France : tractations politiques pour éviter une majorité absolue à l'extrême droite

Un journaliste tient des cartes marquées "Législatives 2024" lors de la soirée électorale du parti au pouvoir Renaissance alors que les résultats du premier tour des élections législatives sont attendus à Paris le 30 juin 2024.
Un journaliste tient des cartes marquées "Législatives 2024" lors de la soirée électorale du parti au pouvoir Renaissance alors que les résultats du premier tour des élections législatives sont attendus à Paris le 30 juin 2024.
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Publié le Lundi 01 juillet 2024

France : tractations politiques pour éviter une majorité absolue à l'extrême droite

  • le Rassemblement national (RN, extrême droite) et ses alliés obtiennent leur meilleur score au premier tour d'un scrutin, avec 33,14% des suffrages et 10,6 millions de voix.
  • Cependant, le scénario d'une Assemblée nationale bloquée, sans alliances majoritaires envisageables parmi les trois blocs en présence, reste aussi une possibilité.

PARIS : Au lendemain du score sans précédent de l'extrême droite en France, la constitution d'un front républicain pour l'empêcher d'avoir une majorité absolue au second tour des législatives est au coeur d'intenses tractations politiques lundi, particulièrement dans le camp du président Macron, qui a du mal à adopter une position claire.

Entre consignes de vote et désistements de candidats, les manoeuvres s'intensifiaient lundi à l'issue d'un premier tour particulièrement scruté à l'étranger, et au cours duquel les Français ont massivement voté, avec un taux de participation de 66,71%.

Trois semaines après le séisme politique provoqué par le président Emmanuel Macron avec sa décision de dissoudre l'Assemblée nationale, le Rassemblement national (RN, extrême droite) et ses alliés obtiennent leur meilleur score au premier tour d'un scrutin, avec 33,14% des suffrages et 10,6 millions de voix.

Ces élections suscitent l'intérêt -et souvent l'inquiétude- en Europe, où la France est un des piliers de l'UE. Le Premier ministre polonais Donald Tusk a évoqué lundi un "grand danger" pour la France et l'Europe. Le scrutin est également scruté par la Russie, qui a dit lundi suivre de "très près les élections en France".

Le RN a frappé un grand coup, en faisant élire 39 députés dès le premier tour, à commencer par sa figure de proue Marine Le Pen.

Le Nouveau Front populaire réunissant les formations de gauche a obtenu près de 27,99% des suffrages et compte déjà 32 élus.

Le camp présidentiel d'Emmanuel Macron confirme la déroute des européennes et arrive en troisième position avec seulement 20,04% des suffrages, en tête seulement dans 65 circonscriptions.

Le jeune président du RN, Jordan Bardella, 28 ans, a demandé aux Français de lui donner dimanche prochain une majorité absolue au second tour, qui sera "l'un des plus déterminants de toute l'histoire de la Ve République" française, fondée en 1958.

"Il nous faut une majorité absolue", a lancé de son côté Marine Le Pen.

Si Jordan Bardella devenait Premier ministre, ce serait la première fois qu'un gouvernement issu de l'extrême droite dirigerait la France depuis la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle un régime collaborationniste non élu avait été mis en place.

Le père de Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen, avait cofondé en 1972, avec deux anciens Waffen-SS, le Front national (devenu RN en 2018). M. Le Pen avait alors choisi le même emblème que celui du parti néo-fasciste italien: une flamme tricolore.

Obsédé par l'immigration et les juifs, Jean-Marie Le Pen a été condamné plusieurs fois pour ses dérapages.

- "Cacophonie" -

Alors que le traditionnel "front républicain" en France contre le RN apparaît moins systématique que par le passé, le parti est en mesure d'obtenir une forte majorité relative voire une majorité absolue, ce qui pourrait contraindre Emmanuel Macron à une cohabitation inédite et houleuse.

Cependant, le scénario d'une Assemblée nationale bloquée, sans alliances majoritaires envisageables parmi les trois blocs en présence, reste aussi une possibilité.

"Nous avons sept jours pour éviter à la France une catastrophe", a déclaré le député européen social-démocrate Raphaël Glucksmann, qui a appelé tous les candidats arrivés en troisième position à se désister au second tour.

Mais pour son allié de la gauche radicale La France insoumise (LFI), cela vaudra seulement là où le RN est "arrivé en tête", a précisé son chef de file Jean-Luc Mélenchon.

L'alliance de la gauche dénonce en tout cas la "cacophonie" au sein de la majorité présidentielle qui a du mal à exprimer une position unique sur le second tour.

Tout plutôt que le "projet funeste" du RN, c'est la ligne défendue par le Premier ministre Gabriel Attal, qui a lui aussi reconnu que "cela passera par le désistement de (ses) candidats" en "troisième position". Mais seulement pour avantager "un autre candidat qui défend les valeurs de la République", a-t-il ajouté.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a de son côté appelé lundi à voter pour "le camp social-démocrate" qui n'inclut pas LFI, devenue un repoussoir pour certains électeurs de gauche et de droite.

La présidente sortante de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, appelle elle à une "grande coalition" comprenant aussi le parti de la droite traditionnelle (Les Républicains).

En l'état, les projections des instituts de sondage anticipent une large majorité relative d'au moins 240 sièges pour le RN, voire une courte majorité absolue jusqu'à 295 sièges sur 577 sièges.

Mais ces projections sont faites avant désistements. Car le résultat du scrutin se joue en grande partie d'ici à mardi 18H00, échéance fixée aux candidats pour décider de se maintenir ou de se retirer.

"Même si les électeurs ne suivent pas les consignes mécaniquement de leurs responsables politiques, on aura un effet qui jouera plutôt en défaveur du RN", a commenté le directeur général délégué de l'institut Ipsos Brice Teinturier.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.