2024, une mauvaise année pour les investissements étrangers en France

Moins de projets d'investissements et à la clé moins d'emplois: la France a perdu en attractivité en 2024, entre instabilité politique et contexte international inédit, selon les chiffres dévoilés mardi par le ministre délégué au Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin. (AFP)
Moins de projets d'investissements et à la clé moins d'emplois: la France a perdu en attractivité en 2024, entre instabilité politique et contexte international inédit, selon les chiffres dévoilés mardi par le ministre délégué au Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin. (AFP)
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Publié le Mercredi 05 mars 2025

2024, une mauvaise année pour les investissements étrangers en France

  • "Le nombre de décisions d'investissements internationaux s'est contracté de 7% en 2024", annonce-t-il dans un entretien au journal Les Echos, précisant que le chiffre s'est établi l'an dernier à "1.688 projets"
  • Plus impressionnante, la forte baisse des promesses d'emplois liées aux décisions d'investissements, "en repli de 36% sur un an", selon le ministre

PARIS: Moins de projets d'investissements et à la clé moins d'emplois: la France a perdu en attractivité en 2024, entre instabilité politique et contexte international inédit, selon les chiffres dévoilés mardi par le ministre délégué au Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin.

"Le nombre de décisions d'investissements internationaux s'est contracté de 7% en 2024", annonce-t-il dans un entretien au journal Les Echos, précisant que le chiffre s'est établi l'an dernier à "1.688 projets".

Plus impressionnante, la forte baisse des promesses d'emplois liées aux décisions d'investissements, "en repli de 36% sur un an", selon le ministre.

Des chiffres qui dressent un tableau sombre de l'économie française en 2024, mais que Laurent Saint-Martin tient à relativiser: la baisse du nombre de projets "est plus faible que chez nos voisins européens notamment. Cela nous maintient toujours largement au-dessus des niveaux pré-Covid, ce qui démontre que la France reste un pays très attractif pour les entreprises étrangères".

De même, concernant l'effondrement des promesses d'emploi, Laurent Saint-Martin demande de "remettre ce chiffre en perspective après des années 2022 et 2023 post-Covid exceptionnelles", et ajoute que "cette baisse sur l'emploi s'observe aussi chez nos voisins".

Pour expliquer cette érosion de l'attractivité de la France, le ministre met en avant "un contexte international extrêmement complexe, qui plus est marqué par un ralentissement économique dans de nombreux pays, et dans un contexte hexagonal marqué par un certain attentisme dû à l'incertitude économique et politique".

Ces chiffres issus du rapport annuel de Business France, qui seront officialisés mercredi matin, font écho à ceux de la Chambre de commerce américaine en France (AmCham), publiés mardi. Ces derniers mettent en avant l'influence de l'incertitude politique et budgétaire en France sur le moral des investisseurs américains.

En 2024, la France a connu quatre chefs de gouvernement différents, une dissolution de l'Assemblée nationale, la première adoption d'une motion de censure depuis plus de 60 ans, et son budget pour 2025 a été adopté avec plusieurs semaines de retard.

D'après l'AmCham, une majorité d'investisseurs américains estime que la dissolution de l'Assemblée nationale en juin (51%) et la chute du gouvernement Barnier en décembre (78%) ont affecté négativement leurs investissements en France ou l'attractivité du pays, selon cette enquête effectuée auprès de 151 entreprises américaines représentant plus de 95 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 220.000 employés en France.

Face à Trump, l'Europe "prête à riposte" 

Alors que les Etats-Unis y sont le premier investisseur étranger, la perception de la France par les maisons mères s'est dégradée en 2024: 36% la jugent bonne et 3% excellente, contre 45% et 7% en 2023.

"Le baromètre de l'AmCham a été effectué au pire moment, en pleine censure du gouvernement Barnier et alors qu'il n'y avait pas de budget adopté", a répliqué Laurent Saint-Martin dans Les Echos.

Par ailleurs, le nombre de projets d'investissements se maintient "toujours largement au-dessus des niveaux pré-Covid, ce qui démontre que la France reste un pays très attractif pour les entreprises étrangères", argue Laurent Saint-Martin.

Il se montre optimiste pour les mois à venir: "J'observe que les premiers signaux de l'année 2025 sont extrêmement bons et nous confortent dans l'idée que l'incertitude et l'attentisme des investisseurs sont désormais largement derrière nous".

Si la politique intérieure a retrouvé davantage de stabilité depuis l'adoption du budget début février, le contexte international est en revanche plus chaotique que jamais, sur fond de guerre commerciale menée par Donald Trump.

Le président américain, qui a annoncé des mesures contre la Chine, le Canada et le Mexique, a également l'Europe, et donc la France, dans son viseur, ce qui pourrait encore ralentir les investissements américains en France.

Les hausses de droits de douane décidées par Donald Trump "auront des impacts négatifs pour tout le monde" et "d'abord aux États-Unis", prévient le ministre du Commerce extérieur, avertissant que "l'Europe est prête à riposter". "Si vous montrez de la faiblesse face à Donald Trump, vous risquez de perdre encore plus", a justifié Laurent Saint-Martin.

 


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".