Crise judiciaire et politique à New York, où des procureurs s'opposent à Trump

Le maire de New York, Eric Adams, s'exprime lors du petit-déjeuner interreligieux annuel à la bibliothèque publique de New York, le 30 janvier 2025. Le 10 février 2025. (Photo Yuki IWAMURA / AFP)
Le maire de New York, Eric Adams, s'exprime lors du petit-déjeuner interreligieux annuel à la bibliothèque publique de New York, le 30 janvier 2025. Le 10 février 2025. (Photo Yuki IWAMURA / AFP)
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Publié le Samedi 15 février 2025

Crise judiciaire et politique à New York, où des procureurs s'opposent à Trump

  • Les pressions de l'administration Trump sur la justice pour épargner au maire de New York un procès en corruption, avec les expulsions de migrants en toile de fond, se sont heurtées à la résistance des procureurs.
  • la procureure fédérale Danielle Sassoon a remis sa démission jeudi, suivie par l'un de ses adjoints et, d'après le New York Times, cinq autres responsables de l'unité chargée de la lutte contre la corruption au ministère de la Justice.

NEW-YORK : Les pressions de l'administration Trump sur la justice pour épargner au maire de New York un procès en corruption, avec les expulsions de migrants en toile de fond, se sont heurtées à la résistance des procureurs et ont provoqué une crise politique dans la plus grande ville américaine.

Vendredi soir, dans un nouvel épisode de ce feuilleton, trois procureurs fédéraux basés à Washington, dont le numéro 2 du ministère de la Justice, Emil Bove, ont enfin formellement transmis au juge chargé du dossier à New York la demande de lever les poursuites contre le maire démocrate Eric Adams.

Le juge fédéral Dale Ho devra valider cette requête, qui provoque depuis plusieurs jours une crise politique et judiciaire et a abouti à la démission de sept procureurs ayant refusé d'obéir aux ordres à New York et à Washington.

« Je veux être très clair avec les New-Yorkais : je n'ai jamais offert, et personne ne l'a fait en mon nom, mon autorité de maire contre la fin de mon dossier judiciaire », a assuré vendredi le maire de la mégapole de plus de 8 millions d'habitants, contre qui les appels à la démission dans son camp ont redoublé.

Un peu plus tôt vendredi, son apparition, tout sourire, sur le plateau de la chaîne préférée des conservateurs Fox News, en compagnie de Tom Homan, surnommé le « tsar des frontières » et responsable du programme d'expulsions massives d'immigrés clandestins promis par Donald Trump, a de nouveau illustré son rapprochement avec la droite.

La veille, il s'est dit prêt à collaborer davantage avec l'administration Trump sur le sujet des expulsions de migrants, alors que les associations qui les défendent craignent des violations des droits humains.

- « Carotte et bâton » -

Lundi, le ministère de la Justice a ordonné aux procureurs fédéraux de Manhattan de lever les charges de corruption qui pesaient sur Eric Adams dans le cadre d'une vaste affaire de financement illégal de campagne et de pots-de-vin impliquant la Turquie.

Mais cette ingérence politique dans une affaire judiciaire a rencontré la résistance du parquet de Manhattan, habitué aux dossiers sensibles. Refusant de s'exécuter devant le pouvoir, la procureure fédérale Danielle Sassoon a remis sa démission jeudi, suivie par l'un de ses adjoints et, d'après le New York Times, cinq autres responsables de l'unité chargée de la lutte contre la corruption au ministère de la Justice.

Danielle Sassoon, réputée conservatrice, a justifié sa décision en affirmant qu'obéir à cette injonction reviendrait à « rejeter un acte d'accusation établi par un grand jury (de citoyens) pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la solidité du dossier ».

« Dans aucun régime de liberté, on ne peut permettre au gouvernement d'utiliser la carotte de l'abandon de poursuites, ou le bâton de la menace d'un nouveau procès, pour inciter un élu à soutenir ses objectifs politiques », a renchéri son adjoint Hagan Scotten, un vétéran de l'armée américaine qui dirigeait l'enquête sur Eric Adams, dans un courriel de démission.

Emil Bove, ancien avocat de Donald Trump, avait clairement indiqué que « les poursuites en cours ont indûment restreint la capacité du maire Adams à consacrer toute son attention et ses ressources à la lutte contre l'immigration illégale et la criminalité ».

