Bayrou à Matignon: fidélité ne rime pas avec renoncement 

A l’unanimité tous les médias français rapportent que Bayrou a dû forcer la main de Macron, allant jusqu’à menacer de lui retirer son soutien pour le convaincre de le nommer premier ministre. (AFP)
A l’unanimité tous les médias français rapportent que Bayrou a dû forcer la main de Macron, allant jusqu’à menacer de lui retirer son soutien pour le convaincre de le nommer premier ministre. (AFP)
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Publié le Lundi 16 décembre 2024

Bayrou à Matignon: fidélité ne rime pas avec renoncement 

  • À 73 ans, Bayrou est enfin à l’œuvre, et entame des consultations avec les forces politiques pour constituer son équipe gouvernementale
  • Une victoire douce-amère pour celui qui a été parmi les premiers à croire en Macron, avant son élection à la présidence, celui qui lui a mis le pied à l’étrier selon certains

PARIS: Enfin exaucé, le chef de file du parti centriste « Modem » François Bayrou passe de l’ombre à la lumière, chargé par le président français Emmanuel Macron de former le nouveau gouvernement.

À 73 ans, Bayrou est enfin à l’œuvre, et entame des consultations avec les forces politiques pour constituer son équipe gouvernementale.

La reconnaissance longuement et patiemment attendue depuis 2017 est enfin là, mais son avènement a semble-t-il été pénible.

A l’unanimité tous les médias français rapportent que Bayrou a dû forcer la main de Macron, allant jusqu’à menacer de lui retirer son soutien pour le convaincre de le nommer premier ministre.

Le président qui était sur le point de confier le poste au ministre de La Défense Sébastien Lecornu, a fini par plier évitant ainsi de se retrouver plus affaibli qu’il ne l’est en perdant l’appui des députés centristes.

Nul ne peut augurer des séquelles que cela laissera au niveau des deux têtes de l’exécutif dans les semaines et les mois à venir.

Une victoire douce-amère pour celui qui a été parmi les premiers à croire en Macron, avant son élection à la présidence, celui qui lui a mis le pied à l’étrier selon certains.

Une victoire forcée, pour celui qui, année après année, espérait en vain voir sa fidélité récompensée à chaque changement d’équipe gouvernementale. 

Nul ne peut augurer des séquelles que cela laissera au niveau des deux têtes de l’exécutif dans les semaines et les mois à venir.

Nul ne peut prévoir dès à présent la nature du rapport qui va s’établir entre Macron et Bayrou, alliés historiques certes mais de tempérament opposé, le premier voulant tout contrôler, et le second voulant mener sa tâche selon sa propre vision. 

Gravité et humilité 

Pour l’instant, Bayrou est chargé de constituer un « gouvernement d’intérêt général » le plus large possible selon le vœu de Macron, avec l’objectif de réussir dans la durée et de tenir jusqu’à la prochaine présidentielle en 2027.

En prenant ses fonctions à Matignon, l’intéressé a reconnu avec gravité et humilité la difficulté de sa mission dans un pays fragmenté politiquement et en proie à une grave crise financière.

« Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation », a-t-il assuré en évoquant « l’Himalaya qui se dresse devant nous », allusion faite à la dette abyssale accumulée par la France, à l’éparpillement politique qui entrave toute avancée réformatrice et à la désillusion des Français face à leur classe politique.

Bayrou un poids lourd de la vie politique française avec 40 ans d’expérience à son actif, s’estime à la hauteur du défi se comparant à un rugbyman et affirmant qu’en politique « vous êtes dans une mêlée ouverte. Certains n’aiment pas ça, moi j’aime ».

Nommé au poste de garde des sceaux dans le premier gouvernement de Macron, il a dû se désister suite à sa mise en cause dans une affaire judiciaire, se contentant depuis à veiller sur la bonne représentation de son groupe centriste au sein de chaque nouveau gouvernement.

Occupant jusqu’à sa nomination à la tête du gouvernement le poste de maire de Pau, Bayrou a brigué la présidence de la République à trois reprises, d’abord sous les couleurs de « l’UDF » puis du « Modem ».

Issu d’une famille d’agriculteurs modestes, ce professeur de lettre a roulé sa bosse en occupant tour à tour toute sorte de mandat, conseiller général en 1982 puis député et député européen, et président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, sans oublier son portefeuille ministériel à l’éducation nationale. 

En 2017, il a renoncé à concourir une quatrième fois pour rallier Macron, à l’époque jeune candidat, dont il a été l’un des premiers à croire en son destin politique, scellant ainsi une alliance indéfectible avec le chef de l’Etat.

Nommé au poste de garde des sceaux dans le premier gouvernement de Macron, il a dû se désister suite à sa mise en cause dans une affaire judiciaire, se contentant depuis à veiller sur la bonne représentation de son groupe centriste au sein de chaque nouveau gouvernement.

