée du scrutin européen, les questions de Défense s'imposeront au sommet du G7 du 13 au 15 juin en Italie.


Reconnaissance de la Palestine par la France: normalisation du drapeau palestinien dans l’espace publique français?

Quelques jours avant la date historique, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a appelé les maires de France à hisser le drapeau palestinien sur le fronton de leurs mairies le 22 septembre. Pour le leader de gauche, l’initiative vise à donner un écho visible à la reconnaissance française de la Palestine, mais elle a aussitôt déclenché une tempête. (AFP)
Quelques jours avant la date historique, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a appelé les maires de France à hisser le drapeau palestinien sur le fronton de leurs mairies le 22 septembre. Pour le leader de gauche, l’initiative vise à donner un écho visible à la reconnaissance française de la Palestine, mais elle a aussitôt déclenché une tempête. (AFP)
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  • Quelques jours avant la date historique, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a appelé les maires de France à hisser le drapeau palestinien sur le fronton de leurs mairies le 22 septembre
  • Pour le leader de gauche, l’initiative vise à donner un écho visible à la reconnaissance française de la Palestine, mais elle a aussitôt déclenché une tempête

PARIS: Le 22 septembre 2025 restera comme une date symbolique de la diplomatie française : celle de la reconnaissance officielle de l’État palestinien.
Il est pourtant évident que cette reconnaissance, qui aura lieu dans le cadre d’une conférence internationale initiée par la France et l’Arabie saoudite, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, ne fait pas l’unanimité en France.

Ce geste, applaudi par une partie de la classe politique, toutes tendances confondues, a donné lieu à une bataille politico-juridique inattendue autour de la possibilité, ou non, de faire flotter le drapeau palestinien sur les mairies et dans l’espace public.

Quelques jours avant la date historique, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a appelé les maires de France à hisser le drapeau palestinien sur le fronton de leurs mairies le 22 septembre.
Pour le leader de gauche, l’initiative vise à donner un écho visible à la reconnaissance française de la Palestine, mais elle a aussitôt déclenché une tempête.

L’indignation a été immédiate, dans certains milieux de droite comme de gauche, ainsi qu’au sein d’une partie de la communauté juive, ce geste étant perçu comme une provocation dans un contexte de tensions sociales et de recrudescence des actes antimusulmans d’une part, et antisémites d’autre part.

Cette controverse se nourrit d’un vide législatif, car le pavoisement des édifices publics n’est pas strictement encadré par la loi.
Selon un ancien conseiller au ministère de l’Intérieur interrogé par Arab News en français, l’usage républicain veut que les mairies arborent en permanence le drapeau français, et souvent le drapeau européen, mais aucune loi n’interdit en théorie d’y ajouter d’autres bannières.
Néanmoins, en 2005, le Conseil d’État avait fixé une limite, stipulant qu’il est interdit d’apposer sur les bâtiments publics des symboles exprimant des opinions politiques, religieuses ou philosophiques.

Cette jurisprudence a conduit plusieurs tribunaux administratifs, ces derniers mois, à ordonner aux mairies de Gennevilliers, Saint-Denis ou Besançon de retirer le drapeau palestinien hissé sur leur parvis.

Le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau (personnalité de la droite républicaine), s’est saisi de ce principe de neutralité pour recadrer le patron des socialistes : « La justice a récemment ordonné à plusieurs reprises le retrait de drapeaux palestiniens », a-t-il rappelé, estimant qu’un tel geste violerait la neutralité des services publics.

Cette interprétation a immédiatement suscité des protestations et des accusations d’injustice. Ainsi, le maire communiste de Gennevilliers, Patrice Leclerc, a dénoncé un « deux poids, deux mesures ».
« Le drapeau israélien a flotté des mois durant sur plusieurs mairies, comme Antony ou Nice, sans réaction de l’État », s’est-il indigné, ajoutant que « dès qu’il s’agit du drapeau palestinien, les préfets attaquent en justice ».

Il est en effet avéré que la justice a longtemps toléré les drapeaux israéliens hissés en solidarité avec les otages détenus à Gaza. Ce n’est qu’en juin dernier que le tribunal de Nice a finalement ordonné leur retrait, jugeant que ce pavoisement constituait, par sa durée, un soutien politique explicite à Israël.

