Européennes: dernier jour de campagne, les oppositions ciblent Macron

Un volontaire du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN) colle une affiche de campagne du président du parti et principal candidat aux élections au Parlement européen Jordan Bardella à Lyon le 6 mai 2024, avant les élections du Parlement européen du 9 juin. (Photo de JEFF PACHOUD / AFP)
Un volontaire du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN) colle une affiche de campagne du président du parti et principal candidat aux élections au Parlement européen Jordan Bardella à Lyon le 6 mai 2024, avant les élections du Parlement européen du 9 juin. (Photo de JEFF PACHOUD / AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 07 juin 2024

Européennes: dernier jour de campagne, les oppositions ciblent Macron

  • "Si demain la France envoie une très grande délégation d'extrême droite, si d'autres grands pays le font, l'Europe peut se retrouver bloquée", a averti le président
  • A chaque fois qu'Emmanuel Macron parle, il crée des électeurs pour le Rassemblement national", a taclé Marine Le Pen sur RTL

PARIS: Dernier jour d'une campagne tendue pour les élections européennes: les candidats multiplient les interventions, les oppositions ciblant particulièrement Emmanuel Macron accusé d'avoir instrumentalisé les commémorations du Débarquement avec son interview télévisée jeudi soir.

La campagne officielle s'arrêtera à 23h59 avant le vote qui débutera samedi midi en outre-mer, puis dimanche dans le reste de la France.

Les ultimes enquêtes confirment les tendances, avec 33% pour le Rassemblement national selon un sondage OpinonWay vendredi pour CNews, Europe 1 et le JDD, loin devant la majorité (15%) et la liste PS-Place publique (13%).

Jeudi soir, l'interview d'Emmanuel Macron sur TF1 et France 2 a rassemblé 7,6 millions de téléspectateurs, selon Médiamétrie. Le chef de l'Etat a estimé être "dans son rôle" en s'exprimant à trois jours du scrutin, en premier lieu pour appeler à voter en raison du fort niveau d'abstention attendu, autour de 50%.

Il a aussi justifié son intervention par la montée de l'extrême droite. "Si demain la France envoie une très grande délégation d'extrême droite, si d'autres grands pays le font, l'Europe peut se retrouver bloquée", a averti le président, appelant à "un sursaut" par "patriotisme" et mettant en garde contre "un vote défouloir".

Le chef de l'Etat s'est exprimé à Bayeux vendredi dans le cadre des cérémonies marquant les 80 ans du Débarquement en Normandie, avant de recevoir le président américain Joe Biden en visite d'Etat samedi.

Macron au service du RN pour Le Pen 

"A chaque fois qu'Emmanuel Macron parle, il crée des électeurs pour le Rassemblement national", a taclé Marine Le Pen sur RTL. "Je viens dire aux électeurs, mettez-lui des limites".

La présidente du RN, "opposée à l'envoi d'instructeurs sur le sol ukrainien", a accusé le chef de l'Etat "d'instrumentaliser le conflit ukrainien", notamment à travers la prise de parole de Volodymyr Zelensky à l'Assemblée nationale vendredi matin.

Ce duel entre Emmanuel Macron et le RN exaspère les autres candidats, "comme si c'était le débat auquel on était condamné pour toujours", a critiqué François-Xavier Bellamy sur Sud Radio.

"Le 9 juin au soir, il ne se passera rien. Jordan Bardella ment en disant +Votez pour moi et Macron va partir+", a commenté Eric Zemmour (Reconquête) sur Europe1/Cnews.

Interrogé sur les conséquences de l'élection, Emmanuel Macron a renvoyé aux résultats de dimanche soir : "J'aime bien faire les choses dans le bon ordre".

Pour conclure une campagne difficile, la tête de liste de la majorité Valérie Hayer participera à un banquet républicain dans la Mayenne, d'où elle est originaire, en compagnie du Premier ministre Gabriel Attal. "Le vote des pro-européens, le vote utile, le vote du bilan, le vote du projet, c'est nous", a lancé la tête de liste macroniste lors de son dernier meeting jeudi soir à Nice.