- Watergate -

Ces refus sont « un affront et un acte de défiance extraordinaires et remarquables », souligne à l'AFP l'ancien procureur de New York et professeur de droit à l'université Pace, Bennett Gershman.

Cet épisode lui rappelle les démissions en cascade de hauts magistrats en 1973, dont le ministre de la Justice de l'époque, pour refuser d'exécuter les ordres de l'ancien président Richard Nixon dans le scandale du Watergate.

Donald Trump a relativisé les démissions des magistrats, assurant qu'ils auraient « de toute façon tous été limogés ».

Dès son inculpation en septembre, Eric Adams a refusé de démissionner, arguant que ses ennuis judiciaires étaient dus à ses désaccords avec le président démocrate de l'époque, Joe Biden, sur l'immigration.

New York, bastion démocrate et progressiste, a un statut de « ville sanctuaire » voté par ses élus, qui prévoit une limitation de la coopération avec les agents fédéraux chargés de lutter contre l'immigration clandestine.

Mais les capacités d'accueil de la ville ont été durement mises à l'épreuve depuis le printemps 2022 avec l'arrivée de plus de 200 000 migrants en deux ans, logés en urgence dans des hôtels réquisitionnés ou des centres d'hébergement.

Plusieurs élus démocrates, dont l'égérie de la gauche américaine et élue new-yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez, ont demandé à la gouverneure de l'État de New York, Kathy Hochul, de révoquer le maire en vertu de ses pouvoirs. Sa succession se jouera lors d'une primaire démocrate au printemps et lors de l'élection en novembre 2025.


La BBC doit «se battre» pour défendre son journalisme, dit le DG sortant

Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC". (AFP)
Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC". (AFP)
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  • Tim Davie, qui a démissionné dimanche, a reconnu qu'une "erreur" avait été commise dans un documentaire sur le président américain diffusé en octobre 2024, selon ses propos tenus lors d'une visioconférence avec les employés du groupe audiovisuel public
  • Le groupe audiovisuel public britannique est dans la tourmente après avoir réalisé, pour ce documentaire diffusé dans son magazine d'information phare "Panorama", un montage trompeur d'un discours de Donald Trump

LONDRES: La BBC doit "se battre" pour défendre son journalisme, a déclaré mardi le directeur général sortant de la BBC, Tim Davie, alors que le groupe public britannique est menacé de plainte en diffamation par Donald Trump.

Tim Davie, qui a démissionné dimanche, a reconnu qu'une "erreur" avait été commise dans un documentaire sur le président américain diffusé en octobre 2024, selon ses propos tenus lors d'une visioconférence avec les employés du groupe audiovisuel public, rapportés par la chaîne BBC News.

Le groupe audiovisuel public britannique est dans la tourmente après avoir réalisé, pour ce documentaire diffusé dans son magazine d'information phare "Panorama", un montage trompeur d'un discours de Donald Trump, le 6 janvier 2021, qui donnait l'impression que le président sortant incitait explicitement ses partisans à une action violente contre le Congrès.

"Nous avons fait une erreur, et il y a eu un manquement à nos règles éditoriales", a reconnu Tim Davie, expliquant qu'il avait assumé sa "part de responsabilité" en démissionnant.

Il n'a toutefois pas mentionné directement la menace d'action en justice lancée par Donald Trump, ni la date de son départ effectif, lors de cette visioconférence avec le président de la BBC, Samir Shah.

Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC".

"Mais nous nous en sortirons", et "nous devons nous battre pour défendre notre journalisme", a-t-il insisté.

"Nous sommes une organisation unique et précieuse, et je vois la liberté de la presse mise à rude épreuve, je vois son instrumentalisation", a-t-il encore ajouté.


Le président allemand demande à son homologue algérien de gracier l'écrivain Boualem Sansal

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
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  • "Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays"
  • Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...)"

BERLIN: Le président allemand a exhorté lundi son homologue algérien à gracier l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis un an en Algérie et au coeur d'une grave crise diplomatique entre Alger et Paris.

Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...) et de son état de santé fragile".

"Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays", a estimé le président allemand, dans un communiqué.

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs.

Selon des spécialistes à Alger, le fait que la présidence et la télévision publique reprennent les éléments de langage du président allemand peut être perçu comme un signe positif.

Mais aucune indication n'a été donnée quant au calendrier de la prise de décision par le président algérien.

Dans une longue interview accordée en septembre dernier, le président Abdelmadjid Tebboune avait par ailleurs évoqué la possibilité de se rendre en Allemagne fin 2025 ou début 2026.

