De la réindustrialisation à la réforme des retraites, les grands axes économiques du "septennat" Macron

Le président français Emmanuel Macron salue les gens après avoir assisté à une cérémonie commémorant le 80e anniversaire de la libération de la ville portuaire du Havre pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le nord de la France, le 12 septembre 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron salue les gens après avoir assisté à une cérémonie commémorant le 80e anniversaire de la libération de la ville portuaire du Havre pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le nord de la France, le 12 septembre 2024. (AFP)
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Publié le Samedi 21 septembre 2024

De la réindustrialisation à la réforme des retraites, les grands axes économiques du "septennat" Macron

  • Réindustrialisation, fiscalité, chômage ou encore réforme des retraites, voici, à l'aube d'un nouveau gouvernement, un récapitulatif des grands axes économiques sur lesquels le "septennat" Macron s'est concentré

PARIS: Réindustrialisation, fiscalité, chômage ou encore réforme des retraites, voici, à l'aube d'un nouveau gouvernement, un récapitulatif des grands axes économiques sur lesquels le "septennat" Macron s'est concentré.

Réindustrialiser, tout en verdissant

Après le choc du Covid et les pénuries mémorables de masques et de médicaments, Emmanuel Macron a lancé en 2021 le plan France 2030, doté de 54 milliards d'euros, avec l'objectif de rattraper le retard industriel de l'Hexagone dans les technologies innovantes ou la transition écologique.

En octobre 2023, le Parlement a également voté la loi Industrie verte, portant l'ambition de verdir les industries existantes et de faire de la France un leader des technologies de la décarbonation (hydrogène, solaire, batteries, pompes à chaleur...)

French Tech, licornes et "Start-up Nation"

Le président, qui a fait de la "Start-up Nation" un de ses premiers slogans, a encouragé le développement des jeunes pousses de la "tech". Aujourd'hui, on compte une petite trentaine de "licornes", sociétés technologiques valorisées plus d'un milliard de dollars, contre une poignée avant son élection en 2017.

Mais impossible de savoir si leur valorisation n'a pas été emportée par la montée des taux. De plus, si l'objectif du gouvernement fin 2022 était de dix licornes cotées en Bourse en Europe d'ici à 2025, pour l'instant aucune n'a franchi le pas.

Intelligence artificielle

L’Élysée et Bercy se sont particulièrement mobilisés autour de l'intelligence artificielle. Après un premier plan IA en 2018, doté de 1,5 milliard d'euros, le boom des IA génératives comme ChatGPT ou Midjourney pousse Emmanuel Macron à annoncer près de 900 millions d'euros supplémentaires lors des deux dernières éditions du salon Vivatech pour faire émerger des pépites françaises, avec la toute jeune start-up Mistral comme figure de proue.

Décarbonation en marche, mais ambition écologique en recul

Emmanuel Macron avait promis un "quinquennat écologique" à sa réélection de 2022. L'objectif est quasi rempli pour la décarbonation de l'économie, la France ayant atteint pour la première fois le rythme attendu de baisse des gaz à effet de serre.

Mais celui-ci doit encore impérativement s'accélérer pour tenir l'objectif européen (-55% d'ici 2030 par rapport à 1990).

Malgré des succès, comme celui du "leasing social" de véhicules électriques pour les ménages modestes, certaines ambitions écologiques ont été revues à la baisse: la "zéro artificialisation nette des sols" (ZAN), les "zones à faible émissions" (ZFE) des véhicules dans les métropoles, ou la rénovation thermique des logements, victime de coupes budgétaires malgré une hausse sans précédent du dispositif MaPrimeRénov'.

Le chef de l’État avait amorcé un tournant en mai 2023 lorsqu'il avait appelé à "une pause réglementaire européenne" sur les normes environnementales, faisant valoir que l'UE avait fait "plus que tous les voisins" et avait désormais "besoin de stabilité".

La grande déception des ONG écologistes a culminé au printemps avec la refonte d'Ecophyto, le plan de réduction des pesticides. Déjà en 2019, le président était revenu sur sa promesse d'interdire le glyphosate, le jugeant encore vital pour les agriculteurs, malgré les menaces pour la biodiversité et la santé humaine.

Agriculture "souveraine", des lois en suspens

La guerre en Ukraine puis la crise agricole de l'hiver dernier ont recentré la politique macroniste sur la question de la "souveraineté alimentaire", pour produire et consommer plus français, repeupler les exploitations et protéger les agriculteurs de la concurrence d'importations moins-disantes au plan climato-environnemental.

Pour calmer la colère des campagnes, le gouvernement a annoncé plus d'un milliard d'euros de mesures. Mais la grande loi d'orientation promise, qui élève l'agriculture au rang d'"intérêt général majeur", est en suspens, et la révision des lois Egalim (2018-2023) visant à garantir un revenu décent aux agriculteurs est aussi au point mort.

Du côté fiscal

La présidence Macron est marquée par une batterie de réformes fiscales, les plus emblématiques étant le remplacement de l'impôt sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), l'abaissement du taux de l'impôt sur les sociétés (IS) de 33,3% à 25%, la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales ou l'instauration d'un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital (PFU, surnommé "flat tax").