La chute spectaculaire de l’ancien premier ministre Michel Barnier, au bout de 91 jours passés à Matignon, survenue après celle du jeune premier ministre Gabriel Attal qui a tenu un peu plus de six mois l’a fait sortir de sa réserve et de s’imposer face au président de la République.

Ce dernier, n’ignore d’ailleurs pas que pour Bayrou la fidélité ne rime pas avec le renoncement et l’oubli de soi, bien au contraire tout au long de son parcours Bayrou a tenu à protéger son indépendance.

Sa relation privilégiée avec le chef de l’Etat ne l’a jamais empêché de marquer sa différence, et de sauvegarder l’indépendance de son mouvement politique, tout comme il l’avait fait en refusant de fusionner avec l'«UMP» de l’ancien président Jacques Chirac, et en résistant à des tentatives similaires de la part de son successeur Nicolas Sarkozy.

Ses proches disent qu’il voudrait s’imposer comme le sauveur du second et dernier mandat présidentiel de Macron, abîmé par une dissolution brutale de l’Assemblée nationale, décision qu’il a par ailleurs fustigé et qualifié d’incompréhensible.

Le voilà donc aux manettes, face à un parlement doté d’une répartition des forces inédites, avec trois blocs parlementaires de taille presque égale et dépourvus de majorité absolue, mais possédant une capacité de nuisance qui constitue une épée de Damoclès pour tout gouvernement.

Sans ignorer la difficulté que cela représente, Bayrou connu pour être un homme de consensus estime pouvoir jouer un rôle fédérateur, en cherchant à former un gouvernement composé « de personnalités de caractère » ouvertes au dialogue, selon ses dires.

Chantre du dépassement du clivage droite-gauche, vanté par Macron lui-même d’ailleurs, il va chercher à stabiliser le pays en s’adossant sur un « pacte de non-censure » qui consiste à éviter le recours à l’article 49-3 de la constitution pour adopter des lois sans l’approbation des députés en échange d’une promesse de non-recours à la motion de censure de la part des blocs politiques.

Un pari qui a le mérite d’être tenté dans un pays rendu ingouvernable et voué au blocage depuis les législatives anticipées du printemps dernier, un pari que Bayrou estime être le mieux placé pour le relever, armé de son expérience, de sa patience et de son aptitude à l’échange et au dialogue.


Dix passeurs présumés jugés pour un naufrage meurtrier dans la Manche

Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
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  • Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés
  • La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche

LILLE: Dix hommes, dont huit Afghans, sont jugés à partir de lundi à Lille pour leur rôle présumé de passeurs dans le naufrage d'une embarcation clandestine qui avait fait quatre morts et quatre disparus dans la Manche en décembre 2022.

Parti entre 1H00 et 1H30 du matin dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, le canot, qui transportait en majorité des migrants afghans, avait fait naufrage à quelques kilomètres des côtes anglaises.

Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés.

La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche.

Selon les éléments de l'enquête, alors que les migrants gonflaient le bateau avant le départ, plusieurs ont entendu une détonation, synonyme selon eux de crevaison. Les passeurs leur ont dit de ne pas s'en faire et qu'il s'agissait du seul bateau disponible pour eux.

D'après les témoignages des rescapés, il n'y avait pas assez de gilets de sauvetage pour tout le monde et aucune des personnes décédées n'en portait un. La température était glaciale et la mer très agitée.

Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l'eau à entrer dans l'embarcation, jusqu'à atteindre les genoux des passagers. Paniqués, ils se sont mis debout pour tenter de faire signe à un bateau. Mais le fond du canot, peu solide, a ployé sous leur poids et celui de l'eau, et tous se sont retrouvés à l'eau.

Neuf des prévenus sont jugés, jusqu'à vendredi, pour homicide involontaire par violation d'une obligation de sécurité, deux d'entre eux le sont pour blanchiment, tous pour aide au séjour irrégulier. Huit sont afghans, un syrien, un irakien.

Certains des prévenus sont soupçonnés d'avoir recruté des passeurs et assuré la logistique auprès des passagers, d'autres d'avoir géré l'organisation sur le camp de migrants de Loon-Plage (Nord), où vivaient les migrants avant leur tentative de traversée, toujours selon les éléments de l'enquête. D'autres encore sont jugés pour s'être occupés du transport des migrants vers la plage et de la mise à l'eau du canot, et deux pour avoir collecté une partie des paiements.

Le mineur sénégalais qui pilotait le canot est, lui, inculpé dans le cadre d'une procédure au Royaume-Uni.

Apparu en 2018, le phénomène des traversées de la Manche en petites embarcations est à l'origine de nombreux naufrages, le plus meurtrier ayant coûté la vie à 27 personnes en novembre 2021.

Depuis le début de l'année, au moins 15 migrants sont morts dans la Manche, bras de mer parmi les plus fréquentés du monde et où les conditions météorologiques sont souvent difficiles, selon un décompte de l'AFP à partir de chiffres officiels. En 2024, 78 étaient morts ainsi, un record.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».