Arrêté à Alger le 16 novembre 2024, le romancier et essayiste franco-algérien Boualem Sansal a été condamné en appel en juillet à cinq ans de réclusion pour avoir notamment déclaré que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Jeudi, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait souligné que la France menait un "dialogue exigeant" avec Alger pour obtenir la libération de Boualem Sansal.

L'affaire s'inscrit dans un contexte d'hostilité entre Paris et Alger, qui sont empêtrés depuis plus d'un an dans une crise diplomatique sans précédent qui s'est traduite par des expulsions de fonctionnaires de part et d'autre, le rappel des ambassadeurs des deux pays et des restrictions sur les porteurs de visas diplomatiques.


La BBC, dans l'oeil du cyclone, sommée de s'expliquer

Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
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  • La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire
  • La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès

LONDRES: Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump.

La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire de son magazine d'information phare, "Panorama", diffusé en octobre 2024, une semaine avant la présidentielle américaine.

La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès pour se "battre comme des diables".

Or, dans la phrase originale, M. Trump disait: "Nous allons marcher vers le Capitole et nous allons encourager nos courageux sénateurs et représentants et représentantes au Congrès". L'expression "se battre comme des diables" correspondait à un autre passage du discours.

Face à la polémique grandissante, son directeur général, Tim Davie, et la patronne de la chaîne d'information du groupe BBC News, Deborah Turness, ont annoncé dimanche leur démission, qui fait la Une des journaux lundi.

Le président américain a dénoncé les "journalistes corrompus" et "malhonnêtes" de la BBC, sur son réseau Truth Social.

Le président du conseil d'administration du groupe, Samir Shah, doit s'excuser et s'expliquer dans une réponse écrite aux questions de la commission parlementaire sur la culture sur cette affaire, et sur d'autres accusations de partialité sur la couverture de la guerre à Gaza.

"La BBC doit répondre à de graves questions concernant ses normes éditoriales et la manière dont la direction gère les problèmes", a jugé la présidente de la commission, Caroline Dinenage, estimant que le groupe public "se devait d'être exemplaire" face à la montée de la désinformation.

Lundi, la patronne démissionnaire de BBC News a de nouveau assuré qu'il n'y avait "pas de partialité institutionnelle" sur la chaîne, qui a produit le programme mis en accusation.

 

- "Violation des règles" -

 

La classe politique a quasi unanimement critiqué la BBC pour sa gestion de l'affaire, qui tombe d'autant plus mal que le groupe audiovisuel doit renégocier d'ici fin 2027 son nouveau contrat de mission avec le gouvernement.

La cheffe de l'opposition, Kemi Badenoch, a déploré "un catalogue de graves défaillances". Le chef du parti d'extrême droite Reform UK, Nigel Farage, a appelé à "un changement de fond en comble" du groupe public.

La BBC tire une grande part de ses ressources de la redevance annuelle (174,50 livres, soit 198 euros), payée par 22,8 millions de foyers, soit 3,8 milliards de livres.

Samir Shah a dit espérer que le futur directeur général du groupe, dont la nomination pourrait prendre plusieurs mois, "façonnerait positivement" le prochain contrat de mission. la ministre de la Culture, Lisa Nandy, qui a qualifié la situation d'"extrêmement grave", a affirmé que le futur contrat aiderait la BBC à "garantir son rôle" auprès du public.

Le chef du parti libéral démocrate (centriste), Ed Davey, a appelé le Premier ministre Keir Starmer, et la classe politique en général, à défendre la BBC face à Donald Trump et la sphère Maga. "Il est facile de voir pourquoi Trump veut détruire la première source d'information dans le monde. Nous ne pouvons pas le laisser faire", a-t-il prévenu sur la plateforme X.

Le Telegraph a eu connaissance d'une note interne rédigée par l'ancien conseiller indépendant du comité des normes éditoriales de la BBC, Michael Prescott, dans laquelle il suggérait que des erreurs avaient été commises dans le montage. Il affirme que les responsables chargés des normes éditoriales du groupe auprès de qui il a soulevé le problème ont nié toute violation des règles.

En octobre, le régulateur des médias avait épinglé la BBC pour avoir "enfreint les règles de diffusion" à propos d'un reportage à Gaza dans lequel le narrateur principal, un enfant, était le fils d'un haut responsable du mouvement islamiste palestinien Hamas.