Son concurrent, Raphaël Glucksmann, tient lui son dernier meeting vendredi soir à Lille, avec le soutien de Martine Aubry, figure de la gauche et maire de la ville. "C'était important de terminer chez Martine Aubry, pour ce qu'elle incarne et pour son père", Jacques Delors, artisan de la construction européenne, décédé en décembre, a relevé un proche du candidat.

L'espoir néerlandais pour Glucksmann

M. Glucksmann voit un heureux présage dans un sondage sorti des urnes aux Pays-Bas où le centre-gauche est ressorti légèrement en tête devant le Parti de la liberté du populiste Geert Wilders, néanmoins en forte hausse par rapport à 2019.

"Aux Pays-Bas, on a réussi à être en tête (...) Nous sommes la digue et la résistance à l'extrême droite", a-t-il estimé sur franceinfo.

De son côté, la France insoumise, donnée autour de 8%, est persuadée que ses efforts dans les quartiers populaires, où elle s'est présentée comme "la liste pour la paix à Gaza", vont payer.

"Vous pouvez être fiers aussi d'avoir mené la campagne là où personne ne va, dans ces quartiers oubliés de la République", a déclaré Manon Aubry jeudi soir à Lyon en meeting avec Jean-Luc Mélenchon.

De son côté, l'écologiste Marie Toussaint, qui pourrait ne pas atteindre les 5% nécessaires pour envoyer des députés au Parlement européen, finira par un tractage à Bordeaux après avoir obtenu le vote de la tête de liste Pierre Larrouturou inquiet qu'il n'y ait plus d'écologistes à Strasbourg.

Quant au parti animaliste, il a reçu le soutien de Brigitte Bardot qui les a jugés "formidables" sur RTL. Reste à avoir si cela sera suffisant pour aller au-delà des 2,2% obtenus en 2019.


A Paris, une réunion des droites sous l'égide des médias Bolloré

Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Short Url
  • Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné
  • Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama

PARIS: Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027.

Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné.

Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama. Huées puis rires quand il lance: "On sait quel article ils vont écrire, on l'a rédigé comme ça ils pourront aller au bistrot".

Apparaît Philippe de Villiers, largement promu par le groupe du milliardaire breton - il est chroniqueur chez Cnews et son dernier livre est publié chez Fayard, également dans la galaxie Bolloré.

Le souverainiste commence par "remercier Jean-Luc Mélenchon" - qui lui aurait inspiré son ouvrage - déclenchant une nouvelle bronca.

Puis, il sert son discours habituel sur une France "au bord de l'abîme", menacée par "un changement de peuplement" encouragé par "un parti sarrasin", et abandonnée par des "élites écartelées entre le wokistan et l'islamistan".

Pour le fondateur du Puy du Fou, la solution est simple: "la remigration ou la françisation". Nouvelle salve d'applaudissements, on entend quelques "Philippe président". L'hypothèse d'une candidature pour 2027 a encore été entretenue en une de Valeurs actuelles la semaine dernière, où l'intéressé affirme être "redescendu dans l'arène".

Il n'est pas le seul. Surgit l'animatrice Christine Kelly de Cnews, pour lancer une discussion sur "notre civilisation judéo-chrétienne" entre Michel Onfray et Eric Zemmour.

Au terme d'un échange théologique parfois confus, le président du parti Reconquête conclut que "la croisade a sauvé l'Occident" et qu'"à partir du moment où nous retrouverons notre identité, tout ira beaucoup mieux". L'ancien polémiste de Cnews, propulsé par l'empire Bolloré dans la course à l'Elysée en 2022, espère déjà rendosser son costume de candidat en 2027. En attendant, il reste lui aussi en tête de gondole chez Fayard.