Le cas de l’Ukraine complique encore davantage la donne : depuis l’invasion russe, de nombreuses mairies ont hissé le drapeau ukrainien, et en décembre 2024, le tribunal administratif de Versailles a validé ce geste, y voyant « une marque de solidarité et non un message politique ».
C’est précisément cette interprétation qu’Olivier Faure a invoquée pour défendre le drapeau palestinien.

Toutefois, pour l’ancien conseiller au ministère de l’Intérieur, des nuances s’imposent. Brandir un drapeau étranger dans la rue relève de la liberté d’expression, à condition que ce geste ne trouble pas l’ordre public — auquel cas la justice est en droit de l’interdire. Mais la difficulté à qualifier le geste est plus grande lorsque ce drapeau est hissé sur un bâtiment public, censé incarner la neutralité de l’État.

La date du 22 septembre, qui coïncide cette année avec le Nouvel An juif, a aussi nourri la polémique, notamment sur les réseaux sociaux. Faure a répondu aux critiques en soulignant que « tant que vous penserez que vous ne pouvez fêter le Nouvel An juif et l’an 1 d’un État palestinien, vous ne sèmerez que la haine ».

Au-delà de la question juridique, le débat autour du drapeau palestinien révèle l’extrême sensibilité du conflit israélo-palestinien dans la société française.
Dans un pays qui accueille à la fois la plus grande communauté juive au monde après l’Argentine (environ 600 000 personnes) et une importante communauté issue de l’immigration arabe et musulmane, les symboles prennent une valeur explosive.

Là où certains voient une simple expression de solidarité internationale, d’autres redoutent un signe de partialité, voire une menace pour la cohésion nationale.

La reconnaissance de l’État palestinien par la France vise à redonner un élan diplomatique à la solution à deux États, après l’adoption à l’ONU de la « Déclaration de New York » portée par Paris et Riyad. Mais sur le plan intérieur, elle se traduit par une crispation politique et sociale, et d’autres polémiques à venir.


Financement libyen: la longue protestation d'innocence de Nicolas Sarkozy

L'ancien président français Nicolas Sarkozy arrive à l'audience de son procès pour financement illégal de sa campagne par la Libye lors de sa candidature à l'élection présidentielle de 2007, au tribunal de Paris, à Paris, le 25 mars 2025. (AFP)
L'ancien président français Nicolas Sarkozy arrive à l'audience de son procès pour financement illégal de sa campagne par la Libye lors de sa candidature à l'élection présidentielle de 2007, au tribunal de Paris, à Paris, le 25 mars 2025. (AFP)
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  • Nicolas Sarkozy clame son innocence depuis 15 ans dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007
  • Le parquet a requis 7 ans de prison pour corruption passive et financement illégal ; l’ancien président dénonce un dossier « vide » et l’absence de preuves, à quelques jours du verdict attendu le 25 septembre

PARIS: Dans des interviews, des communiqués, face aux enquêteurs: durant près de quinze ans, Nicolas Sarkozy n'a cessé de clamer son innocence dans l'affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.

Dans ce qu'il présente comme un complot ourdi par le clan Kadhafi pour lui faire payer son rôle déterminant dans sa chute à l'automne 2011, l'ancien président attend son jugement le 25 septembre. Le parquet national financier (PNF) a requis sept ans de prison, notamment pour corruption passive et financement illégal de campagne électorale.

Le temps des accusations

Le 12 mars 2012, un an après les accusations portées par le clan Kadhafi, Nicolas Sarkozy est questionné à la télévision, en pleine campagne présidentielle, sur des révélations de Mediapart: "C'est grotesque et je suis désolé que sur une grande chaîne comme TF1, on doive m'interroger sur les déclarations de M. Kadhafi ou de son fils."

Entre les deux tours, Nicolas Sarkozy dénonce "une infamie". "Quand je pense qu'il y a des journalistes qui osent donner du crédit au fils Kadhafi et aux services secrets de M. Kadhafi", réagit sur Canal + celui qui est encore président. "Vous croyez vraiment qu'avec ce que j'ai fait à M. Kadhafi, il m'a fait un virement ? Pourquoi pas un chèque endossé ?"