Organisme chargé de conseiller le gouvernement, France Stratégie estimait fin 2023 que l'instauration de cette "flat tax" avait soutenu les créations d'entreprises en France, mais n'avait eu "aucun effet" sur l'investissement ou les salaires.

Après la crise des gilets jaunes, le barème de l'impôt sur le revenu a également été réformé, entraînant une baisse de 5 milliards d'euros pour les ménages. Pour les entreprises, un impôt de production (CVAE) est partiellement supprimé, à défaut de l'être totalement comme initialement annoncé, en raison de la dégradation des finances publiques.

Soutien aux entreprises

La "politique de l'offre", qui allège réglementations et charges pour favoriser la production des entreprises, et l'économie en général, est consubstantielle du macronisme. Les baisses d'impôts ont atteint plus de 25 milliards d'euros en sept ans, et les créations annuelles d'entreprises sont passées de quelque 600.000 à plus d'un million, même s'il s'agit surtout de micro-entreprises.

Le taux de chômage, à 9,5% en 2017, a baissé de deux points, touchant même un plus bas depuis 1982 l'an dernier, à 7,1%.

La loi Pacte de 2019 a assoupli les réglementations et une seconde loi de simplification, prisée des PME, était examinée au Sénat au moment de la dissolution.

La France vient d'être classée cinq ans de suite pays européen le plus attractif pour l'investissement étranger par le cabinet EY.

Malgré ce libéralisme, les entreprises ont été massivement soutenues pendant le Covid, avec les prêts garantis par l’Etat (PGE).

Les retraites, dossier brûlant

Mesure emblématique de la présidence Macron, l'impopulaire réforme des retraites de 2023 visant à "ramener le régime à l'équilibre", s'est heurtée à l'un des plus longs mouvements sociaux des dernières décennies. Elle est finalement adoptée au forceps via l'article 49.3.

Outre le relèvement progressif de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, cette réforme a changé nombre de paramètres dans le calcul des pensions, notamment les règles en cas de départ anticipé. Elle crée un "coup de pouce" pour les "petites pensions" des retraités ayant travaillé toute leur vie au Smic, ou pour ceux cumulant emploi et retraite. La gauche, comme l'extrême droite, ont promis de l'abroger pendant la campagne des législatives à la suite de la dissolution.

L'assurance chômage, un chemin de croix

Les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi ont été revues à plusieurs reprises: celle de 2019 (entrée en vigueur en 2021) a revu le mode de calcul des allocations, et celle de 2023, tout aussi contestée par les syndicats, a réduit la durée d'indemnisation de 25%.

Dans l'objectif d'atteindre le plein emploi, le gouvernement a annoncé un nouveau tour de vis. Mais au soir du premier tour des législatives, la réforme a été suspendue par Gabriel Attal et les règles actuelles ont été prolongées jusqu'à fin octobre.


Après «Bloquons tout» et les promesses de «rupture», les syndicats dans la rue jeudi

"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
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  • Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi
  • Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme"

PARIS: "Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées.

Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi. "(Il) ne s'est engagé à rien du tout. Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", a-t-elle lancé.

Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme". Depuis vendredi, il reçoit les syndicats représentatifs - à l'exception de Frédéric Souillot (FO) qui souhaite le rencontrer après le 18. Mais ces derniers maintiennent leur appel à la mobilisation du 18, espérant peser de tout leur poids sur les futures orientations budgétaires.

CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires seront ainsi unis jeudi dans la rue, pour la première fois depuis le 6 juin 2023 - date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites.

Les mesures avancées cet été sont "d'une brutalité sans précédent", dénonçaient-ils fin août dans un communiqué commun, regrettant que l'ancien gouvernement choisisse "encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraité·es, les malades".

Ils pointent "des coupes dans les services publics, (...), une énième réforme de l'assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuel·les, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5ème semaine de congés payés…".

L'abandon de la suppression de deux jours fériés, unanimement décriée par le monde syndical, constitue "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a estimé Sophie Binet.

Même la CFDT, pourtant peu rompue aux cortèges syndicaux, maintient sa participation: vendredi, Marylise Léon a réaffirmé que son syndicat était "plus que jamais motivé pour aller dans la rue", à l'issue de son entrevue avec Sébastien Lecornu.

"Le budget tel qu'il a commencé à être construit n'est pas compatible avec la justice sociale, fiscale et environnementale donc il y a vraiment besoin de le revoir de fond en comble", a-t-elle estimé lundi sur France Inter.

Sur la durée ? 

Sur la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat, Mme Léon a pourtant apprécié que le Premier ministre dise être conscient de la nécessité de "faire quelque chose".

"Le budget, il va se décider dans la rue", insiste Mme Binet. Ainsi, "il faut faire une démonstration de force jeudi prochain et après", laissant entrevoir une mobilisation dans la durée.

Lundi, la CGT annonçait déjà plus de 220 manifestations, un chiffre encore amené à évoluer.

Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l'affluence du mouvement citoyen "Bloquons tout" - qui a rassemblé près de 200.000 personnes le 10 septembre selon le ministère de l'Intérieur, sans toutefois parvenir à paralyser le pays ? Les manifestants du 10, parfois méfiants vis-à-vis des syndicats, participeront-ils à cette nouvelle journée ?

Aucune inquiétude côté syndical: "Nous avons déjà d'excellents retours sur la mobilisation de jeudi", assure Frédéric Souillot (FO).

"Nous avons l'objectif d'avoir un million de personnes avec nous", avance de son côté Cyril Chabanier (CFTC).

"La colère sociale est toujours là", abonde Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

De leur côté, les autorités s'attendent à une mobilisation plus importante que le 10 septembre et craignent la présence de plusieurs centaines de manifestants radicaux dans des cortèges. Une cellule de crise sera ouverte dès mardi au ministère de l'Intérieur.

Après le 18, ce sera le tour des agriculteurs de la FNSEA, le 26 septembre, de mener "une grande journée d'actions" autour des échanges internationaux de produits agricoles.


Lecornu va mettre fin aux "avantages à vie" des ex-ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu concrétise une promesse phare pour réduire le « décalage » entre les élites politiques et la réalité des Français, dans un contexte de forte défiance envers sa nomination

PARIS: Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens de Matignon: les avantages octroyés aux ex-Premiers ministres seront "supprimés" dès 2026, a annoncé lundi Sébastien Lecornu, concrétisant l'une de ses premières promesses, très symbolique pour l'opinion.

Il n'est "pas concevable" que les anciens ministres "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a écrit le locataire de Matignon sur X, confirmant la mise en place de cette réforme dès le 1er janvier 2026.

"La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque. Tous les autres moyens mis à disposition des anciens Premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée", a expliqué M. Lecornu sur ce réseau social.

Sollicité par l'AFP, Matignon a expliqué que le gouvernement avait préparé une "instruction" à destination du Secrétariat général du gouvernement, en vue de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui avait déjà restreint les privilèges accordés aux anciens Premiers ministres.

Ces derniers peuvent actuellement se voir octroyer "sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile", à la charge de l'Etat. Ils peuvent aussi bénéficier d'un "agent pour leur secrétariat particulier" pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans.

Des avantages qui ne s'appliquent pas pour les "ex" de Matignon lorsque ces derniers disposent déjà de ces privilèges via leur mandat (parlementaire ou local) ou leur fonction publique.

- "Mettre fin aux derniers privilèges" -

Une autre instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

"On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l'État n'en font pas. La réforme, ce n'est pas toujours +pour les autres+, cela crée la suspicion", avait lancé Sébastien Lecornu dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale durant le week-end.

"Beaucoup de choses ont été réglées pour les anciens présidents de la République. Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges", avait-il encore promis, quelques jours seulement après sa prise de fonctions à Matignon, durant laquelle il s'était inquiété du "décalage" observé entre la vie politique et la vie "réelle" des Français.

Le Premier ministre, nommé mardi par Emmanuel Macron après la chute de François Bayrou, met ainsi en musique l'une de ses premières promesses, alors qu'il consulte en parallèle les forces politiques, syndicales et patronales en vue de former un gouvernement susceptible de survivre aux menaces de censure des oppositions.

Il doit aussi batailler contre une opinion publique très défiante vis-à-vis de sa nomination, même si les chiffres de confiance des Français à son égard varient selon les instituts de sondage.

Son prédécesseur, François Bayrou, avait déjà annoncé vouloir passer au crible ces privilèges ministériels: il avait confié fin août une mission à l'ex-député socialiste René Dosière pour identifier les "avantages indus, excessifs, inacceptables" dans un contexte de dérapage des finances publiques.

En réalité, l'économie à espérer de ces annonces est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards d'euros recherchées par les gouvernements successifs. Les privilèges accordés au titre du décret de 2019 (chauffeur, secrétariat, véhicule) ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat en 2024, selon le gouvernement.

Un montant auquel il faut ajouter les dépenses de protection policière, évaluées à 2,8 millions d'euros par an dans un rapport parlementaire de 2019.


L’histoire de Donia, arrivée de Gaza à Paris, le quotidien morbide des Gazaouis qui ne veulent que vivre

Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
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  • Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
  • Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable.

PARIS: Depuis le début de la guerre à Gaza, les récits qui parviennent à franchir les ruines et le silence imposé sont rares.
Derrière les chiffres et les bilans atones relayés par les médias, il y a des voix : celles de civils qui ont vu leur existence basculer en quelques heures.
Parmi elles, Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable. Donia témoigne de ce que signifie vivre la guerre : vivre avec la peur, la faim, fuir sous les bombes, errer d’un abri de fortune à un autre.
Marcher pour ne pas crever, marcher avec le seul souci de garder en vie ses deux enfants (une fille et un garçon) restés avec elle, les deux autres étant en Égypte.
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous.
Son récit, émouvant par-dessus tout, saccadé par de longs silences et des larmes qui coulent spontanément sur les joues, n’en est pas moins ferme : pour elle, indéniablement, Gaza est le foyer des Gazaouis qui feront tout pour reconstruire.