"Le côté sans filtre" 

D'autres ne bénéficient pas de la même bienveillance. Comme Aurore Bergé, lors d'une tumultueuse séquence "insécurité" face à Claire Géronimi, devenue vice-présidente de l'UDR d'Eric Ciotti après avoir été victime d'un viol par un étranger sous OQTF.

La ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, conspuée, reste combative: "Je suis venue pour accepter l'idée du débat (...) Ma ligne ne changera pas, quel que soit le public".

Plus en phase avec l'assistance, l'avocat Gilles-William Goldnadel fustige "le racisme anti-blanc" et le "féminisme d'extrême gauche".

Un discours familier aux oreilles de Philippe, 55 ans et sans emploi, qui a déboursé 25 euros pour "voir le côté sans filtre" de ces personnalités médiatiques dont il "partage les idées, sans ambiguïté". Plus intéressé par l'aspect politique, Foucauld, 24 ans, étudiant en école de commerce, reconnaît que l'événement "participe à faire avancer les pions vers l'union des droites".

Pourquoi pas avec David Lisnard? Invité à ouvrir le chapitre du "grand enjeu" des municipales de mars 2026, le maire de Cannes fait florès avec ses leitmotiv: "Vive la liberté" et "Afuera!" la "bureaucratie" et la "technocratie".

Lui succèdent une brochette de candidats plus ou moins déclarés, dont la députée RN Laure Lavalette déplorant qu'il y ait "autant de barbiers et de kebabs" dans sa ville de Toulon.

Signe d'un rapprochement entre le parti à la flamme et la galaxie Bolloré? Après tout, Jordan Bardella en est à son deuxième livre publié chez Fayard.

Mais c'est une autre étoile montante qui est mise à l'honneur mardi soir. Clou du spectacle, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo vient délivrer un "message d'espérance" face à l'essayiste Eric Neaulleau, dans le rôle du décliniste persuadé que "tout est foutu" car "les lieux de pouvoir sont tous tenus par des gens animés d'une idéologie immigrationniste".

Au contraire, les idées infusent dans la société et "le combat de la lucidité est gagné", réplique la nouvelle coqueluche de la "bollosphère", qui assure "qu'on peut changer les choses, avec méthode, détermination et travail". Et quelques solides appuis.


Pour la présidente de l'Assemblée Braun-Pivet, une majorité absolue n'est plus «souhaitable»

Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Short Url
  • "J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français"
  • Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées"

PARIS: Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi.

"J'ai une conviction personnelle forte qui est que nous n'aurons pas demain à nouveau une majorité absolue mais je pense surtout, et c'est ça ma conviction forte, c'est que ce n'est pas souhaitable pour notre pays", a-t-elle déclaré dans le podcast "Dans l'Hémicycle".

"Je suis convaincue que la délibération collective avec des groupes politiques qui ne partagent pas les mêmes orientations mais qui essayent de trouver des solutions, elle est bénéfique", a-t-elle poursuivi.

Depuis 2022, le camp présidentiel auquel appartient Mme Braun-Pivet ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Face à une fragmentation de l'hémicycle encore accentuée depuis la dissolution de juin 2024, de nombreux députés disent espérer le retour d'une majorité absolue après l'élection présidentielle de 2027. Mais pas la présidente de l'Assemblée.

"J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français", a-t-elle déclaré dans cette interview.

Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées, parce qu'autrement, ça ne passe pas", a-t-elle dit.

Cette situation force aussi à "inventer des nouvelles façons de faire", a-t-elle ajouté en donnant l'exemple des semaines dédiées aux textes proposés par les députés, auparavant dévolues à ceux de la majorité. Depuis 2022, ces semaines sont devenues "transpartisanes", avec des propositions soutenues par différents groupes.

Au moment où les débats budgétaires peinent à aboutir, Mme Braun-Pivet a toutefois estimé qu'il fallait encore "adapter" les règles de l'Assemblée à cette nouvelle configuration. Elle a rappelé avoir lancé une réflexion autour d'une modification du règlement de l'institution.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

Short Url
  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.