Le 20 mars 2014, dans le Figaro, il sort du silence observé depuis sa défaite de 2012: "Sans l'ombre d'une preuve et contre toute évidence, me voici accusé d'avoir fait financer ma campagne de 2007 par M. Kadhafi." Le 2 octobre, en meeting à Troyes, il assure des militants UMP de sa probité, et ajoute: "Ca commence à me chauffer dans le bas du dos."

Le retour politique parasité

En octobre 2016, candidat à la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy répond au Monde et à RFI sur l'affaire libyenne: "Mais combien de temps allez-vous vous rouler dans le caniveau ?". "On ne peut pas à la fois me reprocher d'avoir conduit au départ du colonel Kadhafi (...), et en même temps de m'accuser de... quoi ? C'est grotesque." Mi-novembre, il oppose sa colère froide à une question lors d'un débat entre candidats de la primaire sur France TV: "Quelle indignité. Nous sommes sur le service public. Vous n'avez pas honte?".

Le temps des enquêteurs

Lors de sa mise en examen en mars 2018, Nicolas Sarkozy dit aux juges être conscient que "les faits dont on (le) suspecte sont graves". "Mais (...) si c'est une manipulation du dictateur Kadhafi ou de sa bande, (...) alors je demande aux magistrats que vous êtes de mesurer la profondeur, la gravité, la violence de l'injustice qui me serait faite." "J'ai déjà beaucoup payé pour cette affaire", "j'ai perdu l'élection présidentielle de 2012 à 1,5%", "depuis le 11 mars 2011, je vis l'enfer de cette calomnie."

Sur TF1, il dénonce encore l'absence de preuves: "il n'y a que la haine, la boue, la médiocrité, la malveillance et la calomnie." "Si jamais on m'avait dit qu'un jour j'aurais des ennuis à cause de Kadhafi, je me serais dit +Mais vous fumez monsieur+", dit encore l'ancien président.

Au printemps 2023, le parquet national financier demande son renvoi en correctionnelle. Nicolas Sarkozy tweete: "Je suis un combattant, la vérité finira par triompher." Il accorde aussi un entretien au Figaro: "Le dossier est vide." "Si on dit que je suis malhonnête, il faut le prouver", poursuit-il en septembre sur BFMTV.

Le procès

"Dix années de calomnie, 48 heures de garde à vue, 60 heures d'interrogatoire", énumère-t-il au début de son procès en janvier 2025. Et finalement, "on a trouvé quoi ? Rien", "pas un centime libyen", tranche-t-il, "lassé de (se) défendre d'un financement sans que personne ne me mette une preuve sous le nez". "Je dois rester bien sûr posé, calme, respectueux, mais quand même, y a un moment c'est fort quoi ! Les innocents ont le droit de s'indigner !"

Après les réquisitions, il fustige dans un communiqué "la fausseté et la violence des accusations", "l'outrance de la peine réclamée" et "la faiblesse des charges alléguées." "Je démontrerai mon innocence, ça prendra le temps qu'il faudra, mais on y arrivera", promet-il dans un entretien au Parisien.


Etat palestinien: la France au défi de transformer le symbole en actes

Face à la fuite en avant d'Israël à Gaza, l'élan suscité par la France en faveur d'une reconnaissance d'un Etat palestinien est un succès diplomatique, mais des défis majeurs demeurent pour l'imposer concrètement. (AFP)
Face à la fuite en avant d'Israël à Gaza, l'élan suscité par la France en faveur d'une reconnaissance d'un Etat palestinien est un succès diplomatique, mais des défis majeurs demeurent pour l'imposer concrètement. (AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron a choisi une chaîne israélienne pour tenter de convaincre que cette reconnaissance, qui sera officialisée lundi à New York à l'assemblée générale des Nations unies, fait partie d'un vaste plan de paix
  • Pour les diplomates français, la dimension politique de la reconnaissance a pour l'heure "éclipsé" d'autres éléments de la feuille de route portée par la France et l'Arabie saoudite à l'ONU

PARIS: Face à la fuite en avant d'Israël à Gaza, l'élan suscité par la France en faveur d'une reconnaissance d'un Etat palestinien est un succès diplomatique, mais des défis majeurs demeurent pour l'imposer concrètement.

Le président français Emmanuel Macron a choisi une chaîne israélienne pour tenter de convaincre que cette reconnaissance, qui sera officialisée lundi à New York à l'assemblée générale des Nations unies, fait partie d'un vaste plan de paix qui doit à la fois mettre fin au désastre humanitaire à Gaza et assurer la sécurité d'Israël en isolant le groupe islamiste Hamas, auteur des attaques du 7 octobre 2023.

