Décès de Jean-Marie Le Pen, figure de proue de l'extrême droite française

 Jean-Marie Le Pen, décédé mardi à l'âge de 96 ans, était le croquemitaine de l'extrême droite dans la politique française, rejetant tristement l'Holocauste comme un détail de l'histoire et passant un demi-siècle à attiser la colère contre l'immigration.. (AFP)
 Jean-Marie Le Pen, décédé mardi à l'âge de 96 ans, était le croquemitaine de l'extrême droite dans la politique française, rejetant tristement l'Holocauste comme un détail de l'histoire et passant un demi-siècle à attiser la colère contre l'immigration.. (AFP)
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Publié le Mardi 07 janvier 2025

Décès de Jean-Marie Le Pen, figure de proue de l'extrême droite française

  • Ancien parachutiste, M. Le Pen a provoqué une onde de choc en France en 2002 lorsqu'il s'est hissé au second tour de l'élection présidentielle, remportée par Jacques Chirac
  • M. Le Pen, qui semblait plus à l'aise dans le rôle de provocateur que dans celui de futur président, a semblé aussi surpris que tout le monde par sa percée spectaculaire

PARIS: Jean-Marie Le Pen, décédé mardi à l'âge de 96 ans, était le croquemitaine de l'extrême droite dans la politique française, rejetant tristement l'Holocauste comme un détail de l'histoire et passant un demi-siècle à attiser la colère contre l'immigration.

Le cofondateur du Front national d'extrême droite, rebaptisé par la suite Rassemblement national, a finalement été exclu du parti par sa fille Marine pour antisémitisme.

Ancien parachutiste, M. Le Pen a provoqué une onde de choc en France en 2002 lorsqu'il s'est hissé au second tour de l'élection présidentielle, remportée par Jacques Chirac.

M. Le Pen, qui semblait plus à l'aise dans le rôle de provocateur que dans celui de futur président, a semblé aussi surpris que tout le monde par sa percée spectaculaire.

Des années plus tard, il s'est vanté que la montée de l'extrême droite en Europe montrait que ses idées étaient devenues courantes.

Né le 20 juin 1928 dans le port de La Trinité-sur-Mer, en Bretagne occidentale, il est le fils d'une couturière et d'un pêcheur.

Le bateau de pêche de son père a sauté sur une mine pendant la Seconde Guerre mondiale, le tuant - une perte qui a durement touché le jeune Le Pen.

 Accro à la guerre coloniale 

Soucieux de voir de l'action, Le Pen se porte volontaire pour participer à deux guerres dans les colonies françaises : la première guerre d'Indochine (1946-1954) au Viêt Nam, puis l'Algérie (1954-1962).

Peu après son retour d'Algérie, il se lance dans la politique et devient, à 27 ans, le plus jeune député de France lors de son élection au Parlement en 1956.

Mais il ne peut résister à l'attrait du champ de bataille.

La même année, il participe à l'expédition militaire franco-britannique pour s'emparer du canal de Suez et, quelques années plus tard, il rejoint les forces qui luttent pour que l'Algérie reste française.

Comme au Viêt Nam, il est furieux de voir la France perdre ses possessions coloniales et accuse Charles de Gaulle, héros de la Seconde Guerre mondiale, d'avoir "contribué à rendre la France petite" en accordant l'indépendance à l'Algérie.

Orateur consommé et avocat de formation, il a su exploiter la colère des droitiers nostalgiques de l'empire et des colons français contraints de fuir le pays d'Afrique du Nord.

Le cache-œil qu'il a porté pendant de nombreuses années ajoutait à son air pugiliste.

Des années plus tard, Le Pen a révélé qu'il avait perdu son œil en enfonçant un piquet de tente dans un trou, et non, comme on l'a cru, au cours d'une rixe.

Appartement bombardé 

En 1972, il cofonde le Front national (FN), présenté comme un parti "national, social et populaire", et deux ans plus tard, il se présente pour la première fois à l'élection présidentielle.

Les premières années ont été tumultueuses, son racisme et son antisémitisme affichés touchant une corde sensible dans un pays encore hanté par le régime collaborationniste de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale.

En 1976, une bombe a explosé dans l'immeuble parisien où Le Pen vivait avec sa femme Pierrette et ses trois filles, blessant légèrement six personnes mais épargnant les Le Pen.

Huit ans plus tard, Pierrette a rompu le mariage, refaisant surface peu après pour poser presque nue pour le magazine Playboy dans une tenue de femme de chambre française - sa réponse directe au conseil de son mari de trouver un emploi de femme de ménage.

La première grande percée électorale du FN a eu lieu au milieu des années 1980, lorsque le parti a obtenu 35 sièges au parlement.

Mais sa fortune a fortement fluctué au cours des deux décennies suivantes, en partie à cause de changements dans le système électoral qui ont favorisé les grands partis.

Le message de M. Le Pen est toutefois resté inchangé : l'immigration, l'élite politique et l'Union européenne sont autant de thèmes malmenés, même s'il a lui-même été membre du Parlement européen pendant plus de 30 ans.

En 2007, M. Le Pen a affirmé que Nicolas Sarkozy, fils d'un immigré hongrois qui a remporté la présidence, n'était pas suffisamment français pour occuper cette fonction.

Il a averti à plusieurs reprises que l'immigration africaine allait "submerger" le pays et a affirmé que l'occupation nazie de la moitié nord de la France pendant la Seconde Guerre mondiale n'était "pas particulièrement inhumaine".

Mais ce sont les commentaires sur l'Holocauste, qu'il a qualifié à plusieurs reprises de "détail" de l'histoire, qui ont le plus choqué.

Cette remarque a valu à l'homme politique d'être surnommé le "Diable de la République" et de faire partie d'une série de condamnations pour antisémitisme et racisme.

Elle a également creusé un fossé entre lui et sa fille Marine, qui s'est lancée dans une mission de nettoyage de l'image du FN après avoir pris la tête du parti en 2011.

Elle a appelé ce processus "dé-diabolisation", dans un clin d'œil à l'héritage laissé par son père.

Qu'est-ce qu'un nom ?  

Quatre années de cohabitation politique difficile entre le père et la fille se sont terminées par une dispute brûlante en 2015, lorsque le cadet des Le Pen l'a exclu du parti pour ses propos sur l'Holocauste.

L'humiliation ultime pour Le Pen père est survenue lorsque Marine a abandonné la marque Front national au début de l'année 2018.

"Elle devrait se suicider pour couper les ponts avec moi", avait-il déclaré au Journal du Dimanche.

Une autre ignominie l'attendait cependant.

Sa petite-fille adorée, Marion Maréchal-Le Pen, ancienne députée télégénique pressentie comme futur leader de l'extrême droite, a également pris ses distances avec la marque familiale.

Elle a supprimé le nom Le Pen sur ses comptes de médias sociaux, devenant simplement Marion Maréchal.

"Marion pense peut-être que c'est un poids trop lourd à porter", a déclaré son grand-père.

Son ancien parti, devenu le Rassemblement national, a depuis fait des percées significatives dans la politique européenne et française sous la houlette de Marine Le Pen.

Il a enregistré de fortes progressions lors des élections européennes de cette année et est devenu le premier parti lors des élections générales qui ont suivi en France.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.