Pour les diplomates français, la dimension politique de la reconnaissance a pour l'heure "éclipsé" d'autres éléments de la feuille de route portée par la France et l'Arabie saoudite à l'ONU et endossée par une centaine de pays et d'organisations internationales, dont la Ligue arabe, mais pas par les Etats-Unis.

Outre la reconnaissance - point sur lequel la France doit être suivie par le Royaume-Uni -, ce projet comprend en effet la libération des otages encore aux mains du Hamas et la démilitarisation du groupe islamiste, deux conditions posées par le gouvernement israélien lui-même pour arrêter le conflit.

Mais le moyen d'y parvenir reste flou.

L'ambassadeur des Etats-Unis en France Charles Kushner a ainsi ouvertement questionné l'initiative française jeudi. "Ouvrez un navigateur et recherchez des images d''armes du Hamas'. La France accordera-t-elle d'abord la reconnaissance, puis attendra-t-elle le désarmement du Hamas?", a-t-il lancé sur X.

Sanctions? 

Reconnaître un Etat palestinien "est la meilleure manière d'isoler le Hamas", a défendu jeudi Emmanuel Macron sur la chaîne israélienne 12, disant vouloir "travailler" avec le Premier ministre israélien Benjanmin Netanyahu.

Cette initiative n'est pas un simple événement, c'est "un processus de maturation progressive associant les pays occidentaux et les pays arabes au sein de groupes de travail qui vont faire converger les visions des uns et des autres pour nourrir cette déclaration", a expliqué son ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot à des journalistes.

"Qu'Emmanuel Macron entraîne d'autres pays dans son sillage, c'est formidable. Mais si cette déclaration n'est pas accompagnée de sanctions immédiates à l'égard d'Israël, pour avoir un impact sur le terrain, c'est +Kalam fadi+, +des mots pour rien+ comme on dit en arabe", estime Agnès Levallois, maîtresse de conférence à la Fondation pour la recherche stratégique à Paris.

Il n'y a plus de temps à perdre alors que "le carnage continue à Gaza", souligne cette spécialiste du Moyen-Orient, en référence aux dizaines de milliers de morts et la catastrophe humanitaire dans le petit territoire en proie à la famine, selon l'ONU.

Pour la représentante de la Palestine en France, Hala Abou Hassira, la conférence de lundi est "un moment important qui porte l'espoir" de concrétiser la solution à deux Etats.

Mais elle prône aussi "des sanctions concrètes, telles qu'un embargo sur les armes à Israël, une rupture des relations avec Israël qui inclut l'arrêt total de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël".

Jusqu'à présent, les propositions de sanctions européennes, ciblant notamment les importations agricoles israéliennes, se sont heurtées à la réticence de certains Etats membres comme la Hongrie.

L'atout saoudien 

"Si on regarde l'ensemble, la reconnaissance est la seule chose qu'on puisse faire", estime Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël et aux Etats-Unis. Il prédit néanmoins un échec de l'initiative car le Premier ministre israélien, pour l'heure soutenu par le président américain Donald Trump, ne veut pas d'un État palestinien.

La feuille de route franco-saoudienne prévoit en outre que le futur Etat palestinien soit gouverné par une Autorité Palestinienne modernisée et réformée.

Pour David Khalfa, cofondateur du centre de recherches Atlantic Middle East Forum, si l'initiative est "pleine de bonnes intentions", "elle se heurte à un double obstacle: la réalité d'un système politique palestinien verrouillé de l'intérieur par la corruption et la concentration des pouvoirs entre les mains d'un dirigeant affaibli qui refuse de céder la place, mais aussi le rejet israélien massif, partagé par la coalition au pouvoir comme par l'opposition".

A court terme, rien ne va bouger sur le terrain, concède Bertrand Besancenot, ancien ambassadeur de France au Qatar et en Arabie saoudite.

Mais il reste convaincu que le choix de la France "de travailler main dans la main avec l'Arabie saoudite" va payer à long terme.

Car c'est "aujourd'hui le seul pays qui peut inciter le président Trump à exercer les pressions nécessaires sur Netanyahu pour que soit prise en compte la revendication légitime du peuple palestinien", dit-il.